Nous creusions un nouveau boyau sous une pluie qui tombait par morceaux .
Sur le front de taille , nous mîmes à jour les semelles d'une paire de bottes à un
demi-mètre de la surface .
- Martial : "Ou une andouille a perdu ses bottes ou il y a quelqu'un dedans …"
Nous avons gratté la terre autour puis Martial en a tiré une d'un coup sec ; il l'a
retournée et l'a secouée . Un paquet de gadoue et l'éclat jaunâtre de bouts d'os .
- Martial : "Il y a quelqu'un dedans"
Nous avons dégagé à coups de pioche un squelette complet dans son uniforme
de poilu . Les morceaux étaient tenus par la terre collante . Nous avons tiré le cada-
vre et l'avons posé sur le fond du boyau .
- Martial : "Il y a longtemps que t'es là , vieux frère … depuis le début de la guerre …
t'as plus que les os …"
Martial s'est penché , a fouillé , a sorti les papiers militaires . En mauvais état mais
lisibles .
- Martial : "… Merde …"
- Nous : "………….?…………"
- Martial . Il regarde le squelette : "Grubizza … c'est Grubizza …" . A moi : "… Gru-
bizza , tu te souviens ?"
- Moi : "… Grubizza ? … merde … Grubizza …"
- Martial : "Il y a bien deux ans , non ? …" . Il crie : "Mon capitaine !"
Le capitaine nous rejoint au fond du boyau , plié en deux pour échapper aux frelons …
il regarde le macchabée : "Qu'est-ce que … ?"
- Martial assis . Il montre les papiers : "Grubizza … vous vous souvenez ? … porté
disparu … merde …"
- Le capitaine : "Oui , je me souviens … un polonais …"
Des bouts collés par la glaise … des orbites pleines de terre … un casque rouillé …
la capote : des bandelettes de momie .
- Martial . Il regarde les papiers : "C'est Grubizza … merde …"
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