- Un : "De la crotte , je te dis !"
- Une : "A Hâââ'vet ! … des études brillantissimes …"
- Une autre à l'une : "Hâââ'vet ?"
- Un philosophe à une avocate : "… la temporalité … oui , le sens de la temporalité …"
- Une autre apercevant l'autre parlant à l'une : "Ah , ma chère … comment-talé vous ?"
- Un : "… de la merde …"
- Son ami pacsé : "T'exagères !"
- A deux coupes de champ' : "Vou zici ! … wouote e surpraïze !"
- L'une de tout à l'heure : "Hâââ'vet … côte ouest … Massachiou'sètsse … oui …un
master …"
- Près du buffet : "…911S … départ arrêté : 4 secondes …"
- Sa copine , près du buffet : "C'est chou … c'est bio ? …"
- Un grand à un petit : "… Une paire de lolos , vieux ! …"
- Un petit à un grand : " … son directeur financier … je lui ai dit carrément , non , non"
- Un sérieux : "… sur le long terme …"
- Bronzé : "… vue exceptionnelle … sur le lagon direct"
- Rire : "Ah , ah … non !? … il a fait ça !?"
- Une (pas celle du début) : " … du boulot ? … non … un entretien avec le grand chef …
tu t'rends compte ?"
- Un : "Nulle à chier cette expo …"
- L'ami : "T'exagères !"
- Un à grosse paire de lunettes : " … tu cliques sur …"
- Le philosophe : " … la photo … un art mineur …"
- Une en chignon : " … du marketing direct …"
- Un à pochette : " … Duponchelle lui-même , mon vieux … en personne … non …
non … le père !"
- Un : "Le champ' est dégueulasse"
- L'ami : "Non ! … t'exagères !"
- Un pakistanais ; "I tried to help him …"
- Un : "Du caviar , çà !?"
- Le bronzé : "Burdy au10e … si , je t'assure !"
- Une (celle du début) : "Après l'agrég' ? … Stan' , peut-être … ou Supdeco …"
- Une petite conne : "Trop ! … ah , c'est trop ! … une mobylette !?"
- Un (le premier) : "C'est où qu'on gerbe ?"
- L'ami : "T'exagères !"
vendredi 26 décembre 2014
mercredi 24 décembre 2014
"ZOUAVE" IN "ANALYSE DES TEXTES SACRÉS"
L'insulte qui hérisse le poil du Professeur Tournesol dans "Objectif Lune"
est "zouave" . Ce n'est pas "bachi-bouzouk" comme l'affirme certain exégète
pressé . C'est un peu comme si on confondait dans leurs effets salivaires et bi-
lieux les mots "monothéiste" et "polythéiste" . Bien que les bachi-bouzouks
et les zouaves fussent à l'origine payés par l'armée ottomane , on ne saurait
prendre les uns pour les autres . Les uns , cavaliers mercenaires , vivaient de
grand air et de cruelle bonhomie . Ils étaient résolument hétérosexuels et on
ne compte plus les villages d'Anatolie et d'ailleurs où ils enfilèrent les dames
comme des perles . Les zouaves , les pauvres ! , à force de traîner leurs guêtres
en Crimée , dans des campagnes d'Italie insensées et des expéditions mexicaines
idiotes respiraient la poussière des chemins et n'avaient de perspective que le cul
du tambour-major . Raisons pour lesquelles ils dormaient en tas au bivouac ,
dans une promiscuité pédérastique . D'où la colère du Professeur , amant de
la Castafiore ...
est "zouave" . Ce n'est pas "bachi-bouzouk" comme l'affirme certain exégète
pressé . C'est un peu comme si on confondait dans leurs effets salivaires et bi-
lieux les mots "monothéiste" et "polythéiste" . Bien que les bachi-bouzouks
et les zouaves fussent à l'origine payés par l'armée ottomane , on ne saurait
prendre les uns pour les autres . Les uns , cavaliers mercenaires , vivaient de
grand air et de cruelle bonhomie . Ils étaient résolument hétérosexuels et on
ne compte plus les villages d'Anatolie et d'ailleurs où ils enfilèrent les dames
comme des perles . Les zouaves , les pauvres ! , à force de traîner leurs guêtres
en Crimée , dans des campagnes d'Italie insensées et des expéditions mexicaines
idiotes respiraient la poussière des chemins et n'avaient de perspective que le cul
du tambour-major . Raisons pour lesquelles ils dormaient en tas au bivouac ,
dans une promiscuité pédérastique . D'où la colère du Professeur , amant de
la Castafiore ...
mardi 23 décembre 2014
JULES 8 . CORPS NOIR
Soeur Marie de la Croix est assise sur le bord du lit .
- SMdlC : "Imaginez un corps totalement absorbant en équilibre thermodynamique
avec son milieu … vous imaginez ?"
- Jules : "………..?………..vaguement …"
- SMdlC : "Ah ? … il produit un rayonnement électromagnétique … vous me suivez ?"
- Jules : "… euh … de loin … de très loin …"
- SMdlC : "C'est le rayonnement du corps noir !"
- Jules : "Ma soeur , je suis perdu …"
- SMdlC : "Calmez-vous" . Elle prend les mains de Jules et articule lentement : "Imagi-
nez une enceinte fermée maintenue à une température T … vous voyez ? … un four …
vous percez la paroi d'un trou minuscule … d'accord ?"
- Jules : "Jusque là , çà va …"
- SMdlC : "Les parois du four sont supposées totalement absorbantes … tout rayonne-
ment extérieur qui pénètre par le petit trou que vous avez percé … OK ? … subit de …"
Que des rayonnements pussent entrer et sortir par le petit trou , c'était compréhensible
par le plus crétin des littéraires … La démonstration de la Soeur où il était question de
répartition énergétique spectrale et d'intervalle élémentaire de fréquence était pour Jules
un arc de couleurs et quand - sans cesser de faire vibrer l'air - Soeur Marie de la Croix
plaça le verre d'aspirine dans la main qu'il tendait , un flot impétueux jaillit sous
l'arc en ciel au milieu de pâturages fluorescents .
- SMdlC : "…..ce rayonnement est appelé rayonnement du corps noir !"
Ça semblait une conclusion . Soeur Marie de la Croix tenait toujours les mains de
Jules . Elle regardait au fond de son âme et Jules regardait le nimbe de son auréole .
- SMdlC : "Compris ?"
- Jules : " … Où allez-vous chercher tout çà ?"
- SMdlC : "Doux Jésus ! … c'est le B-A-BA !"
- SMdlC : "Imaginez un corps totalement absorbant en équilibre thermodynamique
avec son milieu … vous imaginez ?"
- Jules : "………..?………..vaguement …"
- SMdlC : "Ah ? … il produit un rayonnement électromagnétique … vous me suivez ?"
- Jules : "… euh … de loin … de très loin …"
- SMdlC : "C'est le rayonnement du corps noir !"
- Jules : "Ma soeur , je suis perdu …"
- SMdlC : "Calmez-vous" . Elle prend les mains de Jules et articule lentement : "Imagi-
nez une enceinte fermée maintenue à une température T … vous voyez ? … un four …
vous percez la paroi d'un trou minuscule … d'accord ?"
- Jules : "Jusque là , çà va …"
- SMdlC : "Les parois du four sont supposées totalement absorbantes … tout rayonne-
ment extérieur qui pénètre par le petit trou que vous avez percé … OK ? … subit de …"
Que des rayonnements pussent entrer et sortir par le petit trou , c'était compréhensible
par le plus crétin des littéraires … La démonstration de la Soeur où il était question de
répartition énergétique spectrale et d'intervalle élémentaire de fréquence était pour Jules
un arc de couleurs et quand - sans cesser de faire vibrer l'air - Soeur Marie de la Croix
plaça le verre d'aspirine dans la main qu'il tendait , un flot impétueux jaillit sous
l'arc en ciel au milieu de pâturages fluorescents .
- SMdlC : "…..ce rayonnement est appelé rayonnement du corps noir !"
Ça semblait une conclusion . Soeur Marie de la Croix tenait toujours les mains de
Jules . Elle regardait au fond de son âme et Jules regardait le nimbe de son auréole .
- SMdlC : "Compris ?"
- Jules : " … Où allez-vous chercher tout çà ?"
- SMdlC : "Doux Jésus ! … c'est le B-A-BA !"
lundi 22 décembre 2014
KRANT 22 . RAISON RAISONNANTE
- Krant : "Mais nous qui raisonnons …"
Je m'acharnais à fermer à contre-vent le panneau d'écoutille pour protéger la
salle des machines des paquets de mer quand le capitaine ( je vis au-dessus de moi
son visage détaché sur le ciel tourmenté de la dépression que nous avait annoncée
une flotille qui navigait plus à l'ouest et ses sourcils , comme les buissons ras d'une
lande avancée , étaient tour à tour secoués et plaqués ) hurla ce qui suit dans le col
agité de sa vareuse :
- Krant : "… raisonnons et résolvons les questions de raison avec un certain succès …
dans les limites de l'expérience … je choisis les bonnes routes et vous nous menez
sains et saufs , non ? … et nous avons fabriqués les outils …"
S'il n'y avait eu les cartes marines et les baromètres , et le télégraphe électroma-
gnétique pensè-je , qui eut pu dire à ce moment quelles vagues et quelles vagues de
quel océan malmenaient les flancs du Kritik et où prenaient forme ces énormes
nuages qui venaient sud-sud ouest et s'ils allaient crever sur nos cirés ou déverser
leurs entrailles , plus loin , sur une jungle ou une ville où l'on suivait avec effroi la
baisse du mercure .
- Krant ( il laissa passer deux énormes bourrasques) : " … et pourtant chef , la raison
nous pousse hors de l'expérience possible … les questions insolubles …"
Un mécanicien vint tirer avec moi sur la poignée et quand enfin nous fermâmes
l'écoutille , j'entendis encore la voix du capitaine : "La raison n'est pas raisonnable ,
chef ! …"
Un coup de boutoir sur le plat-bord embarda le Kritik sur sa quille , comme rappel
des puissances naturelles .
Je m'acharnais à fermer à contre-vent le panneau d'écoutille pour protéger la
salle des machines des paquets de mer quand le capitaine ( je vis au-dessus de moi
son visage détaché sur le ciel tourmenté de la dépression que nous avait annoncée
une flotille qui navigait plus à l'ouest et ses sourcils , comme les buissons ras d'une
lande avancée , étaient tour à tour secoués et plaqués ) hurla ce qui suit dans le col
agité de sa vareuse :
- Krant : "… raisonnons et résolvons les questions de raison avec un certain succès …
dans les limites de l'expérience … je choisis les bonnes routes et vous nous menez
sains et saufs , non ? … et nous avons fabriqués les outils …"
S'il n'y avait eu les cartes marines et les baromètres , et le télégraphe électroma-
gnétique pensè-je , qui eut pu dire à ce moment quelles vagues et quelles vagues de
quel océan malmenaient les flancs du Kritik et où prenaient forme ces énormes
nuages qui venaient sud-sud ouest et s'ils allaient crever sur nos cirés ou déverser
leurs entrailles , plus loin , sur une jungle ou une ville où l'on suivait avec effroi la
baisse du mercure .
- Krant ( il laissa passer deux énormes bourrasques) : " … et pourtant chef , la raison
nous pousse hors de l'expérience possible … les questions insolubles …"
Un mécanicien vint tirer avec moi sur la poignée et quand enfin nous fermâmes
l'écoutille , j'entendis encore la voix du capitaine : "La raison n'est pas raisonnable ,
chef ! …"
Un coup de boutoir sur le plat-bord embarda le Kritik sur sa quille , comme rappel
des puissances naturelles .
dimanche 21 décembre 2014
PARADIS 23 . LES INDISPENSABLES
- Dieu à Adam : "Tu t'ennuies Adam ?"
Adam tourne en rond devant l'atelier de Dieu en poussant du gros orteil un caillou .
- Adam : "Oui … j'm'embête … j'ai rien à faire … qu'est-ce que j'peux faire ?"
