C'était dans le tramway de Budapest . J'avais pris place dans l'haleine de Berthe .
Ses bras ne pesaient rien . Ce qui était fané disparaissait devant elle . Il ne restait
que ses yeux et les trois mouches vermeilles et merveilleuses qui bourdonnaient
contre son chapeau de paille .
L'haleine vermeille de trois mouches s'était fanée et elle ne pesait presque plus
rien dans le tramway de Budapest . A sa place ne restaient que les yeux de Berthe ,
tièdes et merveilleux sous son chapeau de paille .
Le tramway où l'haleine de Budapest avait pris place pesait moins que la paille
d'un chapeau . Restaient les bras tièdes de Berthe . Même les mouches qu'elle
avait dans les yeux avaient disparu .
samedi 21 juin 2014
vendredi 20 juin 2014
DESMOND 3 . HAPPY BIRTHDAY
9 janvier 1969 . 7h du matin . C'est l'anniversaire du Président . Il a 56 ans .
J'entre dans son bureau pour le cours de français .
- Le Président : "Desmond ! … content de vous voir !"
- Moi : "Happy birthday , Mister President …"
- Le Président : "Incorrigible Desmond ! … vous êtes un ange … je vous adore !"
- Moi . Je lui tends un petit paquet à décor de bannière étoilée : "Je me suis permis ,
Monsieur Le Président …"
- Le Président : "Très touché , Desmond … vous ne m'avez pas oublié !" . Il ouvre
le paquet : "Non ! … Desmond ! … où diable avez-vous trouvé çà ?"
- Moi : "Chez un bouquiniste , Monsieur Le Président … sur Pensylvania Avenue"
- Telephone rouge . Le Président : "Allo ! … ya … flinguez-les , nom de Dieu !" .
Il repose le combiné : "Excusez-moi , Desmond , c'est ce cher Henry …" . Il feuil-
lette le livre . Le dos . La tranche . "Une merveille … première édition … 1946 …
Hachette … vous êtes un as , Desmond !" . Son regard se mouille .
- Telephone rouge . Le Président : "Yes , Henry … je vous le dit … tous des pédés …
yes … B52 + napalm … bye ! …" . Il reprend le livre : "Écoutez-çà , Desmond" .
Il lit : "Mais ou et donc or ni car … Desmond ! … l'attribut … l'adjectif qualificatif …
l'auxiliaire avoir … Desmond ! … comment vous remercier ? …"
- Telephone rouge : "Henry , Henry … coupez-leur les couilles … please , Henry !"
- Le Président . Il tourne les pages du petit livre orange : "Mon rêve , Desmond ! …
un Petit Bled à moi ! … Edouard Bled , un génie ! …" . Il serre le livre sur son coeur .
"Fêtons çà , Desmond ! … un scotch ?" . Il s'agenouille devant le réfrigérateur de
bureau .
- Moi : "Merci , Monsieur Le Président … pas pour moi … il est à peine 7 heures …"
- Le Président : "Coca ?"
- Moi : "Volontiers , Monsieur Le Président"
- Telephone rouge . Le Président me désigne l'appareil : "Voyez , Desmond …
encore les cocos" . Il décroche : "Allo ? … ah … c'est l'accueil … qui çà ? … non !! …
çà alors ! … bien entendu que vous le faites monter !" . Il raccroche . Il est pâle :
"Desmond ! … je n'en crois pas mes oreilles !"
- Moi : "Monsieur Le Président , que se passe-t-il ?"
- Le Président : "Edouard Bled est en bas … à l'accueil !" .
J'entre dans son bureau pour le cours de français .
- Le Président : "Desmond ! … content de vous voir !"
- Moi : "Happy birthday , Mister President …"
- Le Président : "Incorrigible Desmond ! … vous êtes un ange … je vous adore !"
- Moi . Je lui tends un petit paquet à décor de bannière étoilée : "Je me suis permis ,
Monsieur Le Président …"
- Le Président : "Très touché , Desmond … vous ne m'avez pas oublié !" . Il ouvre
le paquet : "Non ! … Desmond ! … où diable avez-vous trouvé çà ?"
- Moi : "Chez un bouquiniste , Monsieur Le Président … sur Pensylvania Avenue"
- Telephone rouge . Le Président : "Allo ! … ya … flinguez-les , nom de Dieu !" .
Il repose le combiné : "Excusez-moi , Desmond , c'est ce cher Henry …" . Il feuil-
lette le livre . Le dos . La tranche . "Une merveille … première édition … 1946 …
Hachette … vous êtes un as , Desmond !" . Son regard se mouille .
- Telephone rouge . Le Président : "Yes , Henry … je vous le dit … tous des pédés …
yes … B52 + napalm … bye ! …" . Il reprend le livre : "Écoutez-çà , Desmond" .
Il lit : "Mais ou et donc or ni car … Desmond ! … l'attribut … l'adjectif qualificatif …
l'auxiliaire avoir … Desmond ! … comment vous remercier ? …"
- Telephone rouge : "Henry , Henry … coupez-leur les couilles … please , Henry !"
- Le Président . Il tourne les pages du petit livre orange : "Mon rêve , Desmond ! …
un Petit Bled à moi ! … Edouard Bled , un génie ! …" . Il serre le livre sur son coeur .
"Fêtons çà , Desmond ! … un scotch ?" . Il s'agenouille devant le réfrigérateur de
bureau .
- Moi : "Merci , Monsieur Le Président … pas pour moi … il est à peine 7 heures …"
- Le Président : "Coca ?"
- Moi : "Volontiers , Monsieur Le Président"
- Telephone rouge . Le Président me désigne l'appareil : "Voyez , Desmond …
encore les cocos" . Il décroche : "Allo ? … ah … c'est l'accueil … qui çà ? … non !! …
çà alors ! … bien entendu que vous le faites monter !" . Il raccroche . Il est pâle :
"Desmond ! … je n'en crois pas mes oreilles !"
- Moi : "Monsieur Le Président , que se passe-t-il ?"
- Le Président : "Edouard Bled est en bas … à l'accueil !" .
mercredi 18 juin 2014
COTE 137 . 7 . LE CALVAIRE
Les allemands tenaient Montrepont depuis le début de la guerre. Notre artillerie
avait anéanti le village . A cause d'une offensive de la troisième armée , la ligne
ennemie avait légèrement plié et les allemands avaient évacué ce bout de terre . Là
où il y avait eu des maisons , une église , des fermes , des pâtures et des blés , des
moissons et des fêtes champêtres , des familles autour d'une soupe au potiron , des
femmes , des hommes , des bals , l'amour , il ne subsistait rien . Sauf si l'on appelle
quelque chose des trous , des tas de pierres , des restes de tranchées , des ferrailles
tordues et des carcasses de chevaux . Pour la première fois , nous entrâmes dans
cet espace vide jadis nommé Montrepont . Comme un miracle , le seul élément
vertical qui tint debout était un calvaire en ciment armé , témoin de la fin du monde .
