Jusqu'à son mariage , Jakob Heppni mena la vie d'un paisible citoyen islandais .
Trois ans après son mariage , il divorça . C'est une péripétie commune au tiers de
la population et il n'y avait là rien qui put susciter un peu de curiosité .
Sesselja , son ex-femme , l'avait quitté pour un autre , ce qui est horriblement banal .
Sauf que cet autre , c'était le père de Jakob : Pétur , veuf depuis trois ans . Comme
Jakob était incapable de tenir seul une maison , il retourna chez papa et se trouva vivre
sous le même toit que son ex-femme qui , entre-temps était devenue sa belle-mère .
Jakob et Sesselja avait eu un fils : Agust ; et Sesselja et Pétur en firent un autre : Jon .
De sorte que Jon et Agust étaient demi-frères mais que Jon était aussi l'oncle d'Agust .
Or il arriva qu'un jour , Pétur était au marché . Jakob et Sesselja étaient seuls à la maison
et ils liquidèrent dans le lit de Pétur le reste de leur amour .
Neuf mois plus tard naissait Maria que Pétur , râvi , s'empressa de reconnaître ,
persuadé qu'il était le père . Marie était donc la demi-soeur de son père et la fille de son
grand-père . Elle était aussi la nièce de son frère Jon et la tante d'Agust , son autre frère .
Avant Agnès , sa femme décédée , Pétur avait été marié à Sigga , une veuve qui avait
une fille : Gunna . Gunna était très belle . Lors d'une visite à Akureyri où demeure la
famille Heppni , Agust tomba amoureux d'elle et il l'épousa . Ils eurent beaucoup d'enfants .
Quand Pétur mourut , on alla voir le notaire , Markus Frodi .
Quinze jours plus tard , Markus Frodi se tirait une balle dans la tête .
dimanche 30 novembre 2014
vendredi 28 novembre 2014
JULES 4 . ASTRE MORT
Il semblait à Jules que Soeur Marie de la Croix lui tournait autour .
Que voulait-elle ?
- "Je suis un astre mort" murmura-t-il un soir . La religieuse le bordait
et , contrairement à ce qu'il avait prévu ("Je suis un astre mort" était un
test ) elle ne le fit pas répéter .
- "Je suis un astre mort" articula Jules .
- "Je ne suis pas sourde … vous vous intéressez à l'astrophysique ?"
La bibliothèque de Jules , dédiée aux Nuls , était planquée sous son
matelas .
- "Non … et vous ?"
- "Doux Jésus !" soupira Soeur Marie de la Croix .
Elle sortit mais avant de fermer la porte et couiner de la semelle , elle dit
en doublant la focale :
- "Je vous convertirai …"
Que voulait-elle ?
- "Je suis un astre mort" murmura-t-il un soir . La religieuse le bordait
et , contrairement à ce qu'il avait prévu ("Je suis un astre mort" était un
test ) elle ne le fit pas répéter .
- "Je suis un astre mort" articula Jules .
- "Je ne suis pas sourde … vous vous intéressez à l'astrophysique ?"
La bibliothèque de Jules , dédiée aux Nuls , était planquée sous son
matelas .
- "Non … et vous ?"
- "Doux Jésus !" soupira Soeur Marie de la Croix .
Elle sortit mais avant de fermer la porte et couiner de la semelle , elle dit
en doublant la focale :
- "Je vous convertirai …"
TROIS MOUCHES 22 . VOYAGE ORGANISÉ
L'autobus est au bout de la rue . Trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnent contre nos chapeaux de paille . "Le voilà !" s'écrie Berthe et ses
épaules nues frissonnent de bonheur . Autour , on s'active à grouper les bagages .
L'autobus se range au bord du trottoir . Ses portes pneumatiques , comme des
épaules nues , frissonnent à l'ouverture . Bousculade . Berthe monte , je la suis .
Les mouches sont au bout de la rue et de guingois nos chapeaux de paille .
L'autobus démarre . Les épaules nues de Berthe de guingois contre mon
chapeau de paille se regroupent . Dans la soute , les bagages frissonnent et ,
au bout de la rue , trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent .
"Vivement la mer !" dit Berthe .
bourdonnent contre nos chapeaux de paille . "Le voilà !" s'écrie Berthe et ses
épaules nues frissonnent de bonheur . Autour , on s'active à grouper les bagages .
L'autobus se range au bord du trottoir . Ses portes pneumatiques , comme des
épaules nues , frissonnent à l'ouverture . Bousculade . Berthe monte , je la suis .
Les mouches sont au bout de la rue et de guingois nos chapeaux de paille .
L'autobus démarre . Les épaules nues de Berthe de guingois contre mon
chapeau de paille se regroupent . Dans la soute , les bagages frissonnent et ,
au bout de la rue , trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent .
"Vivement la mer !" dit Berthe .
DESMOND 13 . LES PHOTOS
- Le Président : "Ah , Desmond ! … content de vous voir ! … où étiez-vous passé ? …"
- Moi : "Monsieur le Président … j'étais ici … à l'incinérateur B …"
- Le Président : " Ah ? … oui , bien sûr … c'est que j'étais en Chine … le ping-pong …
vous savez , Desmond , ce jeu idiot … c'est horripilant le ping-pong , vous n'imaginez
pas … ploc … ploc … ploc … entrez dans mon bureau , Desmond … ah , ça me fait
plaisir de vous voir … scotch ? …"
- Moi : "Mister President … il est à peine 6h du matin …"
- Le Président : "Oh , excusez-moi , Desmond … le décalage horaire , vous comprenez …"
Il appuie sur le bouton de l'interphone : "Henry ? … yeah , dear Henry ! … rejoignez-nous
dans le Bureau Ovale … avec Desmond … oui … le gars de l'incinérateur B … oui …
avec les photos"
- Le Président : "C'est ce cher Henry … alors , Desmond , quoi de neuf ?"
- Moi : "… euh , Monsieur le Président … les choses suivent leur cours …"
- Le Président . Il se sert un double scotch : "Leur cours ? … quel cours ? … les choses
suivent un cours ?" . Levant son verre , il déclame :
"Vois-tu , passant , couler cette onde
Et s'écouler incontinent ?
Ainsi fuit la gloire du monde
Et rien que Dieu n'est permanent"
De qui , Desmond ?"
- Moi : "Agrippa D'Aubigné : inscription pour une fontaine"
- Le Président : "Merde , Desmond ! … vous êtes incollable !"
Entre ce cher Henry : "Hi , Desmond ! … hello Mister President … bien remis ? …"
- Le Président : "Henry , je suis en pleine forme … alors … ces photos ? …"
- Henry jette sur le bureau un tas de photos en vrac : "Jetez un coup d'oeil là-dessus ,
Desmond"
C'est tout juste si mes cheveux ne se dressent pas sur ma tête . Les deux autres me regardent
d'un air sinistre .
- Henry : "On ne peut quand même pas publier ça ! … Desmond : incinérateur B !"
- Moi : "Monsieur le Président … j'étais ici … à l'incinérateur B …"
- Le Président : " Ah ? … oui , bien sûr … c'est que j'étais en Chine … le ping-pong …
vous savez , Desmond , ce jeu idiot … c'est horripilant le ping-pong , vous n'imaginez
pas … ploc … ploc … ploc … entrez dans mon bureau , Desmond … ah , ça me fait
plaisir de vous voir … scotch ? …"
- Moi : "Mister President … il est à peine 6h du matin …"
- Le Président : "Oh , excusez-moi , Desmond … le décalage horaire , vous comprenez …"
Il appuie sur le bouton de l'interphone : "Henry ? … yeah , dear Henry ! … rejoignez-nous
dans le Bureau Ovale … avec Desmond … oui … le gars de l'incinérateur B … oui …
avec les photos"
- Le Président : "C'est ce cher Henry … alors , Desmond , quoi de neuf ?"
- Moi : "… euh , Monsieur le Président … les choses suivent leur cours …"
- Le Président . Il se sert un double scotch : "Leur cours ? … quel cours ? … les choses
suivent un cours ?" . Levant son verre , il déclame :
"Vois-tu , passant , couler cette onde
Et s'écouler incontinent ?
Ainsi fuit la gloire du monde
Et rien que Dieu n'est permanent"
De qui , Desmond ?"
- Moi : "Agrippa D'Aubigné : inscription pour une fontaine"
- Le Président : "Merde , Desmond ! … vous êtes incollable !"
Entre ce cher Henry : "Hi , Desmond ! … hello Mister President … bien remis ? …"
- Le Président : "Henry , je suis en pleine forme … alors … ces photos ? …"
- Henry jette sur le bureau un tas de photos en vrac : "Jetez un coup d'oeil là-dessus ,
Desmond"
C'est tout juste si mes cheveux ne se dressent pas sur ma tête . Les deux autres me regardent
d'un air sinistre .
