samedi 19 mai 2018

LES NÉNUPHARS DE L'ADÉLAÏDE RIVER

    Nous avons loué une voiture . Au comptoir , la fille nous a prévenus :
"l'endroit est dangereux" . Mais Madame Delplanque tenait mordicus à
visiter l'embouchure marécageuse de l'Adélaïde River . Nous devions
pousser au nord , jusqu'à la mer . Sur la route , nous avons appris par la
radio qu'un tigre avait attaqué un paysan philippin et dévoré ses deux
enfants . On avait abattu l'animal . "En restera-t-il de ces merveilleux
animaux ?" dit Madame Delplanque . Aussi , quand j'eus garé l'auto à
l'ombre de fougères géantes , je laissai cette amie des bêtes patauger
dans le marigot en quête du Nymphea Alba dont elle me vantait les
propriétés aphrodisiaques depuis que par obligation et à cause d'un
afflux imprévu de touristes nous avions partagé la même chambre .
J'inclinai le dossier du siège conducteur et me mis à écouter le triste
et majestueux opus de Nick Cave : "Push the sky away" . Au dernier
accord , par la vitre baissée , je jetai un coup d'oeil à la protectrice des
grands félins . Madame Delplanque avait disposé sur ses genoux un
nénuphar dont le calice à quatre sépales éclatait de blancheur . Elle
était assise sur un tronc échoué de sept mètres de long à l'écorce cuirassée
où clignait une paupière vitreuse .

    "Attention ! il y a là-bas des crocodiles de mer" , avait dit la fille de Hertz .

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