Debout mais pas intact . Le corps du Christ était criblé d'impacts et une traverse de
la croix pendait à un fer à béton avec l'avant-bras droit . Or , un convoi de matériel
montait au front . Le capitaine nous fit asseoir sur les marches du calvaire et il s'éloi-
gna avec le téléphoniste pour prendre des instructions …
Martial se leva . Il héla le conducteur d'un camion . Nous le vîmes parlementer
et il revint avec une échelle de fer et une scie à métaux . Il posa l'échelle sur la croix
et entreprit de scier le fer à béton .
- Martial : "Gare à vous dessous ! … le bras du Seigneut va fondre sur vous …"
L'avant-bras et le morceau de croix se fichèrent dans la boue . "Désolé , Seigneur …
c'est çà ou la gangrène … la pension d'invalidité ou le cimetière militaire" . Puis ,
appelant notre infirmier : "Docteur ! … compresses , bandes , adhésif …" . Le gars
lui tendit une trousse et Martial fit au moignon du Fils de Dieu le plus beau pansement
de la Grande Guerre .
- Martial : "Mercurochrome !" … et il badigeonna de teinture rouge les impacts de
mitrailleuse . Maintenant debouts , nous regardions éberlués le Christ de Martial .
"Ce cochon va s'en tirer" dit-il du haut de son échelle .
La compagnie s'éloigna . Nous aussi montions sur la nouvelle ligne de front …
Martial se retourna vers le calvaire : "Seigneur , mieux vaut manchot que mort !" .
Puis à nous : "Mieux vaut crucifié que poilu" .
Nous entonnâmes un chant de marche ordurier .
avait anéanti le village . A cause d'une offensive de la troisième armée , la ligne
ennemie avait légèrement plié et les allemands avaient évacué ce bout de terre . Là
où il y avait eu des maisons , une église , des fermes , des pâtures et des blés , des
moissons et des fêtes champêtres , des familles autour d'une soupe au potiron , des
femmes , des hommes , des bals , l'amour , il ne subsistait rien . Sauf si l'on appelle
quelque chose des trous , des tas de pierres , des restes de tranchées , des ferrailles
tordues et des carcasses de chevaux . Pour la première fois , nous entrâmes dans
cet espace vide jadis nommé Montrepont . Comme un miracle , le seul élément
vertical qui tint debout était un calvaire en ciment armé , témoin de la fin du monde .
Debout mais pas intact . Le corps du Christ était criblé d'impacts et une traverse de
la croix pendait à un fer à béton avec l'avant-bras droit . Or , un convoi de matériel
montait au front . Le capitaine nous fit asseoir sur les marches du calvaire et il s'éloi-
gna avec le téléphoniste pour prendre des instructions …
Martial se leva . Il héla le conducteur d'un camion . Nous le vîmes parlementer
et il revint avec une échelle de fer et une scie à métaux . Il posa l'échelle sur la croix
et entreprit de scier le fer à béton .
- Martial : "Gare à vous dessous ! … le bras du Seigneut va fondre sur vous …"
L'avant-bras et le morceau de croix se fichèrent dans la boue . "Désolé , Seigneur …
c'est çà ou la gangrène … la pension d'invalidité ou le cimetière militaire" . Puis ,
appelant notre infirmier : "Docteur ! … compresses , bandes , adhésif …" . Le gars
lui tendit une trousse et Martial fit au moignon du Fils de Dieu le plus beau pansement
de la Grande Guerre .
- Martial : "Mercurochrome !" … et il badigeonna de teinture rouge les impacts de
mitrailleuse . Maintenant debouts , nous regardions éberlués le Christ de Martial .
"Ce cochon va s'en tirer" dit-il du haut de son échelle .
La compagnie s'éloigna . Nous aussi montions sur la nouvelle ligne de front …
Martial se retourna vers le calvaire : "Seigneur , mieux vaut manchot que mort !" .
Puis à nous : "Mieux vaut crucifié que poilu" .
Nous entonnâmes un chant de marche ordurier .
dimanche 15 juin 2014
PARADIS 9 . VOYELLES
Dieu a délaissé son atelier pour son bureau . Adam le cherche dans tous les coins
du Paradis et c'est là qu'il le trouve .
- Adam : "Qu'est-ce que tu fais ?"
- Dieu : "Je lis"
- Adam : "Tu lis la Bible ?"
- Dieu : "Non … je lis la thèse du Professeur Baratine"
- Adam : "Parce qu'il y a d'autres livres que la Bible !? …"
- Dieu : "Oh , Adam ! … des millions … tu n'imagines pas ce que l'humanité écrit ! …
une manie … et je dois lire tout ça ( Il montre une montagne de bouquins ) pour être
au courant …"
- Adam : "C'est quoi le livre du Professeur Baratine ?"
- Dieu : "C'est écrit en allemand : "Das refoulzisch , die voyel und der godishkeit" …
le professeur Baratine est un juif italo-russe qui écrit en allemand et enseigne aux
États-Unis …"
- Adam : "…………………..?………………."
- Dieu : "Tu peux pas comprendre … tu es le premier homme … tout ça s'est passé
plus tard … pour Moi le temps n'existe pas … ou plutôt le temps , c'est Moi … le
passé et le futur me sont présents …"
- Adam : "Ça raconte quoi ce livre ?"
- Dieu : "Ça raconte comment les voyelles sont arrivées sur terre"
- Adam : "Dis-moi …"
- Dieu : "C'est vachement compliqué . J'aurais pu faire plus simple … d'après
Baratine , c'est un peu ma faute … j'aurais dû créer les voyelles en même temps que
les consonnes et même peut-être avant … au lieu d'en faire une sorte de tabou …"
- Adam : "Tu m'apprendras à lire ?"
- Dieu . Il soupire : "Va bien falloir … mais c'est une connerie"
du Paradis et c'est là qu'il le trouve .
- Adam : "Qu'est-ce que tu fais ?"
- Dieu : "Je lis"
- Adam : "Tu lis la Bible ?"
- Dieu : "Non … je lis la thèse du Professeur Baratine"
- Adam : "Parce qu'il y a d'autres livres que la Bible !? …"
- Dieu : "Oh , Adam ! … des millions … tu n'imagines pas ce que l'humanité écrit ! …
une manie … et je dois lire tout ça ( Il montre une montagne de bouquins ) pour être
au courant …"
- Adam : "C'est quoi le livre du Professeur Baratine ?"
- Dieu : "C'est écrit en allemand : "Das refoulzisch , die voyel und der godishkeit" …
le professeur Baratine est un juif italo-russe qui écrit en allemand et enseigne aux
États-Unis …"
- Adam : "…………………..?………………."
- Dieu : "Tu peux pas comprendre … tu es le premier homme … tout ça s'est passé
plus tard … pour Moi le temps n'existe pas … ou plutôt le temps , c'est Moi … le
passé et le futur me sont présents …"
- Adam : "Ça raconte quoi ce livre ?"
