vendredi 29 novembre 2019

COTE 137 . 139 . EN 9 LETTRES

    Marmitage . Nous sommes terrés au fond de la tranchée , nos visages collés
dans les sacs de sable , nos mains crispées sur les Lebel , dérisoires , ridiculement
inoffensifs . La terre , autour de nous , encaisse des impacts monstrueux : du 400 mm .
Elle se soulève , gicle , frappe nos casques et nos épaules . A tout moment nous
pouvons basculer d'un monde , celui-ci infernal , dans un autre qui ne peut pas être
pire . Personne ne bouge , de peur en changeant de place , d'offrir sa vie au dieu
des artilleurs , de forcer le destin par caprice . Personne ne bouge mais tous , nous
nous rétractons , nous nous replions , nous recroquevillons dans une impossible
annulation . Un seul être se déplace , plié en deux , allant de l'un à l'autre , le casque
de travers , le Lebel en bandoulière , un papier froissé dans une main et dans l'autre
- qu'est-ce que c'est ? - un bout de crayon il me semble : Martial . Il se plaque sur nos
dos , colle sa bouche à nos oreilles , hurle quelque chose . Les uns - la plupart - enfon-
cent encore leur visage dans les sacs de sable , parce que la seule chose qui compte
c'est de ne plus exister . D'autres - les vieux briscards , moi - nous quêtons sur les lèvres
de Martial un sens , mais qu'est-ce qui a du sens dans ce cataclysme ? . Nous écar-
quillons des yeux incompréhensifs , nous haussons les épaules . Il s'est écrasé sur moi .
J'ai soulevé mon casque , j'ai senti son souffle contre mes tympans prêts à exploser : rien !

    Le bombardement cesse . Nous sommes sonnés . Nous sommes sourds . Nous nous
écartons de la paroi . Nous sommes vivants . Aucun obus n'a touché la tranchée .
Quelques effondrements . Des sacs de sable crevés , des queues de cochon et des barbelés
soufflés par-dessus le parapet . Pas d'attaque depuis la Cote 137 . Martial est assis contre
le parados . Il griffonne sur un bout de papier .

- Moi : "Rien compris … qu'est-ce que tu disais ?"
- Martial : "C'est bon … j'ai la solution … en 9 lettres … commençant par A et finissant
par E … avec un T en sixième … je viens de trouver … j'étais bloqué depuis une heure
avec ce mot en 9 lettres"
- Moi : "Qu'est-ce que tu … ?"
- Martial : "Ne t'inquiète pas … j'ai trouvé : A-r-m-i-s-t-i-c-e …"
- Moi : "……..?………"
- Martial : "En 3 lettres … ça commence par C … ça finit par N …"
- Moi : "Con !"

OEDIPE

    Ce soir-là , mon père m'avait emmené à X . Maman lui avait demandé de faire
quelques courses . J'étais attaché sur la banquette arrière . J'ai dit : "J'aime Maman" .
J'ai vu ses deux yeux bleus dans le rétroviseur . Ils sont entrés dans les miens puis
ils sont ressortis et ils ont glissé sur l'Océan Atlantique que nous longions par la
corniche . Un peu plus loin , après le croisement où il y a des feux clignotants ,
ses yeux sont revenus sur moi dans le rétroviseur . "Et moi , tu m'aimes ?" .
"Pas tellement" , j'ai dit . Il est revenu à l'Océan . On était presque arrivés à X .
Alors , j'ai dit … quel âge j'avais ? … 6 ou 7 ans … j'ai dit : "C'est qui Oedipe ?" .
"Un héros grec" , a répondu mon père en tournant dans la rue où il avait l'habitude
de garer la voiture . Il s'est arrêté et avant qu'il coupe le moteur , j'ai dit : "Il a tué
son père" . Quand le moteur a été coupé , mon père a soupiré : "Il savait pas que
c'était son père" . Mon père s'est retourné . Il a passé un bras par-dessus la banquette
pour me détacher : "Où as-tu été chercher ça ? … tu es allé dans la bibliothèque ?" .
J'ai dit : "Oui" . "Je te l'avais interdit … descends !"

mercredi 27 novembre 2019

L'AUTOMNE 3

Poignant strip-tease des grands arbres ,
Tragédie de leur caducité ,
Ô femmes ,
C'est l'automne
Et vous vous morfondez :

Ciel pâle , nuages lascifs
(Les cumulus traînent des ventres sans fin
Ou traînent sans fin leur ventre) ,
Les fleurs ont perdu leurs couleurs ,
Les robes aussi …

Fracas
Des fanfares de l'été !

