18 septembre 1498
En réponse à votre lettre du 17 septembre , je vous confirme que
votre sujet , Tomàs de Torquemada , est arrivé chez nous . A l'accueil ,
il a été constaté ceci : Tomàs de Torquemada transporte dans les plis de
sa soutane une forte odeur de bûcher , raison pour laquelle nous l'avons
placé en observation . Il ressort d'un premier examen que le-dit Tomàs
a oeuvré pour la Gloire de mon Père . J'en connais d'autres dans son
genre qui ne m'ont pas fait de cadeaux quand je suis descendu chez
vous au premier siècle de notre ère . C'est pourquoi nous avons attribué
à monsieur de Torquemada un logement au bout de la ligne B du RER
où il sera théoriquement hors d'état de nuire .
Cordialement .
mardi 29 avril 2014
COTE 137 . 4 . PENSÉE
Martial et moi pelions des patates cuites à l'eau .
- Martial : "Aujourd'hui est un grand jour !"
- Moi : "Un grand jour ? … il pleut comme hier … et il pleuvra demain …
enterrés à cent mètres de la cote 137 depuis …" Je réfléchis … "depuis
pas loin de 400 jours …"
- Martial ; "Non , mon vieux ! … depuis EXACTEMENT 400 jours…
j'ai compté …"
- Moi : "Et alors ? … en quoi aujourd'hui est un grand jour ? … Le 400e
jour sous la flotte … le 400e jour dans la boue ! … putain de 400e jour !"
- Martial , grandiose : "La 400e pensée !"
- Moi : "………….?………………"
- Martial : "Tu veux savoir quelle est la 400e pensée ?" . Il tenait dans une
main une patate chaude et levait de l'autre , vers le ciel de Craonne , la
pointe de son couteau .
- Moi : "Je ne vois pas de quoi tu parles , Martial … mais dis toujours "
- Martial , tel un prophète : "La vie est une illusion !"
- Moi : "…………..?……………….."
- Martial . Il s'était remis à peler . "C'est beau , non ? …" . Et il répétait
en pelant : "La vie est une illusion … la vie est une illusion … la vie est …"
Il testait des intonations différentes : l'emphatique , la déclamatoire , la
carrément pompeuse , la tragique , la rigolarde , la définitive , comme s'il
essayait aux mots un costume de scène .
- Moi : "Ça ne veut rien dire !"
- Martial : "Non"
- Martial : "Aujourd'hui est un grand jour !"
- Moi : "Un grand jour ? … il pleut comme hier … et il pleuvra demain …
enterrés à cent mètres de la cote 137 depuis …" Je réfléchis … "depuis
pas loin de 400 jours …"
- Martial ; "Non , mon vieux ! … depuis EXACTEMENT 400 jours…
j'ai compté …"
- Moi : "Et alors ? … en quoi aujourd'hui est un grand jour ? … Le 400e
jour sous la flotte … le 400e jour dans la boue ! … putain de 400e jour !"
- Martial , grandiose : "La 400e pensée !"
- Moi : "………….?………………"
- Martial : "Tu veux savoir quelle est la 400e pensée ?" . Il tenait dans une
main une patate chaude et levait de l'autre , vers le ciel de Craonne , la
pointe de son couteau .
- Moi : "Je ne vois pas de quoi tu parles , Martial … mais dis toujours "
- Martial , tel un prophète : "La vie est une illusion !"
- Moi : "…………..?……………….."
- Martial . Il s'était remis à peler . "C'est beau , non ? …" . Et il répétait
en pelant : "La vie est une illusion … la vie est une illusion … la vie est …"
Il testait des intonations différentes : l'emphatique , la déclamatoire , la
carrément pompeuse , la tragique , la rigolarde , la définitive , comme s'il
essayait aux mots un costume de scène .
- Moi : "Ça ne veut rien dire !"
- Martial : "Non"
lundi 28 avril 2014
PHILOMÈNE BEAUGENOU
Je suis le troisième serviteur de la parabole .
"Car c'est comme un homme qui , s'en allant hors du pays , appela ses propres
serviteurs . Et à un il donna cinq talents , à un autre deux talents , à un autre un
talent ; à chacun selon sa propre capacité ; et aussitôt il s'en alla hors du pays "
( Math 25 : 14 , 15 )
Côté filles , j'ai eu un talent mais , au lieu de le dépenser en conquêtes comme
les serviteurs mieux dotés , j'enterrai le mien au fond du jardin . Les demoiselles
tournaient autour de moi et pas les plus laides . Je feignais de ne pas les voir car ,
avec un seul talent , je n'avais pas le droit à l'erreur . Je devais taper dans le mille
une fois pour toutes . Aussi j'hésitais à me lâcher . Les soirs de déprime , j'allais
dans le noir au fond du jardin et je déterrais mon talent . L'argent s'oxydait mais
ça me rassurait : mon talent était presque intact ; un jour , je m'en servirais . Au-
tour de moi , on se bécotait , on flirtait , on se caressait , on copulait . Moi , j'at-
tendais mon heure .
Les occasions passaient , les années aussi . Finalement , je n'ai pas abordé
Philomène Beaugenou .
"Car c'est comme un homme qui , s'en allant hors du pays , appela ses propres
serviteurs . Et à un il donna cinq talents , à un autre deux talents , à un autre un
talent ; à chacun selon sa propre capacité ; et aussitôt il s'en alla hors du pays "
( Math 25 : 14 , 15 )
Côté filles , j'ai eu un talent mais , au lieu de le dépenser en conquêtes comme
les serviteurs mieux dotés , j'enterrai le mien au fond du jardin . Les demoiselles
tournaient autour de moi et pas les plus laides . Je feignais de ne pas les voir car ,
avec un seul talent , je n'avais pas le droit à l'erreur . Je devais taper dans le mille
une fois pour toutes . Aussi j'hésitais à me lâcher . Les soirs de déprime , j'allais
dans le noir au fond du jardin et je déterrais mon talent . L'argent s'oxydait mais
ça me rassurait : mon talent était presque intact ; un jour , je m'en servirais . Au-
tour de moi , on se bécotait , on flirtait , on se caressait , on copulait . Moi , j'at-
tendais mon heure .
Les occasions passaient , les années aussi . Finalement , je n'ai pas abordé
Philomène Beaugenou .
samedi 26 avril 2014
PARADIS 5 . LABOURS
- Dieu : "Adam ! … c'est quoi ce souk ?"
- Adam : "Eh ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que tu m'as fait là ? . Il montre … "c'est dégoûtant !"
- Adam : "Mais … "
- Dieu : "Tu es devenu fou ?"
- Adam : "Mais … c'est des labours …"
- Dieu : "Des quoi ?"
- Adam : "… des labours … je vais semer …"
- Dieu : "… semer ? …" Dieu parcourt le labour , comme sonné … "semer …
labours … qu'est-ce que ……….. c'est dégueulasse !! …"
- Adam . Il suit Dieu malaisément dans les sillons . Il est , et pour l'humanité
c'est la première fois , penaud .
- Dieu . Il s'est retourné : "Et c'est quoi autour de tes pieds ?"
- Adam . Il regarde ses pieds . "Des bottes … des bottes en caoutchouc …"
- Dieu : "………….?……………."
- Adam : "… c'est pour marcher …"
- Dieu : "Pour marcher ? … pourquoi ? … pieds nus ça va pas ? …"
- Adam : "… ben …"
- Dieu . Il hausse les épaules : "Adam ! tu me rebouches cette saloperie…
tu remets ce coin de paradis comme il était avant ! …………………………
et Ève ? … elle est où ?"
- Adam : "Elle pond"
- Dieu : "C'est pas trop tôt !" . Dans sa barbe , un poil blanc .
- Adam : "Eh ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que tu m'as fait là ? . Il montre … "c'est dégoûtant !"
- Adam : "Mais … "
- Dieu : "Tu es devenu fou ?"
- Adam : "Mais … c'est des labours …"
- Dieu : "Des quoi ?"
- Adam : "… des labours … je vais semer …"
- Dieu : "… semer ? …" Dieu parcourt le labour , comme sonné … "semer …
labours … qu'est-ce que ……….. c'est dégueulasse !! …"
- Adam . Il suit Dieu malaisément dans les sillons . Il est , et pour l'humanité
c'est la première fois , penaud .
- Dieu . Il s'est retourné : "Et c'est quoi autour de tes pieds ?"
- Adam . Il regarde ses pieds . "Des bottes … des bottes en caoutchouc …"
- Dieu : "………….?……………."
- Adam : "… c'est pour marcher …"
- Dieu : "Pour marcher ? … pourquoi ? … pieds nus ça va pas ? …"
- Adam : "… ben …"
- Dieu . Il hausse les épaules : "Adam ! tu me rebouches cette saloperie…
tu remets ce coin de paradis comme il était avant ! …………………………
et Ève ? … elle est où ?"
- Adam : "Elle pond"
- Dieu : "C'est pas trop tôt !" . Dans sa barbe , un poil blanc .
PARADIS 4 . LES OEUFS
- "Adam !" . C'est Dieu .
- Adam : "Ouais !"
- Dieu : "Nom de Dieu , Adam , combien de fois je t'ai dit ! … oui , pas ouais !"
- Adam : "……………………….."
- Dieu : " Est-ce qu'Ève a pondu ?" . ( Ève , de l'ancien hébreu hâyâh = vivre ou
mère des vivants . Dieu est un spécialiste des langues mortes NDLR )
- Adam : "Hein ?"
- Dieu : "…. des oeufs … est-ce qu'elle a pondu ? …"
- Adam : "Elle doit faire des oeufs ? …"
- Dieu : "Ben oui ! … c'est pour ça que je l'ai créée …"
- Adam : "Non … pas vu d'oeufs …"
- Dieu . Il pose sa pince multiprises Facom sur l'établi et ne lève pas les yeux au
ciel puisque le ciel , c'est ici : "Je n'y comprends rien … tu es sûr ? …" . Le pro-
blème c'est qu'au Paradis les oeufs on a du mal à les trouver parce qu'il n'y a pas
de poulailler . Les poules vivent en harmonie avec les renards et les fouines et on
n'a aucune raison de faire des poulaillers . Et c'est pareil pour la femme .
- Adam : "Elle les a peut-être faits dans un coin et qu'on sait pas où ? …"
- Dieu : "Et si tu lui demandais où elle les a faits ? …"
- Adam : "Non … pas aujourd'hui"
- Dieu : "Et pourquoi pas aujourd'hui ?"
- Adam : " … Elle boude !"
- Dieu : "Vous vous êtes disputés ? … encore ! … c'est dingue ! … j'ai créé
l'harmonie partout ! … l'hyène s'entend avec le mouton , l'araignée avec le
moucheron , jamais on n'entend cacarder le jars et l'oie et vous deux , l'homme
et la femme , vous vous engueulez pour des pécadilles ! … Adam ! … tire-toi
et demande à Ève où elle a planqué ses foutus oeufs !"
