- Ève : "Di-Di ! … où c'est que t'étais passé ?"
Elle entre dans l'atelier . Dieu travaille à son interminable Création .
- Dieu : "Ève ! … content de te revoir ! … j'étais occupé avec Adam … des discussions
à n'en plus finir … nous sommes rarement d'accord lui et moi …"
- Ève . Elle pose un baiser sur le front de son Créateur : "Pas d'accord sur quoi ?"
- Dieu : "Par exemple et pour commencer , sur mon existence"
- Ève : "Ton existence !? … ben t'es là , non ?"
- Dieu soupire : "Ouais … ça lui suffit pas , il veut une preuve"
- Ève . Elle rigole : "Une preuve !? … beeeeurk ! … c'est dégoûtant … c'est moche
ces tentracrules !"
- Dieu : "Une preuve , Ève ! … pas une pieuvre … et c"est des tentacules … et c'est
pas moche …….. Adam , ce qu'il veut c'est une preuve"
- Ève : "C'est quoi ?"
- Dieu . Tout compte fait , les discussions avec Adam , on avance … on n'est pas sans
arrêt à reprendre à zéro : "Une preuve … euh … une preuve , c'est un raisonnement
qui permet d'établir de manière irréfutable la réalité de quelque chose … ou de quelqu'un"
- Ève : "C'est quoi irré… irré… comment t'as dit ?"
- Dieu : "Irréfutable : qu'on ne peut pas contester"
- Ève : "C'est quoi contester ?"
- Dieu . Il a perdu l'habitude mais elle est tellement charmante ! : "Contester , c'est mettre
en doute , ma chérie"
- Ève : "En doute ?"
- Dieu . Il fatigue : "Le doute , c'est … c'est quand on n'est pas sûr de quelque chose"
- Ève : "Par exemple , qu'il y a des bonbons à la menthe dans ton tiroir"
- Dieu : "Si tu veux … c'est un bon exemple"
- Ève : "Et c'est tout ?"
- Dieu : "C'est tout quoi ?"
- Ève : "Adam … c'est tout ?"
- Dieu . Il a perdu les pédales : "Quoi , Adam ? … qu'est-ce que tu veux dire ?"
- Ève : "Il doute que t'existes ?"
- Dieu . Il a retrouvé le fil : "Oui , c'est exactement ça , Ève … il fait même plus que douter"
- Ève : "T'inquiète ! … il comprend rien !"
lundi 26 février 2018
dimanche 25 février 2018
ETOSHA PAN
C'est une ville couverte de sel .
L'âme … Je dis "l'âme" non par opposition au corps mais par apposition
car l'âme et le corps des habitants d'Etosha Pan ne sont pas plus disjoints
qu'ailleurs ; ils sont sauf exceptions - il y a des saints et des fous partout -
sagement rangés l'une à côté de l'autre . Malgré cela , l'homme (ou la femme)
d'Etosha à qui vous serrez la main n'est pas - corps et âme - précisément ici ,
mais là , légèrement décalé , pas loin assurément , à une distance incalculable ,
non que cette distance soit si grande qu'on ne peut la calculer - elle est minime
comme je viens de le dire - mais elle est impossible à déterminer par le calcul .
Est-ce un effet du sel ou de l'incandescence du lieu ? … ou des deux cumulés ?
… les gens d'Etosha Pan semblent à côté d'eux-mêmes . A dire vrai , la locution
prépositive "à côté de" est impropre . Elle induit espace et géographie . Les gens
d'Etosha Pan ne sont pas à côté d'eux-mêmes mais ils ne sont pas où il est coutu-
mier de se trouver . C'est aussi le cas de leurs animaux , de leurs outils de paludiers
et de leurs maisons . Peut-être s'agit-il bonnement de cette aberration optique qu'on
appelle "mirage" ...
L'âme … Je dis "l'âme" non par opposition au corps mais par apposition
car l'âme et le corps des habitants d'Etosha Pan ne sont pas plus disjoints
qu'ailleurs ; ils sont sauf exceptions - il y a des saints et des fous partout -
sagement rangés l'une à côté de l'autre . Malgré cela , l'homme (ou la femme)
d'Etosha à qui vous serrez la main n'est pas - corps et âme - précisément ici ,
mais là , légèrement décalé , pas loin assurément , à une distance incalculable ,
non que cette distance soit si grande qu'on ne peut la calculer - elle est minime
comme je viens de le dire - mais elle est impossible à déterminer par le calcul .
Est-ce un effet du sel ou de l'incandescence du lieu ? … ou des deux cumulés ?
… les gens d'Etosha Pan semblent à côté d'eux-mêmes . A dire vrai , la locution
prépositive "à côté de" est impropre . Elle induit espace et géographie . Les gens
d'Etosha Pan ne sont pas à côté d'eux-mêmes mais ils ne sont pas où il est coutu-
mier de se trouver . C'est aussi le cas de leurs animaux , de leurs outils de paludiers
et de leurs maisons . Peut-être s'agit-il bonnement de cette aberration optique qu'on
appelle "mirage" ...
samedi 24 février 2018
L'ABBÉ TONIÈRES 18 . BRICO DÉPOT
L'abbé entre sur le parking de Brico-Dépôt . Il cherche une place . Il n'y en a pas .
Sauf bien entendu la place réservée aux handicapés . Elle est comme d'habitude libre
d'occupation puisque , du fait de son handicap , un handicapé ne bricole pas . En bonne
logique , c'est là que l'abbé range les quatre pneus 225-345 de sa Ferrari .
- Un vigile : "Monsieur ! … vous ne pouvez pas … il est interdit de …"
- L'abbé , s'éjectant de l'automobile dans un tournis de soutane : "Mon fils , vois comme
je suis handicapé"
- Le vigile : "…………?………….."
- L'abbé : "Mon handicap n'est pas visible à première vue"
- Le vigile : "………………………"
- L'abbé . Il tourne sur lui-même et sa soutane suit le mouvement dans un joli décalage :
"N'ai-je pas l'air léger ?"
- Le vigile : "Vous me semblez en super-forme , mon Père"
Jeanne s'extrait péniblement de l'habitacle . Elle est assise à cinq centimètres du sol .
Elle pivote avec son sac en bandoulière et sa jupe plissée .
- L'abbé . Il désigne au vigile Jeanne-Marie à quatre pattes sur le parking : "Mon handicap
est là mon fils … vois comme il est lourd …"
- Le vigile : "Avez-vous votre carte , mon Père ?"
- L'abbé : "De quelle carte parles-tu ? … Jésus a-t-il demandé sa carte à l'aveugle ? …
au lépreux ?"
- Le vigile : "C'est le règlement , mon Père"
- L'abbé à Jeanne-Marie . Elle est debout est se frotte les genoux : "Je parie que vous avez
oublié notre carte au presbytère"
- Jeanne-Marie : "Quelle carte ? … quel presbytère ?"
- L'abbé au vigile : "Vois mon fils … ma vie est un calvaire …"
Sauf bien entendu la place réservée aux handicapés . Elle est comme d'habitude libre
d'occupation puisque , du fait de son handicap , un handicapé ne bricole pas . En bonne
logique , c'est là que l'abbé range les quatre pneus 225-345 de sa Ferrari .
- Un vigile : "Monsieur ! … vous ne pouvez pas … il est interdit de …"
- L'abbé , s'éjectant de l'automobile dans un tournis de soutane : "Mon fils , vois comme
je suis handicapé"
- Le vigile : "…………?………….."
- L'abbé : "Mon handicap n'est pas visible à première vue"
- Le vigile : "………………………"
- L'abbé . Il tourne sur lui-même et sa soutane suit le mouvement dans un joli décalage :
"N'ai-je pas l'air léger ?"
- Le vigile : "Vous me semblez en super-forme , mon Père"
Jeanne s'extrait péniblement de l'habitacle . Elle est assise à cinq centimètres du sol .
Elle pivote avec son sac en bandoulière et sa jupe plissée .
- L'abbé . Il désigne au vigile Jeanne-Marie à quatre pattes sur le parking : "Mon handicap
est là mon fils … vois comme il est lourd …"
- Le vigile : "Avez-vous votre carte , mon Père ?"
- L'abbé : "De quelle carte parles-tu ? … Jésus a-t-il demandé sa carte à l'aveugle ? …
au lépreux ?"
- Le vigile : "C'est le règlement , mon Père"
- L'abbé à Jeanne-Marie . Elle est debout est se frotte les genoux : "Je parie que vous avez
oublié notre carte au presbytère"
- Jeanne-Marie : "Quelle carte ? … quel presbytère ?"
- L'abbé au vigile : "Vois mon fils … ma vie est un calvaire …"
vendredi 23 février 2018
TROIS MOUCHES 113 . CATALINA
"Catalinaires , qu'est-ce que c'est ?" demande Berthe en levant de son livre
un nez en trompette . "Ce sont les quatre harangues de Cicéron contre Catalina" ,
réponds-je un brin savant . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent
contre nos chapeaux de paille .
Cicéron haranguait trois mouches à brun qui bourdonnaient autour de son nez et
Catalina se demanda en levant son chapeau quoi répondre à cette trompette .
Berthe bourdonna en levant le nez des Catalinaires . "Qu'est-ce que c'est que ces
quatre harangues de brun ?" demanda-t-elle à Cicéron . "Je t'y mouche … c'est un
contre , une trompette vermeille" , répondit ce merveilleux savant .
un nez en trompette . "Ce sont les quatre harangues de Cicéron contre Catalina" ,
réponds-je un brin savant . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent
contre nos chapeaux de paille .