- Henry : "On ne peut quand même pas publier ça ! … Desmond : incinérateur B !"
jeudi 27 novembre 2014
EN REGARDANT MON CHAT
Sur une autre planète
J'aurais été ce chat
A horizon de pierres
Faisant sur un long mur
Un rêve à petites ondes
J'aurais été cet oeil
Ocre , couleur de terre
Désertée par les eaux
Comme d'une mer morte
J'aurais pu être aussi
Sur une autre planète
La pierre d'un mur à chats
Ou l'onde d'un long rêve
Ou ,
A l'horizon d'un oeil :
La couleur du désert
L'eau ocre d'une mer
Ou d'une terre morte
Je regarde mon chat
Faisant sur un long mur
Ce que j'aurais pu faire :
Un rêve à ondes courtes
J'aurais été ce chat
A horizon de pierres
Faisant sur un long mur
Un rêve à petites ondes
J'aurais été cet oeil
Ocre , couleur de terre
Désertée par les eaux
Comme d'une mer morte
J'aurais pu être aussi
Sur une autre planète
La pierre d'un mur à chats
Ou l'onde d'un long rêve
Ou ,
A l'horizon d'un oeil :
La couleur du désert
L'eau ocre d'une mer
Ou d'une terre morte
Je regarde mon chat
Faisant sur un long mur
Ce que j'aurais pu faire :
Un rêve à ondes courtes
JULES 3 . PETITE FILLE
Jules avait abandonné l'idée d'approcher son être dans ce qu'il a de plus
minuscule car , malgré un effort conceptuel douloureux , jamais il ne parvint
à tenir dans un même ensemble onde et particule . En manière de consolation ,
il se fit offrir par sa petite fille (Elle le visitait à l'hospice une fois par semaine)
"L'Astrophysique pour les Nuls" et il se sentit immédiatement plus à l'aise
dans l'infiniment grand . Cependant , quand il apprit à la page 312 paragr.2
qu'un astre pouvait produire de la lumière des millions d'années après sa mort ,
il s'inquiéta . Il demanda à sa petite fille de vérifier par un baiser qu'à l'image
du Jules qu'elle percevait entre les oreillers de son lit médicalisé était associé
un Jules en chair et en os .
minuscule car , malgré un effort conceptuel douloureux , jamais il ne parvint
à tenir dans un même ensemble onde et particule . En manière de consolation ,
il se fit offrir par sa petite fille (Elle le visitait à l'hospice une fois par semaine)
"L'Astrophysique pour les Nuls" et il se sentit immédiatement plus à l'aise
dans l'infiniment grand . Cependant , quand il apprit à la page 312 paragr.2
qu'un astre pouvait produire de la lumière des millions d'années après sa mort ,
il s'inquiéta . Il demanda à sa petite fille de vérifier par un baiser qu'à l'image
du Jules qu'elle percevait entre les oreillers de son lit médicalisé était associé
un Jules en chair et en os .
mercredi 26 novembre 2014
KRANT 18 . L' ÎLE INVISIBLE D'ARRAN
C'est sur le North Channel de la Mer d'Irlande , dans l'un de ses mauvais cotons ,
que j'approchai le coeur du mystère . J'étais monté sur le pont pour voir où en était
cette scabreuse navigation …
A tribord , le phare de Stranraer délivrait sa parole muette et discontinue par-dessus
les brumes appliquées comme une tenture de cristal sur le mur du monde , pendant qu'à
l'ouest les mornes collines du Comté d'Antrim se tassaient sur elles-mêmes comme une
sage-femme auprès d'un enfant mort-né , car je tenais les aurores de ce coin de terre
pour de fatales naissances .
Krant était sur le pont , jumelles pendues au cou , mains croisées derrière le dos ,
dans la posture hiératique d'un sphinx coupeur de flots . Il regardait droit devant lui ,
vers l'île pourtant invisible d'Arran . J'allais passer derrière l'éclat doré de ses épaulettes
pour gagner l'échelle d'accès à la passerelle quand (bien que ne m'ayant pas vu) il
m'interpella :
- "Chef ! … que trouvez-vous donc à ces campagnes ?"
A quiconque et à mes lecteurs non avertis , la question du capitaine paraît en un tel
lieu insolite . Mais je sus d'emblée que Krant évoquait mes escapades derrière Koenigs-
berg quand , au printemps , entre deux voyages , le Kritik en cale sèche panse ses plaies .
Alors , passés les faubourgs et les dernières isbas , je longe et franchis des fossés pleins
de la fonte des neiges de redoux ou foule à pieds humides les hautes herbes vert cru des
champs de seigle jusqu'aux bois qui bordent la Pregolia .
- Moi : "La paix , capitaine … l'odeur de la sève … le frissonnement des coquelicots …",
répondis-je sur un ton de défi respectueux car , de toutes ces choses les mers sont vides
et elles indiffèrent cet indécrottable marin ; nul n'a jamais vu Krant dans un chemin creux
et nulle vache de Prusse Orientale n'a jamais senti passer la paume du capitaine sur son
museau .
- Le capitaine : "La campagne est un décor … c'est un paysage … un objet …" . Ceci
assorti d'un haussement d'épaulettes .
En empoignant la rampe de l'échelle , j'eus de ces illuminations si rares dans nos
existences : ce que cherchait le capitaine sur les mers du globe sont ces minuscules
secondes d'indéniable présence . Plénitude . Être . Unité .
Je regardai encore ce dos puissant : Krant à ce moment était océan .
que j'approchai le coeur du mystère . J'étais monté sur le pont pour voir où en était
cette scabreuse navigation …
A tribord , le phare de Stranraer délivrait sa parole muette et discontinue par-dessus
les brumes appliquées comme une tenture de cristal sur le mur du monde , pendant qu'à
l'ouest les mornes collines du Comté d'Antrim se tassaient sur elles-mêmes comme une
sage-femme auprès d'un enfant mort-né , car je tenais les aurores de ce coin de terre
pour de fatales naissances .
Krant était sur le pont , jumelles pendues au cou , mains croisées derrière le dos ,
dans la posture hiératique d'un sphinx coupeur de flots . Il regardait droit devant lui ,
vers l'île pourtant invisible d'Arran . J'allais passer derrière l'éclat doré de ses épaulettes
pour gagner l'échelle d'accès à la passerelle quand (bien que ne m'ayant pas vu) il
m'interpella :
- "Chef ! … que trouvez-vous donc à ces campagnes ?"
A quiconque et à mes lecteurs non avertis , la question du capitaine paraît en un tel
lieu insolite . Mais je sus d'emblée que Krant évoquait mes escapades derrière Koenigs-
berg quand , au printemps , entre deux voyages , le Kritik en cale sèche panse ses plaies .
Alors , passés les faubourgs et les dernières isbas , je longe et franchis des fossés pleins
de la fonte des neiges de redoux ou foule à pieds humides les hautes herbes vert cru des
champs de seigle jusqu'aux bois qui bordent la Pregolia .
- Moi : "La paix , capitaine … l'odeur de la sève … le frissonnement des coquelicots …",
répondis-je sur un ton de défi respectueux car , de toutes ces choses les mers sont vides
et elles indiffèrent cet indécrottable marin ; nul n'a jamais vu Krant dans un chemin creux
et nulle vache de Prusse Orientale n'a jamais senti passer la paume du capitaine sur son
museau .
- Le capitaine : "La campagne est un décor … c'est un paysage … un objet …" . Ceci
assorti d'un haussement d'épaulettes .
En empoignant la rampe de l'échelle , j'eus de ces illuminations si rares dans nos
existences : ce que cherchait le capitaine sur les mers du globe sont ces minuscules
secondes d'indéniable présence . Plénitude . Être . Unité .
Je regardai encore ce dos puissant : Krant à ce moment était océan .
PARADIS 19 . CRÉATION ET SOUFFRANCE
- Dieu : "Ah ! … Ève ! … j'ai oublié de te dire … c'est un inconvénient de rien
du tout mais je dois te dire … Ève ! : tu enfanteras dans la souffrance !"
- Ève : "Eh ! … c'était pas prévu , ça !"
- Dieu : " … Ma cocotte ! … toute création suppose souffrance ! … penses-tu
que la verdure , l'herbe portant de la semence , les arbres donnant du fruit , les
grands poissons , les oiseaux , le bétail , les reptiles et les animaux terrestres ,
le virus H1N1 , je les ai créés sans souffrances ?" . Il montre à Ève son établi
où un Raphus Cucullatus est en cours de montage (c'est un Dodo , une espèce
de grosse dinde au plumage moiré , aujourd'hui disparu) …
- Ève : "Et lui ? …" . Elle désigne Adam d'un coup de son joli menton .
