samedi 25 novembre 2017

TOM

    Les lumières d'août vibrionnaient autour des centaurées et il se trouvait qu'une
abeille frottait sa toison sur l'anthère renflée d'une étamine .

    C'était les grandes vacances . A y regarder de près , il apparut à Tom que l'abeille
pompait le nectar avec une petite machine , sorte d'aspirateur apicole , et que cette
frénésie causait comme par ricochet les tremblements de son abdomen .

    A quelque randonneur adulte , pressé d'atteindre avant la nuit son refuge et tenir un
planning chronométré , le phénomène aura paru anecdotique et contingent , hasardeux ,
relevant à la rigueur d'une étude statistique .

    Or , monde vierge de l'enfance , Tom approcha encore le nez jusqu'à effleurer les
capitules où opérait l'abeille et se révéla la minuscule mécanique de la nature car le
pelage de la bestiole se chargeait de pollen , participant à l'ordre des choses , aussi
nécessaire et inéluctable que l'orbite de Vénus autour du soleil .

    La partie supérieure de la patte arrière était creusée , à l'intérieur , en forme de cuiller
et des longs poils rigides recourbés comme des griffes la bordaient . L'abeille zigzaga
dans la couche d'air parfumée des centaurées et elle s'abattit sur une autre fleur . Elle
reprit une faible altitude en buzzillant et Tom vit qu'en ce vol stationnaire elle utilisait
une brosse disposée sur la partie externe de la même patte pour enlever les grains pris
dans sa toison et les tasser dans la cuiller autour d'un petit axe semblable à une épine .

    Quand la cuiller fut pleine d'une pelote et le jabot à ras bord de nectar , l'abeille fila
comme une balle rousse et Tom imagina une usine à miel , abritée des vents dominants
et planquée dans quelque sauvage anfractuosité .

   "Tom ! … encore à rêvasser … grouille-toi !"

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