mercredi 21 février 2018

LINGSTRÖM . VERSION IV

    J'étais sonné … je n'aurais pas dû dormir … le soleil de mars était haut dans le ciel ,
pâle et suspendu dans une brume légère … je bâillai et roulai sur la hanche . Par-delà
la rangée d'oyats s'étendait l'immense plage qui longe d'un bout à l'autre la Wadden
Zee . Elle est déserte à cette époque de l'année . Pas de promeneurs , pas de véliplan-
chistes , pas un vététiste sur l'étroit sentier de la dune … 15h30 … je m'agenouillai et ,
les fesses calées sur les talons , j'ouvris mon havresac . J'en sortis un livre écorné :
"Pnine" , le quatrième roman américain de Nabokov . J'étalai sur le sable une serviette ,
m'allongeai sur le ventre et repris mon bouquin où je l'avais laissé , à la page 141 , quand
Pnine regagne sa maison avec le ballon qu'il compte offrir à son fils d'adoption : Victor …
15h35 … que fait Lingström ? … il devrait être là … Victor écoutait Pnine et Pnine parlait
en anglais avec l'accent russe … "Morane !" … je sursautai et me retournai : Lingström
sortait de la dune , sa rondouillarde personne seulement vêtue d'un ridicule slip de bain .
Son nombril avait disparu dans un pli de son ventre . Je vis qu'il avait apporté ce qu'il
fallait : le porte-documents coincé sous son bras droit . Je m'esclaffai : "Vous êtes fou ,
Lingström ! … nous sommes au mois de mars !"

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