Dieu tourne en rond dans son atelier , les mains derrière le dos . Ça sent le bilan .
Adam , journée de travail terminée , vient de son champ . Il entre sans frapper . Il
est crevé . Dieu entame un monologue à voix haute et ça tombe bien qu'Adam soit
là , il lui servira d'auditoire : "Assieds-toi !" . Adam s'effondre sur une chaise .
- Dieu : "J'ai créé quelque chose à partir de rien …"
- Adam mâchouille un brin d'herbe . Ses paupières sont à moitié closes .
- Dieu : "Puis , ce quelque chose - du minéral - je l'ai enjolivé : aux éléments natifs ,
j'ai ajouté les sulfures , les oxydes , les carbonates etc … etc …"
- Adam ferme les yeux .
- Dieu : "… et je suis passé au cran supérieur , un saut dans l'inconnu : l'organique ,
la Vie !" . Dieu s'arrête de marcher comme stupéfait par sa propre intrépidité :
"Ai-je bien fait ? … j'étais si tranquille avec le soufre et la calcite !"
- Adam maintenant perçoit une voix lointaine : celle de Dieu .
- Dieu : "Ensuite - je suis incorrigible ! - j'ai compliqué l'organique . J'ai multiplié les
cellules … je les ai spécialisées , combinées et …" . Dieu suspend son discours , effrayé
par la hardiesse de son plan . "… et j'ai inventé la conscience !"
- Adam s'est endormi .
- Dieu : "La conscience … au début , tu comprends , c'était une sorte de conscience
bas de gamme … une toute petite conscience , mais réfléchie quand même … j'ai mis
du "je" dans un chat pour qu'il s'aperçoive que le mulot qu'il met en pièces , ça n'est
pas lui … de même que le chat de la voisine qui lui dispute sa gamelle , c'est un autre
chat"
- Adam : "Rrrr-rrrr …"
- Dieu : "Après - qu'est-ce qui m'a pris ? - me suis-je laissé emporter par mon euphorie
créatrice - tout cela fonctionnait si merveilleusement ! - alors , j'ai mis au point la cons-
cience réflexive … je t'ai donné , Adam , à toi et à tes semblables - pas aux chats - la
possibilité de te penser toi-même et de te pencher sur ta propre conscience"
- Adam se réveille .
- Dieu se tourne vers lui : "Tu ne dis rien ?"
- Adam s'étire . Adam se frotte les yeux . Adam bâille .
- Dieu reprend sa marche circulaire : "Et pour couronner le tout , je t'ai fourni la cons-
cience morale !"
- Adam : "……………"
- Dieu écarte les bras de chaque côté de sa nuée de gloire : "Là , fiasco total !"
- Adam , soudain intéressé : "Tu veux que je m'en occupe ?"
- Dieu : "Surtout pas !!"
mercredi 30 octobre 2019
mardi 29 octobre 2019
AUDIENCE PONTIFICALE 6
Vatican . Salle des Audiences Pontificales :
- Moi : "La Sainte Trinité"
- JP II : "………."
- Moi : "Le Père , le Fils et le Saint-Esprit"
- JP II : "………."
- Moi : "Saint-Père … qu'est-ce que vous en pensez ?"
- JP II : "………."
- Moi : "C'est curieux , non ? … un Dieu unique en trois personnes !"
- JP II : "………."
- Moi : "Dieu a promis d'envoyer son Fils … ça fait deux"
- JP II : "………."
- Moi : "… et Jésus parle de son Père à tout bout de champ … ça fait toujours deux :
lui et son Père … les mêmes … je compte bien ?"
- JP II : "………."
- Moi : "Mais le Saint-Esprit ?"
- JP II : "………."
- Moi : "Vous ne dites rien ?"
- JP II : "Miummiummiummium"
- Moi : "Hein ?"
- Un hallebardier : "Notre Saint-Père le Pape vous a béni … circulez !"
lundi 28 octobre 2019
POLACCA
Il n'y a qu'un dépanneur à Polacca . Dan Monongye est un indien hopi . Son aïeul
est un fermier , Poo La Ka Ka (Polacca est son anthropotoponyme) , fondateur invo-
lontaire de la ville - du bourg dira-t-on car Polacca , avec à peine 2000 habitants , ne
mérite pas l'appellation de ville . Dan a pas mal de compétences : garagiste ainsi qu'en
témoigne la vieille dépanneuse Mack stationnée sur son terre-plein , plombier , élec-
tricien , réparateur d'électro-ménager ; il fait aussi office de cabaretier et , occasionnel-
lement , de pharmacien . Il n'y a pas si longtemps , dans les années cinquante , on
parvenait à Polacca par un chemin caillouteux ou par le Polacca Wash , l'un des quatre
"lavages" qui drainent le plateau de Black Mesa . Il (ce bourg) se trouve aujourd'hui à
l'intersection de deux routes : un axe est-ouest - l'Arizona State Route 267 - qui permet
de relier Gallup à Tuba City et la Route Sud depuis Winslow . Au point de jonction de
ces deux voies , le carrefour est équipé de feux tricolores opérationnels pendant les
week-ends et battant en semaine d'un morne et solitaire clignotement orange . C'est à
cet endroit que Dan a construit de ses mains et sans autorisation un garage (avec pompe
gasoil) auquel il a adjoint par la suite un abri en planches et tôles où il stocke ses outils ,
ses pièces détachées , ses matériaux , ses fûts de bière , et dans lequel il a réservé quel-
ques mètres carrés pour le bar , ouvert jour et nuit , toute l'année même le dimanche et
les jours fériés . Bien entendu , le vieux Neil Mahle et sa femme Tawnia sont là pour le
seconder . Quoi d'autre à Polacca ? : des logements sans charme pour 2000 habitants
dont le revenu par tête est l'un des plus bas du pays (10.381 dollars) et dont 39% vit
sous le seuil de pauvreté fédéral . Il y a aussi un Bureau de poste (code postal : 86042) ,
trois églises incompréhensibles , et un centre de désintoxication géré par les Alcoholics
Anonymous , animé deux fois par an par un hypnothérapeute de Gallup .
Tel est , en gros , ce qu'on peut dire d'un Polacca inventé de A à Z .
est un fermier , Poo La Ka Ka (Polacca est son anthropotoponyme) , fondateur invo-
lontaire de la ville - du bourg dira-t-on car Polacca , avec à peine 2000 habitants , ne
mérite pas l'appellation de ville . Dan a pas mal de compétences : garagiste ainsi qu'en
témoigne la vieille dépanneuse Mack stationnée sur son terre-plein , plombier , élec-
tricien , réparateur d'électro-ménager ; il fait aussi office de cabaretier et , occasionnel-
lement , de pharmacien . Il n'y a pas si longtemps , dans les années cinquante , on
parvenait à Polacca par un chemin caillouteux ou par le Polacca Wash , l'un des quatre
"lavages" qui drainent le plateau de Black Mesa . Il (ce bourg) se trouve aujourd'hui à
l'intersection de deux routes : un axe est-ouest - l'Arizona State Route 267 - qui permet
de relier Gallup à Tuba City et la Route Sud depuis Winslow . Au point de jonction de
ces deux voies , le carrefour est équipé de feux tricolores opérationnels pendant les
week-ends et battant en semaine d'un morne et solitaire clignotement orange . C'est à
cet endroit que Dan a construit de ses mains et sans autorisation un garage (avec pompe
gasoil) auquel il a adjoint par la suite un abri en planches et tôles où il stocke ses outils ,
ses pièces détachées , ses matériaux , ses fûts de bière , et dans lequel il a réservé quel-
ques mètres carrés pour le bar , ouvert jour et nuit , toute l'année même le dimanche et
les jours fériés . Bien entendu , le vieux Neil Mahle et sa femme Tawnia sont là pour le
seconder . Quoi d'autre à Polacca ? : des logements sans charme pour 2000 habitants
dont le revenu par tête est l'un des plus bas du pays (10.381 dollars) et dont 39% vit
sous le seuil de pauvreté fédéral . Il y a aussi un Bureau de poste (code postal : 86042) ,
trois églises incompréhensibles , et un centre de désintoxication géré par les Alcoholics
Anonymous , animé deux fois par an par un hypnothérapeute de Gallup .
Tel est , en gros , ce qu'on peut dire d'un Polacca inventé de A à Z .