- Dieu . Il entraîne Ève par le coude et chuchote : "Lui ? … ma pauvre Ève ,
tu l'as regardé cet Adam ? … sale comme un peigne … occupé dix heures par
jour à retourner la terre … c'est un bon à rien … un destructeur … tu ne voudrais
pas que je lui sous-traite une partie de ma création !?"
- Ève . Elle hausse les épaules : "A quoi qui sert ?"
- Dieu : "C'est un sac à spermatozoïdes … avec un robinet …
- Ève . Elle regarde l'engin : "Hi , hi !"
du tout mais je dois te dire … Ève ! : tu enfanteras dans la souffrance !"
- Ève : "Eh ! … c'était pas prévu , ça !"
- Dieu : " … Ma cocotte ! … toute création suppose souffrance ! … penses-tu
que la verdure , l'herbe portant de la semence , les arbres donnant du fruit , les
grands poissons , les oiseaux , le bétail , les reptiles et les animaux terrestres ,
le virus H1N1 , je les ai créés sans souffrances ?" . Il montre à Ève son établi
où un Raphus Cucullatus est en cours de montage (c'est un Dodo , une espèce
de grosse dinde au plumage moiré , aujourd'hui disparu) …
- Ève : "Et lui ? …" . Elle désigne Adam d'un coup de son joli menton .
- Dieu . Il entraîne Ève par le coude et chuchote : "Lui ? … ma pauvre Ève ,
tu l'as regardé cet Adam ? … sale comme un peigne … occupé dix heures par
jour à retourner la terre … c'est un bon à rien … un destructeur … tu ne voudrais
pas que je lui sous-traite une partie de ma création !?"
- Ève . Elle hausse les épaules : "A quoi qui sert ?"
- Dieu : "C'est un sac à spermatozoïdes … avec un robinet …
- Ève . Elle regarde l'engin : "Hi , hi !"
mardi 25 novembre 2014
COTE 137 . 17 . LE PHONOGRAPHE
Où Martial avait-il dégoté ce phonographe ?
Il n'y avait autour de nous que la terre retournée .
L'artillerie pilonnait Montrepont .
- Le capitaine : "Saperlipopette , Martial , où l'avez-vous trouvé ?"
Un phonographe et un disque . Le capitaine lut le titre de la chanson :
"The Ship of Zion"
Martial remonta la manivelle . Le capitaine posa le disque sur la platine
et Martial l'aiguille sur le disque . La moitié de la compagnie était tassée là .
Une voix nègre s'éleva entre les chevaux de frise
"O , is your bundle ready ?
Hosann-sann
O , have you got your ticket ?"
L'artillerie pilonnait Montrepont .
"De gospel ship is sailin'
O , Jesus is de captain ,
De angels are de sailors ,
Hosann-sann"
- Martial : "Qu'est-ce qu'il dit , mon capitaine ?"
- Le capitaine :
"Ton baluchon est-il prêt ?
As-tu pris ton ticket ?"
- Martial : "Oui , mon capitaine , notre baluchon est prêt ,
Et nous avons notre ticket"
- Martial , à nous . Large sourire :
"Pas vrai , les gars ?"
Il n'y avait autour de nous que la terre retournée .
L'artillerie pilonnait Montrepont .
- Le capitaine : "Saperlipopette , Martial , où l'avez-vous trouvé ?"
Un phonographe et un disque . Le capitaine lut le titre de la chanson :
"The Ship of Zion"
Martial remonta la manivelle . Le capitaine posa le disque sur la platine
et Martial l'aiguille sur le disque . La moitié de la compagnie était tassée là .
Une voix nègre s'éleva entre les chevaux de frise
"O , is your bundle ready ?
Hosann-sann
O , have you got your ticket ?"
L'artillerie pilonnait Montrepont .
"De gospel ship is sailin'
O , Jesus is de captain ,
De angels are de sailors ,
Hosann-sann"
- Martial : "Qu'est-ce qu'il dit , mon capitaine ?"
- Le capitaine :
"Ton baluchon est-il prêt ?
As-tu pris ton ticket ?"
- Martial : "Oui , mon capitaine , notre baluchon est prêt ,
Et nous avons notre ticket"
- Martial , à nous . Large sourire :
"Pas vrai , les gars ?"
ASSAPH
J'étais au lit-cage
Penché sur ta blondeur .
Les glaces dérivaient comme au jour sevré .
Déjà , vomissant à la mer
D'écoeurants laitages ,
Tu quittais le mouillage .
Au premier quart d'heure ,
Pouvais-je résoudre l'énigme du linkage ?
Penché sur ta blondeur .
Les glaces dérivaient comme au jour sevré .
Déjà , vomissant à la mer
D'écoeurants laitages ,
Tu quittais le mouillage .
Au premier quart d'heure ,
Pouvais-je résoudre l'énigme du linkage ?
JULES 2 . SOEUR MARIE
Soeur Marie de la Sainte Croix posa sur la table de nuit un verre d'eau où
bouillonnait un cachet d'aspirine . Jules attendit qu'elle fut sortie , qu'elle eut
fermé la porte et que le crêpe de ses chaussures eut cessé de couiner sur le
parquet hyper-ciré du couloir avant de s'allonger sur son lit et sortir de sous
son matelas "La Physique quantique pour les Nuls" . Que la Soeur Marie de
la Sainte Croix sache qu'il ne bornait pas ses lectures à l'éditorial de "Pèlerin
magazine" importait peu mais cette fouineuse , l'apprenant , aurait posé ses
jalons pour des explorations futures . Le marque-page était planté entre les
pages 12 et 13 , là où il avait tracé au crayon à mine un point d'interrogation .
C'était cette nuit , dans la marge du paragraphe intitulé : "Catastrophe ultra-
violette" , sur lequel sa compréhension s'était fracassée et ce n'est pas le rem-
voi pédagogique à la "Résolution classique du corps noir" qui l'avait aidé à
surmonter l'obstacle, bien au contraire . Finalement , il s'était endormi et Soeur
Marie de la Sainte Croix , diagnostiquant les prémisses d'un AVC avait à tout
hasard prescrit de l'aspirine …
Jules était-il parmi les nuls , le plus nul ? . Cette question subsidiaire , il se
la posait et elle resta provisoirement sans réponse .
bouillonnait un cachet d'aspirine . Jules attendit qu'elle fut sortie , qu'elle eut
fermé la porte et que le crêpe de ses chaussures eut cessé de couiner sur le
parquet hyper-ciré du couloir avant de s'allonger sur son lit et sortir de sous
son matelas "La Physique quantique pour les Nuls" . Que la Soeur Marie de
la Sainte Croix sache qu'il ne bornait pas ses lectures à l'éditorial de "Pèlerin
magazine" importait peu mais cette fouineuse , l'apprenant , aurait posé ses
jalons pour des explorations futures . Le marque-page était planté entre les
pages 12 et 13 , là où il avait tracé au crayon à mine un point d'interrogation .
C'était cette nuit , dans la marge du paragraphe intitulé : "Catastrophe ultra-
violette" , sur lequel sa compréhension s'était fracassée et ce n'est pas le rem-
voi pédagogique à la "Résolution classique du corps noir" qui l'avait aidé à
surmonter l'obstacle, bien au contraire . Finalement , il s'était endormi et Soeur
Marie de la Sainte Croix , diagnostiquant les prémisses d'un AVC avait à tout
hasard prescrit de l'aspirine …
Jules était-il parmi les nuls , le plus nul ? . Cette question subsidiaire , il se
la posait et elle resta provisoirement sans réponse .
TROIS MOUCHES 21 . FÊTE FORAINE
C'était dimanche . La grande roue tournait derrière nous et Berthe sentait
le nougat . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre
nos chapeaux de paille . J'étais amoureux . La foule nous serrait de près .
C'était dimanche . La foule bourdonnait et trois mouches amoureuses
nous serraient de près . Nos chapeaux de paille tournaient sur les manèges
et la roue , merveilleuse grande roue ! , sentait le nougat .
C'était dimanche . La grande roue et les manèges tournaient . Berthe me
serrait de près ; elle était amoureuse . La foule sentait le nougat et lançait aux
mouches ses chapeaux de paille .
le nougat . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre
nos chapeaux de paille . J'étais amoureux . La foule nous serrait de près .
C'était dimanche . La foule bourdonnait et trois mouches amoureuses
nous serraient de près . Nos chapeaux de paille tournaient sur les manèges
et la roue , merveilleuse grande roue ! , sentait le nougat .