Mais à vos pieds ,
Le dernier éclat des feuilles mortes .

mardi 26 novembre 2019

TROIS MOUCHES 172 . LOLITA PAS CONTENTE

    Tandis que Berthe revenait vers la voiture (trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnaient contre son chapeau de paille) , une expression de douleur passa en un
éclair sur son visage , puis refit son apparition , plus éloquente encore , lorsqu'elle s'ins-
talla à côté de moi . La seconde fois , elle la reproduisit manifestement à mon intention .
Stupidement , je lui demandai ce qu'il y avait . "Rien , espèce de brute" , répliqua-t-elle .

    Lorsque Berthe revint dans la voiture à côté de moi , je lui demandai ce qu'il y avait .
Un éclair passait et son visage exprimait une éloquente douleur : "Rien , espèce de
brute ! … c'est la seconde fois que tu t'installes sur mon chapeau de paille ! … tu es
stupide !" . Je répliquai que ce n'était manifestement pas mon intention et que cela ne se
reproduirait pas . Trois mouches firent une merveilleuse apparition . Vermeilles , elles
bourdonnaient .

    Trois mouches bourdonnaient avec éloquence lorsqu'une voiture passa en un éclair
vermeil à côté d'elles puis revint , refit une apparition une seconde fois à notre intention ,
s'installant manifestement dans une espèce de reproduction stupide de la brutalité .
"Qu'y a-t-il ?" , demandai-je à Berthe . "Rien" , répliqua-t-elle . Sous son chapeau de
paille , son visage exprimait la plus merveilleuse douleur .

lundi 25 novembre 2019

KRANT 186 . LIBELLULE

    C'était derrière chez moi , avec mon père , au bord de la mare . La mare est là ,
depuis toujours .

    Nous observions entre les joncs une libellule . Elle virevoltait en silence et ce silence
était doublé de fraîcheur et du murmure de mon père : "Vois ces quatre ailes , mon fils
… on ne trouvera jamais de mots pour dire … pour dire leur beauté … et leur géniale
mécanique" . La libellule s'immobilisa . Ses ailes stationnaient plus transparentes que
l'air qui les portait . "Elle est là …" chuchotait mon père "depuis que le monde existe" .
A travers le tissu de ma chemise je sentais la chaleur naissante du soleil d'avril et sur
mon épaule le poids d'une lourde main . Nous respirions au même rythme . "Hop !" fit
mon père et je sursautai . Sa main , plus chaude que le soleil et chargée de mon sang ,
m'enserra la nuque au moment où la libellule attrapait une mouche . "Elle chassait …
elle était à l'affût …" répétait mon père à mon oreille . Nous étions maintenant penchés
par-dessus les joncs , les bustes tendus sur l'eau et la libellule , immobile et bruissant de
dentelles découpait sa proie .

    Que fais-je au milieu de ces mers ?

dimanche 24 novembre 2019

PARADIS 120 . KRO 7.2

- "Sais-tu pourquoi j'ai fait l'Homme ?"

    Dieu a posé sur son établi un verre ballon et une Kro . Adam est tassé sur le tabouret
de son Créateur . Il est fourbu : c'est la moisson . Dieu approche une chaise sur laquelle
il s'asseoit à califourchon .