- Dieu : "Mais Adam ! … pourquoi toujours faire quelque chose !? … assieds toi
et profite de ma création : les luminaires qui sont dans le ciel , les poissons de la
mer , les oiseaux du ciel , l'herbe portant semence ! …" et il fait du bras un mouve-
ment à 360° … "Tu peux aussi chanter mes louanges … ou célébrer mon nom …"
- Adam poussant son caillou : "J'm'embête ! … qu'est-ce que j'peux faire ? … j'sais
pas quoi faire !"
- Dieu : "Et ta wargame ?"
- Adam : "J'en veux plus !"
- Dieu : "Et les filles ?"
- Adam : "Quelles filles ? … Ève ?"
- Dieu : "Elle ne te plaît pas ?"
- Adam : "Bof !"
- Dieu : "Pourtant … au début !"
- Adam : "C'est chiant les filles !"
- Dieu . Il croise les bras sur son infinie sagesse : "Chiantes , les filles !? … mais
Ève , je la trouve super ! … c'est la plus grande réussite de ma création ! … nom de …
nom d'une pipe !"
- Adam : "T'as d'la bière ?"
- Dieu : "Oui … au frigo … tu en veux une ?"
- Adam : "J'veux bien …"
- Dieu . Il farfouille dans son frigo : "Leffe ou Kronembourg ?"
- Adam : "Une Kro ……………. t'as une télé ?"
- Dieu : "Une quoi ?"
- Adam : "Une télé …"
- Dieu : "Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ?"
- Adam . Il explique … les chaînes , les paraboles , les matches de foot …
- Dieu : "Ah ? … non , je n'ai pas créé çà … c'est indispensable ?"
- Adam : "Avec la bière … oui …"
Adam tourne en rond devant l'atelier de Dieu en poussant du gros orteil un caillou .
- Adam : "Oui … j'm'embête … j'ai rien à faire … qu'est-ce que j'peux faire ?"
- Dieu : "Mais Adam ! … pourquoi toujours faire quelque chose !? … assieds toi
et profite de ma création : les luminaires qui sont dans le ciel , les poissons de la
mer , les oiseaux du ciel , l'herbe portant semence ! …" et il fait du bras un mouve-
ment à 360° … "Tu peux aussi chanter mes louanges … ou célébrer mon nom …"
- Adam poussant son caillou : "J'm'embête ! … qu'est-ce que j'peux faire ? … j'sais
pas quoi faire !"
- Dieu : "Et ta wargame ?"
- Adam : "J'en veux plus !"
- Dieu : "Et les filles ?"
- Adam : "Quelles filles ? … Ève ?"
- Dieu : "Elle ne te plaît pas ?"
- Adam : "Bof !"
- Dieu : "Pourtant … au début !"
- Adam : "C'est chiant les filles !"
- Dieu . Il croise les bras sur son infinie sagesse : "Chiantes , les filles !? … mais
Ève , je la trouve super ! … c'est la plus grande réussite de ma création ! … nom de …
nom d'une pipe !"
- Adam : "T'as d'la bière ?"
- Dieu : "Oui … au frigo … tu en veux une ?"
- Adam : "J'veux bien …"
- Dieu . Il farfouille dans son frigo : "Leffe ou Kronembourg ?"
- Adam : "Une Kro ……………. t'as une télé ?"
- Dieu : "Une quoi ?"
- Adam : "Une télé …"
- Dieu : "Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ?"
- Adam . Il explique … les chaînes , les paraboles , les matches de foot …
- Dieu : "Ah ? … non , je n'ai pas créé çà … c'est indispensable ?"
- Adam : "Avec la bière … oui …"
DÉPRIME D'AUTOMNE
Chez le psy :
Je ris parce que l'automne est à nos portes . Les feuilles mourantes ,
comme suspendues au dernier fil de vie , tremblent contre le grand silence
qui vient et qu'il faut bien , Docteur , que je remplisse … comprenez-vous ? …
Déjà , on ne voit plus les rives de l'ancienne saison … les râteaux sont aux
clous mais bientôt on entendra le raclement de leurs dents contre la terre …
Trangsene , dites-vous ? … deux par jour … et demain , les oies cacardantes
passeront sur nos têtes comme le cycle imperturbable du temps … je ris pour
occuper l'intérieur de mon corps … vide ? . Si je me sens vide ? … oui …
vide et vidée … comprimés ou gélules ? … vous revoir dans trois mois ? …
au printemps ? … une marée obscure impossible à mesurer et le bruit écrasant
des feuilles mortes … il faut rire absolument ; rions … elles tombent sans poids
sur ma terrasse ; elles vont pourrir là … j'ai l'air de rire … mais ce n'est pas mon
rire , Docteur … c'est l'automne qui ricane .
Je ris parce que l'automne est à nos portes . Les feuilles mourantes ,
comme suspendues au dernier fil de vie , tremblent contre le grand silence
qui vient et qu'il faut bien , Docteur , que je remplisse … comprenez-vous ? …
Déjà , on ne voit plus les rives de l'ancienne saison … les râteaux sont aux
clous mais bientôt on entendra le raclement de leurs dents contre la terre …
Trangsene , dites-vous ? … deux par jour … et demain , les oies cacardantes
passeront sur nos têtes comme le cycle imperturbable du temps … je ris pour
occuper l'intérieur de mon corps … vide ? . Si je me sens vide ? … oui …
vide et vidée … comprimés ou gélules ? … vous revoir dans trois mois ? …
au printemps ? … une marée obscure impossible à mesurer et le bruit écrasant
des feuilles mortes … il faut rire absolument ; rions … elles tombent sans poids
sur ma terrasse ; elles vont pourrir là … j'ai l'air de rire … mais ce n'est pas mon
rire , Docteur … c'est l'automne qui ricane .
samedi 20 décembre 2014
VERS LIBRES POUR NOËL
Le soir de tes maternités
Je suis l'âne broutant
L'herbe des collines
A deux pas de la crèche
J'attends ,
Les flancs chargés de sacs ,
Que tu viennes
Avec le fruit de tes entrailles .
Je suis l'âne broutant
L'herbe des collines
A deux pas de la crèche
J'attends ,
Les flancs chargés de sacs ,
Que tu viennes
Avec le fruit de tes entrailles .
ZULMA
Avais-je oublié Zulma ? . Non , pas tout à fait . Je l'avais exilée au nord ,
dans les roseaux d'un grand fleuve , derrière l'inextricable réseau de mes sy-
napses et , cependant , elle réapparaissait parfois dans ce pays où mon ima-
gination peine à se déployer . Je repêchais dans des eaux insensibles aux
marées des bouts de cette inconnue qui jadis mettait le feu au bus 29 entre
Pajupita et Sacapulas . Quand je rassemblais assez de morceaux de sa robe
rouge , il me semblait que Zulma marchait sur les eaux . Si je m'étais avancé
pour lui tenir la main , je me serais enfoncé dans la terre molle de l'oubli :
Zulma était hors d'atteinte .
Je ne prendrai plus le bus 29 . On a rasé l'usine de torréfaction . Zulma
est un souvenir et doit le rester .
dans les roseaux d'un grand fleuve , derrière l'inextricable réseau de mes sy-
napses et , cependant , elle réapparaissait parfois dans ce pays où mon ima-
gination peine à se déployer . Je repêchais dans des eaux insensibles aux
marées des bouts de cette inconnue qui jadis mettait le feu au bus 29 entre
Pajupita et Sacapulas . Quand je rassemblais assez de morceaux de sa robe
rouge , il me semblait que Zulma marchait sur les eaux . Si je m'étais avancé
pour lui tenir la main , je me serais enfoncé dans la terre molle de l'oubli :
Zulma était hors d'atteinte .
Je ne prendrai plus le bus 29 . On a rasé l'usine de torréfaction . Zulma
est un souvenir et doit le rester .
COTE 137 . 21 . LE POTAGER
- Ah , les salauds !
Martial au bord d'un trou . Au fond du trou , un bric à vrac de piquets et de barbelés .
- Ah , les salauds !
- Le capitaine : "Ils l'ont pas fait exprès , Martial ! … une erreur de tir …"
- Martial . Il n'en démord pas : "Ah , les salauds !"
Le capitaine et moi lui allongeons des claques consolantes dans le dos . Il y avait là
(jadis) trois rangs de poireaux . C'était le carré que Martial cultivait dans un repli de la
tranchée . Contre toute logique potagère , ses plants avaient survécu à la pluie continue
et si nous avions moqué l'entreprise à son début , elle agrémentait à merveille nos rations
militaires .
- Martial . Son oeil bleu a viré au noir . Il fixe sa baïonnette au bout du fusil Lebel :
"Je m'en vais leur expliquer la culture des poireaux à ces salauds !"
- Le capitaine expose qu'une attaque en solitaire est vouée à l'échec … qu'en l'occur-
rence , on n'a pas prévenu la hiérarchie que le soldat Martial a l'intention de quitter la
tranchée sans ordres pour prendre la cote 137 à lui tout seul … qu'en conséquence , ce
soldat est passible de la cour martiale et son supérieur immédiat , son capitaine , d'un
avertissement …
Rien n'y fait . Nous nous mettons à douze pour réduire notre camarade et l'enfermer
dans la casemate .
Martial au bord d'un trou . Au fond du trou , un bric à vrac de piquets et de barbelés .
- Ah , les salauds !
- Le capitaine : "Ils l'ont pas fait exprès , Martial ! … une erreur de tir …"
- Martial . Il n'en démord pas : "Ah , les salauds !"
Le capitaine et moi lui allongeons des claques consolantes dans le dos . Il y avait là
(jadis) trois rangs de poireaux . C'était le carré que Martial cultivait dans un repli de la
tranchée . Contre toute logique potagère , ses plants avaient survécu à la pluie continue
et si nous avions moqué l'entreprise à son début , elle agrémentait à merveille nos rations
militaires .
- Martial . Son oeil bleu a viré au noir . Il fixe sa baïonnette au bout du fusil Lebel :
"Je m'en vais leur expliquer la culture des poireaux à ces salauds !"
- Le capitaine expose qu'une attaque en solitaire est vouée à l'échec … qu'en l'occur-
rence , on n'a pas prévenu la hiérarchie que le soldat Martial a l'intention de quitter la
tranchée sans ordres pour prendre la cote 137 à lui tout seul … qu'en conséquence , ce
soldat est passible de la cour martiale et son supérieur immédiat , son capitaine , d'un
avertissement …
Rien n'y fait . Nous nous mettons à douze pour réduire notre camarade et l'enfermer
dans la casemate .
SANTA CLOTILDE
Sur chaque table , une corbeille de fruits : pommes , poires , cerises ,
oranges . Dans chaque maison de Santa Clotilde , il y a dans l'entrée une
table et sur la table une corbeille qui déborde de fruits . Il est inutile d'at-
tendre que le maître ou la maîtresse de maison vous ait invité à vous ser-
vir pour croquer les fruits les plus juteux de la planète car - à moins que
vous ne débarquiez en pleine nuit par le ferry d'Iquitos , et dans ce cas le
maître et la maîtresse de maison , les enfants et les domestiques seront
probablement couchés - la maison est déserte . Le maître et la maîtresse
sont dans leur verger sur la rive droite du Napo avec les domestiques qui ,
entre le lever et le coucher du soleil , font office d'ouvriers agricoles . Les
enfants sont à l'école , au bord du fleuve . On leur enseigne l'arboriculture
fruitière à l'exclusion de toute autre matière .
A quoi serviraient les mathématiques et la maîtrise de la langue anglaise
quand on a à la porte de sa maison des cerisiers sensationnels !?
oranges . Dans chaque maison de Santa Clotilde , il y a dans l'entrée une
table et sur la table une corbeille qui déborde de fruits . Il est inutile d'at-
tendre que le maître ou la maîtresse de maison vous ait invité à vous ser-
vir pour croquer les fruits les plus juteux de la planète car - à moins que
vous ne débarquiez en pleine nuit par le ferry d'Iquitos , et dans ce cas le
maître et la maîtresse de maison , les enfants et les domestiques seront
probablement couchés - la maison est déserte . Le maître et la maîtresse
sont dans leur verger sur la rive droite du Napo avec les domestiques qui ,
entre le lever et le coucher du soleil , font office d'ouvriers agricoles . Les
enfants sont à l'école , au bord du fleuve . On leur enseigne l'arboriculture
fruitière à l'exclusion de toute autre matière .