C'était dimanche . La grande roue et les manèges tournaient . Berthe me
serrait de près ; elle était amoureuse . La foule sentait le nougat et lançait aux
mouches ses chapeaux de paille .
dimanche 23 novembre 2014
DESMOND 12 . LE BOUTON ROUGE
- "Vous voyez ce bouton ?"
Je suis dans le bureau du Président . Il a ouvert un coffre mural . Au fond , il y a
un bouton rouge .
- "J'appuie là-dessus et je vitrifie la planète !"
- Moi . Je m'avance : "…………?……………."
- Lui : "Allez pas toucher à cette saleté , hein ! … est-ce que vous m'aiderez , Desmond ?"
- Moi : "Vous aider , Mister President ?"
- Lui : "…… à appuyer …"
- Moi : " … Jamais de la vie , Monsieur le Président !!"
- Lui . Il tourne sur lui-même comme s'il cherchait quelque chose : "Putain de Bureau
Ovale … y a pas un coin où se tasser en position foetale … la tête enfouie dans les bras …"
- Moi : "……………………………….
- Lui : "C'est fait exprès … si un jour je vous appelle , Desmond … "Desmond , montez
dans mon bureau … j'ai un service à vous demander" … vous guiderez mon doigt ?"
- Moi : "Non , Monsieur le President"
- Lui : "On se servirait un triple scotch , vite fait … avant que les salopards d'en-face …
pour se donner du courage … on serait assez pété pour appuyer …"
- Moi : "Non , Monsieur le Président , non !"
- Lui : "Vous croyez que ça m'amuse ?" . Il referme le coffre et compose un numéro de
code … "Je vous donnerais bien le code , Desmond … et la clé …"
- Moi : "Je n'en veut pas , Monsieur le Président"
- Lui : "B ….. L ….. E ….."
- Moi . Je me bouche les oreilles : "Non , Monsieur le Président !"
- Lui . Il éclate de rire : "Mais c'est une blague , Desmond ! … vous ne pensez pas que
je vais confier le sort de la planète à un freluquet à peine sorti d'Harvard !?"
- Moi : "… Bien sûr , Monsieur le Président … "
- Lui : "Il faut des couilles pour faire mon boulot … et le strict minimum dans la tête …
scotch ?"
- Moi : "Il est à peine 15h , Monsieur le Président !"
- Lui : "Et alors ? … je suis bourré toute la journée … sinon , comment je prendrais les
décisions ultimes ? … hein , comment ?"
Telephone . Ligne sécurisée .
- Lui : "Ah , Henry ! … hello , old fellow ! … au Guatemela ? … situez-moi ce truc …
en gros , Henry … en gros ………. ah , les salauds ! … foutez-leur sur la gueule !"
Je suis dans le bureau du Président . Il a ouvert un coffre mural . Au fond , il y a
un bouton rouge .
- "J'appuie là-dessus et je vitrifie la planète !"
- Moi . Je m'avance : "…………?……………."
- Lui : "Allez pas toucher à cette saleté , hein ! … est-ce que vous m'aiderez , Desmond ?"
- Moi : "Vous aider , Mister President ?"
- Lui : "…… à appuyer …"
- Moi : " … Jamais de la vie , Monsieur le Président !!"
- Lui . Il tourne sur lui-même comme s'il cherchait quelque chose : "Putain de Bureau
Ovale … y a pas un coin où se tasser en position foetale … la tête enfouie dans les bras …"
- Moi : "……………………………….
- Lui : "C'est fait exprès … si un jour je vous appelle , Desmond … "Desmond , montez
dans mon bureau … j'ai un service à vous demander" … vous guiderez mon doigt ?"
- Moi : "Non , Monsieur le President"
- Lui : "On se servirait un triple scotch , vite fait … avant que les salopards d'en-face …
pour se donner du courage … on serait assez pété pour appuyer …"
- Moi : "Non , Monsieur le Président , non !"
- Lui : "Vous croyez que ça m'amuse ?" . Il referme le coffre et compose un numéro de
code … "Je vous donnerais bien le code , Desmond … et la clé …"
- Moi : "Je n'en veut pas , Monsieur le Président"
- Lui : "B ….. L ….. E ….."
- Moi . Je me bouche les oreilles : "Non , Monsieur le Président !"
- Lui . Il éclate de rire : "Mais c'est une blague , Desmond ! … vous ne pensez pas que
je vais confier le sort de la planète à un freluquet à peine sorti d'Harvard !?"
- Moi : "… Bien sûr , Monsieur le Président … "
- Lui : "Il faut des couilles pour faire mon boulot … et le strict minimum dans la tête …
scotch ?"
- Moi : "Il est à peine 15h , Monsieur le Président !"
- Lui : "Et alors ? … je suis bourré toute la journée … sinon , comment je prendrais les
décisions ultimes ? … hein , comment ?"
Telephone . Ligne sécurisée .
- Lui : "Ah , Henry ! … hello , old fellow ! … au Guatemela ? … situez-moi ce truc …
en gros , Henry … en gros ………. ah , les salauds ! … foutez-leur sur la gueule !"
KRANT 17 . ÉQUATEUR
Les voyages marchands abandonnent parfois aux forçats que nous sommes des
minutes exubérantes . Nous passions ce jour-là la ligne entre Pini et Tanah Masa .
Déguisé en triton et crachant mes poumons dans une conque , j'assistais le quartier-
maître qui officiait en Neptune . Nous ordonnions à quelques gros bras que fussent
plongés dans un baquet plein d'eau les matelots non affranchis et le timonier lui-
même qui n'avait couru que des mers baltiques . Aspersions , rires et jurons en
dialecte haut-letton traversaient la moiteur insupportable du jour . Nous étions
presque nus .
De la passerelle de navigation , Krant observait cette scène burlesque . Le fan-
tôme de sourire qui déportait le tuyau de sa pipe dans l'angle de sa bouche valait
consentement à de tels débordements . Le capitaine portait sa tenue habituelle - la
même sous toutes les latitudes - à peine avait-il troqué les bottes pour une impeccable
paire de chaussures en toile blanche . Noeud de cravate serré, casquette droite , boutons
astiqués , plis nets , pas traces d'auréoles , comme si la vapeur tropicale l'exemptait de
ses lourdeurs .
Quand le capitaine quitta la passerelle , chacun sut qu'il devait regagner son poste .
Nous abordions ce couloir qui sépare l'archipel et la Grande Sumatra . Krant m'inter-
pela alors que je contournais le château par tribord avec ma queue de triton sous le
bras . Il était sur le passavant , au-dessus de moi , devant la porte de sa cabine .
- "Pensez-vous , chef , qu'un letton sait ce qu'il vient de passer ?"
- "Sûr , capitaine … l'équateur !"
- J'entends bien ... c'est un mot … est-ce qu'un letton a jamais regardé une carte …
ou une mappemonde ?"
- "J'en doute , capitaine …"
- "Je vous le dis , chef (il brandissait une pipe prophétique) … ce que nos lettons ont
franchi n'est qu'une promesse de cuite … celle qu'ils tiendront cette nuit au port ……
à Padang …"
- "Interdirez-vous la bordée , capitaine ?"
- Krant me tourna le dos et poussa la porte de sa cabine . "Non … les hommes perçoivent
le monde par le gosier …"
minutes exubérantes . Nous passions ce jour-là la ligne entre Pini et Tanah Masa .
Déguisé en triton et crachant mes poumons dans une conque , j'assistais le quartier-
maître qui officiait en Neptune . Nous ordonnions à quelques gros bras que fussent
plongés dans un baquet plein d'eau les matelots non affranchis et le timonier lui-
même qui n'avait couru que des mers baltiques . Aspersions , rires et jurons en
dialecte haut-letton traversaient la moiteur insupportable du jour . Nous étions
presque nus .
De la passerelle de navigation , Krant observait cette scène burlesque . Le fan-
tôme de sourire qui déportait le tuyau de sa pipe dans l'angle de sa bouche valait
consentement à de tels débordements . Le capitaine portait sa tenue habituelle - la
même sous toutes les latitudes - à peine avait-il troqué les bottes pour une impeccable
paire de chaussures en toile blanche . Noeud de cravate serré, casquette droite , boutons
astiqués , plis nets , pas traces d'auréoles , comme si la vapeur tropicale l'exemptait de
ses lourdeurs .
Quand le capitaine quitta la passerelle , chacun sut qu'il devait regagner son poste .
Nous abordions ce couloir qui sépare l'archipel et la Grande Sumatra . Krant m'inter-
pela alors que je contournais le château par tribord avec ma queue de triton sous le
bras . Il était sur le passavant , au-dessus de moi , devant la porte de sa cabine .