Cicéron haranguait trois mouches à brun qui bourdonnaient autour de son nez et
Catalina se demanda en levant son chapeau quoi répondre à cette trompette .
Berthe bourdonna en levant le nez des Catalinaires . "Qu'est-ce que c'est que ces
quatre harangues de brun ?" demanda-t-elle à Cicéron . "Je t'y mouche … c'est un
contre , une trompette vermeille" , répondit ce merveilleux savant .
jeudi 22 février 2018
KRANT 119 . L'UN
J'aimais ces nuits d'Atlantique Sud , douces et légèrement berçantes . Je sortais sur
la passerelle déserte un vieux pliant en toile et j'allongeais les jambes sur le bastingage .
Elles faisaient une sorte de banquette confortable et il était inutile d'appeler Hume pour
qu'il sortît de nulle part et vînt s'y inscrire dans un rond parfait .
Alors nous foncions à trois sous les étoiles , dans un monde ordonné , envers du chaos
et des tempêtes , où chaque chose obéissait aux lois intemporelles . A ma béatitude ,
s'accordaient le ronronnement mécanique de Hume et celui non moins réglé au quart de
tour du Kritik , rafiot que j'avais tant maudit , mais qu'à ce moment j'aimais comme un
frère .
Je caressais d'une main distraite le pelage de Hume et , l'oreille pas moins vague ,
j'entendais le ronflement des pistons Stirling . A cet instant de basculement , nous étions
encore trois êtres distincts comme les adjuvants d'une matière principale au point de
dégueuler d'un cubilot dans une fusion qui serait l'Un ...
la passerelle déserte un vieux pliant en toile et j'allongeais les jambes sur le bastingage .
Elles faisaient une sorte de banquette confortable et il était inutile d'appeler Hume pour
qu'il sortît de nulle part et vînt s'y inscrire dans un rond parfait .
Alors nous foncions à trois sous les étoiles , dans un monde ordonné , envers du chaos
et des tempêtes , où chaque chose obéissait aux lois intemporelles . A ma béatitude ,
s'accordaient le ronronnement mécanique de Hume et celui non moins réglé au quart de
tour du Kritik , rafiot que j'avais tant maudit , mais qu'à ce moment j'aimais comme un
frère .
Je caressais d'une main distraite le pelage de Hume et , l'oreille pas moins vague ,
j'entendais le ronflement des pistons Stirling . A cet instant de basculement , nous étions
encore trois êtres distincts comme les adjuvants d'une matière principale au point de
dégueuler d'un cubilot dans une fusion qui serait l'Un ...
mercredi 21 février 2018
LINGSTRÖM . VERSION IV
J'étais sonné … je n'aurais pas dû dormir … le soleil de mars était haut dans le ciel ,
pâle et suspendu dans une brume légère … je bâillai et roulai sur la hanche . Par-delà
la rangée d'oyats s'étendait l'immense plage qui longe d'un bout à l'autre la Wadden
Zee . Elle est déserte à cette époque de l'année . Pas de promeneurs , pas de véliplan-
chistes , pas un vététiste sur l'étroit sentier de la dune … 15h30 … je m'agenouillai et ,
les fesses calées sur les talons , j'ouvris mon havresac . J'en sortis un livre écorné :
"Pnine" , le quatrième roman américain de Nabokov . J'étalai sur le sable une serviette ,
m'allongeai sur le ventre et repris mon bouquin où je l'avais laissé , à la page 141 , quand
Pnine regagne sa maison avec le ballon qu'il compte offrir à son fils d'adoption : Victor …
15h35 … que fait Lingström ? … il devrait être là … Victor écoutait Pnine et Pnine parlait
en anglais avec l'accent russe … "Morane !" … je sursautai et me retournai : Lingström
sortait de la dune , sa rondouillarde personne seulement vêtue d'un ridicule slip de bain .
Son nombril avait disparu dans un pli de son ventre . Je vis qu'il avait apporté ce qu'il
fallait : le porte-documents coincé sous son bras droit . Je m'esclaffai : "Vous êtes fou ,
Lingström ! … nous sommes au mois de mars !"
pâle et suspendu dans une brume légère … je bâillai et roulai sur la hanche . Par-delà
la rangée d'oyats s'étendait l'immense plage qui longe d'un bout à l'autre la Wadden
Zee . Elle est déserte à cette époque de l'année . Pas de promeneurs , pas de véliplan-
chistes , pas un vététiste sur l'étroit sentier de la dune … 15h30 … je m'agenouillai et ,
les fesses calées sur les talons , j'ouvris mon havresac . J'en sortis un livre écorné :
"Pnine" , le quatrième roman américain de Nabokov . J'étalai sur le sable une serviette ,
m'allongeai sur le ventre et repris mon bouquin où je l'avais laissé , à la page 141 , quand
Pnine regagne sa maison avec le ballon qu'il compte offrir à son fils d'adoption : Victor …
15h35 … que fait Lingström ? … il devrait être là … Victor écoutait Pnine et Pnine parlait
en anglais avec l'accent russe … "Morane !" … je sursautai et me retournai : Lingström
sortait de la dune , sa rondouillarde personne seulement vêtue d'un ridicule slip de bain .
Son nombril avait disparu dans un pli de son ventre . Je vis qu'il avait apporté ce qu'il
fallait : le porte-documents coincé sous son bras droit . Je m'esclaffai : "Vous êtes fou ,
Lingström ! … nous sommes au mois de mars !"
mardi 20 février 2018
TOROUL-BOROUL
Toroul-Boroul est cette ville au bout des voies ferrées .
Avant que la motrice de Jakutsk tamponne ses butoirs sur ceux du dernier quai ,
d'innombrables préposés , perdus dans ce territoire inculte , auront manoeuvré des
centaines d'aiguillages . Vous aurez laissé à l'est Dorgoncy et d'autres bourgades
connues des seuls lecteurs d'atlas , traversé par un viaduc construit sur ordre d'une
reine ou d'un soviet le cours tumultueux de l'Aldan puis , derrière une montagne ,
longé les eaux non moins bouillonnantes du Sartang jusqu'à Verchojansk où les
collines steppeuses auront englouti ce qui reste de soleil . Un employé , ultime
aiguilleur de la ligne , orientera vos rails d'un coup de levier sec vers Kazacje -
cinq minutes d'arrêt inutiles - enfin Toroul-Boroul , terminus …
On ne peut pas aller plus loin . Qu'allez-vous faire à Toroul-Boroul ?
Il fait nuit quand le train entre en gare car , ici , les jours sont si courts qu'il y a
peu de chance qu'un lambeau de clarté ait échappé au basculement de la terre . Vous
êtes le seul passager et votre valise le seul bagage à peser dans les filets . Seul aussi
sur le quai . Vous longez la motrice , électrisée encore , et qui vous a tiré depuis avant-
hier jusqu'ici … Derrière son guichet , un contrôleur est la seule âme qui vive à moins
que - si vous l'avez prévu et vous auriez bien fait de le prévoir car l'hôtel est à deux
bons kilomètres - un chauffeur de taxi ne somnole sur un banc du hall . Comme nul
chauffeur de taxi ne somnole et que le banc est vide , vous sortez de la gare par la
grande porte battante , vous traversez une route déserte , celle qui relie Mys Sv'atoj Nos
à Toroul-Boroul , et vous posez votre valise sur un parapet . Alors les yeux vous
piquent , les narines vous brûlent et quelque chose bat à vos pieds comme un énorme
coeur froid : l'Océan Glacial Arctique .
Avant que la motrice de Jakutsk tamponne ses butoirs sur ceux du dernier quai ,
d'innombrables préposés , perdus dans ce territoire inculte , auront manoeuvré des
centaines d'aiguillages . Vous aurez laissé à l'est Dorgoncy et d'autres bourgades
connues des seuls lecteurs d'atlas , traversé par un viaduc construit sur ordre d'une
reine ou d'un soviet le cours tumultueux de l'Aldan puis , derrière une montagne ,
longé les eaux non moins bouillonnantes du Sartang jusqu'à Verchojansk où les
collines steppeuses auront englouti ce qui reste de soleil . Un employé , ultime
aiguilleur de la ligne , orientera vos rails d'un coup de levier sec vers Kazacje -
cinq minutes d'arrêt inutiles - enfin Toroul-Boroul , terminus …
On ne peut pas aller plus loin . Qu'allez-vous faire à Toroul-Boroul ?
Il fait nuit quand le train entre en gare car , ici , les jours sont si courts qu'il y a
peu de chance qu'un lambeau de clarté ait échappé au basculement de la terre . Vous
êtes le seul passager et votre valise le seul bagage à peser dans les filets . Seul aussi
sur le quai . Vous longez la motrice , électrisée encore , et qui vous a tiré depuis avant-
hier jusqu'ici … Derrière son guichet , un contrôleur est la seule âme qui vive à moins
que - si vous l'avez prévu et vous auriez bien fait de le prévoir car l'hôtel est à deux
bons kilomètres - un chauffeur de taxi ne somnole sur un banc du hall . Comme nul
chauffeur de taxi ne somnole et que le banc est vide , vous sortez de la gare par la
grande porte battante , vous traversez une route déserte , celle qui relie Mys Sv'atoj Nos
à Toroul-Boroul , et vous posez votre valise sur un parapet . Alors les yeux vous
piquent , les narines vous brûlent et quelque chose bat à vos pieds comme un énorme
coeur froid : l'Océan Glacial Arctique .
lundi 19 février 2018
TOMÀS LE BIEN-AIMÉ
Mon nom est Torquemada … Tomàs de Torquemada … on me dit implacable …
je le suis … 100.000 cas examinés … juifs … converses … relaps … 2.000 exécu-
tions au bas mot … à Cordoue , Cindad Real , Valadolid , Saragosse … en Castille ,
en Aragon … par le feu ou la pendaison … des bûchers , des gibets dans toute l'Es-
pagne … des tortures ? … oui , des tortures à partir de 12 ans pour les filles , de 14
ans pour les garçons … supplice de l'eau , broyage des membres , plomb fondu ,
fer rouge , élongation , chaise à clous , garrot , gril , empalement , bouc des sorcières ,
cuisson à feu doux , ébullition , écartèlement , brodequins , estrapade , rouleaux à
épines , poire d'angoisse , vierge de Nuremberg , et j'en passe … des aveux en pagaille ,
des coupables … ça marchait le tonnerre , n'en déplaise à Sixte … l'hérésie éradiquée
… juifs et morisques expulsés , dépouillés , spoliés … l'or pour l'Église … Notre Christ
Miséricordieux … Notre Christ Victorieux … ma vie fut pleine , au service du Seigneur
… Auto De Fe … j'ai brûlé des quintaux de Talmuds !