KRANT 184 . IMMOBILITÉ DU CHAT
Je venais de me fâcher avec un de mes mécaniciens . Pour me calmer , je montai
sur le pont et gagnai la cuisine de Monsieur Lee . Je me mis à tourner dans ce lieu
exigu en fumant - une fois n'est pas coutume comme disent les français - une de ces
infectes cigarettes du timonier . Hume était assis sur le garde-manger , la queue entre
les pattes . Son regard vert me suivait , interrogateur me sembla-t-il .
- Moi , désignant Hume à Monsieur Lee sans m'arrêter de tourner : "Ce chat me
pose une question"
- Monsieur Lee : "Hi , hi , hi ! …"
- Moi : "………….."
- Monsieur Lee : "Il ne vous demande rien"
- Moi : "………….."
- Monsieur Lee : "… mais il vous dit quelque chose …"
- Moi : "Et que me dit-il ? "
- Monsieur Lee : "Vous n'entendez pas , chef ?"
- Moi , encore un pied dans ma dispute avec le mécanicien : "Que devrais-je entendre ?"
- Monsieur Lee : "Ce que vous dit ce chat"
- Moi : "… Mais … Monsieur Lee … il n'ouvre pas la bouche !"
- Monsieur Lee : "C'est inutile … ce qu'il vous dit se passe de mots …
et de miaulements …"
- Moi : "Un chat ne parle pas que je sache !"
- Monsieur Lee : "Celui-ci me parle à longueur de journée"
- Moi : "De quoi vous parle-t-il , Monsieur Lee ?"
- Monsieur Lee : "Hi , hi , hi !"
- Moi : "Parlez-vous le langage des chats ?"
- Monsieur : "J'apprends … Hume est un bon professeur"
- Moi : "Pouvez-vous traduire ce qu'il me dit ?"
- Monsieur Lee : "Hume vous dit de jeter par dessus bord cette horrible cigarette
et d'arrêter de bouger"
sur le pont et gagnai la cuisine de Monsieur Lee . Je me mis à tourner dans ce lieu
exigu en fumant - une fois n'est pas coutume comme disent les français - une de ces
infectes cigarettes du timonier . Hume était assis sur le garde-manger , la queue entre
les pattes . Son regard vert me suivait , interrogateur me sembla-t-il .
- Moi , désignant Hume à Monsieur Lee sans m'arrêter de tourner : "Ce chat me
pose une question"
- Monsieur Lee : "Hi , hi , hi ! …"
- Moi : "………….."
- Monsieur Lee : "Il ne vous demande rien"
- Moi : "………….."
- Monsieur Lee : "… mais il vous dit quelque chose …"
- Moi : "Et que me dit-il ? "
- Monsieur Lee : "Vous n'entendez pas , chef ?"
- Moi , encore un pied dans ma dispute avec le mécanicien : "Que devrais-je entendre ?"
- Monsieur Lee : "Ce que vous dit ce chat"
- Moi : "… Mais … Monsieur Lee … il n'ouvre pas la bouche !"
- Monsieur Lee : "C'est inutile … ce qu'il vous dit se passe de mots …
et de miaulements …"
- Moi : "Un chat ne parle pas que je sache !"
- Monsieur Lee : "Celui-ci me parle à longueur de journée"
- Moi : "De quoi vous parle-t-il , Monsieur Lee ?"
- Monsieur Lee : "Hi , hi , hi !"
- Moi : "Parlez-vous le langage des chats ?"
- Monsieur : "J'apprends … Hume est un bon professeur"
- Moi : "Pouvez-vous traduire ce qu'il me dit ?"
- Monsieur Lee : "Hume vous dit de jeter par dessus bord cette horrible cigarette
et d'arrêter de bouger"
samedi 26 octobre 2019
TROIS MOUCHES 169 . UNE HISTOIRE D'AMOUR ET DE TÉNÈBRES
Les secrets des autres fascinaient Berthe , non en tant que commérages - qui désirait
qui , qui sortait avec qui , qui avait acheté quoi , pourquoi trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre leurs chapeaux de paille - mais comme une mosaï-
que complexe ou un puzzle géant qu'elle s'appliquait patiemment à assembler , prêtant
une oreille attentive aux conversations , un sourire indulgent , dont elle n'avait pas
conscience , aux lèvres .
Je sortais avec Berthe . Pourquoi ? : son sourire aux lèvres géantes me fascinaient .
Je lui achetais ou lui prêtais des chapeaux merveilleux aux pailles vermeilles . Mais elle
n'avait pas conscience que ce que je désirais avec mes commérages complexes (je les
appliquais contre son oreille attentive avec la patience d'un assembleur de puzzles)
c'était sa conversation indulgente et la mosaïque de ses secrets .
Je n'avais pas conscience que Berthe avec une oreille aussi indulgente ne prêtait
aucune attention aux commérages que j'assemblais patiemment sur mes lèvres comme
une mosaïque géante : pourquoi trois mouches bourdonnaient-elles de désirs ? , qui
achetait ces merveilleux chapeaux aux pailles vermeilles ? - non plus à ces autres
secrets sortis de conversations fascinantes . Son sourire appliqué avait la complexité
d'un puzzle .
qui , qui sortait avec qui , qui avait acheté quoi , pourquoi trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre leurs chapeaux de paille - mais comme une mosaï-
que complexe ou un puzzle géant qu'elle s'appliquait patiemment à assembler , prêtant
une oreille attentive aux conversations , un sourire indulgent , dont elle n'avait pas
conscience , aux lèvres .
Je sortais avec Berthe . Pourquoi ? : son sourire aux lèvres géantes me fascinaient .
Je lui achetais ou lui prêtais des chapeaux merveilleux aux pailles vermeilles . Mais elle
n'avait pas conscience que ce que je désirais avec mes commérages complexes (je les
appliquais contre son oreille attentive avec la patience d'un assembleur de puzzles)
c'était sa conversation indulgente et la mosaïque de ses secrets .
Je n'avais pas conscience que Berthe avec une oreille aussi indulgente ne prêtait
aucune attention aux commérages que j'assemblais patiemment sur mes lèvres comme
une mosaïque géante : pourquoi trois mouches bourdonnaient-elles de désirs ? , qui
achetait ces merveilleux chapeaux aux pailles vermeilles ? - non plus à ces autres
secrets sortis de conversations fascinantes . Son sourire appliqué avait la complexité
d'un puzzle .
vendredi 25 octobre 2019
DESMOND 116 . BAGUETTE TÉLESCOPIQUE
Je suis assis en face du Président , dans son bureau privé .
- Le Président : "Je sors d'une réunion au Pentagone … le SIOP , vous connaissez ?"
- Moi : "Euh … non , Monsieur le Président"
- Lui : "Vous avez de la chance : c'est effrayant ! … SIOP : Single Integrated
Operational Plan … autrement dit : Plan d'Exécution des Frappes Nucléaires … pour
le dire encore autrement : comment réduire l'URSS et la Chine à la surface en téflon
d'une poêle à frire !"
- Moi : "……..!?…….."
- Lui , écrasé dans son fauteuil . Les épaulettes de sa veste sont remontées au niveau
de ses oreilles : "Des gens sérieux : Melvin (note de l'auteur : Melvin Laird Secrétaire
à la Défense) , Earle (re-note : Earle Wheeler , chef d'État-Major interarmées) et un
dénommé Don C. Lamoine que je ne connaissais pas . C'est ce colonel qui tenait la
baguette"
- Moi : "Euh … la baguette … quelle baguette ?"
- Lui , du plat de la main , frappe l'accotoir de son fauteuil : "Oh , vous savez , ces
baguettes télescopiques pour montrer quelque chose sur un tableau … ou une carte
murale … très ingénieux … 1m à peu près , une fois déployée … avec un bout en
feutre pour éviter les bruits métalliques … j'ai trouvé ça très bien … j'ai demandé au
colonel de m'en livrer une … très-très pratique … très astucieux …"
- Silence . Le Président semble revenu en esprit dans cette réunion du Pentagone .
A quoi pense-t-il ? . A la baguette que ce colonel quelque chose va lui faire parvenir
avec une lettre d'obséquiosité dégoûtante ?
