lundi 16 mars 2020

TOMSK

    La nuit , au début du printemps , je m'étends sur le sol transpirant de la forêt de
Tomsk , aux abords de la ville . Déjà , les clochettes de la scille percent le tapis des
feuilles mortes de l'ancien automne . Elles entourent ma tête comme l'auréole d'un
souffre-passion et mon front s'éclaire d'une pâleur lunaire . J'entends gronder le
fleuve Ob sous les arches du pont de chemin de fer . J'escompte qu'un jour , captif
du flux express de son mouvement rectiligne uniforme , quelque passager à la robuste
mémoire ou - ô prodige ! - quelque prêtre orthodoxe ou le patriarche de Moscou
lui-même ! , apercevant mon corps inanimé entre les bouleaux dressés comme des
cierges , bondira sur la sonnette d'alarme . On cherchera mon corps mais il aura disparu .
Mon âme peut-être effleurera cette terre légère où sont enfouis les milliers de fusillés
de la Grande Terreur ...

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