Ad Majorem Dei Gloriam !
je le suis … 100.000 cas examinés … juifs … converses … relaps … 2.000 exécu-
tions au bas mot … à Cordoue , Cindad Real , Valadolid , Saragosse … en Castille ,
en Aragon … par le feu ou la pendaison … des bûchers , des gibets dans toute l'Es-
pagne … des tortures ? … oui , des tortures à partir de 12 ans pour les filles , de 14
ans pour les garçons … supplice de l'eau , broyage des membres , plomb fondu ,
fer rouge , élongation , chaise à clous , garrot , gril , empalement , bouc des sorcières ,
cuisson à feu doux , ébullition , écartèlement , brodequins , estrapade , rouleaux à
épines , poire d'angoisse , vierge de Nuremberg , et j'en passe … des aveux en pagaille ,
des coupables … ça marchait le tonnerre , n'en déplaise à Sixte … l'hérésie éradiquée
… juifs et morisques expulsés , dépouillés , spoliés … l'or pour l'Église … Notre Christ
Miséricordieux … Notre Christ Victorieux … ma vie fut pleine , au service du Seigneur
… Auto De Fe … j'ai brûlé des quintaux de Talmuds !
Ad Majorem Dei Gloriam !
dimanche 18 février 2018
TROIS MOUCHES 112 . MER ROUGE
Nous allions en Amérique . Nous avions quitté Le Havre sur une mer rouge sang .
Il ne faisait pas chaud et cependant trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdon-
baient contre nos chapeaux de paille . "Ça me rappelle une eau-forte de Dali" , dit
Berthe .
Une mouche d'Amérique rappelait à Berthe qu'aux havres merveilleux elle avait
bourdonné sur une Mer Rouge , si chaude et si vermeille , que le sang de Dali avait
quitté ses eaux-fortes et la paille de son chapeau .
Je rappelai à Berthe que Dali avait quitté son havre pour l'Amérique . Trois mers
de mouches bourdonnaient et leurs fortes eaux , rouges et chaudes comme un sang
vermeil , allaient contre nos chapeaux .
Il ne faisait pas chaud et cependant trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdon-
baient contre nos chapeaux de paille . "Ça me rappelle une eau-forte de Dali" , dit
Berthe .
Une mouche d'Amérique rappelait à Berthe qu'aux havres merveilleux elle avait
bourdonné sur une Mer Rouge , si chaude et si vermeille , que le sang de Dali avait
quitté ses eaux-fortes et la paille de son chapeau .
Je rappelai à Berthe que Dali avait quitté son havre pour l'Amérique . Trois mers
de mouches bourdonnaient et leurs fortes eaux , rouges et chaudes comme un sang
vermeil , allaient contre nos chapeaux .
samedi 17 février 2018
KRANT 118 . PURE CONTEMPLATION
Je trouvai Krant sur la passerelle de commandement . Une brise tiède soufflait
par petits à-coups . Le capitaine avait les mains croisées derrière le dos et la pipe
plantée dans un coin de la bouche . Il regardait droit devant lui où il n'y avait que
le lugubre flot . Hume (notre chat) était assis à côté de lui dans la même contem-
plation du néant .
- Moi : "Capitaine ?"
- Krant , comme tiré de quelque part qui n'était pas ici : "Ah , chef ! …" . Puis
reprenant sa position initiale : "Je tentais d'imiter mon Maître … me dépouiller
de ce que je sais … retrouver le monde originel" . Krant souriait . Il me regardait
du coin de l'oeil , amusé .
- Moi : "Votre Maître , capitaine ?"
- Krant , penchant légèrement la tête vers la droite : "Ne le voyez-vous pas ? …
il est assis à ma droite … en communication directe avec le réel"
- Moi : "Hume !? … Hume est votre Maître !?"
- Krant : "Qui d'autre sur ce bateau pourrait m'enseigner la pure contemplation ?"
- Moi : "La pure contemplation , capitaine ?"
- Krant : "Réduire à rien les mots et la pensée qui nous séparent du monde …
entrer dans les choses … j'admire en Hume cette faculté … Monsieur Lee avoue
qu'après des années d'ascèse , il n'obtient qu'une extase très imparfaite"
- Moi : "Mais , à quoi tout cela sert-il , capitaine ?"
- Krant : "Chef … mieux que le spectacle de la mer , être la mer …"
par petits à-coups . Le capitaine avait les mains croisées derrière le dos et la pipe
plantée dans un coin de la bouche . Il regardait droit devant lui où il n'y avait que
le lugubre flot . Hume (notre chat) était assis à côté de lui dans la même contem-
plation du néant .
- Moi : "Capitaine ?"
- Krant , comme tiré de quelque part qui n'était pas ici : "Ah , chef ! …" . Puis
reprenant sa position initiale : "Je tentais d'imiter mon Maître … me dépouiller
de ce que je sais … retrouver le monde originel" . Krant souriait . Il me regardait
du coin de l'oeil , amusé .
- Moi : "Votre Maître , capitaine ?"
- Krant , penchant légèrement la tête vers la droite : "Ne le voyez-vous pas ? …
il est assis à ma droite … en communication directe avec le réel"
- Moi : "Hume !? … Hume est votre Maître !?"
- Krant : "Qui d'autre sur ce bateau pourrait m'enseigner la pure contemplation ?"
- Moi : "La pure contemplation , capitaine ?"
- Krant : "Réduire à rien les mots et la pensée qui nous séparent du monde …
entrer dans les choses … j'admire en Hume cette faculté … Monsieur Lee avoue
qu'après des années d'ascèse , il n'obtient qu'une extase très imparfaite"
- Moi : "Mais , à quoi tout cela sert-il , capitaine ?"
- Krant : "Chef … mieux que le spectacle de la mer , être la mer …"
vendredi 16 février 2018
LA MER D'OKHOTSK
Soleil et lune s'opposaient . C'est aux marées de quadrature que j'ai retrouvé
ton corps sur la grève de Kouchtoui . Je t'avais dit : "Pas l'hiver !" . Il (ton corps)
a demi-enfoncé , eux (tes cheveux) perlés de cristaux , elle (la mer) sans couleur ,
blanche en son centre et bordée de noir comme un faire-part de décès . Seule , si
loin de tes bases ; j'avais dit : "Non !" . J'ai fait aussi vite que j'ai pu car , tu le sais ,
le jour est ici un trait de lumière sur Kamchatka . Je t'ai prise par les épaules et j'ai
tiré de toutes mes forces . La glace a fini par céder et je me suis affalé sur le dos
aves ton corps rigide et son piédestal de sable . Je t'ai hissée sur la toundra par une
faille de la petite falaise . Tu résonnais sur les cailloux comme un glas . Là-haut ,
j'ai attaqué le permafrost à la pelle-pioche . Au bout d'une demi-heure , j'avais à
peine extrait quelques éclats . J'ai fait pivoter ton corps sur son socle et l'ai tourné
vers le rivage où s'entrechoquaient des cubes de glace . Je me suis assis , encore
haletant , à côté de toi . Nous avons regardé une dernière fois la Mer D'Okhotsk …
Moi , avec mes souvenirs ; toi , avec tes yeux de verre .
ton corps sur la grève de Kouchtoui . Je t'avais dit : "Pas l'hiver !" . Il (ton corps)
a demi-enfoncé , eux (tes cheveux) perlés de cristaux , elle (la mer) sans couleur ,
blanche en son centre et bordée de noir comme un faire-part de décès . Seule , si
loin de tes bases ; j'avais dit : "Non !" . J'ai fait aussi vite que j'ai pu car , tu le sais ,
le jour est ici un trait de lumière sur Kamchatka . Je t'ai prise par les épaules et j'ai
tiré de toutes mes forces . La glace a fini par céder et je me suis affalé sur le dos
aves ton corps rigide et son piédestal de sable . Je t'ai hissée sur la toundra par une
faille de la petite falaise . Tu résonnais sur les cailloux comme un glas . Là-haut ,
j'ai attaqué le permafrost à la pelle-pioche . Au bout d'une demi-heure , j'avais à
peine extrait quelques éclats . J'ai fait pivoter ton corps sur son socle et l'ai tourné
vers le rivage où s'entrechoquaient des cubes de glace . Je me suis assis , encore
haletant , à côté de toi . Nous avons regardé une dernière fois la Mer D'Okhotsk …
Moi , avec mes souvenirs ; toi , avec tes yeux de verre .
jeudi 15 février 2018
FACTUM DU PROFESSEUR DESHERBES EN PRÉVISION DU PRINTEMPS À VENIR
Quel attachement stupide avons-nous pour les fleurs ! … en ont-elles pour nous ?