- Adam : "Ouais !"
- Dieu : "Nom de Dieu , Adam , combien de fois je t'ai dit ! … oui , pas ouais !"
- Adam : "……………………….."
- Dieu : " Est-ce qu'Ève a pondu ?" . ( Ève , de l'ancien hébreu hâyâh = vivre ou
mère des vivants . Dieu est un spécialiste des langues mortes NDLR )
- Adam : "Hein ?"
- Dieu : "…. des oeufs … est-ce qu'elle a pondu ? …"
- Adam : "Elle doit faire des oeufs ? …"
- Dieu : "Ben oui ! … c'est pour ça que je l'ai créée …"
- Adam : "Non … pas vu d'oeufs …"
- Dieu . Il pose sa pince multiprises Facom sur l'établi et ne lève pas les yeux au
ciel puisque le ciel , c'est ici : "Je n'y comprends rien … tu es sûr ? …" . Le pro-
blème c'est qu'au Paradis les oeufs on a du mal à les trouver parce qu'il n'y a pas
de poulailler . Les poules vivent en harmonie avec les renards et les fouines et on
n'a aucune raison de faire des poulaillers . Et c'est pareil pour la femme .
- Adam : "Elle les a peut-être faits dans un coin et qu'on sait pas où ? …"
- Dieu : "Et si tu lui demandais où elle les a faits ? …"
- Adam : "Non … pas aujourd'hui"
- Dieu : "Et pourquoi pas aujourd'hui ?"
- Adam : " … Elle boude !"
- Dieu : "Vous vous êtes disputés ? … encore ! … c'est dingue ! … j'ai créé
l'harmonie partout ! … l'hyène s'entend avec le mouton , l'araignée avec le
moucheron , jamais on n'entend cacarder le jars et l'oie et vous deux , l'homme
et la femme , vous vous engueulez pour des pécadilles ! … Adam ! … tire-toi
et demande à Ève où elle a planqué ses foutus oeufs !"
vendredi 25 avril 2014
KRANT 4 . LE DÉTROIT DE KURA
Nous avions passé le malaisé détroit de Kura et je donnai l'ordre de
réduire la pression . Je fis les quelques recommandations d'usage à
mon second et je fermai derrière moi la porte sur le bruit assourdissant
des 24 pistons Stirling et les 40° générés par les jets de vapeur . A chaque
quart , je vivais le passage de l'écoutille , celle qui sépare le pont des
entrailles du bâtiment et qu'on atteint par une échelle rongée , comme
une mise au monde , de la moiteur amniotique à l'air libre . La nuit
était tombée sur le golfe mais elle était tombée de façon légère et
immense : pas un nuage , pas de lune , mais le Lion , Orion et le Cygne
étalaient leurs incroyables constellations .
Je montai sur la passerelle . Le capitaine était adossé aux flancs de la
timonerie et je devinais son profil dans le rougeoiement de sa pipe dont
le fourneau lâchait des escarbilles minuscules qui tournoyaient dans le
flux engendré par notre vitesse , se mêlaient par l'arrière à la fumée du
steamer et se consumaient avant d'atteindre le sillage . Je m'approchai de
Krant et saisis à pleines mains le bastingage froid et humide ; ce contact
déchargea mes paumes brûlantes . Derrière le cordon dunaire , on voyait
sautiller les lumières de Pihtia . Nous longions les côtes basses de l'île
de Saaremaa et poursuivions notre route vers Pamu , notre destination .
La voix grave de Krant traversa cette nuit sans poids : "Chef !" ...
réduire la pression . Je fis les quelques recommandations d'usage à
mon second et je fermai derrière moi la porte sur le bruit assourdissant
des 24 pistons Stirling et les 40° générés par les jets de vapeur . A chaque
quart , je vivais le passage de l'écoutille , celle qui sépare le pont des
entrailles du bâtiment et qu'on atteint par une échelle rongée , comme
une mise au monde , de la moiteur amniotique à l'air libre . La nuit
était tombée sur le golfe mais elle était tombée de façon légère et
immense : pas un nuage , pas de lune , mais le Lion , Orion et le Cygne
étalaient leurs incroyables constellations .
Je montai sur la passerelle . Le capitaine était adossé aux flancs de la
timonerie et je devinais son profil dans le rougeoiement de sa pipe dont
le fourneau lâchait des escarbilles minuscules qui tournoyaient dans le
flux engendré par notre vitesse , se mêlaient par l'arrière à la fumée du
steamer et se consumaient avant d'atteindre le sillage . Je m'approchai de
Krant et saisis à pleines mains le bastingage froid et humide ; ce contact
déchargea mes paumes brûlantes . Derrière le cordon dunaire , on voyait
sautiller les lumières de Pihtia . Nous longions les côtes basses de l'île
de Saaremaa et poursuivions notre route vers Pamu , notre destination .
La voix grave de Krant traversa cette nuit sans poids : "Chef !" ...
UNE DERNIÈRE
"Vous permettez que je la termine ?"
Je fumais .
Le type était entré par la porte de l'office . Le Beretta A-900S qui pendait
au bout de son bras gauche ne me laissait aucune chance et je n'avais pas
la moindre envie d'aller contre le cours des choses . "Faites" , dis-je . Il
vissait un silencieux . "Je ne suis pas vraiment pressé" .
Je lui ai tourné le dos et j'ai regardé par la grande fenêtre , celle qui donne
sur le jardin . La veille , j'avais tondu la pelouse et - par excès de zèle -
j'avais réglé la hauteur de coupe à 2 . On voyait par endroits des vilaines
traces jaune pâle . Simone m'avait engueulé .
Quand le mégot a commencé à me brûler le bout des doigts , le gars a
appuyé sur la détente .
Je fumais .
Le type était entré par la porte de l'office . Le Beretta A-900S qui pendait
au bout de son bras gauche ne me laissait aucune chance et je n'avais pas
la moindre envie d'aller contre le cours des choses . "Faites" , dis-je . Il
vissait un silencieux . "Je ne suis pas vraiment pressé" .
Je lui ai tourné le dos et j'ai regardé par la grande fenêtre , celle qui donne
sur le jardin . La veille , j'avais tondu la pelouse et - par excès de zèle -
j'avais réglé la hauteur de coupe à 2 . On voyait par endroits des vilaines
traces jaune pâle . Simone m'avait engueulé .
Quand le mégot a commencé à me brûler le bout des doigts , le gars a
appuyé sur la détente .
jeudi 24 avril 2014
SAGESSE
Quand on décompte les jours d'une année où on a produit au moins
une pensée , il en reste pas mal où on n'a rien pensé du tout . On s'est
contenté de ces actions liées à la conservation comme manger , boire ,
dormir … ou au minimum social comme parler de la pluie et du beau
temps et comment ça va chez vous ? , ou - si les conditions de féconda-
fion sont propices et dans le cadre général de la conservation de l'espèce -
à la conception d'un enfant qui viendra surpeupler la terre .
On agit donc plus qu'on pense . Or , des pensées qui gouvernent les
actions , certaines sont bonnes et d'autres mauvaises et , des bonnes
pensées , la plupart sont vaseuses et inexploitables de sorte que les
actions quotientes sont détestables , désastreuses ou simplement nulles
et que le solde efficient ou capable d'un petit rendement est si faible
que le sage se met au lit avec un tube de laudanum .
une pensée , il en reste pas mal où on n'a rien pensé du tout . On s'est
contenté de ces actions liées à la conservation comme manger , boire ,
dormir … ou au minimum social comme parler de la pluie et du beau
temps et comment ça va chez vous ? , ou - si les conditions de féconda-
fion sont propices et dans le cadre général de la conservation de l'espèce -
à la conception d'un enfant qui viendra surpeupler la terre .
On agit donc plus qu'on pense . Or , des pensées qui gouvernent les
actions , certaines sont bonnes et d'autres mauvaises et , des bonnes
pensées , la plupart sont vaseuses et inexploitables de sorte que les
actions quotientes sont détestables , désastreuses ou simplement nulles
et que le solde efficient ou capable d'un petit rendement est si faible
que le sage se met au lit avec un tube de laudanum .
mercredi 23 avril 2014
A QUINZE
Je n'ai jamais compris les règles du rugby . Pourtant je portais le n° 9
dans l'équipe de Saint Romans Des Champs , la meilleure équipe des
Deux-Sèvres . J'étais demi de mêlée mais je ne me mêlais de rien . Le
demi de mêlée , c'est la charnière entre les avants et les trois-quarts ,
et à Saint Romans les avants et les trois-quarts se débrouillaient sans
moi . Je ne touchais pas une balle et personne ne s'en apercevait ; je
me contentais de suivre le mouvement . Bien entendu , je n'ai jamais
marqué un essai mais ce n'est pas le rôle d'un demi de mêlée . Avec Fabrice ,
le demi d'ouverture , nous étions sur le papier les dépositaires du jeu
mais en réalité il s'occupait de tout . C'est lui qui introduisait la mêlée
et il avait beau gueuler mon nom quand le maul tournait , c'est encore
lui qui récupérait le ballon . Une fois , par erreur , ce foutu ballon m'est
tombé dans les bras . J'ai cru mourir ...
dans l'équipe de Saint Romans Des Champs , la meilleure équipe des
Deux-Sèvres . J'étais demi de mêlée mais je ne me mêlais de rien . Le
demi de mêlée , c'est la charnière entre les avants et les trois-quarts ,
et à Saint Romans les avants et les trois-quarts se débrouillaient sans
moi . Je ne touchais pas une balle et personne ne s'en apercevait ; je
me contentais de suivre le mouvement . Bien entendu , je n'ai jamais
marqué un essai mais ce n'est pas le rôle d'un demi de mêlée . Avec Fabrice ,
le demi d'ouverture , nous étions sur le papier les dépositaires du jeu
mais en réalité il s'occupait de tout . C'est lui qui introduisait la mêlée
et il avait beau gueuler mon nom quand le maul tournait , c'est encore
lui qui récupérait le ballon . Une fois , par erreur , ce foutu ballon m'est
tombé dans les bras . J'ai cru mourir ...
TROIS MOUCHES 7 . LE RIVAGE DES SYRTES
La voix funèbre du temps claquait comme au fond d'une voile , étrange
et noire , pareille au poignant cantique des trois mouches vermeilles et
merveilleuses qui bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Le poignant cantique des chapeaux de paille , bourdon funèbre à trois
temps , pareil à la voix de ces mouches voilées de noir , étrange claque-
ment de merveilles .