- Lui : "C'est terrible ! … Kissinger était là aussi … lui aussi a trouvé cette baguette
très ingénieuse … il a demandé à la manipuler … le colonel a promis de … de …"
- Moi : "…………"
- Lui : "Terrifiant ! … rendez-vous compte , Desmond : Alpha , Bravo et Charlie …
ce sont les trois grandes cibles … 4000 bombes nucléaires … nous les avons en magasin
… il ne restera rien ! … rien !"
- Moi : "…..?……."
- Lui tourne vers moi un visage effaré et des mains écartées devant lui comme pour
me livrer son désespoir : "Ah , il avait belle allure ce fringant colonel … il agitait sa
baguette dans tous les sens … elle frappait les continents sans faire aucun bruit …
grâce au petit bout de feutre , vous comprenez ? … j'en avais le tournis !"
- Le Président : "Je sors d'une réunion au Pentagone … le SIOP , vous connaissez ?"
- Moi : "Euh … non , Monsieur le Président"
- Lui : "Vous avez de la chance : c'est effrayant ! … SIOP : Single Integrated
Operational Plan … autrement dit : Plan d'Exécution des Frappes Nucléaires … pour
le dire encore autrement : comment réduire l'URSS et la Chine à la surface en téflon
d'une poêle à frire !"
- Moi : "……..!?…….."
- Lui , écrasé dans son fauteuil . Les épaulettes de sa veste sont remontées au niveau
de ses oreilles : "Des gens sérieux : Melvin (note de l'auteur : Melvin Laird Secrétaire
à la Défense) , Earle (re-note : Earle Wheeler , chef d'État-Major interarmées) et un
dénommé Don C. Lamoine que je ne connaissais pas . C'est ce colonel qui tenait la
baguette"
- Moi : "Euh … la baguette … quelle baguette ?"
- Lui , du plat de la main , frappe l'accotoir de son fauteuil : "Oh , vous savez , ces
baguettes télescopiques pour montrer quelque chose sur un tableau … ou une carte
murale … très ingénieux … 1m à peu près , une fois déployée … avec un bout en
feutre pour éviter les bruits métalliques … j'ai trouvé ça très bien … j'ai demandé au
colonel de m'en livrer une … très-très pratique … très astucieux …"
- Silence . Le Président semble revenu en esprit dans cette réunion du Pentagone .
A quoi pense-t-il ? . A la baguette que ce colonel quelque chose va lui faire parvenir
avec une lettre d'obséquiosité dégoûtante ?
- Lui : "C'est terrible ! … Kissinger était là aussi … lui aussi a trouvé cette baguette
très ingénieuse … il a demandé à la manipuler … le colonel a promis de … de …"
- Moi : "…………"
- Lui : "Terrifiant ! … rendez-vous compte , Desmond : Alpha , Bravo et Charlie …
ce sont les trois grandes cibles … 4000 bombes nucléaires … nous les avons en magasin
… il ne restera rien ! … rien !"
- Moi : "…..?……."
- Lui tourne vers moi un visage effaré et des mains écartées devant lui comme pour
me livrer son désespoir : "Ah , il avait belle allure ce fringant colonel … il agitait sa
baguette dans tous les sens … elle frappait les continents sans faire aucun bruit …
grâce au petit bout de feutre , vous comprenez ? … j'en avais le tournis !"
jeudi 24 octobre 2019
DAMIA
Damia , toujours d'accord . Acceptant fatalement toutes mes décisions .
Les acceptant avec une étrange tristesse détachée . Nouveau papier peint
(pour l'entrée) , intissé vert amande ? : oui . Peut-être préfères-tu celui-ci ,
corail avec ces motifs géométriques ? . Il n'est pas mal non plus . Moi , il
me plaît . Oui , si tu veux . Lequel alors ? . Comme tu veux . La tête légè-
rement inclinée , les paupières baissées vers je ne sais quoi d'accablant ,
un chagrin sans raison pesait sur la commissure de ses lèvres . Dis donc ,
la symphonie de Mahler … la n°7 … ça te dit ? … ce soir , à 20h30 …
Ce soir ? … à 20h30 ? … Mahler ? … elle soupire . Si ça te fait plaisir .
Et cet été , l'Italie , la Toscane , qu'en penses-tu ? … pourquoi pas …
L'Italie … la Toscane … Sa longue chevelure , pourtant flamboyante ,
glissait sur son épaule . Damia , ô Damia ! …
J'ai fini par en avoir marre ...
Les acceptant avec une étrange tristesse détachée . Nouveau papier peint
(pour l'entrée) , intissé vert amande ? : oui . Peut-être préfères-tu celui-ci ,
corail avec ces motifs géométriques ? . Il n'est pas mal non plus . Moi , il
me plaît . Oui , si tu veux . Lequel alors ? . Comme tu veux . La tête légè-
rement inclinée , les paupières baissées vers je ne sais quoi d'accablant ,
un chagrin sans raison pesait sur la commissure de ses lèvres . Dis donc ,
la symphonie de Mahler … la n°7 … ça te dit ? … ce soir , à 20h30 …
Ce soir ? … à 20h30 ? … Mahler ? … elle soupire . Si ça te fait plaisir .
Et cet été , l'Italie , la Toscane , qu'en penses-tu ? … pourquoi pas …
L'Italie … la Toscane … Sa longue chevelure , pourtant flamboyante ,
glissait sur son épaule . Damia , ô Damia ! …
J'ai fini par en avoir marre ...
PARADIS 116 . JOSUÉ 6.20
Adam frappe à la porte de l'Atelier .
- Dieu . Il travaille (création) : "Entrez !"
- Adam entre . Il tient un gros livre dans ses mains : "Salut !"
- Dieu : "Adam ! … quelle surprise ! … où étais-tu passé ?"
- Adam : "Tu m'as chassé de chez toi , alors …"
- Dieu : "C'est vrai , je t'ai chassé du Paradis … mais ce n'est pas une raison pour faire
la tête ! … enfin ! tu es là et je ne vais pas te faire une scène … quel bon vent t'amène ?"
- Adam montre le Livre qu'il a dans les mains : "Ça !"
- A la tranche dorée , Dieu reconnaît le Livre : "La Bible ! … tu lis la Bible ?"
- Adam : "Oui , c'est instructif , j'apprends plein de choses"
- Dieu , en bon hôte , furète dans son frigo : "Qu'est-ce que je te sers ? … une Kro ? …"
- Adam pose son livre sur l'établi : "Oui , je veux bien"
- Dieu : "Alors , tu ne m'as pas dit à quoi je dois ta visite"
- Adam : "A Josué 6.20"
- Dieu revient vers l'établi avec deux verres-ballons et deux canettes de Kro : "A quoi ?"
- Adam : "A Josué 6.20"
- Dieu : "Je t'avoue que je ne connais pas la Bible par-coeur … Josué 6-20 , qu'est-ce
que ça raconte ?"
- Adam , pendant que Dieu décapsule les canettes , lit à haute voix : "Ils s'emparèrent
de la ville et vouèrent à la destruction en le passant au fil de l'épée tout ce qui s'y trouvait :
hommes et femmes , enfants et vieillards , jusqu'aux boeufs , aux brebis et aux ânes .
(Josué 6.20)"
- Dieu , scandalisé , laisse tomber le décapsuleur sur l'établi : "Quelle horreur !"
- Adam : "Je te le fais pas dire !"
- Dieu verse la Kro en prenant bien soin d'incliner les verres : "La Kro , c'est ta préférée ?"
- Adam : "C'est tout l'effet que ça te fait ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que tu veux dire ? … moi , je la préfère à température ambiante"
- Dieu . Il travaille (création) : "Entrez !"
- Adam entre . Il tient un gros livre dans ses mains : "Salut !"
- Dieu : "Adam ! … quelle surprise ! … où étais-tu passé ?"
- Adam : "Tu m'as chassé de chez toi , alors …"
- Dieu : "C'est vrai , je t'ai chassé du Paradis … mais ce n'est pas une raison pour faire
la tête ! … enfin ! tu es là et je ne vais pas te faire une scène … quel bon vent t'amène ?"
- Adam montre le Livre qu'il a dans les mains : "Ça !"
- A la tranche dorée , Dieu reconnaît le Livre : "La Bible ! … tu lis la Bible ?"
- Adam : "Oui , c'est instructif , j'apprends plein de choses"
- Dieu , en bon hôte , furète dans son frigo : "Qu'est-ce que je te sers ? … une Kro ? …"
- Adam pose son livre sur l'établi : "Oui , je veux bien"
- Dieu : "Alors , tu ne m'as pas dit à quoi je dois ta visite"
- Adam : "A Josué 6.20"
- Dieu revient vers l'établi avec deux verres-ballons et deux canettes de Kro : "A quoi ?"