… non . La nature , amis défolieurs , est indifférente . Elle ne se soucie pas de l'homme .
Elle exulte , se multiplie et se répand . Son mode est la profusion : pléthore des formes ,
débauche des couleurs , excès des senteurs . Elle se propage pour personne ; c'est son
principe actif : envahir , déborder , grimper , s'épanouir , sans projet particulier , sans idée
directrice , progressant à coups de hasards et de nécessités , aveugle et inintelligente ,
cependant sûre d'elle . On s'extasie avec naïveté sur une Renouée du Japon , on admire la
grâce de son épi de cymes triflores et la délicatesse de sa blancheur , certains poussant la
candeur jusqu'à l'encourager , pendant que sous terre elle prolonge de longs rhizomes
invasifs . La nature ne pense pas et pourtant elle nous parle . Que dit-elle ? . Que nous dit
la nature ? . Les glaïeuls , chers adhérents , les géraniums et autres roses nous disent qu'un
jour ils et elles auront notre peau , qu'ils et elles détruiront nos villes et ce que nous avons
construit ; qu'à l'empire de la conscience , ils et elles substitueront la dictature de
l'innocence ...
… non . La nature , amis défolieurs , est indifférente . Elle ne se soucie pas de l'homme .
Elle exulte , se multiplie et se répand . Son mode est la profusion : pléthore des formes ,
débauche des couleurs , excès des senteurs . Elle se propage pour personne ; c'est son
principe actif : envahir , déborder , grimper , s'épanouir , sans projet particulier , sans idée
directrice , progressant à coups de hasards et de nécessités , aveugle et inintelligente ,
cependant sûre d'elle . On s'extasie avec naïveté sur une Renouée du Japon , on admire la
grâce de son épi de cymes triflores et la délicatesse de sa blancheur , certains poussant la
candeur jusqu'à l'encourager , pendant que sous terre elle prolonge de longs rhizomes
invasifs . La nature ne pense pas et pourtant elle nous parle . Que dit-elle ? . Que nous dit
la nature ? . Les glaïeuls , chers adhérents , les géraniums et autres roses nous disent qu'un
jour ils et elles auront notre peau , qu'ils et elles détruiront nos villes et ce que nous avons
construit ; qu'à l'empire de la conscience , ils et elles substitueront la dictature de
l'innocence ...
mercredi 14 février 2018
DESMOND 82 . LES GÉRANIUMS 4
Transcription d'une communication téléphonique marquée : enregistrée à la
demande du Président . Classée : confidentiel . N°60213 . Destinataire unique :
le Président . Interlocuteurs : le Président , le responsable de l'incinérateur Desmond X.
- Le Président : "Alors Desmond ?"
- Desmond X. : "Monsieur le Président ?"
- Le P. : "L'affaire des géraniums … Henry …"
- DX : "Oh , Monsieur le Président … ça n'a pas …"
- Le P. : "Ça n'a rien donné ?"
- DX : "Non"
- Le P. (silence 15 secondes) : "Pourquoi ?"
- DX : "Je … je ne sais pas , Monsieur le Président … le Secrétaire d'État n'a pas eu …
euh … comment dire ? …"
- Le P. : "Précisez , Desmond"
- DX : "Il avait l'air de … de …"
- Le P. : "Vous l'avez vu ?"
- DX : "Je l'ai eu au téléphone … c'est lui qui m'a appelé"
- Le P. (silence 10 secondes) : "Il vous a donné une raison ?"
- DX : "Non"
- Le P. (silence 5 secondes) : "Mais ne vous en faites pas , Desmond … vous n'y êtes pour
rien"
- DX : "………………"
- Le P. : "Pat ne vous en veut pas"
- DX : "………………"
- Le P. : "Desmond ? … vous êtes là ?"
- DX : "Oui , Monsieur le président"
- Le P. : "Je disais : Pat ne vous en veut pas … elle est juste déçue …"
- DX : "Ah … je suis désolé …"
- Le P. : "Je crois savoir … je veux dire : la raison … pourquoi Henry … mais c'est confi-
dentiel (silence 8 secondes) … les paupières , Desmond"
- DX : "Les paupières !?"
- Le P. : "Dermatite d'origine allergique"
- DX : "……….?………"
- Le P. : "Henry est allergique aux géraniums"
- DX : "……………….."
- Le P. : "Quite confidential , Desmond …" (clic)
demande du Président . Classée : confidentiel . N°60213 . Destinataire unique :
le Président . Interlocuteurs : le Président , le responsable de l'incinérateur Desmond X.
- Le Président : "Alors Desmond ?"
- Desmond X. : "Monsieur le Président ?"
- Le P. : "L'affaire des géraniums … Henry …"
- DX : "Oh , Monsieur le Président … ça n'a pas …"
- Le P. : "Ça n'a rien donné ?"
- DX : "Non"
- Le P. (silence 15 secondes) : "Pourquoi ?"
- DX : "Je … je ne sais pas , Monsieur le Président … le Secrétaire d'État n'a pas eu …
euh … comment dire ? …"
- Le P. : "Précisez , Desmond"
- DX : "Il avait l'air de … de …"
- Le P. : "Vous l'avez vu ?"
- DX : "Je l'ai eu au téléphone … c'est lui qui m'a appelé"
- Le P. (silence 10 secondes) : "Il vous a donné une raison ?"
- DX : "Non"
- Le P. (silence 5 secondes) : "Mais ne vous en faites pas , Desmond … vous n'y êtes pour
rien"
- DX : "………………"
- Le P. : "Pat ne vous en veut pas"
- DX : "………………"
- Le P. : "Desmond ? … vous êtes là ?"
- DX : "Oui , Monsieur le président"
- Le P. : "Je disais : Pat ne vous en veut pas … elle est juste déçue …"
- DX : "Ah … je suis désolé …"
- Le P. : "Je crois savoir … je veux dire : la raison … pourquoi Henry … mais c'est confi-
dentiel (silence 8 secondes) … les paupières , Desmond"
- DX : "Les paupières !?"
- Le P. : "Dermatite d'origine allergique"
- DX : "……….?………"
- Le P. : "Henry est allergique aux géraniums"
- DX : "……………….."
- Le P. : "Quite confidential , Desmond …" (clic)
mardi 13 février 2018
DESMOND 81 . LES GÉRANIUMS 3
Transcription d'une conversation dans le Bureau Ovale . N°52780 . Classée :
confidentiel , à détruire après lecture . Interlocuteurs : le Président , le Secrétaire
d'État Henry K. , le responsable de l'incinérateur Desmond X.
- Le Président : "Je vous ai réuni pour l'affaire que vous savez"
- Henry K. : "Cette conversation est-elle enregistrée , Monsieur le Président ?"
- Le P. : "Vous le savez bien , Henry : elle l'est"
- Le P. : "Desmond … votre point de vue …"
- Desmond X. : "Mon point de vue ?"
- Le P. : "Oui , Desmond ! … à propos des géraniums … c'est l'objet de cette réunion ,
non ?"
- DX : "Euh … oui … oui , Monsieur le Président"
- (Craquement de fauteuil . Clappement caractéristique des chaussures Christian Dior
du Seccrétaire d'État)
- Le P. : "What's happening , Henry ?"
- (Ouverture brutale d'une porte … la porte principale du Bureau Ovale ? … puis
silence 5 secondes)
- HK : "Je vérifie , Mister President (fermeture retenue de la même porte)
- (Silence interrogateur 7 secondes)
- HK (clap-clap-clap Christian Dior) : "Je vérifie que personne n'écoute aux portes ,
Mister President" (craquement de fauteuil . Henry K. s'est rassis)
- Le P. : "OK , Henry … bon , Desmond , ces géraniums ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Président … Pat … euh … enfin … votre épouse …"
- (Craquement de fauteuil . Le Secrétaire s'est relevé . Chaussures Christian Dior sur
un rapide clap-clap-clap-clap-clap-clap . Il traverse le Bureau Ovale … se dirige vers
l'une des trois portes-fenêtres qui donnent sur la Roseraie . Claquement de clinche .
Grincement . Il ouvre une des baies)
- Le P. : "Henry ! … nous allons prendre froid , out of pity !"
- HK (fermeture de la baie . Re-grincement) : "Miter President … j'ai cru voir une ombre"
- Le P. : "Henry ! … don't be so suspicious ! … il y a les Services de Sécurité ! … please ,
sit down ! … keep quiet !"
- HK (clap-clap-clap-clap-clap-clap . Craquement de siège) : "Pouvez-vous arrêter le
magnéto , Mister President ? … ceci est tout à fait confidentiel !"
- Le P. : "Henry ! … c'est classifié confidentiel à détruire ! … Desmond s'en occupe ! …
it's his job !"
- HK (on devine qu'il joint les mains) : "Please , Mister President ! … arrêtez ce magnéto !"
- Le P. : "OK Henry ! … just as you like ! …" (Clic)
(à suivre …)
confidentiel , à détruire après lecture . Interlocuteurs : le Président , le Secrétaire
d'État Henry K. , le responsable de l'incinérateur Desmond X.
- Le Président : "Je vous ai réuni pour l'affaire que vous savez"
- Henry K. : "Cette conversation est-elle enregistrée , Monsieur le Président ?"
- Le P. : "Vous le savez bien , Henry : elle l'est"
- Le P. : "Desmond … votre point de vue …"
- Desmond X. : "Mon point de vue ?"