A quoi serviraient les mathématiques et la maîtrise de la langue anglaise
quand on a à la porte de sa maison des cerisiers sensationnels !?
jeudi 18 décembre 2014
JULES 7 . ONDE-PARTICULE
Çà y est ! . Jules a terminé la lecture de "La Physique Quantique pour les
Nuls" . 415 pages . Un an de pénible concentration . Des milliers de notes en
marge au crayon à mine . En vérité , ses yeux ont perçu la totalité des mots ,
graphiques et équations - et plutôt dix fois qu'une ! - mais , du point de vue de
la psychologie cognitive dans ses plus récentes avancées , peut-on affirmer que
les concepts aussi multiplement décrits ont atteint sa compréhension ?
- Jules , de lui-même : "Non !"
A l'instant précis ("précis" est inapproprié car l'intervalle de temps entre la
prise de conscience par Jules de son incompréhension de la plupart des concepts
quantiques et son aveu par l'emploi de l'adverbe de négation "non" correspond
à un saut quantique des électrons au coeur des atomes , mesurable si toutefois
Jules avait disposé d'un laser UV produisant des émissions pulsées à 250 atto-
secondes , or Jules n'a ni cet appareil ni la compétence qui va avec) où Jules
exprime ce "non" exclamatif , Soeur Marie de la Sainte Croix entre dans la
chambre , précédée par un verre où efferverce un cachet d'aspirine .
- SMdlC : "Alors ?"
- Jules : "Alors quoi ?"
- SMdlC : "La dualité onde-particule ?"
- Jules : "C'est pas la même chose ?"
- SMdlC : "Disons que ce sont les deux facettes d'un même phénomène"
- Jules : "Donc , c'est la même chose … c'est ce que je dis !"
- SMdlC : "Et le principe d'indétermination ?"
- Jules : "Ouais … une particule , on ne sait jamais où elle est"
- SMdlC : "Oh , Monsieur Jules ! … vous progressez …"
- Jules : "Vous trouvez !? … si j'ai bien compris (il montre , au pied de son lit ,
son exemplaire de "La Physique Quantique pour les Nuls") , on n'est plus sûr
de rien"
- SMdlC : "En quelque sorte …"
- Jules : "C'est un progrès ?"
- SMdlC . Elle se signe : "Doux Jésus , oui !"
Nuls" . 415 pages . Un an de pénible concentration . Des milliers de notes en
marge au crayon à mine . En vérité , ses yeux ont perçu la totalité des mots ,
graphiques et équations - et plutôt dix fois qu'une ! - mais , du point de vue de
la psychologie cognitive dans ses plus récentes avancées , peut-on affirmer que
les concepts aussi multiplement décrits ont atteint sa compréhension ?
- Jules , de lui-même : "Non !"
A l'instant précis ("précis" est inapproprié car l'intervalle de temps entre la
prise de conscience par Jules de son incompréhension de la plupart des concepts
quantiques et son aveu par l'emploi de l'adverbe de négation "non" correspond
à un saut quantique des électrons au coeur des atomes , mesurable si toutefois
Jules avait disposé d'un laser UV produisant des émissions pulsées à 250 atto-
secondes , or Jules n'a ni cet appareil ni la compétence qui va avec) où Jules
exprime ce "non" exclamatif , Soeur Marie de la Sainte Croix entre dans la
chambre , précédée par un verre où efferverce un cachet d'aspirine .
- SMdlC : "Alors ?"
- Jules : "Alors quoi ?"
- SMdlC : "La dualité onde-particule ?"
- Jules : "C'est pas la même chose ?"
- SMdlC : "Disons que ce sont les deux facettes d'un même phénomène"
- Jules : "Donc , c'est la même chose … c'est ce que je dis !"
- SMdlC : "Et le principe d'indétermination ?"
- Jules : "Ouais … une particule , on ne sait jamais où elle est"
- SMdlC : "Oh , Monsieur Jules ! … vous progressez …"
- Jules : "Vous trouvez !? … si j'ai bien compris (il montre , au pied de son lit ,
son exemplaire de "La Physique Quantique pour les Nuls") , on n'est plus sûr
de rien"
- SMdlC : "En quelque sorte …"
- Jules : "C'est un progrès ?"
- SMdlC . Elle se signe : "Doux Jésus , oui !"
dimanche 14 décembre 2014
TROIS MOUCHES 25 . PRINCE CONSTRUCTEUR
"Elle sera gigantesque" dit le Prince . La première pierre était posée sur
l'herbe . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre
nos chapeaux de paille . Nous prîmes joyeusement nos pelles et nos pioches .
Une muraille merveilleuse bourdonnait sous nos chapeaux de paille . Nous
prîmes une pierre gigantesque . "C'est la première" dit joyeusement le Prince .
Un prince gigantesque avait en tête une muraille . Il posa sur l'herbe sa cou-
ronne vermeille , chassa trois mouches qui bourdonnaient dans son chapeau de
paille et - joyeusement - prit une pioche .
l'herbe . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre
nos chapeaux de paille . Nous prîmes joyeusement nos pelles et nos pioches .
Une muraille merveilleuse bourdonnait sous nos chapeaux de paille . Nous
prîmes une pierre gigantesque . "C'est la première" dit joyeusement le Prince .
Un prince gigantesque avait en tête une muraille . Il posa sur l'herbe sa cou-
ronne vermeille , chassa trois mouches qui bourdonnaient dans son chapeau de
paille et - joyeusement - prit une pioche .
jeudi 11 décembre 2014
DESMOND 16 . MADEMOISELLE
Sonnerie du téléphone rouge .
- "Allo , Desmond ? … hi … je sais que vous êtes un homme très occupé … j'ai
un problème … Marilyn est absente … congé de maladie … et je dois envoyer un
message ultra-confidentiel … il me faut une personne de confiance … puis-je abu-
ser de votre précieux temps , Desmond ?"
- Moi : "Bien entendu , Monsieur le Président "
Je monte quatre à quatre par l'escalier A . Je frappe à la porte du Bureau Ovale .
- Le Président : "Entrez Desmond ! … entrez ! …"
- Moi : "Bonjour , Monsieur le Président"
- Le Président : "Bonjour , Desmond … asseyez-vous … et prenez note … un texte
en français …"
J'ouvre mon bloc et j'attends , pointe Bic en suspens .
- Le Président : "Mademoiselle …" . Il réfléchit en se pinçant les lèvres … "Aidez-
moi , Desmond … je ne sais comment dire ces choses"
- Moi : "Euh … quelles choses voulez-vous dire , Monsieur le Président ?"
- Le Président , interloqué : "Mais enfin , Desmond ! … j'écris à une demoiselle …
de quoi voulez-vous que je parle ? … de la guerre froide ? … du prix du baril ? …
du cours du yen ? … Desmond ! … une demoiselle ! … un cerveau de moineau …
mais , Desmond , des seins ! … des seins comme vous n'avez pas idée ! … Des-
mond … des seins … vous savez encore ce que c'est au service de l'incinération ? …
Desmond … votre libido … pensez à votre libido !"
- Moi : "…………………"
- Le Président , le visage dans les mains cherche des mots : "Mademoiselle …
mademoiselle …" . Puis , redressant le buste et regardant juste au-dessus de ma
tête : "Elle n'est pas mariée au moins ?" . Me fixant dans les yeux mais comme à
travers eux : "Desmond … est-elle mariée ?"
- Moi : "Euh … Monsieur le Président … de qui parlons-nous ?"
- Le Président : "De Mireille Mathieu , pardi !"
- "Allo , Desmond ? … hi … je sais que vous êtes un homme très occupé … j'ai
un problème … Marilyn est absente … congé de maladie … et je dois envoyer un
message ultra-confidentiel … il me faut une personne de confiance … puis-je abu-
ser de votre précieux temps , Desmond ?"
- Moi : "Bien entendu , Monsieur le Président "
Je monte quatre à quatre par l'escalier A . Je frappe à la porte du Bureau Ovale .
- Le Président : "Entrez Desmond ! … entrez ! …"
- Moi : "Bonjour , Monsieur le Président"
- Le Président : "Bonjour , Desmond … asseyez-vous … et prenez note … un texte
en français …"
J'ouvre mon bloc et j'attends , pointe Bic en suspens .
- Le Président : "Mademoiselle …" . Il réfléchit en se pinçant les lèvres … "Aidez-
moi , Desmond … je ne sais comment dire ces choses"
- Moi : "Euh … quelles choses voulez-vous dire , Monsieur le Président ?"
- Le Président , interloqué : "Mais enfin , Desmond ! … j'écris à une demoiselle …
de quoi voulez-vous que je parle ? … de la guerre froide ? … du prix du baril ? …
du cours du yen ? … Desmond ! … une demoiselle ! … un cerveau de moineau …
mais , Desmond , des seins ! … des seins comme vous n'avez pas idée ! … Des-
mond … des seins … vous savez encore ce que c'est au service de l'incinération ? …
Desmond … votre libido … pensez à votre libido !"
- Moi : "…………………"
- Le Président , le visage dans les mains cherche des mots : "Mademoiselle …
mademoiselle …" . Puis , redressant le buste et regardant juste au-dessus de ma
tête : "Elle n'est pas mariée au moins ?" . Me fixant dans les yeux mais comme à
travers eux : "Desmond … est-elle mariée ?"
- Moi : "Euh … Monsieur le Président … de qui parlons-nous ?"
- Le Président : "De Mireille Mathieu , pardi !"
BERLIN
Aucun des analystes ne comprit pourquoi , dans un immeuble évacué en
raison de la proximité des zones interdites , K. Kolb utilisa un ascenseur
anormalement en état de marche . Kolb avait - en plus de son intelligence -
une solide expérience des choses du Service. Pas plus qu'on ne trouvait d'ex-
plications au fait qu'il avait désactivé le microphone placé dans la poche
intérieure de sa gabardine , et pourquoi il avait laissé dans le couloir d'entrée
sa caisse à outils et l'enveloppe en papier kraft qui contenait les instructions ,
pourquoi il avait abandonné ses chaussures à bouts renforcés sur le palier du premier ,
pourquoi - devant une circonstance imprévue : la bonne marche de l'ascenseur -
il n'en avait pas référé au Cinquième Bureau , pourquoi il n'avait pas envoyé
le signal convenu avant d'agir et - tout bonnement - pourquoi il avait pris
l'initiative d'ignorer l'escalier ?
Enfin , pourquoi un vopo découvrit à trois heures du matin le tronçon
inférieur de Kolb entre les grilles fermées de l'ascenseur et le tronçon du haut
au quatrième étage ?
Son chef direct fut longuement interrogé , quelque peu malmené puis congédié
avec trois ans de salaire et une prime confortable .
Car la réputation de la Société Otis est à ce prix , et juteux le marché des
ascenseurs berlinois .
raison de la proximité des zones interdites , K. Kolb utilisa un ascenseur
anormalement en état de marche . Kolb avait - en plus de son intelligence -
une solide expérience des choses du Service. Pas plus qu'on ne trouvait d'ex-
plications au fait qu'il avait désactivé le microphone placé dans la poche
intérieure de sa gabardine , et pourquoi il avait laissé dans le couloir d'entrée
sa caisse à outils et l'enveloppe en papier kraft qui contenait les instructions ,
pourquoi il avait abandonné ses chaussures à bouts renforcés sur le palier du premier ,
pourquoi - devant une circonstance imprévue : la bonne marche de l'ascenseur -
il n'en avait pas référé au Cinquième Bureau , pourquoi il n'avait pas envoyé
le signal convenu avant d'agir et - tout bonnement - pourquoi il avait pris
l'initiative d'ignorer l'escalier ?
Enfin , pourquoi un vopo découvrit à trois heures du matin le tronçon
inférieur de Kolb entre les grilles fermées de l'ascenseur et le tronçon du haut
au quatrième étage ?
Son chef direct fut longuement interrogé , quelque peu malmené puis congédié
avec trois ans de salaire et une prime confortable .
Car la réputation de la Société Otis est à ce prix , et juteux le marché des
ascenseurs berlinois .