- Dieu : "Pourquoi , à ton avis ?"
- Adam soupire : "J'en sais rien …"
- Dieu : "Tu sais que je suis d'essence spirituelle … purement spirituelle … idéale …
éthérée …"
- Adam . Il s'en fout . Ce qui , présentement , l'intéresse , c'est sa Kro … une Kronem-
bourg 7.2 … une blonde moelleuse …"
- Dieu : "… une essence surnaturelle … j'échappe aux lois de la nature et c'est là mon
problème , comprends-tu ?"
- Adam tourne vers Dieu un regard indifférent .
- Dieu : "Je suis abstrait … immatériel … le contraire de la Vie , quoi !"
- Adam . Première gorgée … ah , ce goût de fruits et de malt !
- Dieu : "Il fallait que je trouve quelque chose … quelque chose pour sentir la terre …"
- Adam , enfin , lève un sourcil (le droit) ; "Sentir la terre ?"
- Dieu : "Oui , la sentir … sentir la Vie ! …"
- Adam , désinvolte : "Alors , t'as fait quoi ?"
- Dieu : "J'ai fait l'Homme"
- Adam (?) . Deuxième gorgée : un goût de fruit rouge … oui , c'est ça : de fruit rouge …
épatant !
- Dieu : "Mais je n'ai pas commencé par l'Homme … j'ai d'abord créé les plantes , les
fleurs , les arbres fruitiers … je me suis glissé dans leurs racines , leurs feuilles , leurs
pétales , leurs fruits … ah , quel plaisir de sentir l'odeur de la terre , l'effleurement du
vent , les câlineries du soleil !"
- Adam . Troisième gorgée . Extra cette blonde ! … la blanche est pas mal non plus …
je sais qu'Il en a dans Son frigo .
- Dieu : "C'était déjà pas mal , mais je pouvais faire davantage : j'ai créé les poissons ,
les oiseaux , les bêtes sauvages … je me déplaçais dans ma création : dans les airs ,
dans l'eau des rivières , j'explorais des jungles !"
- Adam .: "T'as pas une blanche ?"
- Dieu : "Une quoi ?"
- Adam : "Une 7.2 blanche"
- Dieu : "Si … pourquoi ?"
- Adam : "Elle pétille"
- Dieu : "Oui , c'est vrai"
- Adam , d'un ton rogue : "Comment peux-tu le savoir , Toi , l'Être Pur et Abstrait et si
supérieur à moi ?"
- Dieu : "Triple buse ! … parce que je suis dans tes papilles !"

samedi 23 novembre 2019

AUDIENCE PONTIFICALE 8

    A la recherche de réponses audibles , je sollicite (et obtiens) une 8e audience .
Le Saint-Père , bien qu'au plus mal - il a contracté un rhume avec surinfection
bactérienne aux pneumocoques - me reçoit dans la Salle d'Audience du Vatican .
Le Docteur Renato Buzzonetti est à ses côtés .

- Moi : "Très Saint-Père , comment ça va ?"
- JP II crispe ses mains sur les accotoirs de son trône : "Rrrrrrrr"
- Moi , à Renato : "Qu'est-ce que vous lui donnez ?"
- RB : "Du zinc"
- Moi : "Du zinc ?"
- RB : "Oui … c'est une bonne défense pour la muqueuse rhinopharyngée …
ça rend plus difficile l'adhésion virale"
- Moi : "Des antibiotiques ?"
- RB : "Surtout pas ! … aucun effet sur les virus"
- Moi . Je caresse la main du Pape : "Comment se sent-il ?"
- RB : "Comme vous le voyez : pas si mal"
- Moi : Hum ……….. il peut répondre à des questions ?"
- RB : "Ça dépend lesquelles"
- Moi : "Par exemple : Marie était-elle vierge ?"
- RB : "Mon cher , je veux bien parier qu'il n'en a pas la moindre idée ! … qui sait ça ?"
- Moi , à JP II : "Saint-Père … avez-vous entendu ma question ?"
- JP II : "Rrrrrr"
- RB : "C'est les bronches"

DESMOND 118 . CHIEN DE GARDE

- "Vous connaissez mon berger allemand , Desmond"
- "Euh , Monsieur le Président … vous avez un berger allemand ? … je l'ignorais"
- "Mais enfin , Desmond , vous le voyez tous les jours !"
- "Monsieur le Président , Checkers est un épagneul !"
- "Je ne vous parle pas de Checkers … Checkers est un gentil chien-chien … je vous
parle de mon berger allemand , ce chien féroce"
- Désolé , Monsieur le Président , je ne vois pas …"
- "Et vous ne l'entendez pas aboyer ?"
- "…….?…….."
- "Personne n'ose plus entrer dans le Bureau Ovale … moi-même , quelquefois ,
il me fait peur"
- "Monsieur le Président , je ne …"
- "Il y a deux jours , il a voulu mordre Henry … si je n'étais pas intervenu !"
- "……………."
- "C'est vrai … avec vous , il se tient à carreau … vous êtes un pacifique … quand il
vous renifle , je vois bien qu'il sent qu'avec vous , moi son maître , je ne crains rien …
et vous pouvez le caresser … vous êtes bien le seul ! …"
- "Monsieur le Président , vous vous moquez ? … it's a joke ?"
- Le Président , soudain rayonnant : "Bob !"
- "Bob ?"
- "Bob Haldeman !"
- "Monsieur Haldeman ?"
- Le Président , avec un épouvantable accent allemand : "Bob Haldeman , le redoutable
Chef de Cabinet de la Maison Blanche !"

