jeudi 23 avril 2015

COTE 137 . 27 . RÊVE ET RÉALITÉ

    Martial sous un déluge de feu .

    Depuis deux jours , l'artillerie lourde des chleus pilonne le secteur . Comme nous
sommes en avant sur la ligne de front (cote 137) , l'essentiel de la ferraille passe au-
dessus de nos têtes . Martial dort . Ses lèvres sont gonflées comme celles d'un enfant
juste sevré . Il bave dans son casque .

    Le lendemain de cette pluie d'obus (pour autant la pluie naturelle n'a pas cessé) ,
Martial est debout près de moi , baïonnette au canon , dans l'attente d'une probable
attaque .

- Moi : "Tu as bien dormi ?"
- Martial : "Oui … pourquoi ? …"
- Moi : "…………..?……………"
- Martial : "J'ai dormi longtemps ?"
- Moi : "Deux jours … comment peux-tu ? … une marmite a pété à 30 mètres …
tu ne t'es pas réveillé !!!"
- Martial : "J'étais fatigué …"
- Moi : "…………………  "

    Le silence après deux jours de bombardement fige tout , même le bruit des gouttes
de pluie sur les capotes .

- Martial : "T'ai-je dit que j'ai bien dormi ?"
- Moi : "Tu l'as dit …"

    A cent mètres , dans le brouillard , des formes hurlantes se lèvent . Les boches
attaquent . Notre mitrailleuse entre en action . Tac-tac-tac , trois silhouettes s'effondrent
dans les barbelés .

- Martial : "J'ai fait un cauchemar …"
- Moi : "……………….."
- Martial : "Un horrible cauchemar …"
- Moi : "……………….."
- Martial : "Je te raconte ?"
- Moi : "Je t'écoute"
- Martial : "J'ai rêvé que j'étais dans une tranchée , sous un bombardement effroyable ,
tu n'as pas idée ! … je pissais dans mon froc …"

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