KRANT 21 . LE PÉRIMÈTRE DU CHAT
- Krant : "Chef … Hume raisonne-t-il ? …"
Nous venions de sortir du chenal d'Aabenraa … J'étais remonté sur le gaillard
d'arrière où le capitaine bourrait sa pipe pendant qu'à l'est , embrasés par le couchant ,
les portiques , les palonniers et les grues portuaires , becquetant l'immense vasière ,
levaient flèches et poutrelles vers le ciel non moins immense comme pour un envol
imminent .
- Moi : "Non , capitaine … Hume dort"
De fait , Hume dort et il exerce cette sempiternelle occupation en quatre inamovibles
lieux par lui élus : la tuyauterie de sortie de chaudière , le coussin le plus profond du
carré , une caisse en carton où l'homme de barre , son quart rendu , jette ses gants et ,
en solennelles occasions , les genoux mêmes du capitaine . Hume dort les moustaches
entre les coussinets et , si la raison l'habite , elle ne quitte pas l'étroit périmètre de son
pelage rayé . Je n'ai jamais vu Hume circuler sur la passerelle de commandement avec
un air pensif et s'est-il jamais soucié de notre route ou du charbon à embarquer ?
Je sentis contre mes bottes un frôlement et je vis Hume sous mon bras accoudé , en
extraordinaire sortie de pont . Il posa son cul entre nous , queue arrondie autour des pattes
jointes , et considéra au loin les portiques , les palonniers et les grues portuaires trans-
figurés par les bas-côtés de ma raison en quêteurs de vers et qui , sagesse de chat ,
n'étaient point des oiseaux et , bien entendu , ne prendraient jamais leur envol .
Nous venions de sortir du chenal d'Aabenraa … J'étais remonté sur le gaillard
d'arrière où le capitaine bourrait sa pipe pendant qu'à l'est , embrasés par le couchant ,
les portiques , les palonniers et les grues portuaires , becquetant l'immense vasière ,
levaient flèches et poutrelles vers le ciel non moins immense comme pour un envol
imminent .
- Moi : "Non , capitaine … Hume dort"
De fait , Hume dort et il exerce cette sempiternelle occupation en quatre inamovibles
lieux par lui élus : la tuyauterie de sortie de chaudière , le coussin le plus profond du
carré , une caisse en carton où l'homme de barre , son quart rendu , jette ses gants et ,
en solennelles occasions , les genoux mêmes du capitaine . Hume dort les moustaches
entre les coussinets et , si la raison l'habite , elle ne quitte pas l'étroit périmètre de son
pelage rayé . Je n'ai jamais vu Hume circuler sur la passerelle de commandement avec
un air pensif et s'est-il jamais soucié de notre route ou du charbon à embarquer ?
Je sentis contre mes bottes un frôlement et je vis Hume sous mon bras accoudé , en
extraordinaire sortie de pont . Il posa son cul entre nous , queue arrondie autour des pattes
jointes , et considéra au loin les portiques , les palonniers et les grues portuaires trans-
figurés par les bas-côtés de ma raison en quêteurs de vers et qui , sagesse de chat ,
n'étaient point des oiseaux et , bien entendu , ne prendraient jamais leur envol .
mercredi 10 décembre 2014
PARADIS 22 . LA GIMLASTIC
- Dieu : "Qu'est-ce que tu fais , Ève ?"
- Ève . Elle pédale , les jambes en l'air : "De la gimlastic"
- Dieu . Il corrige : "De la gymnastique , Ève … de la gymnastique … du grec
gymnos ... pourquoi tu fais ça ?"
- Ève : "Pour les fesses … et les ablominos …"
- Dieu : "Les abdominaux , Ève …"
- Ève . Elle s'arrête de pédaler : "C'est pas les ablominos ?"
- Dieu : "Non , Ève … je suis sûr … c'est moi qui ai inventé les abdominaux et
c'est moi qui ai inventé le mot"
- Ève : "C'est quoi alors les ablominos ?"
- Dieu : "Mais c'est rien du tout ! … ça n'existe pas … regarde dans le dictionnaire …
le Petit Robert , c'est le meilleur …"
- Ève : "C'est quoi un fricsonnehair ?"
- Dieu : "… Pfff ! … Ève !! … j'aurais dû te faire en brune … un dictionnaire ! …"
- Ève : "Je suis blonde , non ?"
- Dieu : "Ben oui …"
- Ève : "C'est quoi une brune ?"
- Dieu : "Euh … c'est une fille qui réfléchit … qui sait faire des trucs qui servent à
quelque chose …"
- Ève : "… Et ses ablominos , y sont comment ? … aussi jolis que les miens ?"
- Dieu . Il hausse les épaules : "J'en sais rien Ève … je n'ai pas créé de brunes …
les brunes , c'est une vue de l'esprit …"
- Ève . Elle se remet à pédaler en l'air : "J'en ai fait 200 !"
- Dieu : "200 quoi ? … tu sais compter maintenant !?"
- Ève : "200 pedalings … c'est mon fitness program …" . Elle s'arrête de pédaler :
"Dis , tu pourrais me créer une wii fit ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que c'est ?"
- Ève : "Une planche de fit …"
- Dieu : "………….?………….."
- Ève : "Tu pourrais ? …"
- Dieu : "T'as rien d'autre à faire ?"
- Ève : "Non"
- Ève . Elle pédale , les jambes en l'air : "De la gimlastic"
- Dieu . Il corrige : "De la gymnastique , Ève … de la gymnastique … du grec
gymnos ... pourquoi tu fais ça ?"
- Ève : "Pour les fesses … et les ablominos …"
- Dieu : "Les abdominaux , Ève …"
- Ève . Elle s'arrête de pédaler : "C'est pas les ablominos ?"
- Dieu : "Non , Ève … je suis sûr … c'est moi qui ai inventé les abdominaux et
c'est moi qui ai inventé le mot"
- Ève : "C'est quoi alors les ablominos ?"
- Dieu : "Mais c'est rien du tout ! … ça n'existe pas … regarde dans le dictionnaire …
le Petit Robert , c'est le meilleur …"
- Ève : "C'est quoi un fricsonnehair ?"
- Dieu : "… Pfff ! … Ève !! … j'aurais dû te faire en brune … un dictionnaire ! …"
- Ève : "Je suis blonde , non ?"
- Dieu : "Ben oui …"
- Ève : "C'est quoi une brune ?"
- Dieu : "Euh … c'est une fille qui réfléchit … qui sait faire des trucs qui servent à
quelque chose …"
- Ève : "… Et ses ablominos , y sont comment ? … aussi jolis que les miens ?"
- Dieu . Il hausse les épaules : "J'en sais rien Ève … je n'ai pas créé de brunes …
les brunes , c'est une vue de l'esprit …"
- Ève . Elle se remet à pédaler en l'air : "J'en ai fait 200 !"
- Dieu : "200 quoi ? … tu sais compter maintenant !?"
- Ève : "200 pedalings … c'est mon fitness program …" . Elle s'arrête de pédaler :
"Dis , tu pourrais me créer une wii fit ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que c'est ?"
- Ève : "Une planche de fit …"
- Dieu : "………….?………….."
- Ève : "Tu pourrais ? …"
- Dieu : "T'as rien d'autre à faire ?"
- Ève : "Non"
WALTER SCHWIEGER
"Sournois … tu es sournois … un reptile !" disait ma mère qui ne voyait en moi
que ruse et cruauté . Mon enfance se résuma à ceci : parfaire cette image . J'étouffai
dans l'oeuf les bonnes dispositions propres aux bambins et me glissai par ondulations
et rétractions alternatives dans la peau d'un serpent aquatique . Combien de mes jeunes
condisciples présentèrent sur leurs mollets ou dans le gras de leurs fesses la trace
typique d'une morsure par crochets ! . Plus tard , adolescent , je fascinais les filles en
les regardant fixement . Mes yeux semblaient dépourvus de paupières ; une écaille
transparente teintée d'un pâle bleu aryen les couvrait comme un verre de montre et
peu de ces femelles échappèrent à mon magnétisme . J'évoluais , furtif , dans la société .
Je changeais souvent de peau , aussi n'étais-je jamais là où m'attendaient les humains ,
mais ailleurs , frôlant des talons ingénus . A vingt ans , j'entrai à l'Académie de Marine
de Kiel où je devins Kapitänleutnant . La guerre et l'invention de l'U-boat décidèrent
de mon destin . C'est au fond de la mer que devait s'épanouir ma nature . Je demandai
et obtins le commandement de l'U-20 .
Le 7 mai 1915 , je coulai le Lusitania au large de l'Irlande avec ses 1200 passagers .
que ruse et cruauté . Mon enfance se résuma à ceci : parfaire cette image . J'étouffai
dans l'oeuf les bonnes dispositions propres aux bambins et me glissai par ondulations
et rétractions alternatives dans la peau d'un serpent aquatique . Combien de mes jeunes
condisciples présentèrent sur leurs mollets ou dans le gras de leurs fesses la trace
typique d'une morsure par crochets ! . Plus tard , adolescent , je fascinais les filles en
les regardant fixement . Mes yeux semblaient dépourvus de paupières ; une écaille
transparente teintée d'un pâle bleu aryen les couvrait comme un verre de montre et
peu de ces femelles échappèrent à mon magnétisme . J'évoluais , furtif , dans la société .
Je changeais souvent de peau , aussi n'étais-je jamais là où m'attendaient les humains ,
mais ailleurs , frôlant des talons ingénus . A vingt ans , j'entrai à l'Académie de Marine
de Kiel où je devins Kapitänleutnant . La guerre et l'invention de l'U-boat décidèrent
de mon destin . C'est au fond de la mer que devait s'épanouir ma nature . Je demandai
et obtins le commandement de l'U-20 .
Le 7 mai 1915 , je coulai le Lusitania au large de l'Irlande avec ses 1200 passagers .
mardi 9 décembre 2014
COTE 137 . 20 . LE SUBJONCTIF (cf cote 137 . 10)
Un colonel très chic vint visiter notre tranchée .
- Le colonel à Martial , avisant ses bottes neuves : "Sont-ce des bottes neuves , soldat ?"
- Martial au garde-à-vous : "Elles le sont-ce absolument , mon colonel !"
- Le colonel : "Mais ne sont-ce des bottes allemandes ,"
- Martial , regardant droit devant lui : "Elles sont-ce complètement allemandes ,
mon colonel"
- Le colonel : "Eussiez-vous détroussé un cadavre ?"
- Martial : "Je l'eussiez ! … mais il était vivant , mon colonel"
- Le colonel : "Fut-il votre prisonnier ?"
- Martial : "Mon colonel , il le fut-il … prénommé Adolf …"
- Le colonel , touchant les bottes de Martial du bout de sa badine : "Sont-ce des
bottes confortables ?"
- Martial : "Elles le sont-ce … confortisses … j'eûtes dit inégalasses , mon colonel"
- Le colonel : "Que fîtes-vous de ce prisonnier ?"
- Martial : "Je n'en fîtes rien , mon colonel … je le frites partir …"
- Le colonel : "…………….!?……………."
- Martial : "Mon colonel … il causait une langue barbare … sans tsubjonktif …
nous pensâtes que c'eût pu être quelque africain …"
- Le colonel s'éloigna … Au capitaine : "Capitaine , se peut-il que cet homme se moquât ?"
- Le capitaine , troublé : "En effet , mon colonel il se put-il …"
- Le colonel à Martial , avisant ses bottes neuves : "Sont-ce des bottes neuves , soldat ?"
- Martial au garde-à-vous : "Elles le sont-ce absolument , mon colonel !"
- Le colonel : "Mais ne sont-ce des bottes allemandes ,"
- Martial , regardant droit devant lui : "Elles sont-ce complètement allemandes ,
mon colonel"
- Le colonel : "Eussiez-vous détroussé un cadavre ?"
- Martial : "Je l'eussiez ! … mais il était vivant , mon colonel"
- Le colonel : "Fut-il votre prisonnier ?"
- Martial : "Mon colonel , il le fut-il … prénommé Adolf …"
- Le colonel , touchant les bottes de Martial du bout de sa badine : "Sont-ce des
bottes confortables ?"
- Martial : "Elles le sont-ce … confortisses … j'eûtes dit inégalasses , mon colonel"
- Le colonel : "Que fîtes-vous de ce prisonnier ?"