- Le P. : "Oui , Desmond ! … à propos des géraniums … c'est l'objet de cette réunion ,
non ?"
- DX : "Euh … oui … oui , Monsieur le Président"
- (Craquement de fauteuil . Clappement caractéristique des chaussures Christian Dior
du Seccrétaire d'État)
- Le P. : "What's happening , Henry ?"
- (Ouverture brutale d'une porte … la porte principale du Bureau Ovale ? … puis
silence 5 secondes)
- HK : "Je vérifie , Mister President (fermeture retenue de la même porte)
- (Silence interrogateur 7 secondes)
- HK (clap-clap-clap Christian Dior) : "Je vérifie que personne n'écoute aux portes ,
Mister President" (craquement de fauteuil . Henry K. s'est rassis)
- Le P. : "OK , Henry … bon , Desmond , ces géraniums ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Président … Pat … euh … enfin … votre épouse …"
- (Craquement de fauteuil . Le Secrétaire s'est relevé . Chaussures Christian Dior sur
un rapide clap-clap-clap-clap-clap-clap . Il traverse le Bureau Ovale … se dirige vers
l'une des trois portes-fenêtres qui donnent sur la Roseraie . Claquement de clinche .
Grincement . Il ouvre une des baies)
- Le P. : "Henry ! … nous allons prendre froid , out of pity !"
- HK (fermeture de la baie . Re-grincement) : "Miter President … j'ai cru voir une ombre"
- Le P. : "Henry ! … don't be so suspicious ! … il y a les Services de Sécurité ! … please ,
sit down ! … keep quiet !"
- HK (clap-clap-clap-clap-clap-clap . Craquement de siège) : "Pouvez-vous arrêter le
magnéto , Mister President ? … ceci est tout à fait confidentiel !"
- Le P. : "Henry ! … c'est classifié confidentiel à détruire ! … Desmond s'en occupe ! …
it's his job !"
- HK (on devine qu'il joint les mains) : "Please , Mister President ! … arrêtez ce magnéto !"
- Le P. : "OK Henry ! … just as you like ! …" (Clic)
(à suivre …)
lundi 12 février 2018
TROIS MOUCHES 111 . BORD DE RIVIÈRE
Un poisson aux écailles jaunes et noires sauta hors de l'eau . Il frétillait
près de Berthe et cherchait désespérément l'oxygène quand trois mouches
vermeilles et merveilleuses vinrent bourdonner contre nos chapeaux de
paille .
Trois poissons aux écailles vermeilles cherchaient Berthe . Ils bourdonnaient
de noir désespoir car elle , merveilleuse , frétillait hors de l'eau sous son chapeau
de paille .
Berthe était désespérée ; elle me cherchait . J'avais sauté dans l'eau noire où
frétillaient des poissons merveilleux paillés d'oxygène . Contre les écailles jaunes
de mon chapeau , trois mouches vermeilles bourdonnaient .
près de Berthe et cherchait désespérément l'oxygène quand trois mouches
vermeilles et merveilleuses vinrent bourdonner contre nos chapeaux de
paille .
Trois poissons aux écailles vermeilles cherchaient Berthe . Ils bourdonnaient
de noir désespoir car elle , merveilleuse , frétillait hors de l'eau sous son chapeau
de paille .
Berthe était désespérée ; elle me cherchait . J'avais sauté dans l'eau noire où
frétillaient des poissons merveilleux paillés d'oxygène . Contre les écailles jaunes
de mon chapeau , trois mouches vermeilles bourdonnaient .
dimanche 11 février 2018
KRANT 117 . CIMETIÈRE MARIN
Parfois , nous cherchâmes un passage sous des soleils implacables .
Nous longions des côtes instables , sans amers ni balises , où l'on se repérait
à la kyrielle des épaves . Le capitaine , l'oeil vissé à sa lorgnette , égrenait
une nécrologie : "Le Talisman , cargo norvégien … l'Hermès , aviso …
le Ville de Tanger , vraquier … et celui-là : le Sylphe …" et pour chacun de
ces squelettes , Krant murmurait la date du naufrage . Le torse déporté au-dessus
de la barre , le timonier jaugeait les hauts-fonds en jurant : "Tudieu , capitaine ,
nous allons toucher !" . Où était donc ce port fantôme - Rabigh ou Masturah -
et la passe qui se trouvait là cinq ans plus tôt et qui , aujourd'hui , accablée par
le vent d'Arabie , était ensablée ? . La moitié des hommes , y compris ceux qui
avaient quartier-libre , étaient massés sur le bastingage tribord et ils scrutaient
sous la visière aveuglée de leurs mains la ligne de ces ergs stériles . Mes méca-
niciens , à demi-nus - leurs corps fumaient autant que les chaudières - maintenaient
le Kritik à vitesse réduite et moi , leur officier , l'oreille collée au chadburn , comme
au ciel rempli d'éclairs celle de Moïse , j'attendais l'ordre de Dieu le Père : "Stoppez
les machines !" ...
Nous longions des côtes instables , sans amers ni balises , où l'on se repérait
à la kyrielle des épaves . Le capitaine , l'oeil vissé à sa lorgnette , égrenait
une nécrologie : "Le Talisman , cargo norvégien … l'Hermès , aviso …
le Ville de Tanger , vraquier … et celui-là : le Sylphe …" et pour chacun de
ces squelettes , Krant murmurait la date du naufrage . Le torse déporté au-dessus
de la barre , le timonier jaugeait les hauts-fonds en jurant : "Tudieu , capitaine ,
nous allons toucher !" . Où était donc ce port fantôme - Rabigh ou Masturah -
et la passe qui se trouvait là cinq ans plus tôt et qui , aujourd'hui , accablée par
le vent d'Arabie , était ensablée ? . La moitié des hommes , y compris ceux qui
avaient quartier-libre , étaient massés sur le bastingage tribord et ils scrutaient
sous la visière aveuglée de leurs mains la ligne de ces ergs stériles . Mes méca-
niciens , à demi-nus - leurs corps fumaient autant que les chaudières - maintenaient
le Kritik à vitesse réduite et moi , leur officier , l'oreille collée au chadburn , comme
au ciel rempli d'éclairs celle de Moïse , j'attendais l'ordre de Dieu le Père : "Stoppez
les machines !" ...
samedi 10 février 2018
COTE 137 . 104 . LE CANON-MARINE
Cette nuit , malgré ses efforts obstinés , la pluie ne peut plus nous atteindre . Un canon
lourd de 380mm balance ses obus derrière la ligne de front pour détruire des ouvrages for-
tifiés . Entre les éclairs et les phénoménales détonations , nos estimations terrifiées : 5kms
… 2kms … 500m … Un grand rideau s'est ouvert sur un orchestre titanesque et tonitruant .
L'ennemi est devant nous et l'enfer dans notre dos . Selon le capitaine - c'est ce qu'il nous
apprend à Martial et à moi en hurlant dans nos oreilles , d'où tient-il cette information ? -
ce doit être un canon à chargement rapide , du genre marine , stationné sur une voie ferrée
à plus de 20kms ! . En principe , nous , dans notre tranchée , nous ne craignons rien , sauf
… sauf si l'abruti de wachtmeister qui commande la batterie se met à tirer trop court …
- Martial beugle dans mon cou : "Tu as remarqué ?"
- Moi . Je l'agrippe . Je pose mon oreille contre sa bouche : "Quoi ?"
- Martial : "Tu as remarqué ? … il ne pleut plus !"
- Moi : "Quoi ? … qu'est-ce que …"
- Martial . Il s'égosille : "Il ne pleut plus !!"
Je regarde le ciel qui fulgure . Comment les gouttes pourraient-elles tomber dans ce
tohu-bohu ? . Ça bourdonne là-haut ! … le boulevard d'une ville démentielle … du 380 …
des obus de 750kgs ! … faites mon Dieu que ce con n'aille pas commander d'abaisser la
ligne de mire !
Bourdonnement sur bourdonnement , ça défile . Soudain , un chuintement : celui-là est
pour nous ! . Nous rentrons la tête dans les épaules , nous essayons d'entrer minuscules
dans nos casques et fourrons nos nez dans la boue … dans une seconde , nous n'existerons
plus … plus de nous … plus de moi … fin de la guerre ici … l'éternité … il explose à 50m
… une vague de terre s'élève , une lueur aveuglante , nous sommes projetés les uns contre
les autres et à demi-enfouis .
Silence .
A 20kms , méfiant (on a peut-être repéré sa position) , le canon se replie sur sa voie ferrée .
- Martial crache de la terre et me plaque une main boueuse sur le visage : "Ah , quel con !"
- Moi : "Martial ! … ta main ! … merde , lâche moi !"
- Martial : "Le con !"
- Moi : "Quel con !? … ta main , Martial !"
- Martial . Je suis couché sur le dos et je devine entre les doigts de sa main qui me crampon-
nent le front son visage indigné : "Cet artilleur de malheur ! … il a failli nous avoir !!"
- Moi , enfin libéré : "Idiot ! … ce con fait son boulot !"
lourd de 380mm balance ses obus derrière la ligne de front pour détruire des ouvrages for-
tifiés . Entre les éclairs et les phénoménales détonations , nos estimations terrifiées : 5kms
… 2kms … 500m … Un grand rideau s'est ouvert sur un orchestre titanesque et tonitruant .