jeudi 21 novembre 2019

COTE 137 . 138 . LE HCC

    Enième tentative contre la Cote 137 . Enième échec . Nous nous sommes repliés
avec nos blessés . Nous avons aussi ramené dans la tranchée - ils sont allongés sur
le caillebotis - quelques camarades qui ne chanteront plus la Madelon .

- Martial : "C'est le HCC qui a commandé cette géniale attaque , mon capitaine ?
- Le capitaine est épuisé . Il a mené l'assaut à la tête de la compagnie . Il ôte son
casque et déboutonne sa vareuse : "Le quoi ?"
- Martial : "Le HCC"
- Le capitaine que cette attaque avortée et meurtrière porte au bord des larmes :
"De quoi parlez-vous , Martial ? … qu'est-ce que c'est que cette chose-là ?"
- Martial : "Vous ne savez pas ce que c'est ?"
- Le capitaine s'essuie le front : "Jamais entendu parler … comment dites-vous ?"
- Martial , imperturbable : "Le HCC"
- Le capitaine : "…….?………"
- Martial : "Je pense que c'est le HCC … ça leur ressemble"
- Le capitaine se laisse tomber sur une caisse . Il n'en peut plus : "Qu'est-ce que c'est ,
Martial ? … qu'est-ce que vous racontez ? … le HCC , qu'est-ce que c'est ?"
- Martial : "C'est une sorte de club"
- Le capitaine , suspicieux : "Si c'est encore un de vos traits d'humour , Martial …"
- Martial : "De l'humour , mon capitaine ?" . Et il tend le bras vers nos types amochés
et nos camarades tristement morts pour la France .
- Le capitaine regarde par là , sur le caillebotis : "Merde !"
- Martial : "Un club très chic , mon capitaine … n'entre pas qui veut"
- Le capitaine s'est penché en avant . Il enferme son visage entre ses paumes :
"Bon … Martial … dites ce que vous avez à dire …"
- Martial : "Vous voulez savoir ce que c'est que le HCC ?"
- La voix du capitaine parvient étouffée , de l'intérieur de ses mains : "Oui …
dites toujours … ça doit être amusant …"
- Martial : "Pas tellement …"
- Le capitaine relève la tête et regarde Martial qui est resté debout à côté de lui ,
appuyé sur son Lebel : "Alors ?"
- Martial : "Le HCC ? … : les Héros-du-Château-de-Chantilly"
- Le capitaine soupire .
- Martial : "C'est le HCC qui a commandé cette attaque d'une géniale stupidité ?"
- Le capitaine , abattu comme jamais : "J'ai bien peur que oui … oui , c'est le HCC …"

WELWITSCHIA MIRABILIS

    Marcq-en-Baroeul . Dans le jardin de Madame Delplanque . Je la pousse sur son
escarpolette . Elle n'arrête pas de parler . Ses paroles s'envolent et me reviennent par
bribes dans un mouvement pendulaire . Je ne l'écoute pas parce que je sens qu'il y a
dans l'air un de ses projets saugrenus - sinon pourquoi m'a-t-elle fait venir chez elle ? -
mais ses mots empreignent mes tympans de leur crispante stridence : "Angola …
unique … désert …" . Quand la force de gravité la fait fondre sur moi , follement
échevelée et la robe éployée , excitée par la tension des cordes , je la reçois à son point
d'équilibre puis , par une pression de mes paumes subtilement augmentée sur ses reins ,
je la renvoie au bout de son oscillation vers le port buissonneux du houx centenaire qui
borde sa propriété , dans l'axe du portique , et les flocons épars d'altocumulus qui , par
cette belle journée , décorent le ciel de leurs trainées fibreuses . "Assez !" , crie-t-elle
entre deux croassements de la structure et je la laisse baller librement . Mais , sans
attendre qu'elle s'immobilise , je me fais un café court sucré à la machine à café dans sa
cuisine . J'avale une première gorgée brûlante quand je la vois , par la fenêtre , descendre
avec souplesse de la planche , traverser le jardin en remettant sa chevelure et sa robe dans
leurs plis , franchir la porte avec sa mine d'institutrice , se faire elle aussi un café , avant de m'apostropher : "Avez-vous entendu ce que j'ai dit ?" . "Non" . "Nous partons demain
pour l'Angola … Welwitschia Mirabilis … une espèce panchronique , vous savez ce que
c'est ?" . "Non" , dis-je , les fesses appuyées sur le plan de travail . Elle : "C'est unique …
je vous expliquerai dans l'avion … j'ai les billets"

