dimanche 27 novembre 2016

KRANT 74 . LES HEURES

    Nous naviguions sur une mer vide . Le moteur Stirling était calé et il n'y avait rien
d'autre à faire que suivre le va et vient des pistons et prendre un air de préoccupation
factice : la machine obéissait aux lois de la mécanique avec autant de détermination
que les étoiles à l'ordre du monde ; aussi , je la laissai à l'apathie de mon second et je
montai sur le pont . Pleine lune . Toms , le quartier-maître , était accoudé à la passerelle
d'avant et considérait d'un oeil vacant ce désert marin .

- Lui : "Tu as vu notre sillage , Chef ?"
- Moi . Je me tournai vers l'arrière et , à travers la longue coursive , je devinai le bouil-
lonnement des hélices à son reflet lunaire et n'y trouvai rien à redire : "Quoi donc , Toms ?"
- Lui : "Nous formons un sillage … il se ferme derrière nous … puis plus rien … la mer
reprend la forme qu'elle avait avant …"
- Moi . Je connaissais les états d'âme de Toms : "Dans quartante heures , nous serons à
Mar del Plata", et je regardai devant nous les deux plans couleur d'opale qui joignaient
leurs bords en un uniforme horizon .
- Lui : "Quarante heures ! … sacrebleu , quarante heures ! … une éternité à tuer …"
- Moi : "Va dormir , Toms" … et je l'envoyai à sa bannette .

    Une porte s'ouvrit sur la passerelle supérieure .

- Krant : "Notre ami broie du noir ?"
- Moi : "Vous connaissez Toms , Capitaine !"

    Krant tenait à bout de bras un appareil circulaire dont l'acier brillait au clair de lune .

- Moi : "A quoi cela sert-il , Capitaine ?"
- Krant : "A calculer l'heure , Chef … c'est un cercle à réflexion …"

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