L'étrange bourdonnement de nos chapeaux de paille était un cantique de
mouches noires , merveilleux et poignant , voilant le claquement du temps ,
voix pareille à trois mouches funèbrement vermeilles .
et noire , pareille au poignant cantique des trois mouches vermeilles et
merveilleuses qui bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Le poignant cantique des chapeaux de paille , bourdon funèbre à trois
temps , pareil à la voix de ces mouches voilées de noir , étrange claque-
ment de merveilles .
L'étrange bourdonnement de nos chapeaux de paille était un cantique de
mouches noires , merveilleux et poignant , voilant le claquement du temps ,
voix pareille à trois mouches funèbrement vermeilles .
mardi 22 avril 2014
MAX PLANCK
- Max Planck : "Le calcul de l'énergie émise par le rayonnement du corps noir
tend vers l'infini ! … c'est absurde ! … c'est contraire à ce qu'on voit !
- Le jeune homme : "Une sorte de catastrophe ultraviolette ?"
- Planck : "….?……oui…..on pourrait l'appeler comme ça …"
- Le jeune homme : "Alors ?"
- Planck : "Alors ? … je fais l'hypothèse suivante : les échanges d'énergie entre
le rayonnement du corps noir et la matière se font par paquets … par multiples
entiers … "
- Le jeune homme : "Des quanta , en somme … "
- Planck : "….?…… des quanta ? … c'est une bonne idée … ça dit bien les choses …"
- Le jeune homme : "Et donc ?…"
- Planck : "Donc ? … et bien … ces quanta d'énergie comme vous dites … seraient
les multiples entiers d'une quantité minimale : (delta E) = nhv … n est un nombre
entier positif et h une constante universelle ."
- Le jeune homme : "C'est votre constante … la constante de Planck ?"
- Planck : "oui … en effet … c'est ma constante"
- Le jeune homme . Il prend un papier et un crayon . Il griffonne … schrik-
schrik-schrik … et je retiens 2 … schrik-schrik-schrik … +mc2 … schrik-
schrik-schrik …
"h = 6,62 . 10 puissance-34 joules"
- Planck : "……..?………."
- Le jeune homme : "Lambda étant la longueur d'onde , T la température ,
h votre constante , et c la vitesse de la lumière dans le vide , peut-on dire sans se
ridiculiser que B par la longueur d'onde = 8 pi hc sur longueur d'onde puiss5 par
e x hc sur xkt - 1 ?"
- Planck : "…..?….. ce n'est pas idiot … comment vous appelez-vous , jeune homme ?"
- Le jeune homme : "Mon prénom est Albert…"
tend vers l'infini ! … c'est absurde ! … c'est contraire à ce qu'on voit !
- Le jeune homme : "Une sorte de catastrophe ultraviolette ?"
- Planck : "….?……oui…..on pourrait l'appeler comme ça …"
- Le jeune homme : "Alors ?"
- Planck : "Alors ? … je fais l'hypothèse suivante : les échanges d'énergie entre
le rayonnement du corps noir et la matière se font par paquets … par multiples
entiers … "
- Le jeune homme : "Des quanta , en somme … "
- Planck : "….?…… des quanta ? … c'est une bonne idée … ça dit bien les choses …"
- Le jeune homme : "Et donc ?…"
- Planck : "Donc ? … et bien … ces quanta d'énergie comme vous dites … seraient
les multiples entiers d'une quantité minimale : (delta E) = nhv … n est un nombre
entier positif et h une constante universelle ."
- Le jeune homme : "C'est votre constante … la constante de Planck ?"
- Planck : "oui … en effet … c'est ma constante"
- Le jeune homme . Il prend un papier et un crayon . Il griffonne … schrik-
schrik-schrik … et je retiens 2 … schrik-schrik-schrik … +mc2 … schrik-
schrik-schrik …
"h = 6,62 . 10 puissance-34 joules"
- Planck : "……..?………."
- Le jeune homme : "Lambda étant la longueur d'onde , T la température ,
h votre constante , et c la vitesse de la lumière dans le vide , peut-on dire sans se
ridiculiser que B par la longueur d'onde = 8 pi hc sur longueur d'onde puiss5 par
e x hc sur xkt - 1 ?"
- Planck : "…..?….. ce n'est pas idiot … comment vous appelez-vous , jeune homme ?"
- Le jeune homme : "Mon prénom est Albert…"
A VINCI
Leonardo occupe ce qu'on appelle un garni au sixième étage
d'un immeuble de Vinci . Mona , chatte blanche tachée de couleur
taupe , est sa colocataire et unique modèle . Entre deux séances de
pose , elle quitte la soupente par une lucarne et Leonardo monte sur
le tabouret à vis qui tient lieu de podium et il la suit des yeux . Jetée
dans la lumière , Mona se mue en papillon ; elle virevolte de gouttières
en pentes tuilées dans le bourdonnement des premières mouches , et
de balcons en minuscules terrasses où sont les fonds de lait et des
jasmins aux noms arabes ; puis sur l'acrotère d'un haut pignon ,
en joconde suspendue . Lui , inlassable et subjugué , tailles ses crayons .
Derrière , par-delà les toits , cyprès de Toscane et meules orangées .
d'un immeuble de Vinci . Mona , chatte blanche tachée de couleur
taupe , est sa colocataire et unique modèle . Entre deux séances de
pose , elle quitte la soupente par une lucarne et Leonardo monte sur
le tabouret à vis qui tient lieu de podium et il la suit des yeux . Jetée
dans la lumière , Mona se mue en papillon ; elle virevolte de gouttières
en pentes tuilées dans le bourdonnement des premières mouches , et
de balcons en minuscules terrasses où sont les fonds de lait et des
jasmins aux noms arabes ; puis sur l'acrotère d'un haut pignon ,
en joconde suspendue . Lui , inlassable et subjugué , tailles ses crayons .
Derrière , par-delà les toits , cyprès de Toscane et meules orangées .
PARADIS 3 . C'ÉTAIT MIEUX AVANT
- "Adam !"
C'est Dieu qui parle . Il est dans son atelier , à l'établi . Il met la dernière main
à la création . A cette époque ancienne , Dieu n'était pas si vieux . C'était un
Être Suprême plutôt costaud avec une barbe noire et courte , proprement cou-
pée au carré . Rien à voir avec le Dieu hirsute d'aujourd'hui .
Entre un jeune homme innocent qui , pour sûr , n'a pas grimpé dans l'arbre de
la Connaissance . C'est Adam .
- Adam : "Ouais ?"
- Dieu : "Oui , Adam … pas ouais !"
Adam s'approche de l'établi : " ……………………………."
- Dieu : "Regarde ce que j'ai fait pour toi … je n'ai pas de papier d'emballage
et pas de bolduc , alors je te le donne dans le plus simple appareil …
- Adam : "Oh , que c'est joli !"
- Dieu : "Tu es content ?"
- Adam : "Ouais !"
- Dieu : "Oui , Adam … oui !"
- Adam : "Ça sert à quoi ?"
- Dieu : "Tu te branches dessus …"
- Adam : "Comment ça ?"
- Dieu : "Adam ! … avec la prise que je t'ai mise là ! …"
- Adam . Il regarde son ventre nu : "Ah , ce petit truc rigolo ? … ça marche comment ?"
- Dieu , didactique : "Et bien Adam … tu le mets là" … et il montre à Adam où il
doit le mettre .
- Adam : "Comment tu l'as appelé ce jouet ?"
- Dieu , en donnant le gadget à Adam : "Femme … je l'ai appelé femme …"
- Adam : "Je peux jouer tout de suite avec ?"
- Dieu : "Oui … c'est pour toi …"
Adam sort de l'atelier en hurlant avec son nouveau jouet …
Dix minutes plus tard . Adam revient à l'atelier .
- Dieu : "Alors … tu as bien joué ?"
- Adam : "Super !"
C'est Dieu qui parle . Il est dans son atelier , à l'établi . Il met la dernière main
à la création . A cette époque ancienne , Dieu n'était pas si vieux . C'était un
Être Suprême plutôt costaud avec une barbe noire et courte , proprement cou-
pée au carré . Rien à voir avec le Dieu hirsute d'aujourd'hui .
Entre un jeune homme innocent qui , pour sûr , n'a pas grimpé dans l'arbre de
la Connaissance . C'est Adam .
- Adam : "Ouais ?"
- Dieu : "Oui , Adam … pas ouais !"
Adam s'approche de l'établi : " ……………………………."
- Dieu : "Regarde ce que j'ai fait pour toi … je n'ai pas de papier d'emballage
et pas de bolduc , alors je te le donne dans le plus simple appareil …
- Adam : "Oh , que c'est joli !"
- Dieu : "Tu es content ?"
- Adam : "Ouais !"
- Dieu : "Oui , Adam … oui !"
- Adam : "Ça sert à quoi ?"
- Dieu : "Tu te branches dessus …"
- Adam : "Comment ça ?"
- Dieu : "Adam ! … avec la prise que je t'ai mise là ! …"
- Adam . Il regarde son ventre nu : "Ah , ce petit truc rigolo ? … ça marche comment ?"
- Dieu , didactique : "Et bien Adam … tu le mets là" … et il montre à Adam où il
doit le mettre .
- Adam : "Comment tu l'as appelé ce jouet ?"
- Dieu , en donnant le gadget à Adam : "Femme … je l'ai appelé femme …"
- Adam : "Je peux jouer tout de suite avec ?"
- Dieu : "Oui … c'est pour toi …"
Adam sort de l'atelier en hurlant avec son nouveau jouet …
Dix minutes plus tard . Adam revient à l'atelier .
- Dieu : "Alors … tu as bien joué ?"
- Adam : "Super !"
samedi 19 avril 2014
COTE 137 . 3 . UNE RENCONTRE
Martial et moi étions en patrouille de nuit . Au détour d'une galerie abandonnée ,
nous sommes tombés sur un allemand en train de déféquer . L'homme a essayé d'attraper
son fusil mais déjà Martial avait posé sa botte dessus et l'arme s'enfonçait dans la boue .
Martial fit signe "chut !" car la tranchée ennemie devait être proche . Le type claquait des
dents . Il a remonté son pantalon . Martial a posé la pointe de sa baïonnette sur son ventre
et il a chuchoté avec férocité : "toi te rendre ?"… L'allemand ne comprenait pas ; il répétait :
"nein…nein…nein…" Martial : "Si toi pas te rendre … toi kaputt ! …"… "nein…nein…
nein… Martial : "toi vouloir cigarette ? …" . "nein…nein…nein…" et les dents de l'allemand
claquaient comme une mitrailleuse … "Donne-lui une clope" dit Martial . Nous étions
immobiles et absorbés par la boue . Plus qu'un geste , l'extraction de cette gangue d'une
botte puis de l'autre était devenue pour nous une fonction , aussi automatique et continue
que respirer et le chuintement qui l'accompagnait était le bruit de fond qui courait d'un bout
à l'autre du champ de bataille . J'allumai une cigarette et la collai entre les lèvres
tremblantes du chleu . Le point rouge incontrôlé faisait dans la nuit l'effet d'un feu-follet .