- "Pensez-vous , chef , qu'un letton sait ce qu'il vient de passer ?"
- "Sûr , capitaine … l'équateur !"
- J'entends bien ... c'est un mot … est-ce qu'un letton a jamais regardé une carte …
ou une mappemonde ?"
- "J'en doute , capitaine …"
- "Je vous le dis , chef (il brandissait une pipe prophétique) … ce que nos lettons ont
franchi n'est qu'une promesse de cuite … celle qu'ils tiendront cette nuit au port ……
à Padang …"
- "Interdirez-vous la bordée , capitaine ?"
- Krant me tourna le dos et poussa la porte de sa cabine . "Non … les hommes perçoivent
le monde par le gosier …"
samedi 22 novembre 2014
PARADIS 18 . DRÜCKER
Au 7e jour , Dieu se reposa de toute son oeuvre .
Pendant qu'Il dormait , l'Homme prit les choses en mains . Il débita,
arracha , débroussailla , tronçonna , pompa , compacta , nivela , décortiqua ,
exfolia , désinsectisa , perfora , sonda , concassa , tritura , suça , desherba ,
pulvérisa , pelleta , excava , bétonna , débarda , chaluta , carotta , défibra ,
exhuma , défonça , démantibula , défricha , extirpa , bouscula , chassa ,
dessala , assécha , déboisa , déblaya et remblaya , défolia , incendia ,
chamboula , déchiqueta , essarta , charria , désossa , amoncela , salopa ,
tritura , piocha , gratta , dragua , effeuilla , chambarda , tassa , fouilla ,
démoustiqua , endigua …
Il fit cela les 8° - 9° - 10° - 11° - 12° et 13° jours . Au 14° jour , l'Homme
alluma sa TV car c'était "Vivement Dimanche" avec Michel Drücker ; Il pria
Dieu de reprendre Sa Création .
Alors Dieu dit : "Ça va pas la tête !?"
Pendant qu'Il dormait , l'Homme prit les choses en mains . Il débita,
arracha , débroussailla , tronçonna , pompa , compacta , nivela , décortiqua ,
exfolia , désinsectisa , perfora , sonda , concassa , tritura , suça , desherba ,
pulvérisa , pelleta , excava , bétonna , débarda , chaluta , carotta , défibra ,
exhuma , défonça , démantibula , défricha , extirpa , bouscula , chassa ,
dessala , assécha , déboisa , déblaya et remblaya , défolia , incendia ,
chamboula , déchiqueta , essarta , charria , désossa , amoncela , salopa ,
tritura , piocha , gratta , dragua , effeuilla , chambarda , tassa , fouilla ,
démoustiqua , endigua …
Il fit cela les 8° - 9° - 10° - 11° - 12° et 13° jours . Au 14° jour , l'Homme
alluma sa TV car c'était "Vivement Dimanche" avec Michel Drücker ; Il pria
Dieu de reprendre Sa Création .
Alors Dieu dit : "Ça va pas la tête !?"
vendredi 21 novembre 2014
CHOI-NAM N'EST PAS LÀ
Que l'absence aurait sur la présence un léger excédent de réalité ,
telle est la thèse qu'avancent les nuages et le quadrilatère de lumière
entrés dans cet ordre par la fenêtre ouverte de Choi-nam Yang . La
forme de Choi-nam , le parfum de Choi-nam , l'air déplacé par Choi-
nam , les fleurs peintes sur le mur par Choi-nam sont plus de présence
que Choi-nam . A l'inverse et ailleurs , hors de notre perception , il
n'est pas impossible que la présence de Choi-nam excède son défaut
d'être de quelques paroles plaisantes ...
telle est la thèse qu'avancent les nuages et le quadrilatère de lumière
entrés dans cet ordre par la fenêtre ouverte de Choi-nam Yang . La
forme de Choi-nam , le parfum de Choi-nam , l'air déplacé par Choi-
nam , les fleurs peintes sur le mur par Choi-nam sont plus de présence
que Choi-nam . A l'inverse et ailleurs , hors de notre perception , il
n'est pas impossible que la présence de Choi-nam excède son défaut
d'être de quelques paroles plaisantes ...
COTE 137 . 16 . NINI
Retour de permission .
Martial déroule une affiche : le moulin Rouge , Nini Patte en l'Air , presque nue .
- Martial : "Mon capitaine !"
Le capitaine passe la tête hors de son abri .
- Martial : "Ai pensé à vous mon capitaine … pour agrémenter votre casemate …
regardez-moi ça … Nini Patte en l'Air !"
- Le capitaine (Les lazaristes l'ont éduqué) : "Martial , vous n'y pensez pas !? …
cette créature chez moi !?"
- Martial , retournant l'affiche vers lui : "Mince , mon capitaine !! … elle ne vous
plaît pas !? … comment c'est-y possible ? … mince ! … ces flotteurs … ces hanches …
ces gambettes ! …"
- Le capitaine : "C'est un poste de commandement , ici ! … pas un bouge ! …" . Et
il disparaît .
- Martial s'asseoit . Il enroule son affiche : "Bon … ben … qu'est-ce qu'on va faire
de toi , ma belle ?" . Puis il file à demi-courbé dans la tranchée car les abeilles enne-
mies bourdonnent . Il emmène Nini et ses plumes sous son bras .
- Retour de Martial avec une planche et trois clous . A moi : "Voilà qui fera l'affaire
mon vieux" . Il fiche la planche dans la boue et l'enfonce à coups de pince à barbelés .
Nini Patte en l'Air ou la Beauté dans notre tranchée .
Minuit . Il se met à pleuvoir .
- Martial : "Merde ! … Nini !"
- Et Martial tambourine à la porte du capitaine : "Mon capitaine , mon capitaine ,
réveillez-vous … il y a là une dame toute nue … mon capitaine ! … il pleut ! …"
- Le capitaine , de l'intérieur : "Faites-la entrer Martial !"
Martial déroule une affiche : le moulin Rouge , Nini Patte en l'Air , presque nue .
- Martial : "Mon capitaine !"
Le capitaine passe la tête hors de son abri .
- Martial : "Ai pensé à vous mon capitaine … pour agrémenter votre casemate …
regardez-moi ça … Nini Patte en l'Air !"
- Le capitaine (Les lazaristes l'ont éduqué) : "Martial , vous n'y pensez pas !? …
cette créature chez moi !?"
- Martial , retournant l'affiche vers lui : "Mince , mon capitaine !! … elle ne vous
plaît pas !? … comment c'est-y possible ? … mince ! … ces flotteurs … ces hanches …
ces gambettes ! …"
- Le capitaine : "C'est un poste de commandement , ici ! … pas un bouge ! …" . Et
il disparaît .
- Martial s'asseoit . Il enroule son affiche : "Bon … ben … qu'est-ce qu'on va faire
de toi , ma belle ?" . Puis il file à demi-courbé dans la tranchée car les abeilles enne-
mies bourdonnent . Il emmène Nini et ses plumes sous son bras .
- Retour de Martial avec une planche et trois clous . A moi : "Voilà qui fera l'affaire
mon vieux" . Il fiche la planche dans la boue et l'enfonce à coups de pince à barbelés .
Nini Patte en l'Air ou la Beauté dans notre tranchée .
Minuit . Il se met à pleuvoir .
- Martial : "Merde ! … Nini !"
- Et Martial tambourine à la porte du capitaine : "Mon capitaine , mon capitaine ,
réveillez-vous … il y a là une dame toute nue … mon capitaine ! … il pleut ! …"
- Le capitaine , de l'intérieur : "Faites-la entrer Martial !"