mercredi 20 novembre 2019

TROIS MOUCHES 171 . LE TEMPS GÉOLOGIQUE DE NABOKOV

    Nous habitions dans des cabanes en bois préfabriquées au milieu d'un univers
de granit précambrien . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille .

    Trois mouches précambriennes bourdonnent contre la paille boisée de nos cabanes .
Elles fabriquent le chapeau granitique de l'univers au milieu duquel , merveilleusement ,
nous habitons .

    Un univers précambrien de mouches . Un habitat préfabriqué . Des cabanes
vermeilles . Des bourdonnements de granit . Au milieu : trois merveilleux chapeaux
de paille ...

lundi 18 novembre 2019

KRANT 185 . UN VOYAGEUR IMMOBILE

    Krant avait sillonné le globe dans tous les sens . Latitudes , longitudes , il les avait
toutes franchies . Peu d'hommes au monde avaient autant voyagé et peu d'hommes
avaient porté leurs pas dans aussi peu d'endroits . Ceux de Krant avaient usé le teck
de la passerelle et de la salle des cartes , les pavés des darses de Koenigsberg et
- si l'on excepte les quelques ports où , par obligation , il avait quitté le bord - aussi
peu le plancher des vaches que possible . En somme , notre capitaine était un homme
immobile qui bougeait énormément !

    Je m'ouvris de ce paradoxe à Monsieur Lee .

- Monsieur Lee : "Qui parle de bouger avec ses pieds ?"
- Moi : "N'est-ce pas la meilleure façon de transporter un corps ?"
- Monsieur Lee : "Hi , hi , hi ! … les Okakis pensent qu'il n'est nul besoin de bouger
pour aller quelque part … n'est-ce pas la conduite de notre capitaine ?"

samedi 16 novembre 2019

PARADIS 119 . SYNCHROTRON 2

- Dieu appelle le CERN .
- Le CERN : "Allo … le CERN à votre service"
- Dieu : "Anna ?"
- Anna : "Euh , oui , c'est moi … nous nous connaissons ?"
- Dieu : "Je vous ai appelé hier … vous m'avez passé Monsieur Humbert Pasquier et
nous avons été coupés … je peux lui parler ?"
- Anna : "De la part de ?"
- Dieu : "Jéhovah Dieu , horloger … dites bien à Monsieur Pasquier que je n'ai rien à
voir avec Babich Horlogerie"
- Anna : "Oh, Monsieur Pasquier m'a raconté ! … c'est une blague !"
- Dieu : "Anna , croyez-vous en Dieu ?"
- Anna : "Monsieur Dieu … euh , Monsieur-qui-que-vous-soyez , cette plaisanterie a
assez duré … et nous sommes très occupés …"
- Clic !




- Dieu rappelle le CERN .
- Le CERN : "Allo … le CERN à votre service"
- Dieu , avec l'accent du New-Hampshire : "Isaac Howard … Professeur Isaac Howard … Département de physique du M.I.T … Auriez-vous l'obligeance de me passer Humbert
Pasquier du PS ?"
- Anna : "Tout de suite , Professeur"
………. Quelques secondes plus tard ……… :
- HP : "Allo"
- Dieu : "Isaac Howard du M.I.T , Département de physique … bonjour , cher collègue"
- HP : "Euh … bonjour … que puis-je ?"
- Dieu : "Le synchrotron à protons … à quoi ça sert ?"
- HP (!?) : "Ben , à accélérer les protons , pardi !"
- Dieu : "D'où viennent-ils ces protons ?"
- HP : "Ben … du booster"
- Dieu : "Du booster ?"
- HP : "Le PSB … faut bien accélérer les faisceaux de protons du Linac 2 avant de les
injecter dans le synchrotron !"
- Dieu : "Le Linac 2 , m'avez-vous dit ?"
- HP : "Oui … un accélérateur linéaire … les accélérateurs linéaires utilisent des cavités
radiofréquence … bla-bla-bla … les protons franchissent bla-bla-bla … charge positive …
bla-bla … répulsion et une attraction bla-bla-bla … aimants quadripolaires permettent
de …"
- Dieu : "Ouh-la-ouh-la … c'est bien compliqué ! … pourquoi vous ne m'avez pas
demandé ? … je vous aurais expliqué ! … les constituants élémentaires de la matière ,
c'est d'une simplicité … comment dirais-je ? … d'une simplicité biblique !"

