Deux sommités m'introduisirent dans la pièce .
L'un d'eux , Yves C. était mon père adoptif à qui je vouais un culte qu'aucun enfant
ne rend à son géniteur ; l'autre , je le détestais . C'était un gallois de la pire espèce ,
Alawn Sorry , soi-disant descendant d'un maître-archer de la Cour d'Edouard III , un
maladroit qui avait épousé à titre posthume la soeur jumelle du Prince Noir (vous sui-
vez ?) , la divine Marie de Glouchester , tuée accidentellement par un carré d'arbalète
lors d'un jeu idiot au Château de Windsor … en 1325 si je ne m'abuse . La réputation
de Alawn Sorry dans le cercle hyper-spécialisé de la paléo-anthropologie était égale à
celle de mon père , c'est donc peu de dire qu'elle était mondiale et , cependant , à mes
yeux , Alawn Sorry n'était qu'un crétin de l'espèce galloise .
La pièce où on m'avait enfermé (je l'hypothético-déductivai en actionnant la poignée
de la porte) était sobrement meublée et c'est par chiqué littéraire que j'emploie ici l'adverbe
"sobrement" puisque la déco était archi-nulle et fleurait à cent pas l'intention éthologique
primaire : une table en formica et une chaise assortie . J'ai oublié de vous dire qu'Yves
et Sorry avaient accroché à la patte de fixation du néon central un régime de bananes
et je déplorai la mauvaise influence que ce stupide anglais avait sur mon père . Ce coup-
là , on me l'avait fait mille fois . J'étais fatigué de pousser la table sous le néon , de poser
dessus la chaise et de décrocher le régime … et de m'empiffrer … pour faire plaisir à des
expérimentateurs inexpérimentés . D'autant que , pour tout dire , je déteste les bananes .
Je collai mon oeil droit au trou de la serrure . Cet imbécile de Sorry consultait son
chronomètre pour mesurer ma performance . Il m'interpella à travers la porte dans son
pidgin : "Coco , peus-je now enter ?"
Je répliquai (je suis bilingue) : "Hif hif … bîtt-wouïne !"
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