JULES 1 . L'HOSPICE
A 80 ans , Jules se décida à vendre sa maison et - par voie de conséquence -
sa bibliothèque . Il n'emporta à l'hospice qu'un seul livre . Son entourage conjec-
tura . Certains penchaient pour une oeuvre russe , "Les Frères Karamazov" ou
"Guerre et Paix" , d'autres pour "Les Sept Boules de Cristal" , d'autres encore
-plus aventureux - pensaient que le best-seller d'Hervé Bazin "Lève-toi et marche"
était jouable . Or , cette littérature de haut vol , Jules la vendit pour son poids de
papier . Le livre qu'il glissa entre ses chemises et ses slips avant de fermer la porte
de sa maison vide était une brochure chiffonnée et piquée de marque-pages : "La
Chimie expliquée aux nuls" . De l'hydrogène , du carbone et de l'oxygène , Jules
pressentait que son corps était imbibé mais qu'en était-il de l'azote , du sodium , du
chlore , du magnésium et des acides aminés ? … N'entrait-il du calcium dans la com-
position de son squelette et du fer dans son sang ? . Dès qu'il aurait posé sa valise sur
le châlit et sa brosse à dents sur la tablette en porcelaine , il se promit de relire le cha-
pitre relatif au rôle du phosphore dans l'excitation des tissus nerveux . Demain , si
les Soeurs de la Charité lui accordaient une permission de sortie , il irait à la librairie
de la Grand-Place pour acheter "La Physique Quantique pour les nuls" afin d'appro-
cher les plus fines particules de son être .
sa bibliothèque . Il n'emporta à l'hospice qu'un seul livre . Son entourage conjec-
tura . Certains penchaient pour une oeuvre russe , "Les Frères Karamazov" ou
"Guerre et Paix" , d'autres pour "Les Sept Boules de Cristal" , d'autres encore
-plus aventureux - pensaient que le best-seller d'Hervé Bazin "Lève-toi et marche"
était jouable . Or , cette littérature de haut vol , Jules la vendit pour son poids de
papier . Le livre qu'il glissa entre ses chemises et ses slips avant de fermer la porte
de sa maison vide était une brochure chiffonnée et piquée de marque-pages : "La
Chimie expliquée aux nuls" . De l'hydrogène , du carbone et de l'oxygène , Jules
pressentait que son corps était imbibé mais qu'en était-il de l'azote , du sodium , du
chlore , du magnésium et des acides aminés ? … N'entrait-il du calcium dans la com-
position de son squelette et du fer dans son sang ? . Dès qu'il aurait posé sa valise sur
le châlit et sa brosse à dents sur la tablette en porcelaine , il se promit de relire le cha-
pitre relatif au rôle du phosphore dans l'excitation des tissus nerveux . Demain , si
les Soeurs de la Charité lui accordaient une permission de sortie , il irait à la librairie
de la Grand-Place pour acheter "La Physique Quantique pour les nuls" afin d'appro-
cher les plus fines particules de son être .
jeudi 20 novembre 2014
ROANOKE
Pas de papiers gras .
Pas - quelle horreur ! - de merdes de chiens , pas de chiens pour les faire et pas de
trottoirs pour les poser car à Roanoke - Alabama - il n'y a pas de piétons ; on cir-
cule en voitures .
Pas de pauvres , pas d'étrangers , pas de petites coupures .
Maisons blanches .
De style .
Gazons de genre anglais , verts sans complexes et tirés au cordeau . Arrosage auto-
matique , on puise dans le réservoir de Cordell Hull . A Roanoke , le ciel est bleu
toute l'année mais , à la Saint Médart , on convoque les nuages du golfe pour rem-
plir les nappes , ce qu'ils font avec une ponctuelle bonne volonté .
On travaille sur écrans . Ni sueur , ni courbatures … jouissance est ici maître-mot .
Dollars .
Personnel stylé , trié sur le volet .
Employés municipaux suréquipés / surpayés .
Police et vigiles à fort coefficient intellectuel .
Haies géométriques .
Temple et pasteur .
Tennis - Piscines - Bronzage - Jus d'orange .
Chimiothérapie sans ostentation .
Enfants propres .
Sexe à l'horizon .
Pas - quelle horreur ! - de merdes de chiens , pas de chiens pour les faire et pas de
trottoirs pour les poser car à Roanoke - Alabama - il n'y a pas de piétons ; on cir-
cule en voitures .
Pas de pauvres , pas d'étrangers , pas de petites coupures .
Maisons blanches .
De style .
Gazons de genre anglais , verts sans complexes et tirés au cordeau . Arrosage auto-
matique , on puise dans le réservoir de Cordell Hull . A Roanoke , le ciel est bleu
toute l'année mais , à la Saint Médart , on convoque les nuages du golfe pour rem-
plir les nappes , ce qu'ils font avec une ponctuelle bonne volonté .
On travaille sur écrans . Ni sueur , ni courbatures … jouissance est ici maître-mot .
Dollars .
Personnel stylé , trié sur le volet .
Employés municipaux suréquipés / surpayés .
Police et vigiles à fort coefficient intellectuel .
Haies géométriques .
Temple et pasteur .
Tennis - Piscines - Bronzage - Jus d'orange .
Chimiothérapie sans ostentation .
Enfants propres .
Sexe à l'horizon .
mercredi 19 novembre 2014
TROIS MOUCHES 20 . ANGE ORSINI
Un espace vaguement cerné de broussailles accote la bergerie d'Ange Orsini .
Les garçons sont placés à l'avant-plan comme il se doit et les filles refoulées au
pied d'un mur ronceux . L'oeil noir de la chambre photographique , indifférent
et morne , assiste à cette anthropologique mise en scène . Au centre , l'âne et le
curé découpent leur stupide silhouette sur le ciel de Corse et (cependant que trois
mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille)
je n'ai pas envie de rire .
Une merveilleuse envie de rire cerne la chambre des filles pendant que les
garçons , accotés au mur du curé , bourdonnent contre le ciel de Corse , l'oeil
stupide , et découpent dans un espace vaguement anthropologique la bergerie
d'Ange Orsini . Des chapeaux de paille refoulent trois mouches dans un morne
roncier et l'âne , noire silhouette , assiste à la scène .
Mon chapeau de paille vaguement découpé dans un ciel morne cerne trois filles
à l'oeil merveilleux . Indifférentes , elles refoulent à mes pieds leur envie de garçons
et leur rire stupide . Silhouettes noires au centre de ma chambre , elles bourdonnent
comme une broussaille et dehors , entre les ronces vermeilles , la Corse espace les
murs accotés à la bergerie d'Ange .
Les garçons sont placés à l'avant-plan comme il se doit et les filles refoulées au
pied d'un mur ronceux . L'oeil noir de la chambre photographique , indifférent
et morne , assiste à cette anthropologique mise en scène . Au centre , l'âne et le
curé découpent leur stupide silhouette sur le ciel de Corse et (cependant que trois
mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille)
je n'ai pas envie de rire .
Une merveilleuse envie de rire cerne la chambre des filles pendant que les
garçons , accotés au mur du curé , bourdonnent contre le ciel de Corse , l'oeil
stupide , et découpent dans un espace vaguement anthropologique la bergerie
d'Ange Orsini . Des chapeaux de paille refoulent trois mouches dans un morne
roncier et l'âne , noire silhouette , assiste à la scène .
Mon chapeau de paille vaguement découpé dans un ciel morne cerne trois filles
à l'oeil merveilleux . Indifférentes , elles refoulent à mes pieds leur envie de garçons
et leur rire stupide . Silhouettes noires au centre de ma chambre , elles bourdonnent
comme une broussaille et dehors , entre les ronces vermeilles , la Corse espace les
murs accotés à la bergerie d'Ange .
lundi 17 novembre 2014
DESMOND 11 . LES STABILOS
- "Marilyn !! … these stabiles are absolute trash ! … fuck it ! …" . C'est le Président .
Il hurle . Il sort de son bureau comme une bumper car au moment où je passe dans le
couloir avec des documents top-secrets à détruire après lecture ; il me percute et le
choc est si violent que la pile m'échappe et que se répandent sur la moquette les tur-
pitudes de la terre entière …
- Le Président : "Oh , Desmond ! … I'm so sorry ! … c'est cette peste de Marilyn …
elle m'a refilé des contrefaçons chinoises … ces stabilos sont a load of crap ! …"
J'entreprends , à quatre pattes , de ramener vers moi ce monceau d'ordures interna-
tionales et le Président s'accroupit pour m'aider .
- Le Président : "Vous comprenez , Desmond , j'ai absolument besoin de stabilos …
sans ça , I'm completely lost … the red one pour ces gros ballots de moujiks com-
munistes , yellow for the chintoks , the black one for negroes , and so on …"
Hurlant : "Marilyn ! … what the hell are you doing !?"
Marilyn s'incarne dans une paire de talons aiguilles rouge vif plantés dans la moquette .
- Marilyn : "Yes , Mister President ?"
- Le Président : "Marilyn , ma chérie … mes stabilos … qu'est-ce que c'est que ces
merdes dans mon plumier ? … je vous l'ai dit cent fois : des stabilos boss de la marque
Stabilo ! … pas ces cochonneries à deux cents de dollar namibien made in China ! …"
- Marilyn : " Dickie ! … y z'en n'ont plus à la papeterie de Calvert Street !"