vendredi 15 novembre 2019

PARADIS 118 . SYNCHROTRON 1

- Dieu : "Allo-allo-allo ?" … Sonnerie … On décroche :
- Le CERN : "Allo … le CERN à votre service"
- Dieu : "Ah , bonjour ! … à qui ai-je l'honneur ?"
- Le CERN : "Anna"
- Dieu : "Anna ! … bonjour Anna … vous vous occupez du synchrotron à protons ?"
- Anna (rire) : "Oh , mon Dieu , non ! … je suis la standardiste !"
- Dieu : "Ah ! … Anna , pouvez-vous me passer le responsable ?"
- Anna : "Euh … de la part de ?"
- Dieu : "Dieu"
- Anna : "Monsieur Dieu ? … c'est … c'est votre nom ?"
- Dieu : "Je n'en ai pas d'autre"
- Anna : "Votre prénom , Monsieur Dieu ?"
- Dieu : "Mon prénom ? … pourquoi me demandez-vous ça ?"
- Anna : "C'est le règlement , Monsieur … nous devons avoir votre identité complète"
- Dieu : "Yahvé … parfois on m'appelle Jéhovah"
- Anna : "Qu'est-ce que je note ?"
- Dieu : "Allons-y pour Jéhovah … il épelle : J-é-h-o-v-a-h"
- Anna . Elle enregistre sur son ordinateur : "Monsieur Jéhovah Dieu … votre profession ,
Monsieur ?"
- Dieu : "Créateur"
- Anna : "Créateur ? … c'est une profession ?"
- Dieu : "Et comment !!"
- Anna consulte une liste : "Euh , excusez-moi , Monsieur Dieu … je n'ai pas "créateur"
sur ma liste … vous êtes chercheur ?"
- Dieu : "Mettez : horloger … Grand Horloger"
- Anna sur son ordinateur : "Monsieur Jéhovah Dieu - horloger … veuillez patienter ,
je vais vous passer Monsieur Humbert Pasquier , le responsable du PS"
- Dieu : "Le PS ?"
- Anna : "Le synchroton à protons … c'est bien cela que vous vouliez ?"
- Dieu : "Absolument !"
……….. attente ………..
- Une voix : "Humbert Pasquier , du PS"
- Dieu : "Bonjour Monsieur Pasquier"
- HP : "Alors ma montre , où en êtes vous ?"
- Dieu : "Votre montre ?"
- HP : "Ne faites pas l'idiot , mon vieux , ça fait trois semaines que ça devait être fait !"
- Dieu : 'Il y a erreur , je pense"
- HP : "Vous n'êtes pas Babich Horlogerie-Bijouterie ?"
- Dieu : "Non , je suis Dieu"
- HP : "Jehovah Dieu … oui , c'est ce que me dit Anna … vous n'êtes pas l'Horlogerie
Babich ?"
- Dieu : "En aucune façon … je suis Dieu , Créateur de toutes choses"
- HP . Hésitation : "Bon , mon vieux , si c'est une blague … je n'ai pas que ça à faire ,
j'ai des particules à accélérer !"
- "Clic !"

jeudi 7 novembre 2019

AUDIENCE PONTIFICALE 7

    Vatican . Septième audience ! . Ça commence à me coûter cher en billets de train !