- Adam : "A Josué 6.20"
- Dieu : "Je t'avoue que je ne connais pas la Bible par-coeur … Josué 6-20 , qu'est-ce
que ça raconte ?"
- Adam , pendant que Dieu décapsule les canettes , lit à haute voix : "Ils s'emparèrent
de la ville et vouèrent à la destruction en le passant au fil de l'épée tout ce qui s'y trouvait :
hommes et femmes , enfants et vieillards , jusqu'aux boeufs , aux brebis et aux ânes .
(Josué 6.20)"
- Dieu , scandalisé , laisse tomber le décapsuleur sur l'établi : "Quelle horreur !"
- Adam : "Je te le fais pas dire !"
- Dieu verse la Kro en prenant bien soin d'incliner les verres : "La Kro , c'est ta préférée ?"
- Adam : "C'est tout l'effet que ça te fait ?"
- Dieu : "Qu'est-ce que tu veux dire ? … moi , je la préfère à température ambiante"
mardi 22 octobre 2019
COTE 137 . 136 . VOYANCE
Martial revient de permission . Nous sommes une dizaine à assister au déballage de
son havresac . Solennel , comme le prêtre dispose sur l'autel ses accessoires liturgiques
avant l'office , il aligne son bric à brac sur la table bancale (réchappée de Montrepont)
où , à l'occasion , le capitaine étale les cartes du secteur . Si nous nous pressons autour
de notre camarade , c'est que cette cérémonie - chaque fois que Martial revient de per-
mission - est rarement exempte de surprises . D'abord , rien que de banal bien qu'allé-
chant car Martial est prodigue : conserves de sardines de Saint-Guénolé , un pot de
moutarde de Dijon , pâté Hénaff , tabac à priser Scotch Snuff (où a-t-il dégoté ça ?) ,
deux bouteilles de cidre - dans une tranchée de première ligne , une épicerie de luxe -
et …
- Le capitaine : "Qu'est-ce que c'est que ça , Martial ?"
- Martial extrait de son sac un objet sphérique et translucide . Il le fait tourner sur les
cinq doigts de sa main gauche : "Une boule de cristal , mon capitaine"
- Le capitaine : "Je vois bien que c'est une boule de cristal ! … qu'est-ce que vous allez
faire avec ça ?"
- Martial : "Mais … mon capitaine … des prédictions , pardi ! … que voulez-vous que
je fasse d'une boule de cristal !?"
- Moi : "Tu crois à ces trucs-là ?"
- Martial , offusqué : "Ces trucs-là !? … il s'agit de voyance , mon vieux ! … c'est une
science : la cristallomancie !"
Les gars sont maintenant agglutinés , formant un essaim de capotes luisant de pluie ,
comme magnétisé par le pur cristal et ses tournillements au bout des doigts de Martial .
- Le capitaine : "Je vous avoue que je suis sceptique"
- Martial : "Dans cette boule de cristal , mes amis , je vois l'avenir"
- Le capitaine : "Vous pouvez nous faire une démonstration , Martial ?"
- Martial : "Vous voulez , mon capitaine , connaître votre avenir ? … écartez-vous les
gars … apportez-nous deux sièges … je vais dire son avenir à notre capitaine"
- Le capitaine : "Euh … tout compte fait , non ! … sur le front , l'avenir ! … je préfère
ne pas savoir"
- Martial , déçu : "Ah ? … y a-t-il un amateur ?"
- Lourd silence … bon ! , Martial remet la boule de cristal dans son sac … "je pensais
vous faire plaisir"
- Moi : "Martial , personne ne veut connaître l'avenir … mais tu as le don de voyance ,
on n'en doute pas !"
- Le capitaine : "Ne soyez pas désolé , Martial ! … au poker , vous n'avez pas besoin
de boule de cristal pour ratiboiser la solde de vos camarades !"
son havresac . Solennel , comme le prêtre dispose sur l'autel ses accessoires liturgiques
avant l'office , il aligne son bric à brac sur la table bancale (réchappée de Montrepont)
où , à l'occasion , le capitaine étale les cartes du secteur . Si nous nous pressons autour
de notre camarade , c'est que cette cérémonie - chaque fois que Martial revient de per-
mission - est rarement exempte de surprises . D'abord , rien que de banal bien qu'allé-
chant car Martial est prodigue : conserves de sardines de Saint-Guénolé , un pot de
moutarde de Dijon , pâté Hénaff , tabac à priser Scotch Snuff (où a-t-il dégoté ça ?) ,
deux bouteilles de cidre - dans une tranchée de première ligne , une épicerie de luxe -
et …
- Le capitaine : "Qu'est-ce que c'est que ça , Martial ?"
- Martial extrait de son sac un objet sphérique et translucide . Il le fait tourner sur les
cinq doigts de sa main gauche : "Une boule de cristal , mon capitaine"
- Le capitaine : "Je vois bien que c'est une boule de cristal ! … qu'est-ce que vous allez
faire avec ça ?"
- Martial : "Mais … mon capitaine … des prédictions , pardi ! … que voulez-vous que
je fasse d'une boule de cristal !?"
- Moi : "Tu crois à ces trucs-là ?"
- Martial , offusqué : "Ces trucs-là !? … il s'agit de voyance , mon vieux ! … c'est une
science : la cristallomancie !"
Les gars sont maintenant agglutinés , formant un essaim de capotes luisant de pluie ,
comme magnétisé par le pur cristal et ses tournillements au bout des doigts de Martial .
- Le capitaine : "Je vous avoue que je suis sceptique"
- Martial : "Dans cette boule de cristal , mes amis , je vois l'avenir"
- Le capitaine : "Vous pouvez nous faire une démonstration , Martial ?"
- Martial : "Vous voulez , mon capitaine , connaître votre avenir ? … écartez-vous les
gars … apportez-nous deux sièges … je vais dire son avenir à notre capitaine"
- Le capitaine : "Euh … tout compte fait , non ! … sur le front , l'avenir ! … je préfère
ne pas savoir"
- Martial , déçu : "Ah ? … y a-t-il un amateur ?"
- Lourd silence … bon ! , Martial remet la boule de cristal dans son sac … "je pensais
vous faire plaisir"
- Moi : "Martial , personne ne veut connaître l'avenir … mais tu as le don de voyance ,
on n'en doute pas !"
- Le capitaine : "Ne soyez pas désolé , Martial ! … au poker , vous n'avez pas besoin
de boule de cristal pour ratiboiser la solde de vos camarades !"
lundi 21 octobre 2019
CHEZ LE DOCTEUR
- (Il ouvre la porte de la salle d'attente et fait entrer la patiente dans son cabinet) .
"Entrez , chère Madame , comment allez-vous ?"
- "Très bien , je vous remercie"
- "Asseyez-vous"
- (Elle s'asseoit) . "Vous , Docteur , vous avez une petite mine"
- "Une petite mine ? … non , je vous assure … un peu fatigué , c'est tout"
- "Vous avez de la tension , je parie"
- "Oh ! … oui … un peu de tension , c'est vrai"
- "Pâlot … oui , c'est ça : vous êtes pâlot"
- "Ah ?"
- "Un peu d'anémie peut-être … vous avez des maux de tête ?"
- "Euh … oui … ça m'arrive"
- "Vous vous étouffez à l'effort ?"
- "Oui … oui … tout cela est vrai … mais …"
- "Vous avez froid aux mains et aux pieds"
- "Comment le savez-vous ?"
- "Vous devriez prendre de la vitamine B12 , Docteur"
- "Vous croyez ?"
- "J'en suis sûre … et mangez du foie de veau … du cresson et des choux de Bruxelles
… c'est plein d'acide folique"
- "Bien-bien … mais vous , la santé ?"
- "Impeccable … je dirais même : au top !"
- "Mais pourquoi , chère Madame , venez-vous me consulter ?"
- "Pour récupérer mes 25€ … c'est le prix de ma consultation"
"Entrez , chère Madame , comment allez-vous ?"