- Dieu : "Ça raconte comment les voyelles sont arrivées sur terre"
- Adam : "Dis-moi …"
- Dieu : "C'est vachement compliqué . J'aurais pu faire plus simple … d'après
Baratine , c'est un peu ma faute … j'aurais dû créer les voyelles en même temps que
les consonnes et même peut-être avant … au lieu d'en faire une sorte de tabou …"
- Adam : "Tu m'apprendras à lire ?"
- Dieu . Il soupire : "Va bien falloir … mais c'est une connerie"
PARADIS 8 . PROFESSEUR BARATINE
0h15 . Aéroport Roissy Charles de Gaulle . Salle d'embarquement n°4 . J'interviewe
le professeur Baratine dans le cadre d'une émission de France Culture : "Pour que les
choses soient claires" .
- Moi : "Professeur , merci de prendre de votre temps précieux pour répondre à mes
questions" .
- Lui : "Si"
- Moi : "Tout d'abord , je retracerai pour nos auditeurs votre fabuleuse carrière . Vous
êtes l'un des fondateurs ( je dirai même le père ! ) de la phonologie comparée , vous
êtes titulaire de la chaire de philologie générale à l'université de Charabia ; Docteur
honoris causa , vous enseignez à Chicago la phonologie fonctionnelle et à Tel Aviv
vous dirigez le laboratoire de phonologie génique . Vous donnez des conférences dans
le monde entier . Vous êtes psychiatre de formation et Docteur en théologie . Vous
venez de publier une thèse de 3000 pages sur les rapports entre le refoulé , la voyelle
et le divin : "Das refoulzisch , die voyel und der godishkeit" , thèse qui sera traduite
en français d'ici à 10 ans ! …"
- Lui : "Si"
- Moi : "Professeur , pour les auditeurs qui nous écoutent à cette heure tardive , je me
permets de résumer - si toutefois cela est possible - votre pensée" .
- Lui : "Si"
- Moi : "Il semblerait que la voyelle n'ait été inventée que bien des siècles après la
consonne de sorte que les écritures étaient lisibles pour qui savait lire mais impronon-
çables puisque les consonnes isolées sont inarticulables . Vous soutenez que le mono-
théisme érigea en interdit l'inscription de la voyelle et que - pour contourner ce tabou -
le lecteur hébraïque ou moabite usait de "mères de lecture" , sortes de consonnes faibles
ou voyelles clandestines servant à indiquer une prononciation approximative"
- Lui : "Si"
- Moi : "… Ainsi la Scripto Plena , par exemple D3WiYid(1) pour DAVID …
- Lui : "Si"
- Moi : "Vous avancez , Professeur Baratine , que ce sont les grecs qui ont fait de Dieu
un être vocalique et dicible en remplaçant les 4 consonnes ALEPH(Y) , HE(H) , VAV(W) ,
et YOD(H) par 5 voyelles : IAOUE ; et vous opposez à l'écriture consonnantique , lieu de
l'interdit et du refoulé , la jouissance sonore de la voyelle . Ai-je bien résumé votre propos ?"
- Lui : "Si"
- Moi : " Professeur Baratine , je vous remercie pour ces considérations éclairantes"
- Lui : "Si…"
le professeur Baratine dans le cadre d'une émission de France Culture : "Pour que les
choses soient claires" .
- Moi : "Professeur , merci de prendre de votre temps précieux pour répondre à mes
questions" .
- Lui : "Si"
- Moi : "Tout d'abord , je retracerai pour nos auditeurs votre fabuleuse carrière . Vous
êtes l'un des fondateurs ( je dirai même le père ! ) de la phonologie comparée , vous
êtes titulaire de la chaire de philologie générale à l'université de Charabia ; Docteur
honoris causa , vous enseignez à Chicago la phonologie fonctionnelle et à Tel Aviv
vous dirigez le laboratoire de phonologie génique . Vous donnez des conférences dans
le monde entier . Vous êtes psychiatre de formation et Docteur en théologie . Vous
venez de publier une thèse de 3000 pages sur les rapports entre le refoulé , la voyelle
et le divin : "Das refoulzisch , die voyel und der godishkeit" , thèse qui sera traduite
en français d'ici à 10 ans ! …"
- Lui : "Si"
- Moi : "Professeur , pour les auditeurs qui nous écoutent à cette heure tardive , je me
permets de résumer - si toutefois cela est possible - votre pensée" .
- Lui : "Si"
- Moi : "Il semblerait que la voyelle n'ait été inventée que bien des siècles après la
consonne de sorte que les écritures étaient lisibles pour qui savait lire mais impronon-
çables puisque les consonnes isolées sont inarticulables . Vous soutenez que le mono-
théisme érigea en interdit l'inscription de la voyelle et que - pour contourner ce tabou -
le lecteur hébraïque ou moabite usait de "mères de lecture" , sortes de consonnes faibles
ou voyelles clandestines servant à indiquer une prononciation approximative"
- Lui : "Si"
- Moi : "… Ainsi la Scripto Plena , par exemple D3WiYid(1) pour DAVID …
- Lui : "Si"
- Moi : "Vous avancez , Professeur Baratine , que ce sont les grecs qui ont fait de Dieu
un être vocalique et dicible en remplaçant les 4 consonnes ALEPH(Y) , HE(H) , VAV(W) ,
et YOD(H) par 5 voyelles : IAOUE ; et vous opposez à l'écriture consonnantique , lieu de
l'interdit et du refoulé , la jouissance sonore de la voyelle . Ai-je bien résumé votre propos ?"
- Lui : "Si"
- Moi : " Professeur Baratine , je vous remercie pour ces considérations éclairantes"
- Lui : "Si…"
BUS 29 . 3
Sont inconsolables ses peines
Et tremblantes aux cahots ses boucles d'oreilles .
On devine sur ses genoux
Un Christ mort .
"Cobàn , tres kilómetros ! Prepare ! No olvidan
sus equipajes !" . Le chauffeur : "Dans trois
kilomètres Cobàn … Préparez-vous … N'oubliez
pas vos bagages !" …
Un puma traverse la route
Et on imagine dans ses bas-côtés ,
Derrière les rails de sécurité ,
La foule des tapirs , des fourmiliers , des singes …
La reine serre contre elle un sac en plastique .
Ainsi voit-on la nuque de Zulma dans le bus 29
Entre Pajupita et Cobàn ,
Sur la route 14 .
( à suivre )
Et tremblantes aux cahots ses boucles d'oreilles .
On devine sur ses genoux
Un Christ mort .
"Cobàn , tres kilómetros ! Prepare ! No olvidan
sus equipajes !" . Le chauffeur : "Dans trois
kilomètres Cobàn … Préparez-vous … N'oubliez
pas vos bagages !" …
Un puma traverse la route
Et on imagine dans ses bas-côtés ,
Derrière les rails de sécurité ,
La foule des tapirs , des fourmiliers , des singes …
La reine serre contre elle un sac en plastique .
Ainsi voit-on la nuque de Zulma dans le bus 29
Entre Pajupita et Cobàn ,
Sur la route 14 .