"Avance ! … schnell !" murmura Martial . Nous poussâmes l'allemand devant nous .
Martial : "par ici ! …" ."Non , par là " disais-je . "Je reconnais … c'est par ici , je te dis … !
avance , toi !" et Martial pointait sa baïonnette dans les reins de notre prisonnier . Soudain
le gars a sauté dans un boyau que nous n'avions pas vu . Il hurlait : "fransozen , fransozen !"
C'était sa tranchée . Les boches se mirent à tirer n'importe où et nous dûmes la vie
à la chance et à la surprise . Sur le chemin du retour , je maudissais Martial ; je te
l'avais dit , Martial ! … tu as toujours raison !" et l'autre rigolait : "ah , on les a vus de près !"
Le capitaine nous attendait devant sa casemate : "du grabuge ?" . Il avait entendu les
tirs de mitrailleuses .
Martial : "non , capitaine … nous avons rencontré un allemand … il était perdu…
nous l'avons raccompagné chez lui " . Nous avons éclaté de rire . C'était nerveux ...
nous sommes tombés sur un allemand en train de déféquer . L'homme a essayé d'attraper
son fusil mais déjà Martial avait posé sa botte dessus et l'arme s'enfonçait dans la boue .
Martial fit signe "chut !" car la tranchée ennemie devait être proche . Le type claquait des
dents . Il a remonté son pantalon . Martial a posé la pointe de sa baïonnette sur son ventre
et il a chuchoté avec férocité : "toi te rendre ?"… L'allemand ne comprenait pas ; il répétait :
"nein…nein…nein…" Martial : "Si toi pas te rendre … toi kaputt ! …"… "nein…nein…
nein… Martial : "toi vouloir cigarette ? …" . "nein…nein…nein…" et les dents de l'allemand
claquaient comme une mitrailleuse … "Donne-lui une clope" dit Martial . Nous étions
immobiles et absorbés par la boue . Plus qu'un geste , l'extraction de cette gangue d'une
botte puis de l'autre était devenue pour nous une fonction , aussi automatique et continue
que respirer et le chuintement qui l'accompagnait était le bruit de fond qui courait d'un bout
à l'autre du champ de bataille . J'allumai une cigarette et la collai entre les lèvres
tremblantes du chleu . Le point rouge incontrôlé faisait dans la nuit l'effet d'un feu-follet .
"Avance ! … schnell !" murmura Martial . Nous poussâmes l'allemand devant nous .
Martial : "par ici ! …" ."Non , par là " disais-je . "Je reconnais … c'est par ici , je te dis … !
avance , toi !" et Martial pointait sa baïonnette dans les reins de notre prisonnier . Soudain
le gars a sauté dans un boyau que nous n'avions pas vu . Il hurlait : "fransozen , fransozen !"
C'était sa tranchée . Les boches se mirent à tirer n'importe où et nous dûmes la vie
à la chance et à la surprise . Sur le chemin du retour , je maudissais Martial ; je te
l'avais dit , Martial ! … tu as toujours raison !" et l'autre rigolait : "ah , on les a vus de près !"
Le capitaine nous attendait devant sa casemate : "du grabuge ?" . Il avait entendu les
tirs de mitrailleuses .
Martial : "non , capitaine … nous avons rencontré un allemand … il était perdu…
nous l'avons raccompagné chez lui " . Nous avons éclaté de rire . C'était nerveux ...
jeudi 17 avril 2014
TROIS MOUCHES 6 . SUR LA ROUTE D'AYACUCHO
L'Inca suivait à pied la voie de chemin de fer qui monte jusqu'à Ayacucho .
Quand les nuages s'écartèrent , la pâleur bleue de la voûte céleste nous
encercla . La nuit tombait et cependant , têtues , trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Un cercle têtu de pâleurs montait des nuages . Comme une nuit qui tombe
aux pieds de l'Inca , il écartait de son chemin les voûtes de fer et les mouches
d'Ayacucho , célestes et bleues , bourdonnaient sur sa voie .
Sous une voûte vermeille , trois mouches bleues suivaient la voie de l'Inca .
Elles encerclaient la nuit de bourdonnements merveilleux et écartaient de
notre chemin la pâleur céleste des nuages qui , cependant , montèrent
jusqu'à Ayacucho .
Quand les nuages s'écartèrent , la pâleur bleue de la voûte céleste nous
encercla . La nuit tombait et cependant , têtues , trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Un cercle têtu de pâleurs montait des nuages . Comme une nuit qui tombe
aux pieds de l'Inca , il écartait de son chemin les voûtes de fer et les mouches
d'Ayacucho , célestes et bleues , bourdonnaient sur sa voie .
Sous une voûte vermeille , trois mouches bleues suivaient la voie de l'Inca .
Elles encerclaient la nuit de bourdonnements merveilleux et écartaient de
notre chemin la pâleur céleste des nuages qui , cependant , montèrent
jusqu'à Ayacucho .
mercredi 16 avril 2014
KLAVDIA
La comtesse Klavdia Nikonoff fut mon épouse pendant quinze jours .
C'était une belle femme très riche , du moins c'est ce qui semblait à ceux
qui l'admiraient de loin et n'avaient pas accès à ses comptes . J'étais de
ceux-là , jeune et stupide ; je lui fis une cour distante , à l'ancienne mode .
Je lui envoyais des lettres qui tournaient autour du pot , mais si loin qu'elles
ne laissaient voir aucune émotion et aucun sentiment et , malheureusement ,
je crois que c'est cela qui lui plut : elle donna suite par écrit et jamais elle ne
demanda à me voir . Elle posait des questions d'ordre pratique et je répondais
avec tant d'innocence qu'elle estima mon patrimoine au centième de rouble
près .
Klavdia menait grand train . Quand elle passait sur la perspective Nevski ,
c'était avec les équipages les plus fastueux et c'est au Palais Strogonov qu'elle
donnait ses fêtes , pas moins .
A l'époque , je gagnais pas mal d'argent . Je tenais de mon père des concessions
minières en Sibérie et , par chance , j'exploitais les bons filons .
J'épousai la comtesse par correspondance . Mais quand nous fûmes devant le
pope pour consacrer la chose , je vis qu'elle claudiquait et qu'il lui manquait
une oreille .
J'appris dans ses bras à perdre en un temps record mon âme , mes illusions et
ma fortune .
C'était une belle femme très riche , du moins c'est ce qui semblait à ceux
qui l'admiraient de loin et n'avaient pas accès à ses comptes . J'étais de
ceux-là , jeune et stupide ; je lui fis une cour distante , à l'ancienne mode .
Je lui envoyais des lettres qui tournaient autour du pot , mais si loin qu'elles
ne laissaient voir aucune émotion et aucun sentiment et , malheureusement ,
je crois que c'est cela qui lui plut : elle donna suite par écrit et jamais elle ne
demanda à me voir . Elle posait des questions d'ordre pratique et je répondais
avec tant d'innocence qu'elle estima mon patrimoine au centième de rouble
près .
Klavdia menait grand train . Quand elle passait sur la perspective Nevski ,
c'était avec les équipages les plus fastueux et c'est au Palais Strogonov qu'elle
donnait ses fêtes , pas moins .
A l'époque , je gagnais pas mal d'argent . Je tenais de mon père des concessions
minières en Sibérie et , par chance , j'exploitais les bons filons .
J'épousai la comtesse par correspondance . Mais quand nous fûmes devant le
pope pour consacrer la chose , je vis qu'elle claudiquait et qu'il lui manquait
une oreille .
J'appris dans ses bras à perdre en un temps record mon âme , mes illusions et
ma fortune .
lundi 14 avril 2014
LE CIRQUE
Je suivais mes parents dans leur vie nomade , celle d'un cirque .
Je ne m'aimais pas et ils m'aimaient trop . Aussi pris-je la décision
de changer de sexe ; je voulais être une fille .
Bien que trapézistes ( ou à cause de ça ) , papa et maman tombèrent
de haut quand ils découvrirent mon intime désir . Mais , comme ils
m'aimaient trop , ils m'achetèrent des robes , des bottillons et des
colliers de perles .
Pendant qu'ils risquaient leur peau au saut de la mort , je menais dans
notre roulotte une vie de poule en pâte jusqu'au jour où je rencontrai
ce bon Docteur Zigfreuide .
Il m'ouvrit les yeux et , dès lors , mon cas fut désespéré .
Je ne m'aimais pas et ils m'aimaient trop . Aussi pris-je la décision
de changer de sexe ; je voulais être une fille .
Bien que trapézistes ( ou à cause de ça ) , papa et maman tombèrent
de haut quand ils découvrirent mon intime désir . Mais , comme ils
m'aimaient trop , ils m'achetèrent des robes , des bottillons et des
colliers de perles .
Pendant qu'ils risquaient leur peau au saut de la mort , je menais dans
notre roulotte une vie de poule en pâte jusqu'au jour où je rencontrai
ce bon Docteur Zigfreuide .
Il m'ouvrit les yeux et , dès lors , mon cas fut désespéré .
KRANT 3 . QUESTION DE TEMPS
Krant me convoqua dans la salle des cartes . Il était assis sur son fauteuil pivotant et j'étais debout devant lui , en position repos .
- Krant : " Vos collègues sont deux crétins … "
- Moi : ………………………………………..
- Krant : " … deux crétins efficaces … l'un aboie des ordres justes et l'autre suit une route économe … mais aucun des deux ne fonde sa conduite … les ordres et la route , c'est moi qui les pense … "
Par le hublot , je voyais le timonier arc-bouté sur la barre . Il avait passé un ciré sur sa vareuse et je voyais derrière ses larges épaules la crête écumeuse des vagues car le vent s'était levé . Or , dans notre mer , les courants subissent ses effets et leur mouvement senestre venait à notre encontre et précipitait sur les tôles du Kritik ( c'est le nom de notre steamer ) une houle de trois-quarts . Par rafales , nous entendions les vociférations du quartier-maître .
- Krant : " Chef , que pensez-vous du temps ? Je ne parle pas de l'horrible temps qu'il fait ici , au large d'Öland , mais du temps qui passe "
- Moi : ……………………………………
- Krant : " N'en pensez-vous rien ? "
Ses petits yeux gris fouillaient l'intérieur de ma tête .
- Moi : " Je n'en pense rien parce que le temps n'est rien , capitaine … "
Krant se leva et s'agrippa à la corde qui tient lieu de rampe .