- Martial : "Je n'en fîtes rien , mon colonel … je le frites partir …"
- Le colonel : "…………….!?……………."
- Martial : "Mon colonel … il causait une langue barbare … sans tsubjonktif …
nous pensâtes que c'eût pu être quelque africain …"
- Le colonel s'éloigna … Au capitaine : "Capitaine , se peut-il que cet homme se moquât ?"
- Le capitaine , troublé : "En effet , mon colonel il se put-il …"
ZONE BLANCHE
Il y aurait entre Kolpasevo et Orlovka une zone blanche . Une zone blanche
est une terre inconnue d'un genre particulier . Elle n'a rien à voir avec la "Terra
Incognita" , étendue vierge de toute carte et de tout repère , où l'humanité cepen-
dant concentre un comble de curiosités , voire d'appétits , mais dont l'accès est
provisoirement interdit par la dangerosité ou l'extrémité . Au seul écho de ses six
syllabes - Terra Incognita - les baroudeurs de tous acabits bouclent leurs sacs et
tentent à leurs risques et périls d'y poser le pied .
Au lieu qu'une zone blanche est un territoire qu'aucun obstacle ne retranche
du reste des continents . Tout bonnement on a oublié de l'explorer ou de le tra-
verser parce qu'on suppose qu'il n'a aucun intérêt , ni stratégique , ni économi-
que , ni touristique , qu'on n'y fera pas brouter un troupeau de rennes , qu'on
n'y bâtira aucun château-fort - pour surveiller quelle route et quels pillards puis-
qu'il n'y a ni l'une ni les autres - et qu'il fait détour plutôt que raccourci . Tout
juste voit-on de Kolpasevo et d'Orlovka une orée de bouleaux . Ce qu'il y a
derrière , personne ne songe à l'imaginer : marais , steppe , buissons ? … sauf
parfois , brièvement , un poète ou des hurluberlus que rien n'empêche de rêver
qu'au bout de la ligne électrique un maigre village envoie par intermittence des
signes de vie ...
est une terre inconnue d'un genre particulier . Elle n'a rien à voir avec la "Terra
Incognita" , étendue vierge de toute carte et de tout repère , où l'humanité cepen-
dant concentre un comble de curiosités , voire d'appétits , mais dont l'accès est
provisoirement interdit par la dangerosité ou l'extrémité . Au seul écho de ses six
syllabes - Terra Incognita - les baroudeurs de tous acabits bouclent leurs sacs et
tentent à leurs risques et périls d'y poser le pied .
Au lieu qu'une zone blanche est un territoire qu'aucun obstacle ne retranche
du reste des continents . Tout bonnement on a oublié de l'explorer ou de le tra-
verser parce qu'on suppose qu'il n'a aucun intérêt , ni stratégique , ni économi-
que , ni touristique , qu'on n'y fera pas brouter un troupeau de rennes , qu'on
n'y bâtira aucun château-fort - pour surveiller quelle route et quels pillards puis-
qu'il n'y a ni l'une ni les autres - et qu'il fait détour plutôt que raccourci . Tout
juste voit-on de Kolpasevo et d'Orlovka une orée de bouleaux . Ce qu'il y a
derrière , personne ne songe à l'imaginer : marais , steppe , buissons ? … sauf
parfois , brièvement , un poète ou des hurluberlus que rien n'empêche de rêver
qu'au bout de la ligne électrique un maigre village envoie par intermittence des
signes de vie ...
TROIS MOUCHES 24 . CANICULE
Berthe avait un revers destructeur et un service faiblard . Trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
"Zéro-trente" dit l'arbitre . De l'autre côté du filet , l'été gagnait du terrain .
Les pailles bourdonnaient . Berthe prit le terrain à revers et d'un coup de
filet encercla trois mouches faiblardes . Je quittai mon service . "L'été sera
destructeur" me dit Berthe .
Trois mouches bourdonnaient en cercle . L'été nous prenait à revers .
"Trente degré au-dessus de zéro !" soupirait Berthe . Elle était faiblarde et
suait sous son chapeau de paille .
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
"Zéro-trente" dit l'arbitre . De l'autre côté du filet , l'été gagnait du terrain .
Les pailles bourdonnaient . Berthe prit le terrain à revers et d'un coup de
filet encercla trois mouches faiblardes . Je quittai mon service . "L'été sera
destructeur" me dit Berthe .
Trois mouches bourdonnaient en cercle . L'été nous prenait à revers .
"Trente degré au-dessus de zéro !" soupirait Berthe . Elle était faiblarde et
suait sous son chapeau de paille .
DESMOND 15 . FORMATION CONTINUE
- "Desmond !?"
C'est la voix du Président .
- "Où donc étiez-vous passé ? … ça fait des mois !! … Pat me demandait de vos nou-
velles … mais quoi lui dire ?"
- Moi : "J'étais en stage , Monsieur le Président"
Le Président s'avance vers moi . Il est bronzé , son rictus est plus blanc que jamais .
Il s'avance vers moi à terrifiantes enjambées en me tendant une main au bout d'un bras
enthousiaste . Je pose mes documents sur la moquette . Vigoureux shake-hands : "Hi ,
Desmond ! … how are you ?"
- Moi : "Very well , thank you , Mister President " (Dois-je traduire ce dialogue en
français ?)
- Le Président : "Quelle sorte de stage ? … le brûlage des documents … il y a une for-
mation continue ?"
- Moi : "Yes , Mister President"
Il me prend par l'épaule et me fait entrer dans le Bureau Ovale : "Racontez moi ça ,
Desmond … j'adore quand vous racontez ! …"
- Moi : "C'est que … hum …"
- Le Président , sourcils circonflexes : "C'est que quoi ?"
- Moi : "Hum … c'est … c'est top-secret , Mister President"
- Le Président , rigolard . Il s'approche de moi et me fiche l'index entre les côtes : "Allez
Desmond , parlez … parlez … dites à votre Président … quelles améliorations … com-
ment brûle-t-on les documents compromettants … hein ? … ces écoutes téléphoniques …
ces coups tordus … ces traquenards … ces rétro-commissions … ces pots de vin …
hein ? … toutes ces joyeusetés qui font le charme de notre quotidien …"
Le Président passe derrière moi , me ceinture et , d'un coup de genou , m'envoie assis
sur la moquette . : "Ah , ah , Desmond ! … c'est un stage de close-combat qu'il vous faut !"
C'est la voix du Président .
- "Où donc étiez-vous passé ? … ça fait des mois !! … Pat me demandait de vos nou-
velles … mais quoi lui dire ?"
- Moi : "J'étais en stage , Monsieur le Président"
Le Président s'avance vers moi . Il est bronzé , son rictus est plus blanc que jamais .
Il s'avance vers moi à terrifiantes enjambées en me tendant une main au bout d'un bras
enthousiaste . Je pose mes documents sur la moquette . Vigoureux shake-hands : "Hi ,
Desmond ! … how are you ?"
- Moi : "Very well , thank you , Mister President " (Dois-je traduire ce dialogue en
français ?)
- Le Président : "Quelle sorte de stage ? … le brûlage des documents … il y a une for-
mation continue ?"
- Moi : "Yes , Mister President"
Il me prend par l'épaule et me fait entrer dans le Bureau Ovale : "Racontez moi ça ,
Desmond … j'adore quand vous racontez ! …"
- Moi : "C'est que … hum …"
- Le Président , sourcils circonflexes : "C'est que quoi ?"
- Moi : "Hum … c'est … c'est top-secret , Mister President"
- Le Président , rigolard . Il s'approche de moi et me fiche l'index entre les côtes : "Allez
Desmond , parlez … parlez … dites à votre Président … quelles améliorations … com-
ment brûle-t-on les documents compromettants … hein ? … ces écoutes téléphoniques …
ces coups tordus … ces traquenards … ces rétro-commissions … ces pots de vin …
hein ? … toutes ces joyeusetés qui font le charme de notre quotidien …"
Le Président passe derrière moi , me ceinture et , d'un coup de genou , m'envoie assis
sur la moquette . : "Ah , ah , Desmond ! … c'est un stage de close-combat qu'il vous faut !"
lundi 8 décembre 2014
ATHABASCA
La bataille d'Athabasca aurait eu lieu là où s'étend la ville du même nom .
Une classe moyenne y déroulerait une vie moyenne si , à l'image des collec-
tionneurs de plantes tropicales dans leurs serres surchauffées , elle ne cultivait
le souvenir de la Grande Bataille . Les pavillons préfabriqués plongent leurs
maigres fondations dans un sol que les édiles prétendent mêlé de sang et
d'héroïques ossements . Qu'un éclat affleure au fond d'un potager et chacun ,
abandonnant son programme TV , endosse l'habit d'archéologue et bientôt ,
des quatre bouts de son plan orthogonal , la ville vibre de savantes supputations .
Le tracé de la Grande Rue superposerait son enrobé à l'ancienne piste mais
l'ancienne piste est un mythe . Qui , prétendant au gouvernement de la ville ,
oserait clamer que de piste il n'y eut jamais , ni guerriers , ni bataille , devrait
fuir sous des jets de pierres . A la mi-juillet , on rend hommage à un guerrier
dont on a perdu le nom . La place arbore ce jour-là des répliques d'étendards
et le maire , après le dépôt d'une gerbe , ranime la flamme sans qui la ville
d'Athabasca périrait d'ennui .
Une classe moyenne y déroulerait une vie moyenne si , à l'image des collec-
tionneurs de plantes tropicales dans leurs serres surchauffées , elle ne cultivait
le souvenir de la Grande Bataille . Les pavillons préfabriqués plongent leurs
maigres fondations dans un sol que les édiles prétendent mêlé de sang et
d'héroïques ossements . Qu'un éclat affleure au fond d'un potager et chacun ,
abandonnant son programme TV , endosse l'habit d'archéologue et bientôt ,
des quatre bouts de son plan orthogonal , la ville vibre de savantes supputations .
Le tracé de la Grande Rue superposerait son enrobé à l'ancienne piste mais
l'ancienne piste est un mythe . Qui , prétendant au gouvernement de la ville ,
oserait clamer que de piste il n'y eut jamais , ni guerriers , ni bataille , devrait
fuir sous des jets de pierres . A la mi-juillet , on rend hommage à un guerrier
dont on a perdu le nom . La place arbore ce jour-là des répliques d'étendards
et le maire , après le dépôt d'une gerbe , ranime la flamme sans qui la ville
d'Athabasca périrait d'ennui .
vendredi 5 décembre 2014
JULES 6 . LA CONSTANTE h
Un cachet d'aspirine bruit paisiblement sur la table de nuit .
- Soeur Marie de la Croix est assise au bord du lit : "Max Planck … Saint Max
Planck ! …"
- Jules : "…………………"
- MdlC : "La constante h …"
- Jules : "…………………"
- MdlC : "La loi spectrale du rayonnement d'un corps noir … ça vous dit quel-
que chose ?"
- Jules : "Rien du tout …"
- MdlC : "Ça devrait"
- Jules : "……..?…………."
- MdlC : "C'est bien joli de nier en bloc l'existence de Dieu … mais qu'est-ce
qu'on fait du Monde ?"
- Jules : "……..? ………… L'existence de Dieu , c'est une sornette"
- MdlC : "D'accord … qu'est-ce qu'on met à la place ?"
- Jules : "…………………."
- MdlC : "Je vais vous conseiller une bonne lecture"
- Jules : "La Bible ? … Panorama Chrétien ? …"
- MdlC : "Non … La Physique Quantique pour les Nuls"
- Jules : "……..?………….."
- MdlC : "Après , je vous filerai "Le Principe de la Conservation de l'Énergie" …
vous verrez , c'est passionnant … on en aura fini avec les sornettes … tenez"
Elle tend à Jules le verre d'aspirine .
- "Doux Jésus !" , soupire-t-elle .
- Soeur Marie de la Croix est assise au bord du lit : "Max Planck … Saint Max
Planck ! …"
- Jules : "…………………"
- MdlC : "La constante h …"
- Jules : "…………………"
- MdlC : "La loi spectrale du rayonnement d'un corps noir … ça vous dit quel-
que chose ?"
- Jules : "Rien du tout …"
- MdlC : "Ça devrait"
- Jules : "……..?…………."