( à suivre )
BUS 29 . 2
Si , à Pajupita , à 9h37 , vous montez dans le bus 29 par la porte
à soufflets centrale , qui que vous soyez - représentant de commerce ,
vendeur de poules , prêtre inca ou indien maya - vous courberez la
tête .
Cette inclination de la nuque , aucun des voyageurs n'en verra rien ,
la robe est rouge et la bretelle gauche a glissé sur une épaule d'ivoire ,
pas même la reine car elle vous tourne le dos . Mais chacun - et la
reine assurément - saura que vous vous êtes incliné et , ne la quittant
pas des yeux , vous chercherez à tâtons une place libre derrière elle ,
à quelques mauvaises rangées de banquettes , car une reine ne se
contemple pas de face .
Ainsi va , chaque matin au boulot , Zulma …
( à suivre )
à soufflets centrale , qui que vous soyez - représentant de commerce ,
vendeur de poules , prêtre inca ou indien maya - vous courberez la
tête .
Cette inclination de la nuque , aucun des voyageurs n'en verra rien ,
la robe est rouge et la bretelle gauche a glissé sur une épaule d'ivoire ,
pas même la reine car elle vous tourne le dos . Mais chacun - et la
reine assurément - saura que vous vous êtes incliné et , ne la quittant
pas des yeux , vous chercherez à tâtons une place libre derrière elle ,
à quelques mauvaises rangées de banquettes , car une reine ne se
contemple pas de face .
Ainsi va , chaque matin au boulot , Zulma …
( à suivre )
BUS 29 . 1
Le bus 29 relie Sacapulas à Santa Cruz del Quiché , directement
par la route 14 .
Zulma portera-t-elle une robe rouge ? …
Qui demeure au village à l'écart de la route , si ses affaires le réclament
à Sacapulas , ou l'envie de haricots noirs , ou de bière brune , n'a d'autre
choix qu'emprunter l'ancestral chemin muletier , aujourd'hui nu , jadis
encombré d'une jungle et , s'il voue un culte à Zulma , arborer sur sa coiffe
les plumes rouges du Quetzal et attendre , prosterné dans la poussière
surchauffée , le bus 29 .
Portera-t-elle une robe rouge ? …
( à suivre )
par la route 14 .
Zulma portera-t-elle une robe rouge ? …
Qui demeure au village à l'écart de la route , si ses affaires le réclament
à Sacapulas , ou l'envie de haricots noirs , ou de bière brune , n'a d'autre
choix qu'emprunter l'ancestral chemin muletier , aujourd'hui nu , jadis
encombré d'une jungle et , s'il voue un culte à Zulma , arborer sur sa coiffe
les plumes rouges du Quetzal et attendre , prosterné dans la poussière
surchauffée , le bus 29 .
Portera-t-elle une robe rouge ? …
( à suivre )
samedi 14 juin 2014
KAMIKAZE 3
Le kamikaze volait à un mètre au-dessus du niveau de la mer
et nous l'avions assaisonné avec tant de fureur terrifiée qu'il allait
toucher l'eau et se désintégrer à un demi-mile de notre destroyer .
Déjà mes compagnons , comme à la fête foraine de Morristown
( Tennessee ) , laissaient éclater leur joie qui , ici , à Midway ,
se teintait de couleurs exotiques : gris-peur , haine-jaune et
rouge-meurtre . Par acquit de conscience - j'étais un mitrailleur
consciencieux - et comme pour mettre un terme à cet absurde
sacrifice , je tirai une dernière rafale . Je touchai l'avion pleine
face ; il se cabra sous l'effet de l'impact et , au lieu de plonger ,
gagna quelque altitude et le demi-mile qui lui manquait .
Il nous frappa sous la soute à munitions . Nous coulâmes en
moins de deux minutes .
et nous l'avions assaisonné avec tant de fureur terrifiée qu'il allait
toucher l'eau et se désintégrer à un demi-mile de notre destroyer .
Déjà mes compagnons , comme à la fête foraine de Morristown
( Tennessee ) , laissaient éclater leur joie qui , ici , à Midway ,
se teintait de couleurs exotiques : gris-peur , haine-jaune et
rouge-meurtre . Par acquit de conscience - j'étais un mitrailleur
consciencieux - et comme pour mettre un terme à cet absurde
sacrifice , je tirai une dernière rafale . Je touchai l'avion pleine
face ; il se cabra sous l'effet de l'impact et , au lieu de plonger ,
gagna quelque altitude et le demi-mile qui lui manquait .
Il nous frappa sous la soute à munitions . Nous coulâmes en
moins de deux minutes .
KRANT 7 . KRONSTADT
Le quartier-maître hurlait à mon oreille :
- " Chef ! … monte ! … le capitaine veut te parler !"
Que me voulait le vieux alors que nous abordions la passe de Kronstadt ? . J'essuyai
avec soin chacun de mes doigts sur un chiffon crasseux avant de grimper sur le pont .
Krant était sur la passerelle . Nous avions doublé Ostrov Seskar et nous avancions à
bonne allure sous un ciel de traîne . Le Kritik progressait sans à-coups sur une mer
pourtant moutonneuse . Le resserrement des côtes canalisait le flot en lignes parallèles
et , déjà , les collines lointaines faisaient écran au vent du nord . La tension des dix
jours de voyage à contre-courant était tombée . Hier condamnées , les portes s'ouvraient
et se fermaient comme si tous voulaient se convaincre qu'ils étaient libres d'aller et venir .
Des voix d'hommes étaient enfin audibles à travers le tolu-bohu inhérent aux périples
maritimes ; des dialogues se formaient , encore bornés à l'essentiel comme au sortir
d'une nuit épaisse et sans rêves ; l'équipage , contraint à d'onomatopéiques relations ,
retrouvait l'usage du langage articulé . Alors que nous avions encore à parcourir des
miles , c'était comme si l'ouvrage était accompli . Chacun , pleinement à sa tâche mais
projeté dans son fantasme , buvait par avance un café , une gnole ou une soupe de
poissons brûlante dans une taverne de Kronstadt , ou serrait contre son ciré humide
une maîtresse quittée l'année dernière . Le timonier guidait la barre d'une main légère
comme si le Kritik avait pu gagner seul son ancrage .
- Moi : "Capitaine ?"
- Krant : "Ah … Chef ! …" Krant tira trois bouffées de sa pipe … "Dites-moi , Chef…
êtes-vous sûr d'exister ? …"
- Moi : "Exister !? … sûr , capitaine , que j'existe ! …"
- Krant : "Qu'est-ce qui vous le prouve ? … et qu'est-ce qui prouve que les quais de
Kronstadt existent ? …"
- Moi : "Mais , capitaine …nous y serons dans quatre heures !
- Krant : "Oui , Chef … mais cet accostage que nous vivrons dans quatre heures ,
n'aurons nous pas l'illusion de le vivre ? …"
- Moi : " …………??…………."
- Krant : "… Et vous-même êtes peut-être une fiction … cette mer qui nous entoure
n'est-elle pas un mirage et ce bateau sous nos pieds , une chimère ?"