- Le Président . A quatre pattes comme moi : "Quelle papeterie , Marilyn ? … il y a une
papeterie à Calvert Street ? … ma cocotte … des vrais stabilos , y en a autant qu'on
veut à Dupont Circle ou à Tysons Corner … chez Walker …
- Le Président . Il frotte ses genoux pour ôter les minous : "Vous comprenez , Desmond …
je dois stabiler ces putains de rapports … red-one pour les moujiks …"
- Moi : "Euh … Monsieur le Président … si je puis me permettre : "stabiler" est incorrect …
"stabiloter" ou "stabilobosser" sont les deux vocables admis"
- Le Président : "Vous êtes sûr ? … vous avez vu Bled sur ce point ? …"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président"
- Le Président . Il pose sa main sur mon épaule : "Vous êtes un homme précieux ,
Desmond …" . A Marilyn : "Remuez-vous les fesses Marilyn ! … d'urgence ! … j'ai
à stabilobosser ! " . A moi : "Est-ce bien ainsi , Desmond ?"
- Moi : "C'était parfait , Mister President !"
Il hurle . Il sort de son bureau comme une bumper car au moment où je passe dans le
couloir avec des documents top-secrets à détruire après lecture ; il me percute et le
choc est si violent que la pile m'échappe et que se répandent sur la moquette les tur-
pitudes de la terre entière …
- Le Président : "Oh , Desmond ! … I'm so sorry ! … c'est cette peste de Marilyn …
elle m'a refilé des contrefaçons chinoises … ces stabilos sont a load of crap ! …"
J'entreprends , à quatre pattes , de ramener vers moi ce monceau d'ordures interna-
tionales et le Président s'accroupit pour m'aider .
- Le Président : "Vous comprenez , Desmond , j'ai absolument besoin de stabilos …
sans ça , I'm completely lost … the red one pour ces gros ballots de moujiks com-
munistes , yellow for the chintoks , the black one for negroes , and so on …"
Hurlant : "Marilyn ! … what the hell are you doing !?"
Marilyn s'incarne dans une paire de talons aiguilles rouge vif plantés dans la moquette .
- Marilyn : "Yes , Mister President ?"
- Le Président : "Marilyn , ma chérie … mes stabilos … qu'est-ce que c'est que ces
merdes dans mon plumier ? … je vous l'ai dit cent fois : des stabilos boss de la marque
Stabilo ! … pas ces cochonneries à deux cents de dollar namibien made in China ! …"
- Marilyn : " Dickie ! … y z'en n'ont plus à la papeterie de Calvert Street !"
- Le Président . A quatre pattes comme moi : "Quelle papeterie , Marilyn ? … il y a une
papeterie à Calvert Street ? … ma cocotte … des vrais stabilos , y en a autant qu'on
veut à Dupont Circle ou à Tysons Corner … chez Walker …
- Le Président . Il frotte ses genoux pour ôter les minous : "Vous comprenez , Desmond …
je dois stabiler ces putains de rapports … red-one pour les moujiks …"
- Moi : "Euh … Monsieur le Président … si je puis me permettre : "stabiler" est incorrect …
"stabiloter" ou "stabilobosser" sont les deux vocables admis"
- Le Président : "Vous êtes sûr ? … vous avez vu Bled sur ce point ? …"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président"
- Le Président . Il pose sa main sur mon épaule : "Vous êtes un homme précieux ,
Desmond …" . A Marilyn : "Remuez-vous les fesses Marilyn ! … d'urgence ! … j'ai
à stabilobosser ! " . A moi : "Est-ce bien ainsi , Desmond ?"
- Moi : "C'était parfait , Mister President !"
dimanche 16 novembre 2014
FUNÉRARIUM
Dans la pénombre , sous mon corps momifié , on devinait
les bords dentelés de la table à tréteaux où il reposait , et ce qui
semblait six grands cierges . Pourquoi mon épouse , mariée
depuis 72 ans avec le même homme (moi) , avait-elle prié l'en-
baumeur d'ériger six grands cierges autour de ma dépouille ?
Mystère !
Pour y voir enfin clair en moi ?
Ou dans l'espoir qu'une escarbille mette le feu à la gomme de
mes bandelettes et qu'on en finisse avec ces rites d'un autre temps ?
les bords dentelés de la table à tréteaux où il reposait , et ce qui
semblait six grands cierges . Pourquoi mon épouse , mariée
depuis 72 ans avec le même homme (moi) , avait-elle prié l'en-
baumeur d'ériger six grands cierges autour de ma dépouille ?
Mystère !
Pour y voir enfin clair en moi ?
Ou dans l'espoir qu'une escarbille mette le feu à la gomme de
mes bandelettes et qu'on en finisse avec ces rites d'un autre temps ?
KRANT 16 . DIEU , ENCORE
C'était un de ces soirs annonciateurs de tempête . Des nuages chargés d'eaux
arctiques filaient à ras d'horizon contre un ciel bleu pâle . Toutes choses projetaient
des ombres géantes sur la darse n°5 jusqu'au mur des entrepôts où elles bondissaient
à la verticale . Chaque objet présentait sur sa face ouest un anormal éclat . Krant venait
vers moi , non pas avec intention mais parce que nos chemins allaient inévitablement
se croiser . Nous étions distants encore d'une quinzaine de mètres quand : "Chef …
ne vous ai-je pas dit l'autre jour que Dieu n'existe pas ?"
- Moi : "Oui , capitaine , vous l'avez dit ! … nous étions au bout du môle …"
- Krant . Il s'était arrêté de marcher pour agencer ses pensées avant que je sois près de
lui . Les boutons de son plastron étincelaient comme l'or et ses sourcils étaient un
buisson ardent . Rallumant sa pipe éteinte : "J'ai eu tort …"
- Moi . J'ai 61 ans . À cet âge , on ne plaisante pas avec l'inexistence de Dieu , vu que
s'il existe un Dieu de compassion , prêt à concéder à un marin rongé par le sel un
potager pour solde d'éternité , ce marin est preneur . Aussi dis-je : "Parce qu'Il existe ?"
- Krant , tirant deux bouffées inaugurales ; "Je n'en ai aucune idée !" . Une zone sombre
passa à toute vitesse sur la darse . "Avez-vous l'idée d'infini , chef ?"
- Moi : "Oui , bien entendu capitaine !"
- Krant : "Vous l'avez vu ?"
- Moi : "Non , capitaine , c'est impossible !"
- Krant : "On a donc l'idée de choses impossibles à voir ?"
- Moi . Le froid maintenant passait à travers ma vareuse : "… Ainsi , Dieu n'existe pas ?"
- Krant : "Je n'ai pas dit ça ; chef … ce qui existe , c'est l'idée de Dieu … mais la question
de son existence est aussi idiote que de savoir quel temps il fera ici dans trois mois …"
arctiques filaient à ras d'horizon contre un ciel bleu pâle . Toutes choses projetaient
des ombres géantes sur la darse n°5 jusqu'au mur des entrepôts où elles bondissaient
à la verticale . Chaque objet présentait sur sa face ouest un anormal éclat . Krant venait
vers moi , non pas avec intention mais parce que nos chemins allaient inévitablement
se croiser . Nous étions distants encore d'une quinzaine de mètres quand : "Chef …
ne vous ai-je pas dit l'autre jour que Dieu n'existe pas ?"
- Moi : "Oui , capitaine , vous l'avez dit ! … nous étions au bout du môle …"
- Krant . Il s'était arrêté de marcher pour agencer ses pensées avant que je sois près de
lui . Les boutons de son plastron étincelaient comme l'or et ses sourcils étaient un
buisson ardent . Rallumant sa pipe éteinte : "J'ai eu tort …"
- Moi . J'ai 61 ans . À cet âge , on ne plaisante pas avec l'inexistence de Dieu , vu que
s'il existe un Dieu de compassion , prêt à concéder à un marin rongé par le sel un
potager pour solde d'éternité , ce marin est preneur . Aussi dis-je : "Parce qu'Il existe ?"
- Krant , tirant deux bouffées inaugurales ; "Je n'en ai aucune idée !" . Une zone sombre
passa à toute vitesse sur la darse . "Avez-vous l'idée d'infini , chef ?"
- Moi : "Oui , bien entendu capitaine !"
- Krant : "Vous l'avez vu ?"
- Moi : "Non , capitaine , c'est impossible !"
- Krant : "On a donc l'idée de choses impossibles à voir ?"
- Moi . Le froid maintenant passait à travers ma vareuse : "… Ainsi , Dieu n'existe pas ?"
- Krant : "Je n'ai pas dit ça ; chef … ce qui existe , c'est l'idée de Dieu … mais la question
de son existence est aussi idiote que de savoir quel temps il fera ici dans trois mois …"
vendredi 14 novembre 2014
PARADIS 17 . ÉRECTION
Ève se promène toute nue dans le jardin d'Eden .
- Dieu : "Ève , tu enfanteras"
- Ève : "C'est quoi enfanter ?"