- MdlC : "C'est bien joli de nier en bloc l'existence de Dieu … mais qu'est-ce
qu'on fait du Monde ?"
- Jules : "……..? ………… L'existence de Dieu , c'est une sornette"
- MdlC : "D'accord … qu'est-ce qu'on met à la place ?"
- Jules : "…………………."
- MdlC : "Je vais vous conseiller une bonne lecture"
- Jules : "La Bible ? … Panorama Chrétien ? …"
- MdlC : "Non … La Physique Quantique pour les Nuls"
- Jules : "……..?………….."
- MdlC : "Après , je vous filerai "Le Principe de la Conservation de l'Énergie" …
vous verrez , c'est passionnant … on en aura fini avec les sornettes … tenez"
Elle tend à Jules le verre d'aspirine .
- "Doux Jésus !" , soupire-t-elle .
KRANT 20 . A PROPOS DES QUESTIONS
- "Et bien , Chef !"
Nous naviguions sur je ne sais plus quelle mer . Ce devait être près d'un
tropique , sous une de ces latitudes de l'Atlantique sud et certainement le matin
très tôt car la chaleur montante était encore traversée de fraîches brisures . On
n'entendait que les grincements inhérents au déplacement d'un morceau de fer-
raille sur un fin clapot .
J'étais sur le pont et Krant , au-dessus de moi , accoudé à la rambarde supérieure .
- Krant : "Ne sommes-nous pas accablés de questions ?"
- Moi : "Oui , capitaine , nous le sommes …"
- Krant : "Et quelles questions vous accablent donc ?"
- Moi : "Quelle quantité de charbon , quelle pression pour la chaudière … et quelle
température …"
- Krant : "Mais ne raisonnez-vous pas ?"
- Moi : "Sûr , capitaine que je raisonne … et nous arrivons à bon port ! …"
- Krant : "C'est donc bien la raison qui impose ses questions et les résout"
- Moi : "……………………….."
- Krant : "Et cependant , il y a des questions sans réponse …"
- Moi : "……………………….."
- Krant : "Cela ne vous paraît-il pas singulier que la raison impose des questions
qu'elle sait sans réponse ?"
- Moi ; "Capitaine , je n'ai pas de réponse à celle-là …"
Nous naviguions sur je ne sais plus quelle mer . Ce devait être près d'un
tropique , sous une de ces latitudes de l'Atlantique sud et certainement le matin
très tôt car la chaleur montante était encore traversée de fraîches brisures . On
n'entendait que les grincements inhérents au déplacement d'un morceau de fer-
raille sur un fin clapot .
J'étais sur le pont et Krant , au-dessus de moi , accoudé à la rambarde supérieure .
- Krant : "Ne sommes-nous pas accablés de questions ?"
- Moi : "Oui , capitaine , nous le sommes …"
- Krant : "Et quelles questions vous accablent donc ?"
- Moi : "Quelle quantité de charbon , quelle pression pour la chaudière … et quelle
température …"
- Krant : "Mais ne raisonnez-vous pas ?"
- Moi : "Sûr , capitaine que je raisonne … et nous arrivons à bon port ! …"
- Krant : "C'est donc bien la raison qui impose ses questions et les résout"
- Moi : "……………………….."
- Krant : "Et cependant , il y a des questions sans réponse …"
- Moi : "……………………….."
- Krant : "Cela ne vous paraît-il pas singulier que la raison impose des questions
qu'elle sait sans réponse ?"
- Moi ; "Capitaine , je n'ai pas de réponse à celle-là …"
PARADIS 21 . WAR GAME
Dieu est en tournée d'inspection ; Ève trottine derrière Lui . Son ventre a la forme
d'une mappemonde . Pour nous - observateurs lointains - elle est enceinte de sept mois .
- Ève : "J'en aurai combien ?"
- Dieu , poursuivant sa marche dans les herbes portant semences : "Un , Ève"
- Ève . Elle s'arrête de marcher comme clouée par l'info : "Un !? … un seul ?"
- Dieu . Il s'arrête aussi et se retourne vers Ève . Elle est là , nue et superbe , ventre
rond , seins pointés , cambrure à damner , et Dieu se dit en Lui-même foutre Dieu ,
qu'elle est belle ! : "C'est bien assez , Ève … tu ne te rends pas compte … un enfant ,
c'est du boulot !"
- Ève : "Du boulot ?"
- Dieu : "Oui , Ève … tu sais , si je t'ai sous-traité la fabrication des humains , c'est pour
me décharger un peu … j'ai un travail fou avec la ménagerie : les oursons , les chatons ,
les tigrons , les éléphanteaux , les larves , les petits de crabes … sans compter les végétaux
et toutes les herbes portant semences … tiens , cette nuit , j'ai démonté pour la Xeme fois
les choux de Bruxelles ! … alors , si en plus , je dois m'occuper de la marmaille !"
- Ève : "Quand même ! … un , c'est pas beaucoup !"
- Dieu . Il reprend sa marche et Ève le suit : "Ève … si tu calcules …"
- Ève : "Calcules ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "C'est faire des multiplications … je t'expliquerai …"
- Ève : "Mais … si je savais calculer … et ben quoi ?"
- Dieu : "Vous seriez six milliards en 2014 après Mon Fils"
- Ève . Elle a une idée : "Adam … il pourrait m'aider !"
- Dieu . Il lève les yeux au ciel et hausse ses épaules toutes puissantes : "Pfuff ! …
Adam ! … tu sais où il est en ce moment ?"
- Ève : "Pas la moindre idée ! … j'm'en fous !"
- Dieu : "Avec sa War Game …"
- Ève : "C'est quoi ?"
- Dieu : "Un jouet … c'est bourré d'électronique"
- Ève : "Ça sert à quoi ?"
- Dieu : "A rien … c'est pour l'occuper … et lui donner des idées …"
- Ève : "Il a pas d'idées tout seul ?"
- Dieu : "Si … des mauvaises …"
- Ève . Elle revient au sujet : "C'est quoi War Game ?"
- Dieu : "Ça sert à limiter la population"
d'une mappemonde . Pour nous - observateurs lointains - elle est enceinte de sept mois .
- Ève : "J'en aurai combien ?"
- Dieu , poursuivant sa marche dans les herbes portant semences : "Un , Ève"
- Ève . Elle s'arrête de marcher comme clouée par l'info : "Un !? … un seul ?"
- Dieu . Il s'arrête aussi et se retourne vers Ève . Elle est là , nue et superbe , ventre
rond , seins pointés , cambrure à damner , et Dieu se dit en Lui-même foutre Dieu ,
qu'elle est belle ! : "C'est bien assez , Ève … tu ne te rends pas compte … un enfant ,
c'est du boulot !"
- Ève : "Du boulot ?"
- Dieu : "Oui , Ève … tu sais , si je t'ai sous-traité la fabrication des humains , c'est pour
me décharger un peu … j'ai un travail fou avec la ménagerie : les oursons , les chatons ,
les tigrons , les éléphanteaux , les larves , les petits de crabes … sans compter les végétaux
et toutes les herbes portant semences … tiens , cette nuit , j'ai démonté pour la Xeme fois
les choux de Bruxelles ! … alors , si en plus , je dois m'occuper de la marmaille !"
- Ève : "Quand même ! … un , c'est pas beaucoup !"
- Dieu . Il reprend sa marche et Ève le suit : "Ève … si tu calcules …"
- Ève : "Calcules ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "C'est faire des multiplications … je t'expliquerai …"
- Ève : "Mais … si je savais calculer … et ben quoi ?"
- Dieu : "Vous seriez six milliards en 2014 après Mon Fils"
- Ève . Elle a une idée : "Adam … il pourrait m'aider !"
- Dieu . Il lève les yeux au ciel et hausse ses épaules toutes puissantes : "Pfuff ! …
Adam ! … tu sais où il est en ce moment ?"
- Ève : "Pas la moindre idée ! … j'm'en fous !"
- Dieu : "Avec sa War Game …"
- Ève : "C'est quoi ?"
- Dieu : "Un jouet … c'est bourré d'électronique"
- Ève : "Ça sert à quoi ?"
- Dieu : "A rien … c'est pour l'occuper … et lui donner des idées …"
- Ève : "Il a pas d'idées tout seul ?"
- Dieu : "Si … des mauvaises …"
- Ève . Elle revient au sujet : "C'est quoi War Game ?"
- Dieu : "Ça sert à limiter la population"
jeudi 4 décembre 2014
COTE 137 . 19 . LA POMME
- "Baïonnette au canon !" . Ordre du capitaine .
Nous venons d'essuyer un pilonnage en règle qui peut annoncer une attaque .
Les baïonnettes forment une haie au bord de la tranchée .
- Le capitaine ; "Qu'est-ce que cela , Martial ?"
- Martial : "Une pomme , mon capitaine"
Une pomme est empalée sur la baïonnette de Martial .
- Le capitaine : "Je le vois bien Martial … mais que fait-elle là ?"
- Martial fait au capitaine un clin d'oeil : "C'est un piège , mon capitaine … le boche
prendra ça pour une pomme !"
- Le capitaine : "Mais n'est-ce pas une pomme ?"
- Martial : "Si mon capitaine … une Golden"
- Le capitaine . Il surveille aux jumelles les mouvements de ceux d'en-face , cote 137 :
"C'est quoi ce piège , Martial ?"
- Martial : "Le fruit défendu … vous avez entendu parler de ça , mon capitaine ? …
au caté …"
- Le capitaine : "Oui , et alors ?"
- Martial : "Qui mange la pomme tombe en enfer"
- Le capitaine : "Nous n'y sommes pas déjà ?"
- Martial . Il décroche la pomme et la croque : "Si … vous avez raison , mon capitaine …
celle-la , les fridolins ne l'auront pas …"
Nous venons d'essuyer un pilonnage en règle qui peut annoncer une attaque .
Les baïonnettes forment une haie au bord de la tranchée .
- Le capitaine ; "Qu'est-ce que cela , Martial ?"
- Martial : "Une pomme , mon capitaine"
Une pomme est empalée sur la baïonnette de Martial .
- Le capitaine : "Je le vois bien Martial … mais que fait-elle là ?"
- Martial fait au capitaine un clin d'oeil : "C'est un piège , mon capitaine … le boche
prendra ça pour une pomme !"
- Le capitaine : "Mais n'est-ce pas une pomme ?"
- Martial : "Si mon capitaine … une Golden"
- Le capitaine . Il surveille aux jumelles les mouvements de ceux d'en-face , cote 137 :
"C'est quoi ce piège , Martial ?"
- Martial : "Le fruit défendu … vous avez entendu parler de ça , mon capitaine ? …
au caté …"
- Le capitaine : "Oui , et alors ?"
- Martial : "Qui mange la pomme tombe en enfer"
- Le capitaine : "Nous n'y sommes pas déjà ?"
- Martial . Il décroche la pomme et la croque : "Si … vous avez raison , mon capitaine …
celle-la , les fridolins ne l'auront pas …"
mercredi 3 décembre 2014
LE ROI DES TCHOUKTCHES
Je suis en Tchouktchie le plus tchouktche des tchouktches . En toute circonstance ,
j'adopte la tchouktche-attitude et quand je voyage à l'étranger , je stimule autant que je
peux la tchouktchphilie si - par hasard et par bonheur - je croise un tchouktchphile à
jeun . J'ai fort à faire car l'ours blanc du Kamchatka , le bébé-phoque de la mer
d'Okhotsk et la baleine grise de l'Océan Arctique ont meilleure presse dans les foyers
douillets des peuples sédentaires que leurs chasseurs . J'émaille mes discours de pro-
verbes tchouktches , je déclame la poésie tchouktche , je pratique l'humour tchouktche ,
je cite à tout propos les philosophes tchouktches et je prescris les remèdes tchouktches .