- Krant : " Vous pensez que le temps n'est rien ? "
-Moi : " Rien en-dehors de moi … " Je crachai par-terre .
Krant considéra mon crachat sur le plancher de la cabine .
- Krant : " Ventrebleu , chef , le temps n'existerait pas !? "
- Moi : " Pas que je sache . Je ne l'ai jamais serré dans ma clé à molette … "
- Krant : " Vous avez raison " . Et il me congédia .
- Krant : " Vos collègues sont deux crétins … "
- Moi : ………………………………………..
- Krant : " … deux crétins efficaces … l'un aboie des ordres justes et l'autre suit une route économe … mais aucun des deux ne fonde sa conduite … les ordres et la route , c'est moi qui les pense … "
Par le hublot , je voyais le timonier arc-bouté sur la barre . Il avait passé un ciré sur sa vareuse et je voyais derrière ses larges épaules la crête écumeuse des vagues car le vent s'était levé . Or , dans notre mer , les courants subissent ses effets et leur mouvement senestre venait à notre encontre et précipitait sur les tôles du Kritik ( c'est le nom de notre steamer ) une houle de trois-quarts . Par rafales , nous entendions les vociférations du quartier-maître .
- Krant : " Chef , que pensez-vous du temps ? Je ne parle pas de l'horrible temps qu'il fait ici , au large d'Öland , mais du temps qui passe "
- Moi : ……………………………………
- Krant : " N'en pensez-vous rien ? "
Ses petits yeux gris fouillaient l'intérieur de ma tête .
- Moi : " Je n'en pense rien parce que le temps n'est rien , capitaine … "
Krant se leva et s'agrippa à la corde qui tient lieu de rampe .
- Krant : " Vous pensez que le temps n'est rien ? "
-Moi : " Rien en-dehors de moi … " Je crachai par-terre .
Krant considéra mon crachat sur le plancher de la cabine .
- Krant : " Ventrebleu , chef , le temps n'existerait pas !? "
- Moi : " Pas que je sache . Je ne l'ai jamais serré dans ma clé à molette … "
- Krant : " Vous avez raison " . Et il me congédia .
DE L'INTÉRÊT D'UN VOYAGE SUR MARS
Il y a des questions stupides .Par exemple : "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" On aurait le choix entre une tautologie _ l'Être de quelque chose trouvant sa place en Y , adverbe de lieu ou y trouvant a minima l'Être du lieu lui-même _ et une impossibilité logique: l'Être du Rien _ le Néant _ logé dans l'Être d'un lieu . Pour que la chose tienne debout , on n'a d'autre solution que d'insuffler dans Rien un peu d'Être mais _ du même coup _ ne réduit-on pas à néant l'idée de néant ? Que faire ?
Plusieurs pistes :
1° Revoir de fond en comble la grammaire ou en inventer une autre , où quelque chose pourrait être quelque part sans que ça choque et nulle part le Néant . Ça paraît simple ; c'est loin de l'être .
2° Décider qu'il y a de l'Être nulle part et du Néant partout , ce qui revient au même . Mais quid alors du poseur de questions dont la tête si pleine doit bien avoir quelque part un peu d'Être .
3° Tourner la page ; et considérer que la question n'a pas lieu d'être ; qu'elle est en quelque sorte une espèce nouvelle de Néant _ la Nullité _ dont l'Être est de n'être pas .
4° Supposer que tout a de l'Être , même le Néant : ce qui n'est pas est ; ou _ pour les plus audacieux au contraire _ affirmer que rien n'est .
5° Poser une question qui n'a rien à voir : au hasard : "Qu'est-ce qu'on irait faire sur Mars ? "
Plusieurs pistes :
1° Revoir de fond en comble la grammaire ou en inventer une autre , où quelque chose pourrait être quelque part sans que ça choque et nulle part le Néant . Ça paraît simple ; c'est loin de l'être .
2° Décider qu'il y a de l'Être nulle part et du Néant partout , ce qui revient au même . Mais quid alors du poseur de questions dont la tête si pleine doit bien avoir quelque part un peu d'Être .
3° Tourner la page ; et considérer que la question n'a pas lieu d'être ; qu'elle est en quelque sorte une espèce nouvelle de Néant _ la Nullité _ dont l'Être est de n'être pas .
4° Supposer que tout a de l'Être , même le Néant : ce qui n'est pas est ; ou _ pour les plus audacieux au contraire _ affirmer que rien n'est .
5° Poser une question qui n'a rien à voir : au hasard : "Qu'est-ce qu'on irait faire sur Mars ? "
samedi 12 avril 2014
AU BAL DE L'AMIRAUTÉ
Isaac s'émerveillait que Madame Newton , malgré sa masse , attirât à ce point la sympathie . C'était une femme volumineuse en ce qu'elle contenait beaucoup de matière , et sans imagination avec une forte résistance au changement , ce qu'on appelle l'inertie ; mais cependant , il ne manquait pas de godelureaux pour lui tourner autour à distance peu respectable .
Or Isaac était un esprit curieux et , à tout effet , il ne trouvait le repos avant d'avoir saisi la cause . Aussi , afin de dégager une loi universelle qui régirait l'attirance des corps , mit-il au point divers protocoles d'expériences . Il plongea son épouse dans des milieux a priori non miscibles : Associated Charities , Wild Boar Hunters Club , Trinity College Rowing Club , Collectors of Stamps Association, and so on … et il la trimbalait dans les bars de Woolsthorpe , ses brothels et , le dimanche , à la prédication du Temple . La nature humaine soulevait un pan de sa chemise ; Isaac émit plusieurs hypothèses .
Pour les confirmer , il obtint des plus hautes autorités qu'elles les invitassent , lui et son épouse , au bal de l'Amirauté . N'était-ce le lieu le plus propice d'Angleterre pour observer les oeuvres de la séduction ? . Dès qu'ils furent sur les parquets de la fête comme au plan de l'écliptique , Isaac prétexta un mal de tête et donna quartier-libre à Madame Newton. Puis , dissimulé par la statue du Lord Protecteur Cromwell , il sortit de son pourpoint une règle à calcul et un calepin capable d'avaler les plus ahurissantes équations et fit la preuve qu'entre son épouse et ses prétendants s'exerçait une force mutuelle proportionnelle à leur masse , à l'inverse du carré de leur distance et à une constante G qu'il baptisa tout de go Constante de Newton .
Fort de sa nouvelle théorie , Isaac s'amusa , sans l'aide d'aucun pèse-personne , par la seule arithmétique , à déterminer la masse pesante de chaque invité . Madame Newton , large et molle et de faible densité , exerçait cependant ( comme on l'a vu plus haut ) une certaine attraction et Isaac , en fonction de leurs orbites , calcula que le minuscule Duc de Worcester était beaucoup plus lourd qu'il y paraissait , soit 50 decanewton ( daN ) avec les fourragères et les décorations , pendant que l'obèse Archevêque de Cantorbury flottait près des tapisseries .
Or Isaac était un esprit curieux et , à tout effet , il ne trouvait le repos avant d'avoir saisi la cause . Aussi , afin de dégager une loi universelle qui régirait l'attirance des corps , mit-il au point divers protocoles d'expériences . Il plongea son épouse dans des milieux a priori non miscibles : Associated Charities , Wild Boar Hunters Club , Trinity College Rowing Club , Collectors of Stamps Association, and so on … et il la trimbalait dans les bars de Woolsthorpe , ses brothels et , le dimanche , à la prédication du Temple . La nature humaine soulevait un pan de sa chemise ; Isaac émit plusieurs hypothèses .
Pour les confirmer , il obtint des plus hautes autorités qu'elles les invitassent , lui et son épouse , au bal de l'Amirauté . N'était-ce le lieu le plus propice d'Angleterre pour observer les oeuvres de la séduction ? . Dès qu'ils furent sur les parquets de la fête comme au plan de l'écliptique , Isaac prétexta un mal de tête et donna quartier-libre à Madame Newton. Puis , dissimulé par la statue du Lord Protecteur Cromwell , il sortit de son pourpoint une règle à calcul et un calepin capable d'avaler les plus ahurissantes équations et fit la preuve qu'entre son épouse et ses prétendants s'exerçait une force mutuelle proportionnelle à leur masse , à l'inverse du carré de leur distance et à une constante G qu'il baptisa tout de go Constante de Newton .
Fort de sa nouvelle théorie , Isaac s'amusa , sans l'aide d'aucun pèse-personne , par la seule arithmétique , à déterminer la masse pesante de chaque invité . Madame Newton , large et molle et de faible densité , exerçait cependant ( comme on l'a vu plus haut ) une certaine attraction et Isaac , en fonction de leurs orbites , calcula que le minuscule Duc de Worcester était beaucoup plus lourd qu'il y paraissait , soit 50 decanewton ( daN ) avec les fourragères et les décorations , pendant que l'obèse Archevêque de Cantorbury flottait près des tapisseries .
vendredi 11 avril 2014
TROIS MOUCHES 5 . GERSHWIN D'AFRIQUE
40° à l'ombre . Mais il n'y a pas d'ombre à Mousgougou.
Pas un arbre . Seulement l'insupportable chaleur et un piano
miraculeusement accordé . Nous jouons , Berthe et moi ,
une pièce à quatre mains pour une bande d'enfants dépenaillés :
du Gershwin .Trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnent contre nos chapeaux de paille et font sur les
touches d'ivoire des crottes minuscules .
A l'ombre de quarante arbres , l'ombre d'un piano : trois
enfants dépenaillés de Mousgougou touchent les mains de
Berthe car elles sont d'ivoire et s'accordent à merveille à la
chaleur de Gershwin . Dans la pièce , une mouche minuscule
bourdonne des miracles et fait sur mon chapeau une insuppor-
table crotte …
A Mousgougou , à l'ombre d'un arbre l'ombre d'un enfant
dépenaillé : une bande de quarante mouches joue dans la
chaleur vermeille une pièce miraculeuse de Gershwin .
Elles bourdonnent des accords insupportables mais font
sur les touches d'ivoire des crottes merveilleuses . Berthe ,
moi et nos quatre mains sommes au piano .
Pas un arbre . Seulement l'insupportable chaleur et un piano
miraculeusement accordé . Nous jouons , Berthe et moi ,
une pièce à quatre mains pour une bande d'enfants dépenaillés :
du Gershwin .Trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnent contre nos chapeaux de paille et font sur les
touches d'ivoire des crottes minuscules .
A l'ombre de quarante arbres , l'ombre d'un piano : trois
enfants dépenaillés de Mousgougou touchent les mains de
Berthe car elles sont d'ivoire et s'accordent à merveille à la
chaleur de Gershwin . Dans la pièce , une mouche minuscule
bourdonne des miracles et fait sur mon chapeau une insuppor-
table crotte …
A Mousgougou , à l'ombre d'un arbre l'ombre d'un enfant
dépenaillé : une bande de quarante mouches joue dans la
chaleur vermeille une pièce miraculeuse de Gershwin .