L'ennemi est devant nous et l'enfer dans notre dos . Selon le capitaine - c'est ce qu'il nous
apprend à Martial et à moi en hurlant dans nos oreilles , d'où tient-il cette information ? -
ce doit être un canon à chargement rapide , du genre marine , stationné sur une voie ferrée
à plus de 20kms ! . En principe , nous , dans notre tranchée , nous ne craignons rien , sauf
… sauf si l'abruti de wachtmeister qui commande la batterie se met à tirer trop court …
- Martial beugle dans mon cou : "Tu as remarqué ?"
- Moi . Je l'agrippe . Je pose mon oreille contre sa bouche : "Quoi ?"
- Martial : "Tu as remarqué ? … il ne pleut plus !"
- Moi : "Quoi ? … qu'est-ce que …"
- Martial . Il s'égosille : "Il ne pleut plus !!"
Je regarde le ciel qui fulgure . Comment les gouttes pourraient-elles tomber dans ce
tohu-bohu ? . Ça bourdonne là-haut ! … le boulevard d'une ville démentielle … du 380 …
des obus de 750kgs ! … faites mon Dieu que ce con n'aille pas commander d'abaisser la
ligne de mire !
Bourdonnement sur bourdonnement , ça défile . Soudain , un chuintement : celui-là est
pour nous ! . Nous rentrons la tête dans les épaules , nous essayons d'entrer minuscules
dans nos casques et fourrons nos nez dans la boue … dans une seconde , nous n'existerons
plus … plus de nous … plus de moi … fin de la guerre ici … l'éternité … il explose à 50m
… une vague de terre s'élève , une lueur aveuglante , nous sommes projetés les uns contre
les autres et à demi-enfouis .
Silence .
A 20kms , méfiant (on a peut-être repéré sa position) , le canon se replie sur sa voie ferrée .
- Martial crache de la terre et me plaque une main boueuse sur le visage : "Ah , quel con !"
- Moi : "Martial ! … ta main ! … merde , lâche moi !"
- Martial : "Le con !"
- Moi : "Quel con !? … ta main , Martial !"
- Martial . Je suis couché sur le dos et je devine entre les doigts de sa main qui me crampon-
nent le front son visage indigné : "Cet artilleur de malheur ! … il a failli nous avoir !!"
- Moi , enfin libéré : "Idiot ! … ce con fait son boulot !"
PARADIS 83 . OÙ SE NICHE LE DIABLE ?
- Dieu : "Adam ! … qu'est-ce qu'il t'a fait ce pissenlit !?"
- Adam : "Il n'a rien à faire là !"
Dieu et Adam se parlent par-dessus la clôture du Paradis comme font deux voisins qui
se trouvent inopinément dans leur jardin et , n'ayant rien à se dire , se disent quand même
quelque chose . Décrivons ces jardins . Ils sont radicalement différents : l'un à l'harmonie
florissante - tout y pousse dans un semblant de désordre - l'autre au contraire tiré au cor-
deau , symétrique et conventionnel , où règnent l'ordre et le gravier . Adam jardine . Après
sa dure journée de laboureur , il s'adonne à ce passe-temps sympathique et d'apparence
inoffensive . Il tient propres ses plate-bandes au bord d'allées ajustées au millimètre . Her-
bicides , insecticides , fongicides , fertilisants , nitrates , phosphates , potasse ……. pour
l'heure , lesté d'un pulvérisateur à dos double pompe , il règle son compte à un pissenlit
qui , sans vergogne , s'est installé au milieu d'une allée .
- Dieu : "Diable ! … tu n'y vas pas de main morte !"
- Adam , pulvérisant : "Diable !? … le Diable existe ?"
- Dieu : "Oui … tout autant que Moi"
- Adam . Il concentre son jet d'acide dichlorophénoxyacétique sur l'infortuné pissenlit :
"Je ne l'ai jamais rencontré !"
- Dieu : "Tu as peut-être mal regardé …"
- Adam secoue la tête : "Non … non , je l'aurais reconnu" . Le pissenlit , à bout de résistance ,
couche sur le gravier son capitule d'or .
- Dieu : "C'est curieux , je le vois … là … maintenant … à l'oeuvre"
- Adam se retourne : "Qui ? … il n'y a personne"
- Dieu : "Pourquoi te retournes-tu ?"
- Adam : "………..?…………"
- Dieu : "Je le vois , Adam ! … le Diable , je le vois !"
- Adam , se souvenant que le Diable est un ange déchu , lève les yeux au ciel mais , là non
plus , il n'y a personne : "Il n'y a personne"
- Dieu : "Adam ! … tu ne peux pas le voir avec les yeux … mais il crève les miens !"
Et Dieu s'en retourne au Paradis .
- Adam : "Il n'a rien à faire là !"
Dieu et Adam se parlent par-dessus la clôture du Paradis comme font deux voisins qui
se trouvent inopinément dans leur jardin et , n'ayant rien à se dire , se disent quand même
quelque chose . Décrivons ces jardins . Ils sont radicalement différents : l'un à l'harmonie
florissante - tout y pousse dans un semblant de désordre - l'autre au contraire tiré au cor-
deau , symétrique et conventionnel , où règnent l'ordre et le gravier . Adam jardine . Après
sa dure journée de laboureur , il s'adonne à ce passe-temps sympathique et d'apparence
inoffensive . Il tient propres ses plate-bandes au bord d'allées ajustées au millimètre . Her-
bicides , insecticides , fongicides , fertilisants , nitrates , phosphates , potasse ……. pour
l'heure , lesté d'un pulvérisateur à dos double pompe , il règle son compte à un pissenlit
qui , sans vergogne , s'est installé au milieu d'une allée .
- Dieu : "Diable ! … tu n'y vas pas de main morte !"
- Adam , pulvérisant : "Diable !? … le Diable existe ?"
- Dieu : "Oui … tout autant que Moi"
- Adam . Il concentre son jet d'acide dichlorophénoxyacétique sur l'infortuné pissenlit :
"Je ne l'ai jamais rencontré !"
- Dieu : "Tu as peut-être mal regardé …"
- Adam secoue la tête : "Non … non , je l'aurais reconnu" . Le pissenlit , à bout de résistance ,
couche sur le gravier son capitule d'or .
- Dieu : "C'est curieux , je le vois … là … maintenant … à l'oeuvre"
- Adam se retourne : "Qui ? … il n'y a personne"
- Dieu : "Pourquoi te retournes-tu ?"
- Adam : "………..?…………"
- Dieu : "Je le vois , Adam ! … le Diable , je le vois !"
- Adam , se souvenant que le Diable est un ange déchu , lève les yeux au ciel mais , là non
plus , il n'y a personne : "Il n'y a personne"
- Dieu : "Adam ! … tu ne peux pas le voir avec les yeux … mais il crève les miens !"
Et Dieu s'en retourne au Paradis .
jeudi 8 février 2018
DESMOND 80 . LES GÉRANIUMS 2
Transcription d'une communication téléphonique prioritaire . N° 52774 . Classée :
confidentiel . Interlocuteurs : le Secrétaire d'État Henry K. et le responsable de l'inciné-
rateur : Desmond X.
- HK (acrimonieux) : "Hullo , Desmond … qu'est-ce que c'est que cette histoire de géra-
niums ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Secrétaire d'État ..."
- HK : "Abrégez , Desmond ! …" (bruits de tiroirs . Le Secrétaire d'État doit chercher
quelque chose dans son bureau) .
- DX : "C'est-à-dire que …"
- HK : "Je vous écoute … allez au fait"
- DX : "Euh … j'ai pensé …"
- HK : "Vous pensez , Desmond ?" (craquement de siège . Il semble que HK se soit levé)
- DX : "Pat ... elle …"
- HK : "Pat !? … qu'est-ce qu'elle vient faire …" (des pas . Le Secrétaire piétine autour de
son bureau)
- DX : "Et bien , Monsieur le Secrétaire d'État … hier , Pat …"
- HK : "Hier !? … elle était à San Clemente hier" (bruissements de papiers. Le Secrétaire
cherche un document … ou son stylo … ou … sur son bureau)
- DX : "Précisemment , Monsieur le Secrétaire d'État , elle était à …"
- HK : "A San Clemente , Desmond ! … je viens de vous le dire … (re-craquement de
siège . Henry s'est rassis) "Alors ?"
- DX : "Je voulais vous en parler … le Président m'a …"
- HK : "Qu'est-ce qu'il vous a dit ?" (re-re-craquement de siège . Il s'est relevé . Bruits de
pas)
- DX : "Il m'a conseillé de …"
- HK : "… de m'en parler" (re-bruissements de papiers)
- DX : "De vous en parler , en effet"
- HK (bruissements de papiers) : "Vous savez que cette conversation est enregistrée ?"
- DX : "Non … non , Monsieur le Secrétaire d'État … en … enregistrée !?"
- HK : "Donc , on use de la bande , là ! ..; (quelque chose tombe sur le parquet) "Shit !"
- DX : "Pour les géraniums … euh …"
- HK : "Une autre fois , Desmond … je dois appeler Chou …" (clic)
(à suivre …)
confidentiel . Interlocuteurs : le Secrétaire d'État Henry K. et le responsable de l'inciné-
rateur : Desmond X.
- HK (acrimonieux) : "Hullo , Desmond … qu'est-ce que c'est que cette histoire de géra-
niums ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Secrétaire d'État ..."
- HK : "Abrégez , Desmond ! …" (bruits de tiroirs . Le Secrétaire d'État doit chercher
quelque chose dans son bureau) .