- Moi : "Les anges , ce sont des esprits , c'est bien ça ?"
- JP II hoche la tête de haut en bas et de gauche à droite .
- Moi : "Euh … oui ou non ?"
- JP II dodeline de la tête .
- Stanislaw Dziwisz , son Secrétaire particulier : "Quand il fait ça , ça veut dire oui"
- Moi : "Les anges sont de purs esprits ?"
- Dziwisz : "Je suppose que oui"
- Moi , au Saint-Père : "Vous pouvez me confirmer , Saint-Père ?"
- JP II , à nouveau , branle du chef … c'est inexploitable …
- Moi , à Dziwisz : "Que dois-je comprendre ?"
- Dziwisz : "Pas grand-chose , mon pauvre ! … moi-même , je ne …"
- JP II , tout à coup , se tortille sur son trône . Il s'énerve : "Gzwlszyhkzblwsz …"
- Moi : "Qu'est-ce qu'il a dit ?"
- Dziwisz : "C'est du polonais … Le Saint-Père vous dit que c'est un mystère …
qu'il n'y a rien à comprendre là-dedans"

mercredi 6 novembre 2019

DESMOND 117 . DUOS

    Juillet 1971 . Kissinger revient de son voyage secret en Chine , dit Pole I (nom de code)
comme Marco Polo . Il a rencontré Chou En Laï , le Premier Ministre de la République 
Populaire de Chine .  Le lendemain de son retour , le Président nous a réunis dans le Bureau 
Ovale , Kissinger , Alexander Haig son adjoint et moi .

- Le Président : "Alors , Henry … comment avez-vous trouvé notre Stan ?"
- Kissinger : "Stan ?"
- Le Président : "Stan Laurel … notre triste comique chinois …"
- Kissinger : "Vous voulez parler de Chou , Monsieur le Président ?"
- Le Président : "Comment va-t-il ? … avez-vous réussi à le faire rire ?"
- Kissinger : "Euh , non , Monsieur le Président … j'ai bien peur que non … Taïwan …"
- Le Président : "Vous aurez peut-être plus de chance avec le gros"
- Kissinger : "Le Grand Timonier ?"
- Le Président : "Ah oui , le Grand Timonier ! … ne suis-je pas moi aussi une sorte de 
timonier ? … qu'en pensez-vous , Alexander ? … suis-je un grand ou un petit timonier ?"
- Haig : "Monsieur le Président … je …"
- Le Président revient à Kissinger : "Sérieusement , Henry … Stan a-t-il les coudées 
franches ?"
- Kissinger : "Euh …"
- Le Président : "Il paraît que Hardy le tient par les couilles"
- Kissinger : "Attendez , Monsieur le Président … Hardy , c'est lequel des deux ? … 
je ne me souviens plus … c'est le gros ou le petit ?"
- Le Président : "Taïwan … qu'en pense-t-il le gros ?"
- Kissinger : "Je ne sais pas , Monsieur le Président … celui que j'ai vu c'est le maigre"
- Le Président : "Stan ?"
- Kissinger : "Stan , oui …"
- Le Président : "Vous n'avez pas l'air sûr , Henry"
- Kissinger : "C'est-à-dire que … vous … je m'embrouille … j'ai rencontré Chou et il n'est 
absolument pas gros … pas gros du tout !"
- Le Président : "Tout ça m'a l'air confus , Henry … c'est peut-être le décalage horaire ?"
- Haig : "Si je peux me permettre , Monsieur le Président … si l'on suit votre … votre 
métaphore …"
- Le Président : "Ma métaphore !? … quelle métaphore ? … je ne vous suis pas , 
Alexander"
- Moi : "Monsieur le Président , je pense que Monsieur Haig parle de ce duo : Chou 
et Laurel … euh , je veux dire : Chou et … comment s'appelle l'autre ?"
- Kissinger : "Oliver"
- Le Président : "Oliver ? … vous voulez dire que le Grand Timonier est Oliver ?"
- Kissinger, à bout de nerfs : "Oui , c'est cela , Mister President"
- Haig : "Et Chou serait Stan ?"
- Le Président : "Vous avez tout compris , Alexander !"

dimanche 3 novembre 2019

TROIS MOUCHES 170 . PAS LOIN DE CHEZ LOLITA

    De l'autre côté de notre rue , juste en face de notre maison , Berthe et moi remar-
quâmes qu'il y avait une brèche occupée par un terrain vague envahi de mauvaises
herbes avec ici et là des buissons aux couleurs vives , un tas de briques et quelques
planches qui traînaient , et aussi l'écume mauve et chromée de chétives fleurs
d'automne comme on en trouve au bord des routes . Trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .

    Trois vagues de mouches , couleur de brique , avaient envahi le terrain juste en face
de notre maison . Elles écumaient , merveilleuses et chétives , la paille vermeille du
chapeau de Berthe . Au bord de la route , par une vive brèche dans les buissons qui ,
ici et là , bourdonnaient de fleurs mauves , je remarquai un tas de mauvaises planches
qu'occupait l'automne et où traînaient des herbes chromatiques comme on en trouve de
l'autre côté de notre rue .