C'est pourquoi , où que j'aille en Tchouktchie , du Cap Erri à la baie d'Anadyr ou de la
rivière Indiguirka aux montagnes Palpal , je suis reçu comme un roi tchouktche . Les
portes des yourtes partout me sont ouvertes : celles du District Autonome de Tchou-
kotka comme celles de la République de Sakha-Yakoutie ; dans l'oblast de Magadan ,
la vodka m'est servie avec obligation de garder la bouteille ; les mâles du kraï de
Kamchatka m'offrent leurs femmes .
j'adopte la tchouktche-attitude et quand je voyage à l'étranger , je stimule autant que je
peux la tchouktchphilie si - par hasard et par bonheur - je croise un tchouktchphile à
jeun . J'ai fort à faire car l'ours blanc du Kamchatka , le bébé-phoque de la mer
d'Okhotsk et la baleine grise de l'Océan Arctique ont meilleure presse dans les foyers
douillets des peuples sédentaires que leurs chasseurs . J'émaille mes discours de pro-
verbes tchouktches , je déclame la poésie tchouktche , je pratique l'humour tchouktche ,
je cite à tout propos les philosophes tchouktches et je prescris les remèdes tchouktches .
C'est pourquoi , où que j'aille en Tchouktchie , du Cap Erri à la baie d'Anadyr ou de la
rivière Indiguirka aux montagnes Palpal , je suis reçu comme un roi tchouktche . Les
portes des yourtes partout me sont ouvertes : celles du District Autonome de Tchou-
kotka comme celles de la République de Sakha-Yakoutie ; dans l'oblast de Magadan ,
la vodka m'est servie avec obligation de garder la bouteille ; les mâles du kraï de
Kamchatka m'offrent leurs femmes .
TROIS MOUCHES 23 . LES CARPES
Papa pêche . Sa canne est équipée d'un moulinet cormoran . Trois
mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux
de paille . Maman dort près de l'épuisette . Sous les appâts , les carpes
fouillent le fond de la rivière .
Trois carpes merveilleuses dorment près de l'épuisette . Papa fouille
les appâts de Maman pendant qu'un cormoran mouline au-dessus de nos
chapeaux de paille .
Une carpe a mordu et le moulinet cormoran de Papa bourdonne . Ma-
man tend l'épuisette . Nos trois chapeaux de paille dorment sur la rivière .
mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux
de paille . Maman dort près de l'épuisette . Sous les appâts , les carpes
fouillent le fond de la rivière .
Trois carpes merveilleuses dorment près de l'épuisette . Papa fouille
les appâts de Maman pendant qu'un cormoran mouline au-dessus de nos
chapeaux de paille .
Une carpe a mordu et le moulinet cormoran de Papa bourdonne . Ma-
man tend l'épuisette . Nos trois chapeaux de paille dorment sur la rivière .
DANS UN SAC DE DAME
Dans un sac de dame ,
Sous les sept fars à paupières ,
Pinceau blush n° 42
Poudrier et disques sans acétone ,
Sous la lime Todikori ,
Mini-pince à épiler Chupa Chups ,
Trois anticernes , dix rouges à lèvres
Deux crayons , le Gloss
Et quatre mascaras .
Huit balles flèche de chasse
Gros gibier calibre 12/70
Bimétallique sans plomb
Vitesse initiale élevée
540 m/s
Excellente précision
Pouvoir destructeur incomparable .
Sous les sept fars à paupières ,
Pinceau blush n° 42
Poudrier et disques sans acétone ,
Sous la lime Todikori ,
Mini-pince à épiler Chupa Chups ,
Trois anticernes , dix rouges à lèvres
Deux crayons , le Gloss
Et quatre mascaras .
Huit balles flèche de chasse
Gros gibier calibre 12/70
Bimétallique sans plomb
Vitesse initiale élevée
540 m/s
Excellente précision
Pouvoir destructeur incomparable .
DESMOND 14 . CHOU
Bureau du Président . Dans la main droite du Président , le téléphone rouge .
- "Allo … Chou ?" . Il pose la main sur le microphone . A moi : "C'est Chou ,
Desmond … Chou en laï …"
- Le Président : "How are you , old fellow ? … yeah … yeah … oh , my god ! …
yeah … yeah … no … no … de la trois en un … vous n'avez pas ça au super
market du secteur ?" . Cachant le microphone : "Desmond , notez : un milliard
de chinois et pas une burette d'huile" … S'impatientant devant mon air stupéfait :
"Desmond ! … c'est stratégique , ça … l'huile … l'entretien des chars !!" . Re-
prenant sa conversation intercontinentale : "No , Chou … il y a une vis en-dessous …
oui … la desserrer dans le sens contraire des aiguilles d'une montre … oui … quel
sens ? … comment sont-elles vos montres en Chine ? … de droite à gauche et de
haut en bas ? … merde … et vous lisez l'heure comment ? … vous la lisez pas ? …
au pif ?"
- A moi : "Ils donnent l'heure au pif , Desmond ! … notez … notez tout ça … en
cas de guerre nucléaire , vous vous rendez compte , Desmond ?"
- A Chou : "Chou , mon Chou … tu tournes doucement dans le sens de … oui …
as-tu coupé ? … non , écoute-moi … as-tu coupé l'eau ? … ah , oui … première-
ment : couper l'eau … comment ? … il n'y a pas d'eau ? … alors laisse tomber …
c'est pas le robinet … tu comprends , Chou , pour remplir la châsse , il faut de
l'eau … yeah …"
- A moi : "Bon Desmond , c'est pas demain qu'ils vont nous envahir les chinois …
il a un problème avec les chiottes de la Cité Interdite"
- "Allo … Chou ?" . Il pose la main sur le microphone . A moi : "C'est Chou ,
Desmond … Chou en laï …"
- Le Président : "How are you , old fellow ? … yeah … yeah … oh , my god ! …
yeah … yeah … no … no … de la trois en un … vous n'avez pas ça au super
market du secteur ?" . Cachant le microphone : "Desmond , notez : un milliard
de chinois et pas une burette d'huile" … S'impatientant devant mon air stupéfait :
"Desmond ! … c'est stratégique , ça … l'huile … l'entretien des chars !!" . Re-
prenant sa conversation intercontinentale : "No , Chou … il y a une vis en-dessous …
oui … la desserrer dans le sens contraire des aiguilles d'une montre … oui … quel
sens ? … comment sont-elles vos montres en Chine ? … de droite à gauche et de
haut en bas ? … merde … et vous lisez l'heure comment ? … vous la lisez pas ? …
au pif ?"
- A moi : "Ils donnent l'heure au pif , Desmond ! … notez … notez tout ça … en
cas de guerre nucléaire , vous vous rendez compte , Desmond ?"
- A Chou : "Chou , mon Chou … tu tournes doucement dans le sens de … oui …
as-tu coupé ? … non , écoute-moi … as-tu coupé l'eau ? … ah , oui … première-
ment : couper l'eau … comment ? … il n'y a pas d'eau ? … alors laisse tomber …
c'est pas le robinet … tu comprends , Chou , pour remplir la châsse , il faut de
l'eau … yeah …"
- A moi : "Bon Desmond , c'est pas demain qu'ils vont nous envahir les chinois …
il a un problème avec les chiottes de la Cité Interdite"
mardi 2 décembre 2014
JULES 5 . UNE ÉTAPE
Le cachet d'aspirine dégage un bruyant lot de bulles gazeuses .
- Jules , de but en blanc : "Croyez-vous en Dieu ?"
- Marie de la Croix : "Doux Jésus , oui !"
- Jules : "………………………………….."
- MdlC : "… C'est une étape …"
- Jules : "……..?…….. une étape ? …"
- MdlC : "Une étape dans le dévoilement du Monde"
- Jules : "Une étape , ma soeur , c'est bien un lieu intermédiaire ? … un endroit où
on se repose avant d'aller plus loin ?"
- MdlC : "Oui … un lieu intermédiaire et provisoire"
Dans le verre d'eau , l'acide acétylsalicylique a calmé ses molécules ; il ronronne .
- Jules : "Le bon Dieu serait une sorte de phase ..."
- MdlC : "Croyez-vous en Dieu ?"
- Jules : "Pas du tout !"
- MdlC : "Quel dommage ! … une si belle explication du Monde ! … si pratique …
si simple …"
- Jules : "… si simplette …"
- MdlC : "Certes … mais si jolie …"
- Jules : "Ma soeur … le moins qu'on peut attendre d'une explication c'est qu'elle soit
autre chose que jolie … qu'elle cadre avec le réel par exemple !"
- MdlC . Elle lève les bras au ciel : "Quelle idiotie ! … êtes-vous naïf Monsieur Jules ? …
si vous prétendez connaître le réel , vous ne lui cherchez pas d'explication et si vous
émettez une hypothèse , c'est que le réel est hypothétique ! … la certitude qu'une ex-
plication du réel "cadre" avec le réel , quelle idée saugrenue !!" . Elle hausse les épaules .
- Jules : "Si je vous entends bien , le bon Dieu est une hypothèse non vérifiée …"
- MdlC : "C'est même deux hypothèses : qu'Il existe et qu'Il est bon … la foi c'est ça …
le coup de poker … et le bon Dieu n'abat jamais ses cartes !"
- Jules : "Alors ?"
Le suspense est comme qui dirait insoutenable . Côté aspirine , c'est le calme plat .
- MdlC : "Alors ? … il faut passer à autre chose …"
- Jules : "………….?…………."
- MdlC . Elle s'asseoit sur le bord du lit et prend les mains de Jules dans les siennes :
"Connaissez-vous Max Planck ?"
- Jules , de but en blanc : "Croyez-vous en Dieu ?"
- Marie de la Croix : "Doux Jésus , oui !"
- Jules : "………………………………….."
- MdlC : "… C'est une étape …"
- Jules : "……..?…….. une étape ? …"
- MdlC : "Une étape dans le dévoilement du Monde"
- Jules : "Une étape , ma soeur , c'est bien un lieu intermédiaire ? … un endroit où
on se repose avant d'aller plus loin ?"
- MdlC : "Oui … un lieu intermédiaire et provisoire"
Dans le verre d'eau , l'acide acétylsalicylique a calmé ses molécules ; il ronronne .
- Jules : "Le bon Dieu serait une sorte de phase ..."
- MdlC : "Croyez-vous en Dieu ?"
- Jules : "Pas du tout !"
- MdlC : "Quel dommage ! … une si belle explication du Monde ! … si pratique …
si simple …"
- Jules : "… si simplette …"
- MdlC : "Certes … mais si jolie …"
- Jules : "Ma soeur … le moins qu'on peut attendre d'une explication c'est qu'elle soit
autre chose que jolie … qu'elle cadre avec le réel par exemple !"
- MdlC . Elle lève les bras au ciel : "Quelle idiotie ! … êtes-vous naïf Monsieur Jules ? …
si vous prétendez connaître le réel , vous ne lui cherchez pas d'explication et si vous
émettez une hypothèse , c'est que le réel est hypothétique ! … la certitude qu'une ex-
plication du réel "cadre" avec le réel , quelle idée saugrenue !!" . Elle hausse les épaules .
- Jules : "Si je vous entends bien , le bon Dieu est une hypothèse non vérifiée …"
- MdlC : "C'est même deux hypothèses : qu'Il existe et qu'Il est bon … la foi c'est ça …
le coup de poker … et le bon Dieu n'abat jamais ses cartes !"
- Jules : "Alors ?"
Le suspense est comme qui dirait insoutenable . Côté aspirine , c'est le calme plat .
- MdlC : "Alors ? … il faut passer à autre chose …"
- Jules : "………….?…………."
- MdlC . Elle s'asseoit sur le bord du lit et prend les mains de Jules dans les siennes :
"Connaissez-vous Max Planck ?"
KRANT 19 . EXIGENCE ET BONHOMIE
Dans l'oeil de Krant , exigence et bonhomie s'embrouillaient et c'est contre un quai
de Manakara que je démêlai l'une de l'autre .