- "Très bien , je vous remercie"
- "Asseyez-vous"
- (Elle s'asseoit) . "Vous , Docteur , vous avez une petite mine"
- "Une petite mine ? … non , je vous assure … un peu fatigué , c'est tout"
- "Vous avez de la tension , je parie"
- "Oh ! … oui … un peu de tension , c'est vrai"
- "Pâlot … oui , c'est ça : vous êtes pâlot"
- "Ah ?"
- "Un peu d'anémie peut-être … vous avez des maux de tête ?"
- "Euh … oui … ça m'arrive"
- "Vous vous étouffez à l'effort ?"
- "Oui … oui … tout cela est vrai … mais …"
- "Vous avez froid aux mains et aux pieds"
- "Comment le savez-vous ?"
- "Vous devriez prendre de la vitamine B12 , Docteur"
- "Vous croyez ?"
- "J'en suis sûre … et mangez du foie de veau … du cresson et des choux de Bruxelles
… c'est plein d'acide folique"
- "Bien-bien … mais vous , la santé ?"
- "Impeccable … je dirais même : au top !"
- "Mais pourquoi , chère Madame , venez-vous me consulter ?"
- "Pour récupérer mes 25€ … c'est le prix de ma consultation"
dimanche 20 octobre 2019
KRANT 183 . CHAT ET VERBE
Le soir , sur les mers tranquilles et chaudes , j'aimais rêvasser dans la coursive
bâbord , celle qui mène à la cuisine de Monsieur Lee . Je m'asseyais sur un siège
de toile, j'allongeais les jambes et posais mes chevilles croisées sur le plat-bord de
tôle . Dans ces circonstances et après qu'il eut pesé le pour et le contre pendant cinq
bonnes minutes , il pouvait arriver que Hume vînt sauter sur mon giron . Monsieur
Lee agitait ses casseroles et je feignais de croire qu'alors , en ces instants de béatitude ,
nous formions une sorte de Trinité . Monsieur Lee était le Père incontestable et je me
voyais en Fils ô combien imparfait , indigne en vérité . Hume pouvait-il être l'Esprit-
Saint ? . Était-ce possible ? . N'était-il pas sur notre navire , à l'exclusion de quelque
rat que par fainéantise , indifférence ou improbable magnanimité , il eût omis d'occire ,
le seul être non pensant si - par être pensant - on entend un être capable d'aligner trois
mots donnant du sens . Certes Hume était incapable d'une pareille performance mais
il était ici le Saint-Esprit , manifestant par sa présence , sa placide respiration , par son
souffle , que quelque chose d'incompréhensible tentait de se dévoiler . Ceci s'imposait
autant à moi que l'univers galactique du capitaine .
bâbord , celle qui mène à la cuisine de Monsieur Lee . Je m'asseyais sur un siège
de toile, j'allongeais les jambes et posais mes chevilles croisées sur le plat-bord de
tôle . Dans ces circonstances et après qu'il eut pesé le pour et le contre pendant cinq
bonnes minutes , il pouvait arriver que Hume vînt sauter sur mon giron . Monsieur
Lee agitait ses casseroles et je feignais de croire qu'alors , en ces instants de béatitude ,
nous formions une sorte de Trinité . Monsieur Lee était le Père incontestable et je me
voyais en Fils ô combien imparfait , indigne en vérité . Hume pouvait-il être l'Esprit-
Saint ? . Était-ce possible ? . N'était-il pas sur notre navire , à l'exclusion de quelque
rat que par fainéantise , indifférence ou improbable magnanimité , il eût omis d'occire ,
le seul être non pensant si - par être pensant - on entend un être capable d'aligner trois
mots donnant du sens . Certes Hume était incapable d'une pareille performance mais
il était ici le Saint-Esprit , manifestant par sa présence , sa placide respiration , par son
souffle , que quelque chose d'incompréhensible tentait de se dévoiler . Ceci s'imposait
autant à moi que l'univers galactique du capitaine .
samedi 19 octobre 2019
TROIS MOUCHES 168 . ET , TOUJOURS , D'AUTRES RIVAGES
D'une tape , Berthe tua un taon , ayant attendu pour cela qu'il se pose , et se remit
en route pour rattraper deux autres jeunes filles , moins jolies , qui l'appelaient . Un
instant plus tard , d'une position avantageuse au-dessus de la rivière , je les vis franchir
le pont , cliquetant de leurs hauts talons élégants , les mains enfoncées dans les poches
de leurs jaquettes bleu marine et , à cause de trois mouches vermeilles et merveilleuses
qui bourdonnaient contre leurs chapeaux de paille , faisant de temps à autre , de leurs
têtes enrubannées et fleuries , des mouvements impatients .
En position avantageuse sur la route fleurie , Berthe voyait que les trois filles qu'elle
attendait franchissaient le pont par-dessus le bourdonnement de la rivière . Elle remit ses
mains dans les poches et enfonça sur sa tête son chapeau de paille . Un instant plus tard ,
un merveilleux taon bleu et deux mouches vermeilles moins jolies se posèrent sur son
élégante jaquette marine . Mais , à cause de leurs cliquètements , elle les tua d'une tape
impatiente . De temps à autre , les jeunes enrubannées l'appelaient pour la rattraper .
Elles faisaient mouvement sur leurs hauts talons .
J'appelai Berthe . Elle était sur la route qui franchit la rivière par un pont élégant où
trois mouches s'étaient posées . Elles bourdonnaient contre des fleurs dont les têtes
enrubannées s'émerveillaient de leurs mouvements impatients . J'enfonçai mes mains dans
les poches de mon bleu de marin et me remis à tuer le temps . Là-dessus , je rattrapai une
jeune fille en jaquette vermeille et chapeau de paille et , un instant plus tard , une autre
moins jolie qui cliquetait sur ses hauts talons . J'étais en position avantageuse mais , à cause
d'un taon , je ne vis pas qu'elles m'attendaient pour me taper !
en route pour rattraper deux autres jeunes filles , moins jolies , qui l'appelaient . Un
instant plus tard , d'une position avantageuse au-dessus de la rivière , je les vis franchir
le pont , cliquetant de leurs hauts talons élégants , les mains enfoncées dans les poches
de leurs jaquettes bleu marine et , à cause de trois mouches vermeilles et merveilleuses
qui bourdonnaient contre leurs chapeaux de paille , faisant de temps à autre , de leurs
têtes enrubannées et fleuries , des mouvements impatients .
En position avantageuse sur la route fleurie , Berthe voyait que les trois filles qu'elle
attendait franchissaient le pont par-dessus le bourdonnement de la rivière . Elle remit ses
mains dans les poches et enfonça sur sa tête son chapeau de paille . Un instant plus tard ,
un merveilleux taon bleu et deux mouches vermeilles moins jolies se posèrent sur son
élégante jaquette marine . Mais , à cause de leurs cliquètements , elle les tua d'une tape
impatiente . De temps à autre , les jeunes enrubannées l'appelaient pour la rattraper .
Elles faisaient mouvement sur leurs hauts talons .
J'appelai Berthe . Elle était sur la route qui franchit la rivière par un pont élégant où
trois mouches s'étaient posées . Elles bourdonnaient contre des fleurs dont les têtes
enrubannées s'émerveillaient de leurs mouvements impatients . J'enfonçai mes mains dans
les poches de mon bleu de marin et me remis à tuer le temps . Là-dessus , je rattrapai une
jeune fille en jaquette vermeille et chapeau de paille et , un instant plus tard , une autre
moins jolie qui cliquetait sur ses hauts talons . J'étais en position avantageuse mais , à cause
d'un taon , je ne vis pas qu'elles m'attendaient pour me taper !
vendredi 18 octobre 2019
DESMOND 115 . PLEINE LUNE
Le Président , Henry Kissinger et moi dans le Bureau Ovale .
- Le Président : "Qu'est-ce qu'on va foutre sur la lune , je vous le demande !?"
- HK et moi : "……..?…….."
- Le Président : "Ça coûte un pognon de dingue !" (Note : cette phrase interjective sera
reprise avec succès 46 ans plus tard , sous d'autres cieux et pour d'autres motifs) . "Tout
ça pour ramasser des cailloux ! … on a les mêmes sur notre bonne vieille terre"
- HK et moi . Kissinger allume un cigare : "…………"
- Le Président : "Et puis , vous comprenez , on va leur donner ça , puis ça … après la
lune , Mars , Saturne , Pluton ou quelque astéroïde !" . Il quitte son fauteuil et se met à
tourner à toute vitesse sur la marge du grand tapis elliptique , visage incliné vers ses
motifs , les mains dans les poches de son pantalon . Soudain , comme projeté par une
détente pyrotechnique , il s'écarte de sa trajectoire et s'abat sur la batterie des téléphones
alignés sur son bureau : "Maryline !"
