J'adore les atlas .
Pourtant je ne voyage pas ; sauf au mois d'août , quand je descends en stop à Sanary .
J'adore les atlas . Le soir , dans mon lit , je me cale le dos sur trois oreillers et j'ouvre
avec solennité mon Grand Larousse . Mon pays préféré est la Hongrie .
Je n'irai jamais en Hongrie . D'ailleurs , ça ne vaut pas la peine d'y aller : j'y suis tous
les soirs . Je me promène sur le papier glacé entre Bekescsaba et Cluj-Napoca et j'imagine
selon mon humeur qu'entre ces deux bourgades , il y a une steppe et des chevaux sauva-
ges ou une route de terre battue sous les ramures vert tendre des chênes , … des bocages
où paissent des boeufs gris , des troupeaux de moutons ratzka … Michel Strogoff , a demi
aveugle , fuit avec Nadia les hordes de Feofar Khan par la plaine de Pannonie . Ils traver-
sent le Koros sur un pont branlant puis le Danube à hauteur de Székesfenervar sur une
barge . Là , derrière les faubourgs de la ville , les Monts Balkony exhibent au-dessus des
brumes leurs sombres forêts et les fleurs sauvages des clairières sont si troublantes que
Strogoff pleure et recouvre la vue .
Il est probable - c'est même certain - que la Hongrie ça n'est pas ça du tout . Mais c'est
ma Hongrie , et qu'est-ce qu'elle a de moins que la vraie Hongrie qui tremblote , navrée ,
à 1500 kms de ma petite chambre ?
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