Elles bourdonnent des accords insupportables mais font
sur les touches d'ivoire des crottes merveilleuses . Berthe ,
moi et nos quatre mains sommes au piano .
jeudi 10 avril 2014
SERVICES SECRETS
Voyez cette photo . Elle fut prise dans la bibliothèque
de l'ambassade de France à Brno ( Moravie ) en 1947 .
FK était mon nom de code . Mon chef d'agence ( un
brave type quasi analphabète ) l'avait choisi pour sa
banalité . F pour Franz et K pour Kafka . En 1947 ,
il y avait plein de Franz dans ma tranche d'âge .
Kafka est un nom passe-partout en Tchécoslovaquie ,
un peu comme Dupont ou Martin en France . Il y a
des Kafka dans toutes les villes tchèques et en parti-
culier à Brno . Avec un tel patronyme , je passerai
inaperçu et me fondrai dans le labyrinthe administratif
comme un cancrelat sous les lames d'un plancher .
Ainsi pensait mon chef quand il me fabriqua cette
fausse vie : j'étais écrivain , juif , dépressif et phtisique ,
sujet à migraines et insomnies . Je jouai mon rôle à la
perfection et faillis mourir à 41 ans , inconnu de tous .
TROIS MOUCHES 4 . PROJET DE MURAILLE
Nous posâmes la première pierre .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille car la terre accouchait d'un
printemps précoce . A côté de nos pioches jetées , l'herbe
flageolait . " Elle sera gigantesque " dit le Prince .
Nous posâmes la première pierre .
Nos pioches retenaient le plan de la frontière où l'on voyait ,
tracée à l'encre de chine , une gigantesque muraille . Trois
mouches vermeilles bourdonnaient et l'herbe flageolait .
" Le printemps est précoce " dit le Prince .
Nous posâmes la première pierre .
Le printemps bourdonnait comme une mouche . L'herbe
était vermeille , nos pioches flageolaient et le Prince avait
ôté son chapeau de paille . " Plan de Chine , merveilleuse
muraille " murmura-t-il .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille car la terre accouchait d'un
printemps précoce . A côté de nos pioches jetées , l'herbe
flageolait . " Elle sera gigantesque " dit le Prince .
Nous posâmes la première pierre .
Nos pioches retenaient le plan de la frontière où l'on voyait ,
tracée à l'encre de chine , une gigantesque muraille . Trois
mouches vermeilles bourdonnaient et l'herbe flageolait .
" Le printemps est précoce " dit le Prince .
Nous posâmes la première pierre .
Le printemps bourdonnait comme une mouche . L'herbe
était vermeille , nos pioches flageolaient et le Prince avait
ôté son chapeau de paille . " Plan de Chine , merveilleuse
muraille " murmura-t-il .
mercredi 9 avril 2014
COTE 137 . 2 … MARIE
Martial s'était fait une spécialité des augures . Il tirait
ses présages de l'observation des entrailles de chevaux
et nous convenions qu'il donnait souvent dans le mille …
Nous montions au front à pieds . Sur le rebord d'un trou
d'obus , deux chevaux d'artillerie attelés au reste d'un
canon offraient au ciel leurs boyaux .
-Meslier : "Qu'est-ce que tu lis là , Martial ?"
-Martial , sombre : "Rien de bon , mon pote …"
Cent mètres plus loin
-Meslier : "Que veux-tu dire ?"
-Martial : "Tu m'emmerdes Meslier … tu veux vraiment
savoir ?"
-Meslier :"Ouais… autant savoir… dis-le… dis-le , Martial !"
Encore cent mètres . Nous étions arrêtés au bord de la route .
Un convoi d'artillerie se repliait .
-Martial : "Dis donc , Meslier… la vérité ne te fait pas peur ?…
tu tiens à savoir ce que j'ai lu dans les tripes de ces pauvres
charognes ?… çà te concerne , Meslier…"
-Meslier . Il s'est rapproché de Martial : "Moi ?…"
-Martial : "Oui… toi Meslier… une mauvaise nouvelle…
je te dis ?"
-Meslier : "Non… je sais lire aussi dans les tripes"
Nous reprîmes notre marche . Un combat d'artillerie avait
commencé derrière la cote où nous avions notre tranchée .
-Meslier : "Je suis cuit …"
-Martial : "Tu as mal lu , Meslier… comment s'appelle ta
petite amie ?"
-Meslier : "Marie… qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans ?"
-Martial : "Marie !… elle se paye du bon temps , Marie !"
Ce n'était pas drôle mais nous avons ri quand même .
ses présages de l'observation des entrailles de chevaux
et nous convenions qu'il donnait souvent dans le mille …
Nous montions au front à pieds . Sur le rebord d'un trou
d'obus , deux chevaux d'artillerie attelés au reste d'un
canon offraient au ciel leurs boyaux .
-Meslier : "Qu'est-ce que tu lis là , Martial ?"
-Martial , sombre : "Rien de bon , mon pote …"
Cent mètres plus loin
-Meslier : "Que veux-tu dire ?"
-Martial : "Tu m'emmerdes Meslier … tu veux vraiment
savoir ?"
-Meslier :"Ouais… autant savoir… dis-le… dis-le , Martial !"
Encore cent mètres . Nous étions arrêtés au bord de la route .
Un convoi d'artillerie se repliait .
-Martial : "Dis donc , Meslier… la vérité ne te fait pas peur ?…
tu tiens à savoir ce que j'ai lu dans les tripes de ces pauvres
charognes ?… çà te concerne , Meslier…"
-Meslier . Il s'est rapproché de Martial : "Moi ?…"
-Martial : "Oui… toi Meslier… une mauvaise nouvelle…
je te dis ?"
-Meslier : "Non… je sais lire aussi dans les tripes"
Nous reprîmes notre marche . Un combat d'artillerie avait
commencé derrière la cote où nous avions notre tranchée .
-Meslier : "Je suis cuit …"
-Martial : "Tu as mal lu , Meslier… comment s'appelle ta
petite amie ?"
-Meslier : "Marie… qu'est-ce qu'elle vient faire là-dedans ?"
-Martial : "Marie !… elle se paye du bon temps , Marie !"
Ce n'était pas drôle mais nous avons ri quand même .
lundi 7 avril 2014
ISABELLE DE CASTILLE
Lettre d'Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon
à Notre Seigneur Jésus . Alhambra 17 septembre 1498 .
Seigneur tout-puissant , tu as repris hier soir ton fils ,
Tomas de Torquemada . Nous te remercions . Tomas
était un être délicat et secret . Nous l'aimions . Cependant ,
nous te remercions de l'avoir repris . Ton Père , Seigneur ,
lui saura gré d'avoir oeuvré en Son Nom , mais nous ( ici ,
sur terre ) n'en pouvions plus . Tomas jouait avec le feu .
Il a transformé Notre Royaume en enfer . Nous ne recon-
naissons plus Notre Espagne . Ses vergers , ses campagnes ,
ses villages - Bujalance , San Mateo , Calanda - ravagés
pour la Gloire de Ton Père , c'en est trop ! … Un ou deux
bûchers les jours de fête , passe encore . Quelques juifs ou
quelques morisques réduits en cendre , n'est-ce pas saine
( et sainte ) occupation ? Mais cent bûchers , mille bûchers ,
nos sujets les plus catholiques ont la nausée !
Prions pour l'âme de notre cher Tomas . Qu'elle s'élève
jusqu'à Toi comme l'encens d'une cassolette ...
samedi 5 avril 2014
PARADIS 2 . OEUF
Dieu fit l'homme à son image mais seulement
à son image ; car Dieu se survivait à lui-même
pendant que l'homme était accablé de finitude .
Tous les 70 ans , Dieu prenait sa bêche et en-
terrait au pied d'un pommier sa mortelle créa-
ture .
Que faire ? Dieu mit au point une batterie sur
laquelle l'homme viendrait se brancher et se
régénérer et cet appareil , il l'appela " femme " .
Or l'homme s'obstinait à mourir et la femme
aussi .
Alors Dieu , comme il avait fait avec les végé-
taux , injecta à l'homme une sève qu'il nomma
" sperme " du grec sperma : semence et il dota
la femme d'ovules , comme les poules .
Le résultat de cette idée antédiluvienne , c'est la
catastrophe d'aujourd'hui .
à son image ; car Dieu se survivait à lui-même
pendant que l'homme était accablé de finitude .
Tous les 70 ans , Dieu prenait sa bêche et en-
terrait au pied d'un pommier sa mortelle créa-
ture .
Que faire ? Dieu mit au point une batterie sur
laquelle l'homme viendrait se brancher et se
régénérer et cet appareil , il l'appela " femme " .
Or l'homme s'obstinait à mourir et la femme
aussi .
Alors Dieu , comme il avait fait avec les végé-
taux , injecta à l'homme une sève qu'il nomma
" sperme " du grec sperma : semence et il dota
la femme d'ovules , comme les poules .
Le résultat de cette idée antédiluvienne , c'est la
catastrophe d'aujourd'hui .
TROIS MOUCHES 3 . ROME
Berthe et moi cherchons midi à quatorze heures .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bour-
donnent contre nos chapeaux de paille . C'est
pourtant simple : nos chemins se sont croisés par
hasard comme tous les chemins sauf ceux qui
mènent à Rome . Berthe cependant me parle
d'océan Pacifique .
Il était quatorze heures . Midi à Rome et je ne sais
quelle heure au nord de l'océan Pacifique . Le
chemin de Berthe par hasard croisa le mien .
C'était entre des blés vermeils . Que cherchions-
nous ?
Océan de paille . Des blés merveilleux de quatorze
heures hasardent des chemins au nord du Pacifique .
Il est midi à Rome et Berthe me cherche .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bour-
donnent contre nos chapeaux de paille . C'est
pourtant simple : nos chemins se sont croisés par
hasard comme tous les chemins sauf ceux qui
mènent à Rome . Berthe cependant me parle
d'océan Pacifique .
Il était quatorze heures . Midi à Rome et je ne sais
quelle heure au nord de l'océan Pacifique . Le
chemin de Berthe par hasard croisa le mien .
C'était entre des blés vermeils . Que cherchions-
nous ?
Océan de paille . Des blés merveilleux de quatorze
heures hasardent des chemins au nord du Pacifique .
Il est midi à Rome et Berthe me cherche .
vendredi 4 avril 2014
RÉPONSE DE JÉSUS À TORQUEMADA
16 septembre 1498 .
