mercredi 6 août 2014

CARNAVAL

Chacun allait , portant son masque , dans la ville en fête .
La nuit tourbillonnait ; elle emportait autour des corps les
robes de couleur et les rouges à lèvres . Les cris de plaisir
étiraient des langues de feu , les fards flamboyaient sur les
paupières et suivaient en voluptueux décalages le creusement
des reins . Des toits , pétillante voie lactée , montait et descen-
dait en spirales une tempête de confettis . Derrière les masques ,
il y en avait d'autres , des tristes quotidiens et , derrière ceux-là ,
d'autres encore du perpétuel ennui qu'on oubliait ce soir . Chacun
avait lâché son corps quelque part dans la ville et chacun était
personne et tout le monde mais n'était plus lui-même . Les façades
ensorcelées jetaient contre la peau des tambours lumignons et ban-
deroles et de cette foule-dragon levaient de palpables sueurs . La
musique éclairait les rues à coups de flashes , le rythme soulevait
les talons et les tempes comme un immense coeur , les nuques
tournaient autour des bras , les masques embrassaient les masques .
La ville vibrait d'une onde unique et folle . Dans cette nuit extra-
vagante se calcinaient les jours ordinaires .

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