jeudi 22 janvier 2015

OREGON

Petit , je rêvais d'Oregon . Fils de pasteur et lecteur compulsif de récits d'aventures ,
deux raisons , deux causes et même , dirais-je , deux déterminatifs qui me firent
quitter le home pour les Grandes Plaines du Nord : j'allais convertir l'Iroquois .
Jonathan Heppner , un pauvre bougre de mon village mais qui avait quelques rudi-
ments de Bible et de cuisine m'accompagnait . Nous poussâmes en Territoire indien
par la Rivière Awak puis j'eus la mauvaise idée de bifurquer vers le nord . Avant de
laisser la rivière , j'incisai la souche d'un séquoïa d'une croix qui nous servirait de
repère . Nous errâmes six jours dans un dédale de cours d'eau , de lacs et de pitons .
Nous ne vîmes ni âme convertie ni âme à convertir . Nous mangeâmes des racines
à l'image de Jack Mitchell dans "Les aventures de Jack Mitchell" et nous trouvâmes
à descendre le long d'une rive qui s'avéra n'être autre que celle que nous avions
quitté une semaine auparavant : le séquoïa marqué d'une croix bruissait devant nous
de toutes ses feuilles ; nous avions tourné en rond .

Je décidai de planter la tente au pied de l'arbre géant , remerciai Dieu pour les épreu-
ces qu'Il nous imposait et ordonnai à Jonathan de monter la garde pendant que je
dormirais d'un sommeil sacrément mérité . Cette nuit-là , des iroquois qui nous sui-
vaient probablement depuis le début de notre entreprise fendirent le crâne de mon
assistant d'un coup de tomahawk et hachèrent avec le même outil la tente et le corps
de votre serviteur . Nos scalps furent accrochés à des branches basses .

Le Général Donaldson les découvrit deux ans plus tard . Il pacifia la région en ce sens
que ce que je voulais convertir , il le massacra . Sa méthode n'était pas éloignée de
l'iroquoise bien que ce bon général pratiquât des carnages plus vastes et moins brouillons .

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