samedi 25 octobre 2014

STÉTHOSCOPIE

   On lui offrit son premier stéthoscope à l'âge de dix ans . A dix ans ,
l'horizon est ouvert à 360° et couvert de paille sèche ; un quart de mégot
peut y ficher un feu d'une intensité qui déborde l'imagination du plus créatif
incendiaire . Son père , qui lui-même succéda à son père dans le métier ,
initia aussitôt Lucca (Lucca Santucci) à l'art de l'auscultation . Quelles
séances jubilatoires Lucca passa avec son père à traquer les bruits adventices ,
le stéthoscope Littmann aux oreilles , yeux fermés pour la concentration ! .
A quatorze ans , il n'ignorait rien des ronchus ou des râles sonores semblables
à ceux qu'on produit en soufflant dans le goulot d'une bouteille de Pastis ,
non plus des sibilances comme au dégonflage d'un ballon dont on pince
l'orifice , ou les crépitants fins qu'on peut comparer au bruit que fait une mèche
de cheveux roulée entre les doigts et les crépitants rudes qui font comme un
feu de bois pétillant ou des éclatements de grains de maïs .

   Son père ne cessait de lui seriner que c'était le plus beau métier du monde
et que ça pouvait rapporter gros . Si précocement instruit , Lucca fut dans les
années soixante le meilleur perceur de coffres-forts de la Corse du Sud .

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