dimanche 15 février 2015

KRANT 26 . TEMPÊTE DE SABLE

    Un vent d'est balayait les sables du Namib en bourrasques , les projetant
à dix miles de la côte . Les grains s'amassaient en tas dans l'angle des coursives
extérieures à bâbord ; ils s'immisçaient par les écoutilles et coulaient le long des
échelles de fer jusque dans les soutes et la salle des machines . Un ciel jaune
pâle s'était abattu sur la mer et bientôt on ne distingua plus l'un de l'autre ; il
sembla que la mer s'était figée bien qu'on sentît encore son lent mouvement
sous la quille du Kritik et qu'une écume souillée éclatât sur ses flancs .

    Par le chadburn , Krant m'ordonna de réduire l'allure autant qu'il était possible
et au timonier de mettre la barre à tribord pour sortir de cette panade avant que
les instruments de navigation s'affolassent . (J'étais bien aise d'avoir placé dans
mes mémoires l'équivalent prussien d'un subjonctif imparfait si spectaculaire et ,
en effet , y avait-il forme grammaticale plus adaptée pour décrire l'incertitude où
nous mettait cette tempête de sable ?)

    Quand nous fûmes au large , nous retrouvâmes une mer franchement liquide .
Le ciel était lavé . Je remontai sur mon front les lunettes de chauffeur et je remis
dans ma poche le chiffon où j'avais fourré ma bouche et mon nez .

    Krant se tenait sur la passerelle . Le pli de son pantalon était aussi tranchant
que l'horizon et les boutons de son plastron brillaient comme la constellation
d'Andromède .

    "Alors , Chef , que pensez-vous de cela ?"

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