- DX : "C'est-à-dire que …"
- HK : "Je vous écoute … allez au fait"
- DX : "Euh … j'ai pensé …"
- HK : "Vous pensez , Desmond ?" (craquement de siège . Il semble que HK se soit levé)
- DX : "Pat ... elle …"
- HK : "Pat !? … qu'est-ce qu'elle vient faire …" (des pas . Le Secrétaire piétine autour de
son bureau)
- DX : "Et bien , Monsieur le Secrétaire d'État … hier , Pat …"
- HK : "Hier !? … elle était à San Clemente hier" (bruissements de papiers. Le Secrétaire
cherche un document … ou son stylo … ou … sur son bureau)
- DX : "Précisemment , Monsieur le Secrétaire d'État , elle était à …"
- HK : "A San Clemente , Desmond ! … je viens de vous le dire … (re-craquement de
siège . Henry s'est rassis) "Alors ?"
- DX : "Je voulais vous en parler … le Président m'a …"
- HK : "Qu'est-ce qu'il vous a dit ?" (re-re-craquement de siège . Il s'est relevé . Bruits de
pas)
- DX : "Il m'a conseillé de …"
- HK : "… de m'en parler" (re-bruissements de papiers)
- DX : "De vous en parler , en effet"
- HK (bruissements de papiers) : "Vous savez que cette conversation est enregistrée ?"
- DX : "Non … non , Monsieur le Secrétaire d'État … en … enregistrée !?"
- HK : "Donc , on use de la bande , là ! ..; (quelque chose tombe sur le parquet) "Shit !"
- DX : "Pour les géraniums … euh …"
- HK : "Une autre fois , Desmond … je dois appeler Chou …" (clic)
(à suivre …)
mercredi 7 février 2018
DESMOND 79 . LES GÉRANIUMS 1
Transcription* d'une communication téléphonique du Président . Destinataire :
le responsable de l'incinérateur , Desmond X. Classée : confidentiel .
- Le Président : "Bonjour Desmond"
- Desmond X : "Bonjour Mister President"
- Le P : "J'ai votre télex dans les mains"
- DX : "……………….."
- Le P : "Desmond ?"
- DX : "Monsieur le président ?"
- Le P : "Vous communiquez par télex , maintenant ! … c'est nouveau ?"
- DX : "C'est que … Monsieur le Président , je ne voulais pas vous déranger"
- Le P : "Desmond ! … vous ne me dérangez jamais ! … et c'est l'occasion d'un petit
scotch , non ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Président , je ne bois pas"
- Le P : "Enfin , je veux dire … oui … votre Coca light"
- DX : "……………….."
- Le P : "Bon … votre télex … hum … j'en ai parlé à Henry … comment vous dire ? …
il n'est pas d'accord …"
- DX : "Mais … mais … ça me paraît pourtant …"
- Le P : "Desmond … vous prêchez un converti … mais je suis bien obligé de … de …"
- DX : "De ?"
- Le P : "Peut-être faudrait-il que vous lui en parliez directement , non ? … vous pourriez
le convaincre"
- DX : "Euh … je ne suis pas au mieux avec …"
- Le P : "Ta-ta-ta ! … Henry n'est pas une brute … c'est un diplomate … allez-y , Desmond
… pour le rendez-vous , j'arrange la chose"
- DX : "Oui … euh … bien , Monsieur le Président"
- Le P : "Et je vais vous dire , Desmond : les géraniums en bordure de l'Aile Est , c'est une
très bonne idée !"
* note : ces transcriptions ont été récupérées illégalement par DX pour enrichir la matière
de ses Mémoires .
(à suivre …)
le responsable de l'incinérateur , Desmond X. Classée : confidentiel .
- Le Président : "Bonjour Desmond"
- Desmond X : "Bonjour Mister President"
- Le P : "J'ai votre télex dans les mains"
- DX : "……………….."
- Le P : "Desmond ?"
- DX : "Monsieur le président ?"
- Le P : "Vous communiquez par télex , maintenant ! … c'est nouveau ?"
- DX : "C'est que … Monsieur le Président , je ne voulais pas vous déranger"
- Le P : "Desmond ! … vous ne me dérangez jamais ! … et c'est l'occasion d'un petit
scotch , non ?"
- DX : "Euh … Monsieur le Président , je ne bois pas"
- Le P : "Enfin , je veux dire … oui … votre Coca light"
- DX : "……………….."
- Le P : "Bon … votre télex … hum … j'en ai parlé à Henry … comment vous dire ? …
il n'est pas d'accord …"
- DX : "Mais … mais … ça me paraît pourtant …"
- Le P : "Desmond … vous prêchez un converti … mais je suis bien obligé de … de …"
- DX : "De ?"
- Le P : "Peut-être faudrait-il que vous lui en parliez directement , non ? … vous pourriez
le convaincre"
- DX : "Euh … je ne suis pas au mieux avec …"
- Le P : "Ta-ta-ta ! … Henry n'est pas une brute … c'est un diplomate … allez-y , Desmond
… pour le rendez-vous , j'arrange la chose"
- DX : "Oui … euh … bien , Monsieur le Président"
- Le P : "Et je vais vous dire , Desmond : les géraniums en bordure de l'Aile Est , c'est une
très bonne idée !"
* note : ces transcriptions ont été récupérées illégalement par DX pour enrichir la matière
de ses Mémoires .
(à suivre …)
mardi 6 février 2018
TROIS MOUCHES 110 . LOURDES
La Vierge m'apparut écrasée par un nimbe circulaire . Elle était vêtue d'une
robe bleue sans fanfreluche et parlait le basque sans accent . Trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Une Vierge en robe de paille et chapeau nimbé m'apparut . Elle parlait le
basque circulaire des mouches écrasées , sans accent et sans fanfreluche .
Apparut une mouche bleue . Elle circulait en nimbe bourdonnant contre
mon chapeau . "A trois" , lui dis-je dans un merveilleux basque "je t'écrase ! …"
robe bleue sans fanfreluche et parlait le basque sans accent . Trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Une Vierge en robe de paille et chapeau nimbé m'apparut . Elle parlait le
basque circulaire des mouches écrasées , sans accent et sans fanfreluche .
Apparut une mouche bleue . Elle circulait en nimbe bourdonnant contre
mon chapeau . "A trois" , lui dis-je dans un merveilleux basque "je t'écrase ! …"
lundi 5 février 2018
KRANT 116 . MERS LUNAIRES
"Océan des Tempêtes , Mer des Humeurs , Mer de la Sérénité …"
Nous étions sur la dunette . Une lune énorme montait et descendait sur l'horizon de
cette nuit phénoménale ; le grincement des structures invoquait la mémoire d'une
balançoire oscillant et crissant sous des constellations sans fin . Papa et maman dormaient .
Je tournais comme un pendule dans l'amplitude et l'immensité du silence …
"A l'est , c'est la Mer de la Tranquillité …"
La voix du capitaine traversait la nonchalance de l'air avec une gravité suave et elle
avait , me semblait-il , le goût du sucre d'orge .
- Moi : "Capitaine … on dit que ce sont des mers asséchées"
- Krant : "Balivernes , chef ! … il n'y a jamais eu d'eau sur ce caillou … " et il haussa
les épaules .
Je raccompagnai le capitaine à sa cabine . Comme je gagnais le poste d'équipage par
la coursive babord , je vis frémir le taud d'une chaloupe . Je soulevai la toile : un mousse
était assis là et ses yeux clignaient à la lumière lunaire ; c'était Danil , celui qu'une lame
traîtresse nous enleva et que nous repêchâmes par miracle .
- Moi : "Que fais-tu là , morveux ? … tu ferais mieux de dormir … demain est une rude
journée !"
- Danil : "Je regardais la lune"
- Moi , me tournant vers elle : "Qu'est-ce qu'il y a donc à voir là-bas ?"
- Danil : "L'Océan des Tempêtes … à l'ouest"
- Moi : "L'Océan des Tempêtes !? … tu aimerais naviguer sur cette mer-là ?"
- Danil , haussant les épaules : "Balivernes , chef ! … il n'y a jamais eu d'eau sur ce caillou !"
- Moi : "Au dodo , petit crétin !"
Nous étions sur la dunette . Une lune énorme montait et descendait sur l'horizon de
cette nuit phénoménale ; le grincement des structures invoquait la mémoire d'une
balançoire oscillant et crissant sous des constellations sans fin . Papa et maman dormaient .
Je tournais comme un pendule dans l'amplitude et l'immensité du silence …
"A l'est , c'est la Mer de la Tranquillité …"
La voix du capitaine traversait la nonchalance de l'air avec une gravité suave et elle
avait , me semblait-il , le goût du sucre d'orge .
- Moi : "Capitaine … on dit que ce sont des mers asséchées"
- Krant : "Balivernes , chef ! … il n'y a jamais eu d'eau sur ce caillou … " et il haussa
les épaules .
Je raccompagnai le capitaine à sa cabine . Comme je gagnais le poste d'équipage par
la coursive babord , je vis frémir le taud d'une chaloupe . Je soulevai la toile : un mousse
était assis là et ses yeux clignaient à la lumière lunaire ; c'était Danil , celui qu'une lame
traîtresse nous enleva et que nous repêchâmes par miracle .
- Moi : "Que fais-tu là , morveux ? … tu ferais mieux de dormir … demain est une rude
journée !"
- Danil : "Je regardais la lune"
- Moi , me tournant vers elle : "Qu'est-ce qu'il y a donc à voir là-bas ?"
- Danil : "L'Océan des Tempêtes … à l'ouest"
- Moi : "L'Océan des Tempêtes !? … tu aimerais naviguer sur cette mer-là ?"
- Danil , haussant les épaules : "Balivernes , chef ! … il n'y a jamais eu d'eau sur ce caillou !"
- Moi : "Au dodo , petit crétin !"
dimanche 4 février 2018
SAN PAOLO
Il y a à San Paolo mille chats .
