Il y a derrière chez moi , sous un aulne , un banc .
C'est là que j'aime me reposer . La nuque et les chevilles calées sur les accoudoirs ,
je ferme les yeux . Je quitte ce monde-ci pour un autre , tactile et producteur d'images .
Point ne m'est besoin de dessiller quand , aux rouges parois de mes paupières où sont
plaquées les petites négresses du port de Lavanono ou les coolies touchant leur salaire
sur un ponton de Kumta , succèdent une ombre puis une goutte froide , pour connaître
qu'un lourd nuage de la Baltique , les soutes pleines de glaces arctiques et craquant sur
ses coutures , traverse mon potager ou que la faible tension de mes tympans , réveillant
le murmure de pêcheurs de crevettes une nuit où nous frôlions les Célèbes , se trouve
augmentée par un soudain mouvement de l'air , pour savoir qu'un coup de vent venu du
nord vient de forcer la barrière des dunes et de s'étouffer dans la ramure de mon aulne .
Entre veille et sommeil , je convoque sous forme vibratoire les océans où j'ai navigué et
la pauvre humanité qui hante les quais de la terre .
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