- Moi : "Capitaine ! … je sais que j'existe … et je sais que les quais de Kronstadt sont
plus hauts qu'ailleurs et qu'on y accède par des échelles de fer !"
- Krant : " … Vous êtes un sage , Chef ! … Allez ! … préparez-nous une belle manoeuvre ! …"
- " Chef ! … monte ! … le capitaine veut te parler !"
Que me voulait le vieux alors que nous abordions la passe de Kronstadt ? . J'essuyai
avec soin chacun de mes doigts sur un chiffon crasseux avant de grimper sur le pont .
Krant était sur la passerelle . Nous avions doublé Ostrov Seskar et nous avancions à
bonne allure sous un ciel de traîne . Le Kritik progressait sans à-coups sur une mer
pourtant moutonneuse . Le resserrement des côtes canalisait le flot en lignes parallèles
et , déjà , les collines lointaines faisaient écran au vent du nord . La tension des dix
jours de voyage à contre-courant était tombée . Hier condamnées , les portes s'ouvraient
et se fermaient comme si tous voulaient se convaincre qu'ils étaient libres d'aller et venir .
Des voix d'hommes étaient enfin audibles à travers le tolu-bohu inhérent aux périples
maritimes ; des dialogues se formaient , encore bornés à l'essentiel comme au sortir
d'une nuit épaisse et sans rêves ; l'équipage , contraint à d'onomatopéiques relations ,
retrouvait l'usage du langage articulé . Alors que nous avions encore à parcourir des
miles , c'était comme si l'ouvrage était accompli . Chacun , pleinement à sa tâche mais
projeté dans son fantasme , buvait par avance un café , une gnole ou une soupe de
poissons brûlante dans une taverne de Kronstadt , ou serrait contre son ciré humide
une maîtresse quittée l'année dernière . Le timonier guidait la barre d'une main légère
comme si le Kritik avait pu gagner seul son ancrage .
- Moi : "Capitaine ?"
- Krant : "Ah … Chef ! …" Krant tira trois bouffées de sa pipe … "Dites-moi , Chef…
êtes-vous sûr d'exister ? …"
- Moi : "Exister !? … sûr , capitaine , que j'existe ! …"
- Krant : "Qu'est-ce qui vous le prouve ? … et qu'est-ce qui prouve que les quais de
Kronstadt existent ? …"
- Moi : "Mais , capitaine …nous y serons dans quatre heures !
- Krant : "Oui , Chef … mais cet accostage que nous vivrons dans quatre heures ,
n'aurons nous pas l'illusion de le vivre ? …"
- Moi : " …………??…………."
- Krant : "… Et vous-même êtes peut-être une fiction … cette mer qui nous entoure
n'est-elle pas un mirage et ce bateau sous nos pieds , une chimère ?"
- Moi : "Capitaine ! … je sais que j'existe … et je sais que les quais de Kronstadt sont
plus hauts qu'ailleurs et qu'on y accède par des échelles de fer !"
- Krant : " … Vous êtes un sage , Chef ! … Allez ! … préparez-nous une belle manoeuvre ! …"
jeudi 12 juin 2014
RÉPONSE DU BON DIEU À TOMAS DE TORQUEMADA
Tomas ,
Je fais suite à ta dernière lettre . Elle a retenu toute mon attention . Qu'il soit
bien clair , Tomas , que je ne t'ai confié aucune mission . Si tu as agi , ce n'est
pas à ma demande , c'est de ton propre chef . Trop de gens se sont crus déten-
teurs de mandats divins et c'est entre leurs mains que ma carrière sur terre a
tourné court . De grâce , Tomas , fais-toi oublier . Ma bonté , quoiqu'en disent
les théologiens , a des limites . Si j'ai mis entre toi et Moi la ligne B du RER ,
c'est à dessein . Il ne manquerait plus que tu viennes troubler par tes bûchers
le centre du paradis et cette précaution ne saurait signifier qu'en banlieue on
fasse n'importe quoi et , note bien , qu'on y mette le feu ; je n'ai nul besoin
pour faubourgs d'une "auréole de pureté" ! . Les grèves à répétition du RER B
sont une sorte de rempart . Elles font de mon domaine un hâvre de bonté
mais , de même que le marin qui a trouvé refuge derrière les môles d'un port
entend l'écho de la tempête , la rumeur de la méchanceté , comme un roule-
ment de fond , lointain et néanmoins tenace , endolorit mes tympans à travers
les chants de louange .
Aussi , prends garde à ne pas ajouter à ce désagrément .
Cordialement .
Je fais suite à ta dernière lettre . Elle a retenu toute mon attention . Qu'il soit
bien clair , Tomas , que je ne t'ai confié aucune mission . Si tu as agi , ce n'est
pas à ma demande , c'est de ton propre chef . Trop de gens se sont crus déten-
teurs de mandats divins et c'est entre leurs mains que ma carrière sur terre a
tourné court . De grâce , Tomas , fais-toi oublier . Ma bonté , quoiqu'en disent
les théologiens , a des limites . Si j'ai mis entre toi et Moi la ligne B du RER ,
c'est à dessein . Il ne manquerait plus que tu viennes troubler par tes bûchers
le centre du paradis et cette précaution ne saurait signifier qu'en banlieue on
fasse n'importe quoi et , note bien , qu'on y mette le feu ; je n'ai nul besoin
pour faubourgs d'une "auréole de pureté" ! . Les grèves à répétition du RER B
sont une sorte de rempart . Elles font de mon domaine un hâvre de bonté
mais , de même que le marin qui a trouvé refuge derrière les môles d'un port
entend l'écho de la tempête , la rumeur de la méchanceté , comme un roule-
ment de fond , lointain et néanmoins tenace , endolorit mes tympans à travers
les chants de louange .
Aussi , prends garde à ne pas ajouter à ce désagrément .
Cordialement .
mercredi 11 juin 2014
VILLES ARGENTINES
On ne sait pratiquement rien de General Roca sauf qu'elle se trouve
dans la province du Rio Negro et qu'elle compte pas moins de
80.000 habitants . On ne trouvera aucun article sur cette ville .
Personne - mis à part les habitants eux-mêmes et encore le suppose-
t-on ! - ne sait ce qui se trame à General Roca : qu'y fait-on , a-t-elle
une histoire , qui l'a bâtie ? … des conquistadors , des chercheurs
d'or , des immigrés suédois , des patagons , des indiens mapuches
lors de leur Grande Avancée ? . Nul ne peut rien dire de sa forme ,
de son plan et des itinéraires possibles pour l'atteindre . On n'a pas
d'idées sur General Roca ou , plutôt , on n'a que ça : on l'imagine
au milieu d'un désert d'altitude avec une aube à 6h28 et un crépus-
cule à 20h09 , laissant à ses habitants de quoi vaquer à leurs occupa-
tions dans 13h41mn de clarté , une température moyenne de 18°9c
en mars et une vitesse du vent de 6.03m/s en août , 23mm d'eau en
novembre au plus fort de la saison des pluies et , en décembre comme
en janvier , 7,66kwh/m2 jour d'insolation , somme toute des conditions
normales par 39°01'12'' de latitude sud et 67°36'36'' de longitude ouest .