Le capitaine nous avait convoqué dans le carré des officiers . Quand nous franchîmes
la porte de fer , il nous engloba dans un coup d'oeil unique comme les hypostases d'une
trinité et comme l'entité indispensable aux déplacements marins . Nos trois rapports étaient
posés côte à côte sur la table d'acajou (à ses bords graisseux , je reconnus le mien entre les
deux autres) , et dès lors que Krant avait placé à gauche sa casquette et sa pipe à droite , je
saisis que l'exigence habitait ses pupilles . Dans le parallélisme de la posture : les coudes ap-
puyés, le capitaine saisissait à tour de rôle chacun de nos rapports et , dans un mouvement
ascendant , il actionnait ses avant-bras comme deux potences de levage pour les porter à
lecture verticale . Ses pupilles rétrécissaient comme des rayons de si brûlante sévérité qu'ils
perforaient le papier au point de leur convergence , prenaient à revers nos écritures mala-
droites (Krant cependant jamais ne se gaussa de nos erreurs syntaxiques de prussiens orien-
taux quasi-analphabètes) , se métamorphosaient en souples filins d'acier pour entraver nos
jambages et abattre dans le sable et aux fins d'examen nos observations techniques . Krant
pesait chaque mot , jaugeait chaque chiffre et , au moindre soupçon de poésie , y portait le fer .
- Krant : "Chef … vous dites que le mardi 7 mai , la mer était belle ! … Qu'est-ce que signifie
cette envolée ? … qu'est-ce qu'une mer belle ?"
- Moi : "La pression était de 1012 hPA et le vent , capitaine , à peine trois noeuds !"
- Krant : "Alors dites que la pression , le mardi 7 mai , était de 1012 hPA et la force du vent :
trois noeuds … car , Chef , il n'y a pas de mer belle … il n'y a pas de mer laide … il y a
la mer …"
Le capitaine nous fit rompre le rang . Il se leva et ouvrit le hublot côté quai . En contre-
bas , une foule nègre braqua son visage vers le carré ; de sa bouche édentée exhalait un
brouhaha de prières et ses mains agrippaient les mâts de charge ou se pressaient contre le
bordé . Krant tourna vers nous une bienveillante marée bleue où on devinait encore l'ombre
des pupilles.
- Krant : "Que veulent ces gens?"
- Moi : "Nous vendre du corossol , du kaki ou des bananes-plantain , capitaine !"
- Le quartier-maître : " … et les hommes leurs bras …"
- Le timonier : " et les femmes leur corps …"
de Manakara que je démêlai l'une de l'autre .
Le capitaine nous avait convoqué dans le carré des officiers . Quand nous franchîmes
la porte de fer , il nous engloba dans un coup d'oeil unique comme les hypostases d'une
trinité et comme l'entité indispensable aux déplacements marins . Nos trois rapports étaient
posés côte à côte sur la table d'acajou (à ses bords graisseux , je reconnus le mien entre les
deux autres) , et dès lors que Krant avait placé à gauche sa casquette et sa pipe à droite , je
saisis que l'exigence habitait ses pupilles . Dans le parallélisme de la posture : les coudes ap-
puyés, le capitaine saisissait à tour de rôle chacun de nos rapports et , dans un mouvement
ascendant , il actionnait ses avant-bras comme deux potences de levage pour les porter à
lecture verticale . Ses pupilles rétrécissaient comme des rayons de si brûlante sévérité qu'ils
perforaient le papier au point de leur convergence , prenaient à revers nos écritures mala-
droites (Krant cependant jamais ne se gaussa de nos erreurs syntaxiques de prussiens orien-
taux quasi-analphabètes) , se métamorphosaient en souples filins d'acier pour entraver nos
jambages et abattre dans le sable et aux fins d'examen nos observations techniques . Krant
pesait chaque mot , jaugeait chaque chiffre et , au moindre soupçon de poésie , y portait le fer .
- Krant : "Chef … vous dites que le mardi 7 mai , la mer était belle ! … Qu'est-ce que signifie
cette envolée ? … qu'est-ce qu'une mer belle ?"
- Moi : "La pression était de 1012 hPA et le vent , capitaine , à peine trois noeuds !"
- Krant : "Alors dites que la pression , le mardi 7 mai , était de 1012 hPA et la force du vent :
trois noeuds … car , Chef , il n'y a pas de mer belle … il n'y a pas de mer laide … il y a
la mer …"
Le capitaine nous fit rompre le rang . Il se leva et ouvrit le hublot côté quai . En contre-
bas , une foule nègre braqua son visage vers le carré ; de sa bouche édentée exhalait un
brouhaha de prières et ses mains agrippaient les mâts de charge ou se pressaient contre le
bordé . Krant tourna vers nous une bienveillante marée bleue où on devinait encore l'ombre
des pupilles.
- Krant : "Que veulent ces gens?"
- Moi : "Nous vendre du corossol , du kaki ou des bananes-plantain , capitaine !"
- Le quartier-maître : " … et les hommes leurs bras …"
- Le timonier : " et les femmes leur corps …"
lundi 1 décembre 2014
PARADIS 20 . LES FICELLES
Ève entre dans l'atelier de Dieu .
- Ève : "C'est joli ces ficelles !"
Du plafond de l'atelier pendent des milliers de ficelles de couleurs différentes et
marquées par des petits repères . Elles s'enroulent autour de poulies actionnées par
des engrenages , des transmissions , des pignons et des manivelles .
- Ève : "Qu'est-ce que c'est ? … c'est toi qu'a fait ?"
- Dieu : "Oui , c'est moi ma chérie … c'est les ficelles du monde …"
- Ève : "Oh la la … comment ça marche ?" . Elle effleure une manivelle .
- Dieu : "Nom de Dieu (c'est Lui) , Ève ! … ne touche pas , malheureuse ! … Je
suis seul à tirer les ficelles ! … c'est très délicat ce truc-là ! …surtout ne touche à
rien ! … Adam a touché tout à l'heure et son engin ne montait plus … j'ai passé
une heure à tout remettre en ordre … tu comprends , Ève , la moindre fausse ma-
noeuvre et le monde est par-terre … il faut que je sauvegarde … éviter le bug …
c'est très important la sauvegarde … sinon c'est la fuite de mémoire ou une erreur
de segmentation dans les opérations d'allocation de mémoire … tu me suis ?"
- Ève : "Non … j'y comprends rien du tout !"
- Dieu : "La sauvegarde … je mets ces trucs sur un disque dur et , hop ! , dans ce
petit rack"
Il tend un index menaçant vers Ève : "De ce petit rack , Adam et toi vous ne
toucherez pas , de peur que vous n'appreniez ce que vous ne devez savoir …"
- Ève : "C'est joli ces ficelles !"
Du plafond de l'atelier pendent des milliers de ficelles de couleurs différentes et
marquées par des petits repères . Elles s'enroulent autour de poulies actionnées par
des engrenages , des transmissions , des pignons et des manivelles .
- Ève : "Qu'est-ce que c'est ? … c'est toi qu'a fait ?"
- Dieu : "Oui , c'est moi ma chérie … c'est les ficelles du monde …"
- Ève : "Oh la la … comment ça marche ?" . Elle effleure une manivelle .
- Dieu : "Nom de Dieu (c'est Lui) , Ève ! … ne touche pas , malheureuse ! … Je
suis seul à tirer les ficelles ! … c'est très délicat ce truc-là ! …surtout ne touche à
rien ! … Adam a touché tout à l'heure et son engin ne montait plus … j'ai passé
une heure à tout remettre en ordre … tu comprends , Ève , la moindre fausse ma-
noeuvre et le monde est par-terre … il faut que je sauvegarde … éviter le bug …
c'est très important la sauvegarde … sinon c'est la fuite de mémoire ou une erreur
de segmentation dans les opérations d'allocation de mémoire … tu me suis ?"
- Ève : "Non … j'y comprends rien du tout !"
- Dieu : "La sauvegarde … je mets ces trucs sur un disque dur et , hop ! , dans ce
petit rack"
Il tend un index menaçant vers Ève : "De ce petit rack , Adam et toi vous ne
toucherez pas , de peur que vous n'appreniez ce que vous ne devez savoir …"
COTE 137 . 18 . LA CROIX DE GUERRE
Comment nous obtînmes la Croix de Guerre , Martial et moi .
Nous étions en patrouille et , comme d'habitude , Martial , sûr de son fait , nous
avait perdus . Il suivait disait-il l'Étoile Polaire mais ce qu'il identifiait comme Étoile
Polaire pouvait être aussi bien Vénus ou , une autre nuit , la queue de la Grande
Ourse . Il avait donné des noms aux boyaux que nous empruntions : rue Solférino ,
avenue de la Grande Armée , et des noms de places aux trous d'obus : place de la
Concorde parce qu'on s'y était étripé , place du marché aux chevaux parce que
finissaient d'y pourrir deux infortunés bidets , mais , à sa décharge , les artilleurs des
deux camps s'ingéniaient à chambouler le plan de cette fiction qui s'étalait entre
notre tranchée et la Cote 137 . Aussi , cette nuit-là , nous étions perdus et Martial
était de méchante humeur . "Mais enfin , vieux , je te dis que le boulevard Magenta
coupait hier la rue des cisailles à barbelés !" . Moi : "Martial , c'était hier … ils ont
fait des travaux …" . Martial sortant sa boussole et scrutant le ciel bourré de nuages
(il pleuvait) : "L'Étoile Polaire ! … foutre Dieu … les nuages sont avec les boches !"
Je m'étais hissé au bord de l'entonnoir où nous pataugions . Je me figeai : "Hep !" .
Martial au fond du trou tourna vers moi deux points d'interrogation . Je mis mon
index sur mes lèvres en me laissant glisser près de mon camarade . Je chuchotai à
son oreille : "Nom d'une pipe , Martial ! … nous sommes chez eux … là … derrière ! …
à cinq mètres … filons ! …" . Martial : "Pas possible !" . Il tire de sa poche un papier
froissé où il avait gribouillé un plan personnel : "Là où tu dis , à cinq mètres !? …
des fridolins dans la rue des Gaulois !? … C'est impossible !" . Moi , marmonnant de
rage et de trouille : "Triple idiot ! … les nôtres avec des casques à pointe !?" . Je
dégoupillai une grenade pour couvrir notre fuite . Martial : "T'es fou !" .
Ma grenade explosa . Il y eut une lueur rouge et des cris de modèle germanique .
Par hasard , j'avais détruit la mitrailleuse qui nous martyrisait depuis quinze jours .
Joffre en personne nous épingla .
Nous étions en patrouille et , comme d'habitude , Martial , sûr de son fait , nous
avait perdus . Il suivait disait-il l'Étoile Polaire mais ce qu'il identifiait comme Étoile
Polaire pouvait être aussi bien Vénus ou , une autre nuit , la queue de la Grande
Ourse . Il avait donné des noms aux boyaux que nous empruntions : rue Solférino ,
avenue de la Grande Armée , et des noms de places aux trous d'obus : place de la
Concorde parce qu'on s'y était étripé , place du marché aux chevaux parce que
finissaient d'y pourrir deux infortunés bidets , mais , à sa décharge , les artilleurs des
deux camps s'ingéniaient à chambouler le plan de cette fiction qui s'étalait entre
notre tranchée et la Cote 137 . Aussi , cette nuit-là , nous étions perdus et Martial
était de méchante humeur . "Mais enfin , vieux , je te dis que le boulevard Magenta
coupait hier la rue des cisailles à barbelés !" . Moi : "Martial , c'était hier … ils ont
fait des travaux …" . Martial sortant sa boussole et scrutant le ciel bourré de nuages
(il pleuvait) : "L'Étoile Polaire ! … foutre Dieu … les nuages sont avec les boches !"
Je m'étais hissé au bord de l'entonnoir où nous pataugions . Je me figeai : "Hep !" .
Martial au fond du trou tourna vers moi deux points d'interrogation . Je mis mon
index sur mes lèvres en me laissant glisser près de mon camarade . Je chuchotai à
son oreille : "Nom d'une pipe , Martial ! … nous sommes chez eux … là … derrière ! …
à cinq mètres … filons ! …" . Martial : "Pas possible !" . Il tire de sa poche un papier
froissé où il avait gribouillé un plan personnel : "Là où tu dis , à cinq mètres !? …
des fridolins dans la rue des Gaulois !? … C'est impossible !" . Moi , marmonnant de
rage et de trouille : "Triple idiot ! … les nôtres avec des casques à pointe !?" . Je
dégoupillai une grenade pour couvrir notre fuite . Martial : "T'es fou !" .
Ma grenade explosa . Il y eut une lueur rouge et des cris de modèle germanique .
Par hasard , j'avais détruit la mitrailleuse qui nous martyrisait depuis quinze jours .
Joffre en personne nous épingla .
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