Tomas , ce soir tu seras mort . Je t'ai fait réserver
une place près de la porte d'entrée , là où il y a un
courant d'air . Tu pues , Tomas . Tu pues la mort .
Tu portes l'odeur de tes bûchers et ici on n'aime pas
çà . Les grillades , fussent-elles de morisques , sont
insupportables aux narines des élus . Tu fus certes un
serviteur zélé mais vois-tu , Tomas , la légèreté est
à la mode au Royaume des Cieux et le poids de tes
forfaits ( tu les a commis en Notre Nom . Nous te
remercions ) plombe ton avenir au Paradis . Il te
faudra vivre pour l'éternité dans la banlieue du ciel .
Inutile de me rendre visite . La ligne B du RER est
en grève ...
Tomas , ce soir tu seras mort . Je t'ai fait réserver
une place près de la porte d'entrée , là où il y a un
courant d'air . Tu pues , Tomas . Tu pues la mort .
Tu portes l'odeur de tes bûchers et ici on n'aime pas
çà . Les grillades , fussent-elles de morisques , sont
insupportables aux narines des élus . Tu fus certes un
serviteur zélé mais vois-tu , Tomas , la légèreté est
à la mode au Royaume des Cieux et le poids de tes
forfaits ( tu les a commis en Notre Nom . Nous te
remercions ) plombe ton avenir au Paradis . Il te
faudra vivre pour l'éternité dans la banlieue du ciel .
Inutile de me rendre visite . La ligne B du RER est
en grève ...
SUPPLIQUE DE TORQUEMADA
Avila . 16 septembre 1498 .
Seigneur , ce soir je serai mort . Doux et miséricordieux
Jésus , j'ai fait occire une foule de mécréants en Ton Nom ,
j'ai mis aux galères des milliers de relaps , expulsé de Notre
Saint Royaume d'Espagne plus de juifs que tu n'en connus ,
torturé des enfants devant leurs mères et des mères devant
leurs époux , torturé des vieillards , pendu et brûlé la popu-
lation de Tomelloso , incendié les maisons de Bujalance ,
confisqué leurs biens aux riches marannes pour le profit de
Notre Sainte Mère Eglise , broyé les membres des habitants
de San Mateo et de Calanda pour la plus Grande Gloire de
Dieu .
Doux et miséricordieux petit Jésus , reçois ce soir ton
serviteur et réserve lui une place au ciel pas trop loin de Toi ...
Seigneur , ce soir je serai mort . Doux et miséricordieux
Jésus , j'ai fait occire une foule de mécréants en Ton Nom ,
j'ai mis aux galères des milliers de relaps , expulsé de Notre
Saint Royaume d'Espagne plus de juifs que tu n'en connus ,
torturé des enfants devant leurs mères et des mères devant
leurs époux , torturé des vieillards , pendu et brûlé la popu-
lation de Tomelloso , incendié les maisons de Bujalance ,
confisqué leurs biens aux riches marannes pour le profit de
Notre Sainte Mère Eglise , broyé les membres des habitants
de San Mateo et de Calanda pour la plus Grande Gloire de
Dieu .
Doux et miséricordieux petit Jésus , reçois ce soir ton
serviteur et réserve lui une place au ciel pas trop loin de Toi ...
jeudi 3 avril 2014
CLINT EASTWOOD
Je suis né à Payson , non loin de Phoenix ( Arizona )
pendant la Grande Dépression . Mes parents tenaient -
ils l'ont tenue toute leur vie et je leur ai succédé - une
quincaillerie que pas mal qualifient de " minable " sauf
quand ils ont besoin de ces articles qu'on ne trouve
nulle part ailleurs comme les vis creuses à douze pans
ou les écrous noyés . Quincaillerie Eastwood . Ma mère
m'a mis au monde le 31 mai 1930 et mon père - sans
demander l'avis de la cartomancienne ( ni celui du pasteur ) -
m'a prénommé Clint . A Payson , je n'étais promis à aucun
avenir ou - si avenir il y avait et personne au fond n'échappe
à un avenir - c'était cette sorte existence morne comme un
désert de cactus . C'est celle que j'ai menée derrière un
comptoir bosselé à vendre des clous à la balance compteuse ,
des serrures , des outils à main , des boulons . J'ai épousé
Maggie en 1953 , un samedi . Chaque dimanche , pendant
la saison , je pêche la truite dans la Gila . Ce samedi de 1953
et les dimanche de la saison de pêche sont les seuls moments
où j'ai décroché de ce foutu comptoir ; et la nuit quand je ne
rêve pas d'équerres et de tiges filetées .
Bon , je vous l'avoue : je ne m'appelle pas Clint Eastwood ! …
c'est une blague . Tout le reste est vrai ...
pendant la Grande Dépression . Mes parents tenaient -
ils l'ont tenue toute leur vie et je leur ai succédé - une
quincaillerie que pas mal qualifient de " minable " sauf
quand ils ont besoin de ces articles qu'on ne trouve
nulle part ailleurs comme les vis creuses à douze pans
ou les écrous noyés . Quincaillerie Eastwood . Ma mère
m'a mis au monde le 31 mai 1930 et mon père - sans
demander l'avis de la cartomancienne ( ni celui du pasteur ) -
m'a prénommé Clint . A Payson , je n'étais promis à aucun
avenir ou - si avenir il y avait et personne au fond n'échappe
à un avenir - c'était cette sorte existence morne comme un
désert de cactus . C'est celle que j'ai menée derrière un
comptoir bosselé à vendre des clous à la balance compteuse ,
des serrures , des outils à main , des boulons . J'ai épousé
Maggie en 1953 , un samedi . Chaque dimanche , pendant
la saison , je pêche la truite dans la Gila . Ce samedi de 1953
et les dimanche de la saison de pêche sont les seuls moments
où j'ai décroché de ce foutu comptoir ; et la nuit quand je ne
rêve pas d'équerres et de tiges filetées .
Bon , je vous l'avoue : je ne m'appelle pas Clint Eastwood ! …
c'est une blague . Tout le reste est vrai ...
KRANT 2 . LE CONCEPT DE PISTON
Il faisait beau . Le capitaine krant nous avais mis au
rapport en travers du pont . Comme d'habitude , il avait
écouté nos comptes-rendus avec attention . Il marchait
lentement devant notre rang d'un bastingage à l'autre ,
les mains croisées derrière le dos , menton baissé et
semblait absorbé par le va et vient de ses bottes en
caoutchouc . Le soleil matinal encore noyé de brumes
diffusait sur le pont une douce lumière . On n'entendait
rien d'autre que le chuintement de l'étrave et le pas lourd
du capitaine . Il nous fit face et se râcla la gorge . Il regar-
dait la mer entre les épaulettes du quartier-maître et la
vareuse du timonier comme s'il puisait là une ultime con-
sidération . Car Krant ne parlait jamais pour ne rien dire
et il n'y avait pas un mot de ses rigoureux raisonnements
qu'on put retrancher sans abimer l'ensemble . Chaque
pièce avait son utilité et il n'y en avait aucune pour l'en-
jolivement . Son discours était comme une construction
navale où le plus petit rivet concourt à l'efficacité de la
structure . "Messieurs"… A ce moment le soleil émergea
du coton… "quelqu'un peut-il me dire ce qu'est un concept ?"
Les petits yeux gris de Krant maintenant allaient de l'un à
l'autre comme deux goélands se disputant dans les mailles
d'un filet une tête de sardine et notre silence était si fâcheux
que je me lançai : "Capitaine , un concept c'est une repré-
sensation générale de ce qui est commun à plusieurs objets !…
comme qui dirait …" Les yeux de Krant étaient dans les miens.
" Précisez chef !" (c'est ainsi qu'on nomme le chef mécanicien
dans notre marine) . "Par exemple" dis-je , "le concept de
piston… pas un piston Stirling de notre steamer , mais les
pistons en général" … Krant reprit sa marche . Le quartier-
maître et le timonier me regardaient à la dérobée . "J'entends
bien" dit Krant , "mais comment , chef , votre esprit passe-t-il
du concept de piston à un de nos pistons Stirling si particuliers ?"
Un affreux lambeau de brouillard passa sur le bateau mais le so-
leil revint presque aussitôt . "Capitaine , il me semble qu'on
pourrait appeler cela l'intuition…"
rapport en travers du pont . Comme d'habitude , il avait
écouté nos comptes-rendus avec attention . Il marchait
lentement devant notre rang d'un bastingage à l'autre ,
les mains croisées derrière le dos , menton baissé et
semblait absorbé par le va et vient de ses bottes en
caoutchouc . Le soleil matinal encore noyé de brumes
diffusait sur le pont une douce lumière . On n'entendait
rien d'autre que le chuintement de l'étrave et le pas lourd
du capitaine . Il nous fit face et se râcla la gorge . Il regar-
dait la mer entre les épaulettes du quartier-maître et la
vareuse du timonier comme s'il puisait là une ultime con-
sidération . Car Krant ne parlait jamais pour ne rien dire
et il n'y avait pas un mot de ses rigoureux raisonnements
qu'on put retrancher sans abimer l'ensemble . Chaque
pièce avait son utilité et il n'y en avait aucune pour l'en-
jolivement . Son discours était comme une construction
navale où le plus petit rivet concourt à l'efficacité de la
structure . "Messieurs"… A ce moment le soleil émergea
du coton… "quelqu'un peut-il me dire ce qu'est un concept ?"
Les petits yeux gris de Krant maintenant allaient de l'un à
l'autre comme deux goélands se disputant dans les mailles
d'un filet une tête de sardine et notre silence était si fâcheux
que je me lançai : "Capitaine , un concept c'est une repré-
sensation générale de ce qui est commun à plusieurs objets !…
comme qui dirait …" Les yeux de Krant étaient dans les miens.
" Précisez chef !" (c'est ainsi qu'on nomme le chef mécanicien
dans notre marine) . "Par exemple" dis-je , "le concept de
piston… pas un piston Stirling de notre steamer , mais les
pistons en général" … Krant reprit sa marche . Le quartier-
maître et le timonier me regardaient à la dérobée . "J'entends
bien" dit Krant , "mais comment , chef , votre esprit passe-t-il
du concept de piston à un de nos pistons Stirling si particuliers ?"