Mille chats de haut niveau social . Aucun ne vit sa vie entre une poubelle et le faîte
d'un mur . Tous se prélassent sur des coussins de soie bordés de vison ou sur les den-
telles d'une maîtresse parfumée . A San Paolo , on ne tolère pas qu'un chat n'ait un toit
ou que ce toit soit celui d'une soupente . Les chats d'ici habitent des palais .
Leur roi est Stewie , un Maine Coon Brown Mackerel Tabby de 12 kilos pour
102 centimètres soit , au poil près , le canon idéal du Loof . Il demeure au Ca' Caotorta
sur la Fondamenta de la Misericordia , une ruelle éloignée du centre-ville , mais sa
présence en ce lieu fait du Ca' Caotorta le bar hyper-branché de San Paolo . Stewie
trône sur un flipper Gottlieb de modèle Cactus Jack dont il occupe le fronton et balaie
d'une queue hautaine un bon tiers du plateau . Il ne dédaigne pas qu'après génuflexion ,
un client de l'établissement tente un Spécial ou une Multibilles à l'aveugle .
On pense qu'à San Paolo , il fait bon être chat . Or , les mille sujets de Stewie ont le
vague à l'âme : il n'y a pas de chattes ...
Mille chats de haut niveau social . Aucun ne vit sa vie entre une poubelle et le faîte
d'un mur . Tous se prélassent sur des coussins de soie bordés de vison ou sur les den-
telles d'une maîtresse parfumée . A San Paolo , on ne tolère pas qu'un chat n'ait un toit
ou que ce toit soit celui d'une soupente . Les chats d'ici habitent des palais .
Leur roi est Stewie , un Maine Coon Brown Mackerel Tabby de 12 kilos pour
102 centimètres soit , au poil près , le canon idéal du Loof . Il demeure au Ca' Caotorta
sur la Fondamenta de la Misericordia , une ruelle éloignée du centre-ville , mais sa
présence en ce lieu fait du Ca' Caotorta le bar hyper-branché de San Paolo . Stewie
trône sur un flipper Gottlieb de modèle Cactus Jack dont il occupe le fronton et balaie
d'une queue hautaine un bon tiers du plateau . Il ne dédaigne pas qu'après génuflexion ,
un client de l'établissement tente un Spécial ou une Multibilles à l'aveugle .
On pense qu'à San Paolo , il fait bon être chat . Or , les mille sujets de Stewie ont le
vague à l'âme : il n'y a pas de chattes ...
samedi 3 février 2018
MARUI
Excepté Miro , qui sait quelque chose de l'enfance ?
Marui peut-être , à l'abri des méandres du Sepik . Elle sait sans savoir .
Elle sait qu'au nord il y a la mer mais elle ne l'a jamais vue . C'est par le
fleuve que vient parfois un étranger , cet homme vêtu de noir qu'elle re-
çoit mais à qui elle ne demande rien . S'il parle , elle l'entend ; elle ne
l'écoute pas et le timbre de sa voix , elle l'oublie dès qu'il a fini de péro-
rer . S'il ne parle pas et que d'un signe de la tête il commande une bière ,
c'est gratuit . Marui ne veut pas de ses pièces . Le grand chantier de Karau
sur la côte s'est enfoncé dans la forêt , jusqu'à Angoram . Marui est vierge
et elle entend le rester jusqu'à l'inévitable âge adulte . Ils viendront du nord
ceux qui la dépouilleront de sa fleur .
Marui , Miro l'a peinte .
Marui peut-être , à l'abri des méandres du Sepik . Elle sait sans savoir .
Elle sait qu'au nord il y a la mer mais elle ne l'a jamais vue . C'est par le
fleuve que vient parfois un étranger , cet homme vêtu de noir qu'elle re-
çoit mais à qui elle ne demande rien . S'il parle , elle l'entend ; elle ne
l'écoute pas et le timbre de sa voix , elle l'oublie dès qu'il a fini de péro-
rer . S'il ne parle pas et que d'un signe de la tête il commande une bière ,
c'est gratuit . Marui ne veut pas de ses pièces . Le grand chantier de Karau
sur la côte s'est enfoncé dans la forêt , jusqu'à Angoram . Marui est vierge
et elle entend le rester jusqu'à l'inévitable âge adulte . Ils viendront du nord
ceux qui la dépouilleront de sa fleur .
Marui , Miro l'a peinte .
vendredi 2 février 2018
TROIS MOUCHES 109 . DRIVE-IN THEATER
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de
paille . Le parking est désert , l'écran éteint et le drive-in fermé . Nous nous asseyons
sur le capot de la Chevrolet . "Zut , zut et zut !" , dit Berthe …
Le capot de la Chevrolet bourdonne sur le drive-in désert quand Berthe s'asseoit
sur mon chapeau de paille . "Zut !" , dis-je , et elle , voyant l'écran éteint et le parking
fermé : "Zut et zut !"
Trois "zut !" s'éteignent contre le drive-in fermé : c'est Berthe , assise sur le parking
désert . La paille de son chapeau bourdonne sur le capot de la Chevrolet et elle dit
encore : "Zut , l'écran est éteint !"
paille . Le parking est désert , l'écran éteint et le drive-in fermé . Nous nous asseyons
sur le capot de la Chevrolet . "Zut , zut et zut !" , dit Berthe …
Le capot de la Chevrolet bourdonne sur le drive-in désert quand Berthe s'asseoit
sur mon chapeau de paille . "Zut !" , dis-je , et elle , voyant l'écran éteint et le parking
fermé : "Zut et zut !"
Trois "zut !" s'éteignent contre le drive-in fermé : c'est Berthe , assise sur le parking
désert . La paille de son chapeau bourdonne sur le capot de la Chevrolet et elle dit
encore : "Zut , l'écran est éteint !"
jeudi 1 février 2018
KRANT 115 . FUTUR ANTÉRIEUR
Au large de Onslow Bay . Je suis sur la passerelle avec Krant .
- Krant . Il tend sa pipe à 30° tribord : "Chef , vous voyez ce cap ? … Caps Fear …
nous le doublerons dans une demi-heure …"
- Moi : "Oui , capitaine … Caps Fear …"
- Krant : "Y sommes-nous déjà ?"
- Moi : "Non , capitaine … nous y serons dans une demi-heure avez-vous dit"
- Krant : "Détrompez-vous ! … nous l'avons dépassé … nous sommes en train de décharger
nos bois à Charlestown"
- Moi : "……..?………."
- Krant . Il vide sa pipe en la cognant coutre le bastingage : "Vous ne me croyez pas , chef ?"
- Moi : "… capitaine … Charlestown , nous y serons dans un jour … si tout va bien …"
- Krant . Il me regarde . Des rides moqueuses font comme les ondes de sable autour de nos
rias à marée basse : "Quand vous avez au creux de la main vos graines de poireau , ne les
voyez-vous pas et ne pèsent-elles pas sur votre paume de leur poids infime ?"
- Moi . Je m'anime : "Ah , ça oui , capitaine !"
- Krant : "Et pourquoi les semez-vous ?"
- Moi : "Tudieu , capitaine ! … pour avoir des gros et beaux poireaux !"
- Krant : "Mais vous ne pouvez les voir … ce que vous voyez à cet instant sont ces petites
graines …"
- Moi . Je m'emballe : "Capitaine , quand je soupèse mes graines , c'est comme si mes
poireaux étaient là , avec leurs belles feuilles , leur corps blanc sur la table de ma cuisine …
la soupe brûlante contre mes lèvres ! …"
- Krant . Il croise les mains derrière le dos et se tourne vers Caps Fear : "Vos poireaux ,
chef , c'est comme Charlestown … nous y sommes"
- Moi : "………?………"
- Krant : "Le futur précède le présent"
- Krant . Il tend sa pipe à 30° tribord : "Chef , vous voyez ce cap ? … Caps Fear …
nous le doublerons dans une demi-heure …"
- Moi : "Oui , capitaine … Caps Fear …"
- Krant : "Y sommes-nous déjà ?"
- Moi : "Non , capitaine … nous y serons dans une demi-heure avez-vous dit"
- Krant : "Détrompez-vous ! … nous l'avons dépassé … nous sommes en train de décharger
nos bois à Charlestown"
- Moi : "……..?………."
- Krant . Il vide sa pipe en la cognant coutre le bastingage : "Vous ne me croyez pas , chef ?"
- Moi : "… capitaine … Charlestown , nous y serons dans un jour … si tout va bien …"
- Krant . Il me regarde . Des rides moqueuses font comme les ondes de sable autour de nos
rias à marée basse : "Quand vous avez au creux de la main vos graines de poireau , ne les
voyez-vous pas et ne pèsent-elles pas sur votre paume de leur poids infime ?"
- Moi . Je m'anime : "Ah , ça oui , capitaine !"
- Krant : "Et pourquoi les semez-vous ?"
- Moi : "Tudieu , capitaine ! … pour avoir des gros et beaux poireaux !"
- Krant : "Mais vous ne pouvez les voir … ce que vous voyez à cet instant sont ces petites
graines …"
- Moi . Je m'emballe : "Capitaine , quand je soupèse mes graines , c'est comme si mes
poireaux étaient là , avec leurs belles feuilles , leur corps blanc sur la table de ma cuisine …
la soupe brûlante contre mes lèvres ! …"
- Krant . Il croise les mains derrière le dos et se tourne vers Caps Fear : "Vos poireaux ,
chef , c'est comme Charlestown … nous y sommes"
- Moi : "………?………"
- Krant : "Le futur précède le présent"
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