Il y avait toujours sur le Kritik trois ou quatre mousses . Ils étaient à bonne école ,
la meilleure , dure et amicale , dont le barycentre était notre capitaine en qui conver-
geaient toutes les autorités : le prestige que confère le commandement , l'aura du
maître et pédagogue , la bonté impérative - distante et volontiers râpeuse - du père de
famille à l'ancienne mode . Danil était l'un de ces petits gaillards . Il fit trois campagnes
sur le Kritik , lessiva mille fois le pont , pela des tonnes de pommes de terre avant d'être
embauché comme matelot à l'âge légal . Krant était pour Danil le père élu pendant que
son géniteur mettait dans les bars de Koenigsberg la dernière main à la destruction de
son foie . Krant était notre père à tous , avec ses enfants sages et d'autres turbulents
comme le timonier , mais tous déférents . Il n'y avait que deux êtres qui se fussent
imposés comme une fatalité du ciel et formaient avec le capitaine une trinité : Hume
et Monsieur Lee . Leur embarquement procédait en quelque sorte d'une volonté ou
d'un hasard surnaturel qui n'avait rien à voir avec l'embauche . D'ailleurs ces deux-là
ne percevaient pas de salaire .
Ceci , je l'écris sur la table où ma mère épluchait ses légumes . C'est le printemps
dans trois jours . Il fait beau . La porte est ouverte sur le potager et la mare où j'ai tant
de fois contemplé la nature dans son infinie petitesse . De Danil , je parlerai plus tard ,
dans le tome IV de ces krantiades .
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