mardi 18 octobre 2016

KRANT 70 . PÉNINSULES DÉMARRÉES

    Jim est le vin clair de la lie européenne qu'on trouve au fond de ces ports d'orient ,
forcée de travailler pour vivre et vivant de combines . Où l'art consiste à gagner ce qu'il
faut - rarement plus - pour parfaire l'enflure du foie et apaiser les brûlures du sexe . Pour
le reste , il y a longtemps - depuis combien de temps ? - qu'on a jeté par-dessus les grosses
pierres du quai le linge propre et la mousse à raser . Le terrier , c'est ces chambres à l'étage
des gargotes et la moisissure des murs , les dix heures de pucier à cuver , les femmes
malodorantes et on se retrouve en bas à raconter les prouesses qu'on a accomplies en rêve
pour combler en rêveur obstiné l'écart entre l'homme qu'on aurait pu être et celui qu'on est .

    Au pied du mur , on cherche un naïf à escroquer - mais c'est ici un personnage
introuvable - et on tombe pour finir entre les pattes d'un exploiteur chinois pour un job à
quatre sous .

    Jim ne boit pas . Son travail est régulier ; son employeur , officiel . Sa chambre est
nette , le parquet ciré , le lit fait au carré dans la grande tradition , la cuvette et le broc
d'eau brillent . Une table , une chaise , un miroir , un couteau à raser , un blaireau et un
livre de comptes , c'est tout .

    D'autres blancs vivent ici . Mais en haut , à l'écart du port et du gagne-pain , dans des
villas aux jardins parfumés où le large porte ses fraîcheurs par les fenêtres ouvertes .

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