Un affreux lambeau de brouillard passa sur le bateau mais le so-
leil revint presque aussitôt . "Capitaine , il me semble qu'on
pourrait appeler cela l'intuition…"
mercredi 2 avril 2014
AÏ KHANOUM
Plus fascinantes que les cités enfouies sont les
villes champignons , celles-là parfois bâties sur
celles-ci à proximité d'un gisement de sables
bitumineux dans une boucle de l'Orénoque ,
dans la forêt boréale de l'Alberta , au carrefour
de voies marchandes ou sur le lieu d'une mani-
festation divine , aux premières la promesse de
hauts salaires et profits rapides , aux autres la
contiguïté du ciel , mais toutes _ Fort Mac Murray ,
Soba , Jerusalem _ occupées d'amasser l'or , les
prières et la haine du prochain , essorent leur
humanité avant que les filons s'épuisent , que les
caravanes délaissent les vieilles routes pour de
nouvelles épices ou qu'une vague d'incroyance
balaie les rites et les lieux de culte car elles n'ignorent
qu'au confluent de l'Oxus et de la Kochka , l'ancienne
et redoutable Aï khanoum dresse hors des sables
ses moignons de ville-fantôme .
villes champignons , celles-là parfois bâties sur
celles-ci à proximité d'un gisement de sables
bitumineux dans une boucle de l'Orénoque ,
dans la forêt boréale de l'Alberta , au carrefour
de voies marchandes ou sur le lieu d'une mani-
festation divine , aux premières la promesse de
hauts salaires et profits rapides , aux autres la
contiguïté du ciel , mais toutes _ Fort Mac Murray ,
Soba , Jerusalem _ occupées d'amasser l'or , les
prières et la haine du prochain , essorent leur
humanité avant que les filons s'épuisent , que les
caravanes délaissent les vieilles routes pour de
nouvelles épices ou qu'une vague d'incroyance
balaie les rites et les lieux de culte car elles n'ignorent
qu'au confluent de l'Oxus et de la Kochka , l'ancienne
et redoutable Aï khanoum dresse hors des sables
ses moignons de ville-fantôme .
LETTRE À UN ÉTOLOGUE
Je ne suis pas d'accord : le chat , à strictement
parler , n'attend rien et c'est une folie de croire
qu'il attend ses croquettes . Son monde est En-Soi
où , par définition , il n'y a ni distance ni ( donc )
attente . Le chat _ idéal animal _ est la métaphore
du Jardin d'Eden que nous avons quitté parce que
l'aventure de penser nous a tentés . On voit tous
les jours des chats dans des pommiers ; en a-t-on
jamais vu croquer la pomme ? Nous reviendrons
au Paradis quand nous aurons démonté le Grand
Mécanisme jusqu'à son dernier boulon et nous en
chasserons Qui vous savez . J'entends d'ici votre
objection : qui s'occupera des chats et des animaux
de l'Arche abandonnée ? Et bien , cher ami , nous
ramasserons les crottes !
parler , n'attend rien et c'est une folie de croire
qu'il attend ses croquettes . Son monde est En-Soi
où , par définition , il n'y a ni distance ni ( donc )
attente . Le chat _ idéal animal _ est la métaphore
du Jardin d'Eden que nous avons quitté parce que
l'aventure de penser nous a tentés . On voit tous
les jours des chats dans des pommiers ; en a-t-on
jamais vu croquer la pomme ? Nous reviendrons
au Paradis quand nous aurons démonté le Grand
Mécanisme jusqu'à son dernier boulon et nous en
chasserons Qui vous savez . J'entends d'ici votre
objection : qui s'occupera des chats et des animaux
de l'Arche abandonnée ? Et bien , cher ami , nous
ramasserons les crottes !
mardi 1 avril 2014
KEPLER
Un coq chanta et Johannes ouvrit les yeux .
Le plancher de sa chambre et , par conséquent ,
sa couche , le broc d'eau et le bassin , le coffre
avec son contenu de chemises , pourpoints ,
houppelandes et hauts-de-chausses , formaient
avec le plan où progressait sa trajectoire elliptique
un angle de 23°27 . L'auberge elle-même , sur
la Hauptplatz , tournait autour d'un axe et les
mouvements combinés de rotation et d'orbite
cueillaient Johannes dans son lit aux premières
lueurs de l'aube pour le mener d'est en ouest au
rythme du temps jusqu'à ses draps défaits au
coucher du soleil , pendant que , soumis à l'ordre
imparable du calendrier , il s'enfonçait dans le fond
de l'automne et que , bientôt , les marronniers de
la Kosakengasse seraient débarrassés de leurs feuilles .
A 8 heures , le 4 octobre 1597 , Johannes ouvrit sa
fenêtre et déduisit de ceci , cela :
1° que le soleil exerçait sur son lit une force
centripète
2° que plus son lit était proche du soleil , plus son
mouvement était rapide
3° que le carré des périodes de ses révolutions
( celles de son lit autour du soleil ) était proportionnel
au cube des demi-grands axes de ses orbites .
Le plancher de sa chambre et , par conséquent ,
sa couche , le broc d'eau et le bassin , le coffre
avec son contenu de chemises , pourpoints ,
houppelandes et hauts-de-chausses , formaient
avec le plan où progressait sa trajectoire elliptique
un angle de 23°27 . L'auberge elle-même , sur
la Hauptplatz , tournait autour d'un axe et les
mouvements combinés de rotation et d'orbite
cueillaient Johannes dans son lit aux premières
lueurs de l'aube pour le mener d'est en ouest au
rythme du temps jusqu'à ses draps défaits au
coucher du soleil , pendant que , soumis à l'ordre
imparable du calendrier , il s'enfonçait dans le fond
de l'automne et que , bientôt , les marronniers de
la Kosakengasse seraient débarrassés de leurs feuilles .
A 8 heures , le 4 octobre 1597 , Johannes ouvrit sa
fenêtre et déduisit de ceci , cela :
1° que le soleil exerçait sur son lit une force
centripète
2° que plus son lit était proche du soleil , plus son
mouvement était rapide
3° que le carré des périodes de ses révolutions
( celles de son lit autour du soleil ) était proportionnel
au cube des demi-grands axes de ses orbites .
TROIS MOUCHES 2 . ÉTÉ
Il y avait dans l'air comme un fil de fer . Il était
enroulé sur lui-même parce que l'été ( çà n'était pas
trop tôt ! ) était arrivé et nous ne fûmes nullement
étonnés que trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnent contre nos chapeaux de paille .
L'été de fer bourdonnait dans l'air . C'était un fil vermeil
arrivé si tôt que les mouches s'enroulaient sur mon
chapeau étonné de lui-même .
L'air s'enroulait sur lui-même et les mouches s'étonnaient
car ne bourdonnait aucune paille et que nos chapeaux de
fer étaient arrivés sur le fil de l'été .
LE PARADIS 1 .
Le sixième jour , Dieu créa l'homme .
Or , l'homme était plat et portait entre les
cuisses une ridicule terminaison .
Dieu vit que cela était imparfait . La veille et
l'avant-veille , il avait créé la mer , l'herbe portant
semence , les arbres fruitiers , des poissons , des
hippopotames , des luminaires pour éclairer tout
çà et personne n'avait fait le moindre commentaire
désobligeant . Aussi Dieu fit tomber sur l'homme
un profond sommeil et il le remit à l'étau . Il modifia
la répartition des masses et quand il eut fini son oeuvre ,
il vit que cela était bon et présentait un meilleur
coefficient de pénétration dans l'air . Il appela l'objet :
" femme " .
Entre le sixième et le septième jour , Dieu dormit mal .
Il hésitait à détruire l'homme qui lui avait donné tant de
mal et le septième jour , il fit la connerie de sa vie
éternelle ; il réveilla l'homme et lui dit : " je te donne
cette femme que tu ne mérites pas . Prends-en soin
mais surtout ne la touche pas ! "
Comme l'homme et la femme étaient nus et n'en avaient
point honte , ils devinrent une seule chair dès que Dieu
eut tourné le dos . Leurs affreux rejetons pullulent
aujourd'hui sur le Pays d'Havila et sur celui de Cush ,
dans le Jardin d'Eden , en Assyrie et sut toute la terre .
Or , l'homme était plat et portait entre les
cuisses une ridicule terminaison .
Dieu vit que cela était imparfait . La veille et
l'avant-veille , il avait créé la mer , l'herbe portant
semence , les arbres fruitiers , des poissons , des
hippopotames , des luminaires pour éclairer tout
çà et personne n'avait fait le moindre commentaire
désobligeant . Aussi Dieu fit tomber sur l'homme
un profond sommeil et il le remit à l'étau . Il modifia
la répartition des masses et quand il eut fini son oeuvre ,
il vit que cela était bon et présentait un meilleur
coefficient de pénétration dans l'air . Il appela l'objet :
" femme " .
Entre le sixième et le septième jour , Dieu dormit mal .
Il hésitait à détruire l'homme qui lui avait donné tant de
mal et le septième jour , il fit la connerie de sa vie
éternelle ; il réveilla l'homme et lui dit : " je te donne
cette femme que tu ne mérites pas . Prends-en soin
mais surtout ne la touche pas ! "
Comme l'homme et la femme étaient nus et n'en avaient
point honte , ils devinrent une seule chair dès que Dieu
eut tourné le dos . Leurs affreux rejetons pullulent
aujourd'hui sur le Pays d'Havila et sur celui de Cush ,
dans le Jardin d'Eden , en Assyrie et sut toute la terre .
PUZZLE
Mon vélo Amsterdamer posé sur la façade de la
maison est un signe , une langue que je parle avec
Vulkaan . Il y a dans cet ustensile à pédales un
signifié connu de nous seuls : l'absence d'Hanneken ,
mon mari .
Hanneken est représentant de commerce . Dans un
break Opel , il sillonne la flandre maritime pour le
compte d'une firme de jeux de société . La durée de
ses voyages est irrégulièrement taillée dans le temps ,
aussi , pour former un dessin cohérent et paisible ,
mes vies sentimentales doivent s'ajuster et s'assembler
avec la plus stricte précision .
J'éprouve dans cet exercice une vraie jubilation car
j'aime Hanneken et j'aime Vulkaan .
J'aime aussi associer les codes secrets aux formes
aléatoires , comme le ciel d'ici , hermétique mais
clair pour qui sait y voir , reflète des terres incertaines
où watergangs et canaux exutoires découpent en
zigzags le paysage …
maison est un signe , une langue que je parle avec
Vulkaan . Il y a dans cet ustensile à pédales un
signifié connu de nous seuls : l'absence d'Hanneken ,
mon mari .
Hanneken est représentant de commerce . Dans un
break Opel , il sillonne la flandre maritime pour le
compte d'une firme de jeux de société . La durée de
ses voyages est irrégulièrement taillée dans le temps ,
aussi , pour former un dessin cohérent et paisible ,
mes vies sentimentales doivent s'ajuster et s'assembler
avec la plus stricte précision .
J'éprouve dans cet exercice une vraie jubilation car
j'aime Hanneken et j'aime Vulkaan .
J'aime aussi associer les codes secrets aux formes
aléatoires , comme le ciel d'ici , hermétique mais
clair pour qui sait y voir , reflète des terres incertaines
où watergangs et canaux exutoires découpent en
zigzags le paysage …
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