- Voix microphonique de Maryline : "Yes , Mister President !"
- Le Président : "Montez dans mon bureau , ma cocotte … Bureau Ovale … je suis en
conférence avec Henry et Desmond"
- Maryline : "I'm coming right away , Mister President !"
- Le Président reprend sa trajectoire circulaire en bordure du grand tapis . Maryline entre .
Robe jaune moulante hyper-sexy et je dois dire que … euh … je … Le Président s'arrête
de marcher : "Maryline ! … placez-vous là , au milieu … sur le sceau" (c'est le sceau du
Président des États-Unis tissé au centre du tapis)
- Maryline s'exécute : "Là ?"
- Le Président : "Très bien , Maryline ! … vous êtes notre lune !"
- Maryline minaude : "Oh , Monsieur le Président !"
- Le Président nous jette à Kissinger et à moi un clin d'oeil carrément égrillard : "Vous
êtes notre pleine lune , Maryline ! … vous aviez prévu le coup ? … cette robe jaune si
… euh … si …"
- Maryline : "C'est l'une de mes préférées , Mister President"
- Le Président : "Euh … oui , nous aussi , c'est l'une de nos préférées"
- Maryline jubile : "Merci , Monsieur le Président"
- Le Président : "Henry , Desmond ! , levez-vous ! … suivez-moi sur cette orbite !"
- Nous obéissons , incrédules . Nous commençons à tourner sur les talons du Président
et Maryline tourne sur elle-même en suivant notre mouvement circulaire .
- Le Président : "Non , Maryline ! … ne bougez pas ! … nous allons explorer votre face
cachée"
- Maryline , faussement ingénue : "Oh , Monsieur le Président ! … ma face cachée !"
- Nous survolons maintenant Maryline de dos . Aucun de nous trois , je pense , ne
conteste qu'il n'y a rien de plus exaltant - c'est ce qu'ont dit Neil et Buzz au Président -
que ces douces collines lunaires .
- Le Président : "Henry , vous restez en orbite dans le module de commande … vous êtes
largement de nous trois le plus compétent … pendant que Desmond et moi nous entamons
la descente à bord du LEM … ok ?"
- Kissinger , à regret , continue d'orbiter sur le tapis elliptique . Le Président me pousse
par les épaules vers Maryline , en fait un tour de plus en plus proche jusque dans les bras
de sa face éclairée . "Voilà , Desmond ! … mais vous n'êtes pas le premier homme à
vous poser là !"
- Maryline , râvie : "Oh , Monsieur le Président !" . A moi : "C'est un joli jeu , Desmond ,
non !? … cher sucre d'orge !"
- Le Président , hilare : "Henry , arrêtez de tourner comme un imbécile !"
- Le Président : "Qu'est-ce qu'on va foutre sur la lune , je vous le demande !?"
- HK et moi : "……..?…….."
- Le Président : "Ça coûte un pognon de dingue !" (Note : cette phrase interjective sera
reprise avec succès 46 ans plus tard , sous d'autres cieux et pour d'autres motifs) . "Tout
ça pour ramasser des cailloux ! … on a les mêmes sur notre bonne vieille terre"
- HK et moi . Kissinger allume un cigare : "…………"
- Le Président : "Et puis , vous comprenez , on va leur donner ça , puis ça … après la
lune , Mars , Saturne , Pluton ou quelque astéroïde !" . Il quitte son fauteuil et se met à
tourner à toute vitesse sur la marge du grand tapis elliptique , visage incliné vers ses
motifs , les mains dans les poches de son pantalon . Soudain , comme projeté par une
détente pyrotechnique , il s'écarte de sa trajectoire et s'abat sur la batterie des téléphones
alignés sur son bureau : "Maryline !"
- Voix microphonique de Maryline : "Yes , Mister President !"
- Le Président : "Montez dans mon bureau , ma cocotte … Bureau Ovale … je suis en
conférence avec Henry et Desmond"
- Maryline : "I'm coming right away , Mister President !"
- Le Président reprend sa trajectoire circulaire en bordure du grand tapis . Maryline entre .
Robe jaune moulante hyper-sexy et je dois dire que … euh … je … Le Président s'arrête
de marcher : "Maryline ! … placez-vous là , au milieu … sur le sceau" (c'est le sceau du
Président des États-Unis tissé au centre du tapis)
- Maryline s'exécute : "Là ?"
- Le Président : "Très bien , Maryline ! … vous êtes notre lune !"
- Maryline minaude : "Oh , Monsieur le Président !"
- Le Président nous jette à Kissinger et à moi un clin d'oeil carrément égrillard : "Vous
êtes notre pleine lune , Maryline ! … vous aviez prévu le coup ? … cette robe jaune si
… euh … si …"
- Maryline : "C'est l'une de mes préférées , Mister President"
- Le Président : "Euh … oui , nous aussi , c'est l'une de nos préférées"
- Maryline jubile : "Merci , Monsieur le Président"
- Le Président : "Henry , Desmond ! , levez-vous ! … suivez-moi sur cette orbite !"
- Nous obéissons , incrédules . Nous commençons à tourner sur les talons du Président
et Maryline tourne sur elle-même en suivant notre mouvement circulaire .
- Le Président : "Non , Maryline ! … ne bougez pas ! … nous allons explorer votre face
cachée"
- Maryline , faussement ingénue : "Oh , Monsieur le Président ! … ma face cachée !"
- Nous survolons maintenant Maryline de dos . Aucun de nous trois , je pense , ne
conteste qu'il n'y a rien de plus exaltant - c'est ce qu'ont dit Neil et Buzz au Président -
que ces douces collines lunaires .
- Le Président : "Henry , vous restez en orbite dans le module de commande … vous êtes
largement de nous trois le plus compétent … pendant que Desmond et moi nous entamons
la descente à bord du LEM … ok ?"
- Kissinger , à regret , continue d'orbiter sur le tapis elliptique . Le Président me pousse
par les épaules vers Maryline , en fait un tour de plus en plus proche jusque dans les bras
de sa face éclairée . "Voilà , Desmond ! … mais vous n'êtes pas le premier homme à
vous poser là !"
- Maryline , râvie : "Oh , Monsieur le Président !" . A moi : "C'est un joli jeu , Desmond ,
non !? … cher sucre d'orge !"
- Le Président , hilare : "Henry , arrêtez de tourner comme un imbécile !"
jeudi 17 octobre 2019
ILLUMINATION À TARTU
Observatoire de Tartu . Le Professeur Kristjan Kapp a l'oeil vissé au télescope ,
un télescope optique de type Cassegrain (un dispositif réflecteur) de 1.50m , l'un des
plus performants d'Europe . Kapp , c'est la crème de l'astrophysique , un as , remar-
quable et - peut-on dire - implacable scientifique , géomètre dans l'âme . Bien malin
l'étudiant doctorant ou le collègue qui décèlerait dans cet esprit rigoureux jusqu'à la
sécheresse une once de fantaisie ou d'humour . Friedrich Georg Wilhem Von Struve
(1793-1864) est son maître , spécialiste (inventeur ?) des étoiles doubles , grand
mesureur de la constante d'aberration de la lumière et de la parallaxe de Vega ,
fondateur de l'Observatoire en 1802 , pour qui n'existe pas ce qu'on ne peut mesurer .
Aujourd'hui , 5 septembre 2009 , il s'agit d'étudier (comme le prévoit le programme
de recherche hyper-serré) le spectre de 44 Tau , une étoile dans la Constellation du
Taureau . C'est ce que le Professeur est censé faire ce matin à 8h12 heure locale ,
succédant dans le fauteuil d'observation à son collègue de la nuit , le Professeur
Markus Vaher , et ce pourquoi il est payé (assez misérablement) par son employeur :
l'Académie Estonienne des Sciences .
