jeudi 21 novembre 2019

WELWITSCHIA MIRABILIS

    Marcq-en-Baroeul . Dans le jardin de Madame Delplanque . Je la pousse sur son
escarpolette . Elle n'arrête pas de parler . Ses paroles s'envolent et me reviennent par
bribes dans un mouvement pendulaire . Je ne l'écoute pas parce que je sens qu'il y a
dans l'air un de ses projets saugrenus - sinon pourquoi m'a-t-elle fait venir chez elle ? -
mais ses mots empreignent mes tympans de leur crispante stridence : "Angola …
unique … désert …" . Quand la force de gravité la fait fondre sur moi , follement
échevelée et la robe éployée , excitée par la tension des cordes , je la reçois à son point
d'équilibre puis , par une pression de mes paumes subtilement augmentée sur ses reins ,
je la renvoie au bout de son oscillation vers le port buissonneux du houx centenaire qui
borde sa propriété , dans l'axe du portique , et les flocons épars d'altocumulus qui , par
cette belle journée , décorent le ciel de leurs trainées fibreuses . "Assez !" , crie-t-elle
entre deux croassements de la structure et je la laisse baller librement . Mais , sans
attendre qu'elle s'immobilise , je me fais un café court sucré à la machine à café dans sa
cuisine . J'avale une première gorgée brûlante quand je la vois , par la fenêtre , descendre
avec souplesse de la planche , traverser le jardin en remettant sa chevelure et sa robe dans
leurs plis , franchir la porte avec sa mine d'institutrice , se faire elle aussi un café , avant de m'apostropher : "Avez-vous entendu ce que j'ai dit ?" . "Non" . "Nous partons demain
pour l'Angola … Welwitschia Mirabilis … une espèce panchronique , vous savez ce que
c'est ?" . "Non" , dis-je , les fesses appuyées sur le plan de travail . Elle : "C'est unique …
je vous expliquerai dans l'avion … j'ai les billets"

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