Pas mal de gens sont passés par General Roca mais ils n'en ont rien
retenu , ne se souviennent pas de ce qu'ils y ont fait , de qui ils ont
croisé le chemin , avec qui ils ont mangé au restaurant et même s'il
y a là-bas un restaurant . Cependant , on ne qualifiera pas General
Roca de ville-fantôme car elle se trouve bel et bien dans la province
du Rio Negro et compte pas loin de 80.000 habitants , ce qui n'est
pas rien ...
dans la province du Rio Negro et qu'elle compte pas moins de
80.000 habitants . On ne trouvera aucun article sur cette ville .
Personne - mis à part les habitants eux-mêmes et encore le suppose-
t-on ! - ne sait ce qui se trame à General Roca : qu'y fait-on , a-t-elle
une histoire , qui l'a bâtie ? … des conquistadors , des chercheurs
d'or , des immigrés suédois , des patagons , des indiens mapuches
lors de leur Grande Avancée ? . Nul ne peut rien dire de sa forme ,
de son plan et des itinéraires possibles pour l'atteindre . On n'a pas
d'idées sur General Roca ou , plutôt , on n'a que ça : on l'imagine
au milieu d'un désert d'altitude avec une aube à 6h28 et un crépus-
cule à 20h09 , laissant à ses habitants de quoi vaquer à leurs occupa-
tions dans 13h41mn de clarté , une température moyenne de 18°9c
en mars et une vitesse du vent de 6.03m/s en août , 23mm d'eau en
novembre au plus fort de la saison des pluies et , en décembre comme
en janvier , 7,66kwh/m2 jour d'insolation , somme toute des conditions
normales par 39°01'12'' de latitude sud et 67°36'36'' de longitude ouest .
Pas mal de gens sont passés par General Roca mais ils n'en ont rien
retenu , ne se souviennent pas de ce qu'ils y ont fait , de qui ils ont
croisé le chemin , avec qui ils ont mangé au restaurant et même s'il
y a là-bas un restaurant . Cependant , on ne qualifiera pas General
Roca de ville-fantôme car elle se trouve bel et bien dans la province
du Rio Negro et compte pas loin de 80.000 habitants , ce qui n'est
pas rien ...
samedi 7 juin 2014
PSAUME : VESPRO DELLA BEATA VERGINE
Je jette mes filets
À Venise ou à Ostende
Sous les balcons de pierre .
Or tes bras m'entortillent ,
Ton fil me ferre .
Et dans ton épuisette ,
C'est mon coeur qui palpite .
À Venise ou à Ostende
Sous les balcons de pierre .
Or tes bras m'entortillent ,
Ton fil me ferre .
Et dans ton épuisette ,
C'est mon coeur qui palpite .
CAUCASE
Y avait-il quelque part - dans les os d'un anachorète mort aux premiers
siècles ou peut-être au fond d'un monastère entre les pages roussies
d'un livre de prières - des mots pour dire l'extravagante arborescence
des cerisiers à l'heure où - pâtre - je montais vers Cchunkuri ? . Ces
mots n'existent pas ; ou si éloignés les uns des autres et ignorant leur
complétude qu'ils condamnent un pâtre , à moins qu'il fut Prince des
poètes et même s'il était ce Prince , à la félicité inépuisable et en cela
désespérée de voir et sentir l'indicible beauté du monde .
Aussi , quand - à la fin du printemps - je descendais du plateau , je
m'asseyais sur la racine d'un de ces arbres ployé sous le poids de ses
fruits , rondeurs vermeilles offertes , impudiques et lisses , à l'orage
à venir .
siècles ou peut-être au fond d'un monastère entre les pages roussies
d'un livre de prières - des mots pour dire l'extravagante arborescence
des cerisiers à l'heure où - pâtre - je montais vers Cchunkuri ? . Ces
mots n'existent pas ; ou si éloignés les uns des autres et ignorant leur
complétude qu'ils condamnent un pâtre , à moins qu'il fut Prince des
poètes et même s'il était ce Prince , à la félicité inépuisable et en cela
désespérée de voir et sentir l'indicible beauté du monde .
Aussi , quand - à la fin du printemps - je descendais du plateau , je
m'asseyais sur la racine d'un de ces arbres ployé sous le poids de ses
fruits , rondeurs vermeilles offertes , impudiques et lisses , à l'orage
à venir .
TROIS MOUCHES 12 . PLEINE LUNE
C'était la nuit . Il était donc impossible que trois mouches vermeilles
et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille . L'éclat
puissant de la lune illuminait la main de Berthe serrée dans la mienne
et nous bougions si peu que la nature autour de nous se mit à craquer .
La lune craquait dans la main de Berthe que je tenais serrée . C'était
une impossible nuit aux pailles si puissantes qu'elle bourdonnait
autour de nous d'éclats vermeils . La nature bougeait peu ; elle illumi-
nait nos chapeaux …
Le chapeau de Berthe illuminait la nuit de merveilleux éclats . Il bou-
geait sous la lune quand d'impossibles pailles craquèrent autour de
nous , bourdonnant de mouches serrées .
et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille . L'éclat
puissant de la lune illuminait la main de Berthe serrée dans la mienne
et nous bougions si peu que la nature autour de nous se mit à craquer .
La lune craquait dans la main de Berthe que je tenais serrée . C'était
une impossible nuit aux pailles si puissantes qu'elle bourdonnait
autour de nous d'éclats vermeils . La nature bougeait peu ; elle illumi-
nait nos chapeaux …
Le chapeau de Berthe illuminait la nuit de merveilleux éclats . Il bou-
geait sous la lune quand d'impossibles pailles craquèrent autour de
nous , bourdonnant de mouches serrées .
mardi 3 juin 2014
LA REINE DE SABA
Quand la Reine de Saba eut passé l'âge de jouer les filles de l'air , elle
commanda à l'architecte Hiram la construction d'une porte monumentale
à l'entrée de Marib , la capitale du Royaume , car la porte d'une ville est
pour un bédouin ( peut-être aussi pour le citadin d'une ville d'Europe )
le lieu de convergence des points cardinaux et l'interface d'impérissables
antinomies : le dehors et le dedans , le plein et le vide , l'être et le néant ,
le nomade et le sédentaire et - bien entendu - le ciel et la terre . Elle convo-
qua les artistes en vogue car , à cette époque biblique , les habitants du
désert , s'ils vivotaient de pois chiches et de fromage de chèvre , sacrifiaient
volontiers au Dieu unique et l'art subventionné était un de ses agneaux de
lait . Ainsi affluèrent à Marib des tailleurs de pierre , les meilleurs de
l'Egypte , des peintres abyssins , des sculpteurs et la fine fleur des fresquistes
de Catar ; peu importait que la porte qu'ils bâtiraient donnât dans un
espace informe où un simoun poussif appliquait sur le pisé de masures
minables les immondices du caravansérail et roulait dans la poussière
des calebasses vidées par la dernière bande de pillards . Ce qu'il fallait
à la Reine , c'était un ouvrage ancré dans le provisoire mais qui marquât
le durable , voire l'éternel .