Or , pour quelle raison ? - Markus a-t-il modifié un paramètre et omis de le signaler
sur le cahier de suivi ? - la monture azimutale de l'instrument est instable et 44 Tau
impointable , de sorte que le Professeur Kapp s'est égaré dans la constellation . Soudain ,
à l'est de Beta Tau : quelque chose … A 8h15' et 25" , à la vitesse de la lumière (lumière
de la Révélation) , quelque chose électrise le cerveau du Professeur Kapp , inverse le
cours de son influx nerveux , affole ses milliers de connections synaptiques . Nabarun
Singh , étudiant indien et assistant occasionnel du Professeur sursaute : Kapp a décollé
son derrière du fauteuil d'observation , il visse et dévisse l'oculaire comme un forcené
à la recherche d'une invraisemblable mise au point , sa blouse blanche tourne autour
de son corps à une vitesse angulaire aberrante . Puis Kapp lâche tout , dégringole
l'escalier d'accès , bouscule Nabarun , lève les bras au ciel , fait trois fois le tour du
dôme en sautillant comme s'il s'était brûlé , bouche ouverte et gargouillante , poursuivi
par sa blouse blanche , se précipite dans le couloir carrelé où sa voix résonne du nom
de son maître à penser : "Von Struve , Von Struve ! …" . Il percute la femme de
ménage qui , serpillière au balai , récure le sol illustré par le pas pensif de tant de
savants et Kapp , échevelé , exorbité , bavant et glapissant , et courant bras levés ,
et mouillé de larmes : "Von Struve , Von Struve !" et le nom de Von Struve ricoche
sur les murs laqués , "Von Struve , Von Struve ! …"
L'étudiant Nabarun Singh est sorti du dôme . Au bout du couloir , glissant et dérapant
dans l'angle final , Kapp disparaît : "Von Struve , Von Struve ! … nous nous sommes
trompés : Dieu existe !"
un télescope optique de type Cassegrain (un dispositif réflecteur) de 1.50m , l'un des
plus performants d'Europe . Kapp , c'est la crème de l'astrophysique , un as , remar-
quable et - peut-on dire - implacable scientifique , géomètre dans l'âme . Bien malin
l'étudiant doctorant ou le collègue qui décèlerait dans cet esprit rigoureux jusqu'à la
sécheresse une once de fantaisie ou d'humour . Friedrich Georg Wilhem Von Struve
(1793-1864) est son maître , spécialiste (inventeur ?) des étoiles doubles , grand
mesureur de la constante d'aberration de la lumière et de la parallaxe de Vega ,
fondateur de l'Observatoire en 1802 , pour qui n'existe pas ce qu'on ne peut mesurer .
Aujourd'hui , 5 septembre 2009 , il s'agit d'étudier (comme le prévoit le programme
de recherche hyper-serré) le spectre de 44 Tau , une étoile dans la Constellation du
Taureau . C'est ce que le Professeur est censé faire ce matin à 8h12 heure locale ,
succédant dans le fauteuil d'observation à son collègue de la nuit , le Professeur
Markus Vaher , et ce pourquoi il est payé (assez misérablement) par son employeur :
l'Académie Estonienne des Sciences .
Or , pour quelle raison ? - Markus a-t-il modifié un paramètre et omis de le signaler
sur le cahier de suivi ? - la monture azimutale de l'instrument est instable et 44 Tau
impointable , de sorte que le Professeur Kapp s'est égaré dans la constellation . Soudain ,
à l'est de Beta Tau : quelque chose … A 8h15' et 25" , à la vitesse de la lumière (lumière
de la Révélation) , quelque chose électrise le cerveau du Professeur Kapp , inverse le
cours de son influx nerveux , affole ses milliers de connections synaptiques . Nabarun
Singh , étudiant indien et assistant occasionnel du Professeur sursaute : Kapp a décollé
son derrière du fauteuil d'observation , il visse et dévisse l'oculaire comme un forcené
à la recherche d'une invraisemblable mise au point , sa blouse blanche tourne autour
de son corps à une vitesse angulaire aberrante . Puis Kapp lâche tout , dégringole
l'escalier d'accès , bouscule Nabarun , lève les bras au ciel , fait trois fois le tour du
dôme en sautillant comme s'il s'était brûlé , bouche ouverte et gargouillante , poursuivi
par sa blouse blanche , se précipite dans le couloir carrelé où sa voix résonne du nom
de son maître à penser : "Von Struve , Von Struve ! …" . Il percute la femme de
ménage qui , serpillière au balai , récure le sol illustré par le pas pensif de tant de
savants et Kapp , échevelé , exorbité , bavant et glapissant , et courant bras levés ,
et mouillé de larmes : "Von Struve , Von Struve !" et le nom de Von Struve ricoche
sur les murs laqués , "Von Struve , Von Struve ! …"
L'étudiant Nabarun Singh est sorti du dôme . Au bout du couloir , glissant et dérapant
dans l'angle final , Kapp disparaît : "Von Struve , Von Struve ! … nous nous sommes
trompés : Dieu existe !"
mercredi 16 octobre 2019
ALGARADE
Mon père est un type sec . Sec et tendineux . Nerveux et du genre combatif ,
volontiers querelleur bien que jamais je ne l'aie vu en venir aux mains . Sauf cette
fois-là : nous nous promenions sur la digue de X , la station balnéaire pas loin de
chez nous . J'avais dans les 8 ans . Mon père nous avait acheté deux glaces en
cornet et il me tendait la mienne - pistache-framboise - quand , par inadvertance ,
il a bousculé un homme qui faisait la queue devant le glacier . Mon père n'a pas
eu le temps de s'excuser . L'autre - un malabar - l'a insulté et cet accrochage a vite
tourné à l'algarade . Il y a eu des mots puis le type a empoigné mon père par le col
de sa chemise et l'a poussé vers moi . Je me souviens que deux femmes se sont
interposées . Mon père a failli s'étaler de tout son long mais , grâce à sa souplesse ,
il s'est rattrapé , tenant nos deux glaces d'une main et , de l'autre , m'attrapant par
le bras . Nous sommes partis sous les injures de l'homme . Nous avons repris notre
promenade en silence , en léchant nos glaces . Des cyclistes nous dépassaient ou
nous croisaient et des enfants en skate-board tournaient autour de nous . Cinq
minutes plus tard , mon père a dit : "Crois-tu que j'aurais pu lui casser la figure ?" .
Un ferry s'apprêtait à entrer dans le port . Un autre en sortait . J'ai répondu : "Non ,
je ne crois pas" . C'est peut-être à ce moment-là que je suis devenu grand . Et c'est
peut-être à ce moment-là que mon père a perdu sa confiance en lui et peut-être à ce
moment-là qu'il a renoncé à briguer cette place de chef d'agence à la banque . Le soir ,
en allant me coucher , je passai devant la porte ouverte de la bibliothèque . Mon père
était assis au milieu de la pièce sur son fauteuil habituel , les jambes croisées , avec
un de ses poètes grecs dans les mains .
"Bonne nuit , papa" , j'ai dit . "Mmmm", a-t-il répondu sans lever les yeux .
volontiers querelleur bien que jamais je ne l'aie vu en venir aux mains . Sauf cette
fois-là : nous nous promenions sur la digue de X , la station balnéaire pas loin de
chez nous . J'avais dans les 8 ans . Mon père nous avait acheté deux glaces en
cornet et il me tendait la mienne - pistache-framboise - quand , par inadvertance ,
il a bousculé un homme qui faisait la queue devant le glacier . Mon père n'a pas
eu le temps de s'excuser . L'autre - un malabar - l'a insulté et cet accrochage a vite
tourné à l'algarade . Il y a eu des mots puis le type a empoigné mon père par le col
de sa chemise et l'a poussé vers moi . Je me souviens que deux femmes se sont
interposées . Mon père a failli s'étaler de tout son long mais , grâce à sa souplesse ,
il s'est rattrapé , tenant nos deux glaces d'une main et , de l'autre , m'attrapant par
le bras . Nous sommes partis sous les injures de l'homme . Nous avons repris notre
promenade en silence , en léchant nos glaces . Des cyclistes nous dépassaient ou
nous croisaient et des enfants en skate-board tournaient autour de nous . Cinq
minutes plus tard , mon père a dit : "Crois-tu que j'aurais pu lui casser la figure ?" .