- Dieu : "C'est faire des enfants , ma chérie"
- Ève : "C'est quoi des enfants ?"
- Dieu : "C'est des petits … comme ton chaton" (Dieu lui a offert un mistigri
pour la Sainte Catherine)
- Ève battant les mains et tressautant des lolos : "Oh , chic alors ! … c'est un
nouveau jeu ! … quand c'est qu'on commence ?"
- Dieu : "Du calme , Ève ! … on a besoin d'Adam …"
- Ève . Son sourire se fige et ses lolos s'immobilisent : "Oh , flûte ! … Adam ! …
quelle barbe ! … on peut pas jouer rien qu'à nous deux ?"
- Dieu : "C'est pas gentil ce que tu dis … il a bien le droit de jouer aussi , non ? …
d'ailleurs , j'ai bricolé un système … on a besoin de lui …"
- Ève : "Ah …"
- Dieu : "Mais rassure-toi ma cocotte (Il fait un clin d'oeil) , je t'ai réservé le beau
rôle . Tu feras presque tout … Adam , c'est pour pas le vexer , tu comprends …"
- Dieu : "Adam !"
Adam entre dans la Clarté de Dieu . Il est nu sauf les bottes en caoutchouc , et il
est sale .
- Dieu : "Adam , tu as remué la terre ! … je t'ai dit trente-six fois d'arrêter ces jeux
idiots et sans avenir ! … viens ici , on va jouer avec Ève .
Dieu explique aux deux les règles du nouveau jeu : d'abord les prémisses , les car-
resses , les mots tendres , les baisers , la délicatesse , les frôlements … mais déjà
le sexe d'Adam est dressé .
- Dieu , à part Lui : "Mon Dieu (c'est Moi) , quel crétin !"
- Dieu : "Ève , tu enfanteras"
- Ève : "C'est quoi enfanter ?"
- Dieu : "C'est faire des enfants , ma chérie"
- Ève : "C'est quoi des enfants ?"
- Dieu : "C'est des petits … comme ton chaton" (Dieu lui a offert un mistigri
pour la Sainte Catherine)
- Ève battant les mains et tressautant des lolos : "Oh , chic alors ! … c'est un
nouveau jeu ! … quand c'est qu'on commence ?"
- Dieu : "Du calme , Ève ! … on a besoin d'Adam …"
- Ève . Son sourire se fige et ses lolos s'immobilisent : "Oh , flûte ! … Adam ! …
quelle barbe ! … on peut pas jouer rien qu'à nous deux ?"
- Dieu : "C'est pas gentil ce que tu dis … il a bien le droit de jouer aussi , non ? …
d'ailleurs , j'ai bricolé un système … on a besoin de lui …"
- Ève : "Ah …"
- Dieu : "Mais rassure-toi ma cocotte (Il fait un clin d'oeil) , je t'ai réservé le beau
rôle . Tu feras presque tout … Adam , c'est pour pas le vexer , tu comprends …"
- Dieu : "Adam !"
Adam entre dans la Clarté de Dieu . Il est nu sauf les bottes en caoutchouc , et il
est sale .
- Dieu : "Adam , tu as remué la terre ! … je t'ai dit trente-six fois d'arrêter ces jeux
idiots et sans avenir ! … viens ici , on va jouer avec Ève .
Dieu explique aux deux les règles du nouveau jeu : d'abord les prémisses , les car-
resses , les mots tendres , les baisers , la délicatesse , les frôlements … mais déjà
le sexe d'Adam est dressé .
- Dieu , à part Lui : "Mon Dieu (c'est Moi) , quel crétin !"
jeudi 13 novembre 2014
COTE 137 . 15 . LES CERISIERS
Accalmie .
Il ne pleut pas .
Pas de pluie . Pas d'obus .
Martial déballe son paquetage humide et suspend chaque objet au moyen de ficelles ,
fils de fer et bon équilibre aux dix mètres de barbelés qui protègent la tranchée : deux
couvertures roulées dans une toile de tente , une paire de chaussures de rechange , une
brosse à dents , un blaireau , un rasoir coupe-chou , une flasque , un fusil Lebel portant
baïonnette , un couteau , une peau de mouton , une pelle-pioche , une gamelle et ses cou-
verts , un roman écorné : "Paris en feu" par Henri Barbot , un briquet , une pipe , une
blague à tabac , un bouthéon pour les vivres de réserve , un dénoyauteur de cerises ,
un bracelet d'identification , une gourde avec sa housse moutarde , un litron de vin , un
quart en fer blanc , une boîte à savon , un havre-sac , deux musettes , une cartouchière
et 200 cartouches , 6 grenades à main et une grenade fusante , un ouvre-boîte type Le
Singe , une paire de guêtres , une pince à barbelés Peugeot , une cousette , un casque ,
des sous-vêtements , le livret militaire , une médaille en argent de Saint Gorgon , un
bidon pour le café , un mouchoir , une photo de famille , un petit carnet , un crayon à
mine , une gomme , un peigne , les bottes neuves d'Adolf (cf épis. ant .) , un jeu de
cartes , une plaque de chocolat , le masque à gaz …
Tout cela tintait , grinçait et tintinnabulait dans l'air léger …
- Martial : "Mon capitaine , venez voir !"
- Le capitaine . Il sort de sa casemate et découvre ce que tous regardent : un serpent
insolite d'objets pourtant familiers : "Qu'est-ce que c'est que ça ?"
- Martial : "Ça , mon capitaine ?"
- Le capitaine : "…………..?…………."
- Martial : "Ça , mon capitaine , c'est le barda que je me trimbale depuis Août 1914 …"
- Le capitaine . Mains dans les poches , il passe en revue le paquetage de Martial :
"Dites-moi , Martial … que vient faire là-dedans le dénoyauteur ?"
- Martial : "C'est pour me souvenir qu'il y a quelque part des cerisiers"
Il ne pleut pas .
Pas de pluie . Pas d'obus .
Martial déballe son paquetage humide et suspend chaque objet au moyen de ficelles ,
fils de fer et bon équilibre aux dix mètres de barbelés qui protègent la tranchée : deux
couvertures roulées dans une toile de tente , une paire de chaussures de rechange , une
brosse à dents , un blaireau , un rasoir coupe-chou , une flasque , un fusil Lebel portant
baïonnette , un couteau , une peau de mouton , une pelle-pioche , une gamelle et ses cou-
verts , un roman écorné : "Paris en feu" par Henri Barbot , un briquet , une pipe , une
blague à tabac , un bouthéon pour les vivres de réserve , un dénoyauteur de cerises ,
un bracelet d'identification , une gourde avec sa housse moutarde , un litron de vin , un
quart en fer blanc , une boîte à savon , un havre-sac , deux musettes , une cartouchière
et 200 cartouches , 6 grenades à main et une grenade fusante , un ouvre-boîte type Le
Singe , une paire de guêtres , une pince à barbelés Peugeot , une cousette , un casque ,
des sous-vêtements , le livret militaire , une médaille en argent de Saint Gorgon , un
bidon pour le café , un mouchoir , une photo de famille , un petit carnet , un crayon à
mine , une gomme , un peigne , les bottes neuves d'Adolf (cf épis. ant .) , un jeu de
cartes , une plaque de chocolat , le masque à gaz …
Tout cela tintait , grinçait et tintinnabulait dans l'air léger …
- Martial : "Mon capitaine , venez voir !"
- Le capitaine . Il sort de sa casemate et découvre ce que tous regardent : un serpent
insolite d'objets pourtant familiers : "Qu'est-ce que c'est que ça ?"
- Martial : "Ça , mon capitaine ?"
- Le capitaine : "…………..?…………."
- Martial : "Ça , mon capitaine , c'est le barda que je me trimbale depuis Août 1914 …"
- Le capitaine . Mains dans les poches , il passe en revue le paquetage de Martial :
"Dites-moi , Martial … que vient faire là-dedans le dénoyauteur ?"
- Martial : "C'est pour me souvenir qu'il y a quelque part des cerisiers"
MOI-MÊME
La locution moi-même implique un moi décalé
ayant la même forme que moi . Il y aurait un moi
identique mais autre . Ce même moi (n'étant pas
autrement qu'un autre) décalque un soi-même . Si
ce soi-même n'est pas moi-même , c'est un troisiè-
me autre identique à moi à partir de qui se décline
une infinité de moi(s?).
Est-ce clair ?
ayant la même forme que moi . Il y aurait un moi
identique mais autre . Ce même moi (n'étant pas
autrement qu'un autre) décalque un soi-même . Si
ce soi-même n'est pas moi-même , c'est un troisiè-
me autre identique à moi à partir de qui se décline
une infinité de moi(s?).
Est-ce clair ?
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