commanda à l'architecte Hiram la construction d'une porte monumentale
à l'entrée de Marib , la capitale du Royaume , car la porte d'une ville est
pour un bédouin ( peut-être aussi pour le citadin d'une ville d'Europe )
le lieu de convergence des points cardinaux et l'interface d'impérissables
antinomies : le dehors et le dedans , le plein et le vide , l'être et le néant ,
le nomade et le sédentaire et - bien entendu - le ciel et la terre . Elle convo-
qua les artistes en vogue car , à cette époque biblique , les habitants du
désert , s'ils vivotaient de pois chiches et de fromage de chèvre , sacrifiaient
volontiers au Dieu unique et l'art subventionné était un de ses agneaux de
lait . Ainsi affluèrent à Marib des tailleurs de pierre , les meilleurs de
l'Egypte , des peintres abyssins , des sculpteurs et la fine fleur des fresquistes
de Catar ; peu importait que la porte qu'ils bâtiraient donnât dans un
espace informe où un simoun poussif appliquait sur le pisé de masures
minables les immondices du caravansérail et roulait dans la poussière
des calebasses vidées par la dernière bande de pillards . Ce qu'il fallait
à la Reine , c'était un ouvrage ancré dans le provisoire mais qui marquât
le durable , voire l'éternel .
KAMIKAZE 2
J'avais repéré l'objectif : porte-avions "Wyoming" .
Je passai au-dessus de lui à haute altitude pour attaquer dos au soleil .
Ils m'avaient vu ; les obus anti-aériens explosaient autour de moi .
Je fis un virage serré pour me placer dans la trajectoire finale et c'est
à la fin de cette manoeuvre que mes ailes se détachèrent ( les avions
kamikaze sont faits à la va-vite et assemblés avec des boulons de
quincaillerie bon marché ) . Le fuselage et les 400 kgs d'explosifs
étaient cependant disposés sur une ligne plongeante idéale . Le sen-
timent du devoir accompli me donna une irrésistible envie de faire
pipi . Je vis sur le pont , grossissant à toute vitesse , des hommes
qui couraient en tous sens , d'autres immobiles qui me regardaient
avec un air contrit , comme si ce qui allait se produire , ils avaient
pu l'éviter ; un gars un peu à l'écart dans l'encadrement d'une porte
vivait avec indifférence son dernier quart de seconde en mâchant
un chewing-gum . J'hurlai : "Adako Toyo !" , ce qui signifie en
japonais : "où sont les toilettes ?"
Je passai au-dessus de lui à haute altitude pour attaquer dos au soleil .
Ils m'avaient vu ; les obus anti-aériens explosaient autour de moi .
Je fis un virage serré pour me placer dans la trajectoire finale et c'est
à la fin de cette manoeuvre que mes ailes se détachèrent ( les avions
kamikaze sont faits à la va-vite et assemblés avec des boulons de
quincaillerie bon marché ) . Le fuselage et les 400 kgs d'explosifs
étaient cependant disposés sur une ligne plongeante idéale . Le sen-
timent du devoir accompli me donna une irrésistible envie de faire
pipi . Je vis sur le pont , grossissant à toute vitesse , des hommes
qui couraient en tous sens , d'autres immobiles qui me regardaient
avec un air contrit , comme si ce qui allait se produire , ils avaient
pu l'éviter ; un gars un peu à l'écart dans l'encadrement d'une porte
vivait avec indifférence son dernier quart de seconde en mâchant
un chewing-gum . J'hurlai : "Adako Toyo !" , ce qui signifie en
japonais : "où sont les toilettes ?"
CRÉPUSCULE DU TRAVAILLEUR
Ce moment où la nuit jette aux ruelles ses ombres les plus noires
et a défait le jour où chacun se sentait en lui-même et , par effet
aveuglant , était semble-t-il lui-même , appliqué à sa tâche , à son
activité marchande ou son blaireau de barbier . Le charpentier ,
ébloui par la logique de son plan , enfonçait dans les solives des
clous de fer et , planche à planche , confirmait la pertinence des
mesures . Il a rangé dans un coin du chantier les outils , abandon-
nant son oeuvre à une rotation terrestre et aux bras d'une femme
son corps exténué . Ce moment où chacun se disjoint de lui-même
et gagne par la tangente le royaume d'Hypnos .
et a défait le jour où chacun se sentait en lui-même et , par effet
aveuglant , était semble-t-il lui-même , appliqué à sa tâche , à son
activité marchande ou son blaireau de barbier . Le charpentier ,
ébloui par la logique de son plan , enfonçait dans les solives des
clous de fer et , planche à planche , confirmait la pertinence des
mesures . Il a rangé dans un coin du chantier les outils , abandon-
nant son oeuvre à une rotation terrestre et aux bras d'une femme
son corps exténué . Ce moment où chacun se disjoint de lui-même
et gagne par la tangente le royaume d'Hypnos .
DESMOND 2 . deuxième partie
J'expliquai le principe de l'accord du participe présent employé avec l'auxiliaire
avoir au Président des États-Unis .
- Le Président . Il riait et il applaudissait : " Desmond , je n'ai rien compris ! …
cette histoire , c'est de la folie !"
- Moi : "C'est de la folie en effet , Monsieur le Président"
- Le Président . Il se tapait sur les cuisses : "Mais comment font les français !? …
redites-moi cette histoire … c'est completly hilarant , Desmond … vraiment ,
j'adore … alors , dites-vous … s'il est placé devant , qu'est-ce qui se passe? …"
Je ré-expliquai le principe de l'accord .
- Le Président . Il frappait des deux mains le cuir de son bureau et il hurlait de
rire en renversant la tête . Des larmes coulaient sur ses joues : "Ah , ah , ah ,
Desmond ! … vous êtes le meilleur … personne ici ne me fait rire autant que
vous ! … ah , ah , ah … même Arafat et ses histoires coquines … ah , ah …
un appoint direct , dites-vous ? …"
- Moi : "Complément direct , Monsieur le Président"
- Le Président . Il avait passé une cuisse au-dessus de l'accoudoir de son fau-
teuil : "Ah , ah , ah … le complément direct … s'il est placé avant … ah , ah …
Desmond … ah , Desmond" . Le Président se trouva à quatre pattes sur la
moquette . Il tenait dans une main sa paire de lunettes et de l'autre il essuyait
ses larmes . Je le voyais par-dessus le bureau . Il hoquetait .
- Moi : "Monsieur le Président , puis-je vous aider ?"
- Le Président : "Non , Desmond … ah , ah … tout va bien … la semaine
prochaine c'est quoi ?"
