mardi 30 janvier 2018

LINGSTRÖM . VERSION III

    J'étais sonné … je n'aurais pas dû dormir … le soleil de mars était haut dans le ciel ,
pâle et suspendu dans une brume légère … je bâillai et roulai sur la hanche . Par-delà
la rangée d'oyats s'étendait l'immense plage qui longe d'un bout à l'autre la Wadden Zee .
Elle est déserte à cette époque de l'année . Pas de promeneurs , pas de véliplanchistes ,
pas un vététiste sur l'étroit sentier de la dune … 15h30 … je repris dans mon havresac
le dossier que m'avait remis M. … je l'avais lu cent fois … une photo de Lingström était
agrafée en première page … il marchait dans une rue de Copenhague … petit homme
rondouillard , dans les cinquante ans … air paisible , chapeau gris , lunettes , moustache
… porte-documents coincé sous le bras droit … il semblait regarder l'objectif mais c'était
impossible : le photographe opérait dans un fourgon banalisé derrière une vitre opaque
… je remuai le cliché dans la blafarde lumière de ce jour et Lingström parut s'animer
dans la couche argentique … 15h35 … il était temps d'assembler le matériel … je me
mis sur le ventre et emboîtai les unes dans les autres les cinq parties du Lüger … puis
j'attendis … 15h40 … 15h45 … 15h50 … il y avait un os … pas de Lingstöm à l'horizon
… la lointaine criaillerie des mouettes et le chuintement des vaguelettes de la Wadden Zee
s'échouant sur le sable , rien d'autre … 16h … un cliquetis juste derrière moi … je me
retournai : quinze hommes armés formaient un demi-cercle de sourires narquois ...

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