    Sur la route , juste en face de notre maison , dans une brèche de l'automne , trois
mouches aux vives couleurs occupaient un tas de briques envahi de mauvaises herbes .
Elle bourdonnaient comme ces remarquables buissons bordés de chromes écumants
qu'on trouve ici et là , traînant sur quelque planche chétive ou de l'autre côté de notre
rue sur le terrain vague où Berthe et moi nous émerveillons des fleurs mauves sur nos
chapeaux de paille .

vendredi 1 novembre 2019

FLO 2

    Il me semble que je vous ai déjà parlé de Flo . Le 10 juillet 1992 , à 20h30 ,
juste après le JT , elle m'a quitté . C'était définitif avait-elle affirmé . Elle ne
reviendrait pas . Pourtant , 10 ans plus tard , presque jour pour jour , juste après
le JT un bon moment occupé par la tentative d'assassinat de Jacques Chirac ,
quelqu'un a sonné . J'ai ouvert : c'était Flo (je ne l'ai pas reconnue tout de suite)
avec ses valises . Avant de la laisser entrer (je vivais à l'époque avec Katinka ,
une corniste russe qui roulait les "R" . Non seulement je "vivais" mais je l'avais
 épousée !) , j'ai demandé à Flo si , enfin , elle avait fait le clair en elle . Sa
réponse fut vague . Elle m'a bousculé et s'est installée d'abord dans la chambre
d'amis puis dans notre lit où nous avons dormi à trois pendant une quinzaine de
nuits . Le 1er août , elle nous a quitté sans nous prévenir . Elle a laissé un mot
sur la table du séjour : "Ton dentifrice est vraiment dégueulasse ! . Flo ."

COTE137 . 137 . LE CRAPOUILLOT

    Trève sur le front . Je joue aux cartes avec Bertin et notre téléphoniste . Martial est
assis au fond de la tranchée . Il lit un journal . Il a l'air de drôlement s'amuser : ses
épaules tressautent au rythme de ses gloussements . Le bec de sa pipe trépide entre
ses dents . Le capitaine sort de sa cagna : "Qu'est-ce que vous lisez , Martial ?"
- Martial , toujours gloussant , lève à bout de bras le journal ouvert :
"Ça , mon capitaine !"
- Le capitaine : "Le Crapouillot !?"
- Martial : "Oui … voulez-vous le lire ?… je vous le prête"
- Le capitaine : "Vous n'y pensez pas , Martial ! … ce torchon anarchiste ! …
pas étonnant que ça vous fasse rire !"
- Martial : "Vous avez tort , mon capitaine … c'est vraiment comique !"
- Le capitaine tend le bras : "Donnez-moi ça !"
- Martial referme le journal et le donne au capitaine .
- Le capitaine : "Je vais y jeter un coup d'oeil"
- Martial : "N'oubliez pas de me le rendre , mon capitaine"

    Pendant une heure , nous entendons le rire du capitaine à l'intérieur de son abri ,
d'abord discret puis de moins en moins . Quand il ressort , le journal est plié sous son
bras . Avec son mouchoir , il se tamponne les yeux"
- Martial : "Alors ?"
- Le capitaine hoquète : "Alors quoi ?"
- Martial : "Le journal , mon capitaine … vous l'avez lu ?"
- Le capitaine essaie de se retenir d'hoqueter : "Euh … oui … je l'ai parcouru" ,
parvient-il à dire en s'épongeant les yeux .
- Martial : "Parcouru !? … une heure ! … vous l'avez parcouru de A à Z ! … vous
êtes passé à l'Anarchie , mon capitaine ?"
- Le capitaine ne peut plus se retenir . Il éclate de rire . Les larmes coulent sur ses
joues . "Ah" , dit-il , la poitrine agitée de soubresauts "ça fait du bien !"
- Moi , Bertin et le téléphoniste , bien que nous ne sachions pas de quoi il retourne
- par contagion - nous mettons à nous bidonner .
- Le capitaine en rendant son journal à Martial : "Vous avez raison , Martial …
c'est très drôle ! … diablement drôle ! … n'oubliez pas de me porter le prochain
numéro …"