samedi 24 juin 2017

COTE 137 . 86 . LE CORBEAU

- "Il était une fois …" La voix de Martial s'impose sur le fond lointain d'un combat
d'artillerie . La moitié de la compagnie se tasse dans le boyau et fait cercle autour de lui .
- Martial : "Il était une fois sept poilus dans une tranchée ; on n'avait plus de quoi les
nourrir …"

    Nous n'étions plus ravitaillés depuis trois jours .

- Martial : "Les fridolins avaient réglé la hausse de leurs canons sur la boulangerie de cam-
pagne que nos géniaux stratèges avaient installée derrière les lignes près de la gare , cible
préférée de nos amis d'en-face . Ils avaient pulvérisé les fours roulants , les chariots-four-
nils , les pétrins , la farine , le sel , le fleurage , les panetons , les chevaux de trait et toute
la brigade des boulangers . Un carnage … Depuis les tranchées , on voyait dans le ciel
des milliers de pains , les tripes des chevaux et des morceaux de mitrons …"
- Le capitaine : "Attention , Martial , pas de défaitisme !"
- Martial , écartant les bras : "Ils restèrent des jours et des jours sans pain … Ils avaient
grand faim"

    Un obus égaré éclata à cent mètres .

- Martial : "Le capitaine décida d'envoyer les sept poilus en reconnaissance pour dégoter
de quoi bouffer . Là-bas , sur la cote 137 , derrière les barbelés et les chevaux de frise , il
y avait de la bonne choucroute , des saucisses de Francfort , des bretzels délicieuses , des
bières brunes de Bavière et du vin de Bade-Wurtemberg en barriques . N'allons-nous pas
nous paumer , mon capitaine ? , dit le plus petit des poilus … c'est qu'on y perd son latin
dans ce chambard de boyaux , surtout la nuit ! … Or le capitaine avait gardé dans sa case-
mate un quignon de pain . Il le donna au petit poilu . Tu sèmeras derrière toi des miettes de
ce croûton , ainsi tu retrouveras ton chemin . Les sept poilus applaudirent car ils pouvaient
compter sur leur capitaine pour les idées neuves"
- Le capitaine : "Merci , Martial"
- Martial : "Ils se mirent en route en pleine nuit pliés en deux pour échapper aux frelons des
mitrailleuses Maxim à tir automatique dont la piqûre est mortelle . Au moment où ils atta-
quaient les barbelés avec leurs pinces , un corbeau impérial vint à planer devant la lune"
- Le capitaine : "Un corbeau ? …"
- Martial : "Oui , mon capitaine … un corbeau"
- Le capitaine "Non , Martial … c'est un aigle"
- Martial : "Je vous assure , mon capitaine … c'était un corbeau …"
- Le capitaine : "……………"
- Martial , se tournant derechef vers l'auditoire de ses camarades : "Ce salaud se mit à
picorer les miettes du petit poilu"
- La compagnie , à l'unisson : "Meeeeerde !!"
- Le capitaine : "Bon ... Martial … j'espère que vous avez une chute heureuse !"

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