- Moi : "Le subjonctif imparfait , Monsieur le Président"
Le Président : "Le ? … ah , ah , ah , ah , ah , ah , ah , ah ! …"
avoir au Président des États-Unis .
- Le Président . Il riait et il applaudissait : " Desmond , je n'ai rien compris ! …
cette histoire , c'est de la folie !"
- Moi : "C'est de la folie en effet , Monsieur le Président"
- Le Président . Il se tapait sur les cuisses : "Mais comment font les français !? …
redites-moi cette histoire … c'est completly hilarant , Desmond … vraiment ,
j'adore … alors , dites-vous … s'il est placé devant , qu'est-ce qui se passe? …"
Je ré-expliquai le principe de l'accord .
- Le Président . Il frappait des deux mains le cuir de son bureau et il hurlait de
rire en renversant la tête . Des larmes coulaient sur ses joues : "Ah , ah , ah ,
Desmond ! … vous êtes le meilleur … personne ici ne me fait rire autant que
vous ! … ah , ah , ah … même Arafat et ses histoires coquines … ah , ah …
un appoint direct , dites-vous ? …"
- Moi : "Complément direct , Monsieur le Président"
- Le Président . Il avait passé une cuisse au-dessus de l'accoudoir de son fau-
teuil : "Ah , ah , ah … le complément direct … s'il est placé avant … ah , ah …
Desmond … ah , Desmond" . Le Président se trouva à quatre pattes sur la
moquette . Il tenait dans une main sa paire de lunettes et de l'autre il essuyait
ses larmes . Je le voyais par-dessus le bureau . Il hoquetait .
- Moi : "Monsieur le Président , puis-je vous aider ?"
- Le Président : "Non , Desmond … ah , ah … tout va bien … la semaine
prochaine c'est quoi ?"
- Moi : "Le subjonctif imparfait , Monsieur le Président"
Le Président : "Le ? … ah , ah , ah , ah , ah , ah , ah , ah ! …"
DESMOND 2 . première partie
Le Président m'autorisait à entrer dans son bureau sans frapper .
J'entrai donc ce jour-là sans cérémonie . Le Président était assis derrière son bureau
d'époque Louis XV . Il avait ouvert sa braguette et il s'entretenait avec sa b….. du
conflit israelo-palestinien .
- Moi : "Oh , veuillez m'excuser , Monsieur le Président !"
-Le Président : "Ah , Desmond ! … hello … non , entrez , entrez ! … je parlais à
ma b….. des accords du Caire … asseyez-vous" . Il referma sa braguette … zip !
"Que me vaut le plaisir ?"
- Moi : "Monsieur le Président … votre cours de français …"
- Le Président . Il s'esclaffa : "Vous êtes impayable , Desmond ! … à quoi voulez-
vous que ça serve ? … personne ne parle plus le français ! … à part les français …"
- Moi : "C'est un fait , Monsieur le Président"
- Le Président : "Mais je ne veux pas vous froisser , Desmond … j'adore votre
conversation …"
- Moi : "Je vous remercie , Monsieur le Président"
- Le Président : "Alors , qu'est-ce que nous "conjugons" aujourd'hui ?"
- Moi : "Si vous le permettez , Monsieur le Président , je vous exposerai un point
très délicat : l'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir"
- Le Président : "… Hein !? … de quoi parlez-vous , Desmond ? … c'est pas
cochon au moins ? … quoique j'adore les histoires cochonnes … allez-y …"
Il joignit les mains devant sa bouche .
( à suivre )
J'entrai donc ce jour-là sans cérémonie . Le Président était assis derrière son bureau
d'époque Louis XV . Il avait ouvert sa braguette et il s'entretenait avec sa b….. du
conflit israelo-palestinien .
- Moi : "Oh , veuillez m'excuser , Monsieur le Président !"
-Le Président : "Ah , Desmond ! … hello … non , entrez , entrez ! … je parlais à
ma b….. des accords du Caire … asseyez-vous" . Il referma sa braguette … zip !
"Que me vaut le plaisir ?"
- Moi : "Monsieur le Président … votre cours de français …"
- Le Président . Il s'esclaffa : "Vous êtes impayable , Desmond ! … à quoi voulez-
vous que ça serve ? … personne ne parle plus le français ! … à part les français …"
- Moi : "C'est un fait , Monsieur le Président"
- Le Président : "Mais je ne veux pas vous froisser , Desmond … j'adore votre
conversation …"
- Moi : "Je vous remercie , Monsieur le Président"
- Le Président : "Alors , qu'est-ce que nous "conjugons" aujourd'hui ?"
- Moi : "Si vous le permettez , Monsieur le Président , je vous exposerai un point
très délicat : l'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir"
- Le Président : "… Hein !? … de quoi parlez-vous , Desmond ? … c'est pas
cochon au moins ? … quoique j'adore les histoires cochonnes … allez-y …"
Il joignit les mains devant sa bouche .
( à suivre )
dimanche 1 juin 2014
TROIS MOUCHES 11 . PETIT DÉJEUNER
Quoi de plus gai que ces matins où nous nous tenons sur la terrasse
et que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre
nos chapeaux de paille ? … Ce que je déteste chez Berthe , c'est son
absence . La chaise où d'habitude elle s'asseoit après le petit déjeuner
me serre le coeur si elle ne supporte pas son corps . Sa tasse et sa
cuiller à café abandonnées parmi les miettes m'affligent .
Au coeur de son corps mes miettes abandonnées … Ce matin , ma
cuiller bourdonne dans la tasse à café : Berthe est absente . Je déteste
ces déjeuners et ces mouches affligeantes et gaies assises comme
d'habitude sur son chapeau de paille . Je ne supporte plus les trois
chaises serrées sur la terrasse …
Je serre le corps de Berthe mais son coeur me déteste . Il bourdonne
entre la tasse et la cuiller à café comme la paille d'un chapeau en
miettes abandonné sur la terrasse . Ces matins m'affligent où elle
s'asseoit , absente , sur une chaise . Je ne supporte plus son habitude
de me tenir ainsi parmi les mouches du petit déjeuner .
et que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre
nos chapeaux de paille ? … Ce que je déteste chez Berthe , c'est son
absence . La chaise où d'habitude elle s'asseoit après le petit déjeuner
me serre le coeur si elle ne supporte pas son corps . Sa tasse et sa
cuiller à café abandonnées parmi les miettes m'affligent .
Au coeur de son corps mes miettes abandonnées … Ce matin , ma
cuiller bourdonne dans la tasse à café : Berthe est absente . Je déteste
ces déjeuners et ces mouches affligeantes et gaies assises comme
d'habitude sur son chapeau de paille . Je ne supporte plus les trois
chaises serrées sur la terrasse …
Je serre le corps de Berthe mais son coeur me déteste . Il bourdonne
entre la tasse et la cuiller à café comme la paille d'un chapeau en
miettes abandonné sur la terrasse . Ces matins m'affligent où elle
s'asseoit , absente , sur une chaise . Je ne supporte plus son habitude
de me tenir ainsi parmi les mouches du petit déjeuner .
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