Un ferry s'apprêtait à entrer dans le port . Un autre en sortait . J'ai répondu : "Non ,
je ne crois pas" . C'est peut-être à ce moment-là que je suis devenu grand . Et c'est
peut-être à ce moment-là que mon père a perdu sa confiance en lui et peut-être à ce
moment-là qu'il a renoncé à briguer cette place de chef d'agence à la banque . Le soir ,
en allant me coucher , je passai devant la porte ouverte de la bibliothèque . Mon père
était assis au milieu de la pièce sur son fauteuil habituel , les jambes croisées , avec
un de ses poètes grecs dans les mains .
"Bonne nuit , papa" , j'ai dit . "Mmmm", a-t-il répondu sans lever les yeux .
mardi 15 octobre 2019
KRANT 182 . A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
Des années auparavant , nous avions chargé du bois à Karosa . Oui , nos mâts de
charge avaient déjà oeuvré au-dessus de ses pontons instables .
- Moi : "Capitaine , ne sommes-nous pas venus ici … il y a des années !?"…
- Krant : "Il y a quatre ans … le 3 mars …"
- Moi : "Karosa a changé"
- Krant . Le fourneau de sa pipe décrivit dans l'étouffante atmosphère de ces parages
une courbe sinusoïdale qu'en bon connaisseur du capitaine je convertis sur le champ
en une forme interrogative car ces années de cohabitation forcée sur toutes les mers
du globe avaient fait de moi un exégète virtuose du personnage . J'étais capable , tel
le trapéziste volant saisit les mains de sa partenaire comme s'il n'y avait plus banale et
facile occupation que voltiger à cent pieds de haut sans filet , de traduire n'importe
quelle mimique de Krant en géométrie et de géométrie en grammaire . J'étais devenu
cette sorte de funambule . "Karosa ? … qu'est-ce qui a changé à Karosa ?"
- Moi : "… Capitaine … il me semble que Karosa a changé …"
- Krant : "Karosa n'a pas changé d'un pouce ! … chaque planche est à sa place …"
- Moi : "…….. pourtant … il me semble …"
- Krant : "Le Karosa d'aujourd'hui est le Karosa d'hier … au clou près !"
- Moi : "… mais … capitaine ! …"
- Krant : "Votre mémoire , chef !"
- Moi : "Ma mémoire ?"
- Krant : "Votre mémoire a travaillé … à votre insu … elle a ajouté … retranché …
inventé …"
- Moi : "…………."
- Krant : "Depuis ce 3 mars … il y a quatre ans … avez-vous songé à Karosa ?"
- Moi : "Non , capitaine ! … pourquoi aurais-je songé à ce petit port crasseux ?"
- Krant : "Si quelque chose a changé à Karosa , c'est la crasse … elle s'est accumulée …"
charge avaient déjà oeuvré au-dessus de ses pontons instables .
- Moi : "Capitaine , ne sommes-nous pas venus ici … il y a des années !?"…
- Krant : "Il y a quatre ans … le 3 mars …"
- Moi : "Karosa a changé"
- Krant . Le fourneau de sa pipe décrivit dans l'étouffante atmosphère de ces parages
une courbe sinusoïdale qu'en bon connaisseur du capitaine je convertis sur le champ
en une forme interrogative car ces années de cohabitation forcée sur toutes les mers
du globe avaient fait de moi un exégète virtuose du personnage . J'étais capable , tel
le trapéziste volant saisit les mains de sa partenaire comme s'il n'y avait plus banale et
facile occupation que voltiger à cent pieds de haut sans filet , de traduire n'importe
quelle mimique de Krant en géométrie et de géométrie en grammaire . J'étais devenu
cette sorte de funambule . "Karosa ? … qu'est-ce qui a changé à Karosa ?"
- Moi : "… Capitaine … il me semble que Karosa a changé …"
- Krant : "Karosa n'a pas changé d'un pouce ! … chaque planche est à sa place …"
- Moi : "…….. pourtant … il me semble …"
- Krant : "Le Karosa d'aujourd'hui est le Karosa d'hier … au clou près !"
- Moi : "… mais … capitaine ! …"
- Krant : "Votre mémoire , chef !"
- Moi : "Ma mémoire ?"
- Krant : "Votre mémoire a travaillé … à votre insu … elle a ajouté … retranché …
inventé …"
- Moi : "…………."
- Krant : "Depuis ce 3 mars … il y a quatre ans … avez-vous songé à Karosa ?"
- Moi : "Non , capitaine ! … pourquoi aurais-je songé à ce petit port crasseux ?"
- Krant : "Si quelque chose a changé à Karosa , c'est la crasse … elle s'est accumulée …"
lundi 14 octobre 2019
COTE 137 . 135 LE SPÉCIALISTE
Au beau milieu de l'office dominical (l'aumônier est parmi nous) , nous sommes
soumis à un bombardement inopiné . Nous en prenons plein la gueule . La terre gicle ,
l'autel de fortune est balayé , les parapets de la tranchée sont emportés . Le tir de
barrage cesse brusquement . Un silence relatif cerne les barbelés , menaçant . Plus loin ,
dans un zigzag , quelqu'un crie : "Mon Dieu , mon Dieu !"
- Martial : "L'abbé !"
- L'aumônier patauge dans la boue à la recherche de ses objets liturgiques .
- Martial : "S'il est aussi bon qu'on le dit , il ferait quelque chose"
- L'aumônier , commotionné , essuie son visage et ses lunettes maculées de glaise :
"Nom de … nom d'un chien , de qui parlez-vous ?"
- Martial : "De qui je parle ? … vous vous moquez , l'abbé !? … je parle de quelqu'un
de bon"
- L'aumônier : "…….?………"
- Martial s'est relevé . L'aumônier est à ses pieds , au fond de la tranchée , empêtré dans
ses vêtements sacerdotaux : "Depuis trois ans - l'aurez-vous remarqué ? - nous sommes
occupés à occire nos congénères … donc , ne cherchez pas ici quelque bienfaiteur"
- Le capitaine , vissé à ses jumelles car , après un tel pilonnage , on peut craindre une
attaque des boches depuis la Cote 137 , enregistre la conversation qui , en même temps ,
se débobine dans son dos :
"Laissez donc notre aumônier en paix , Martial !"
- Martial , tout en aidant l'aumônier à se relever et donnant de grandes tapes sur sa
chasuble pour la délester des paquets de boue : "Je parlais à l'abbé de Notre Sauveur
mais il semble qu'il ait oublié de qui il s'agit !"
- L'aumônier bredouille : "Mais … mais … notre sauveur ? … quel sauveur ?"
- Martial : "Vous voyez , mon capitaine , même le spécialiste en choses divines a
perdu la boule ! . Heureusement que nous - mécréants - sommes-là pour remercier
le Seigneur de ses bienfaits !"
soumis à un bombardement inopiné . Nous en prenons plein la gueule . La terre gicle ,
l'autel de fortune est balayé , les parapets de la tranchée sont emportés . Le tir de
barrage cesse brusquement . Un silence relatif cerne les barbelés , menaçant . Plus loin ,
dans un zigzag , quelqu'un crie : "Mon Dieu , mon Dieu !"
- Martial : "L'abbé !"
- L'aumônier patauge dans la boue à la recherche de ses objets liturgiques .
- Martial : "S'il est aussi bon qu'on le dit , il ferait quelque chose"
- L'aumônier , commotionné , essuie son visage et ses lunettes maculées de glaise :
"Nom de … nom d'un chien , de qui parlez-vous ?"
- Martial : "De qui je parle ? … vous vous moquez , l'abbé !? … je parle de quelqu'un
de bon"
- L'aumônier : "…….?………"
- Martial s'est relevé . L'aumônier est à ses pieds , au fond de la tranchée , empêtré dans
ses vêtements sacerdotaux : "Depuis trois ans - l'aurez-vous remarqué ? - nous sommes
occupés à occire nos congénères … donc , ne cherchez pas ici quelque bienfaiteur"
- Le capitaine , vissé à ses jumelles car , après un tel pilonnage , on peut craindre une
attaque des boches depuis la Cote 137 , enregistre la conversation qui , en même temps ,
se débobine dans son dos :
"Laissez donc notre aumônier en paix , Martial !"
- Martial , tout en aidant l'aumônier à se relever et donnant de grandes tapes sur sa
chasuble pour la délester des paquets de boue : "Je parlais à l'abbé de Notre Sauveur
mais il semble qu'il ait oublié de qui il s'agit !"
- L'aumônier bredouille : "Mais … mais … notre sauveur ? … quel sauveur ?"
- Martial : "Vous voyez , mon capitaine , même le spécialiste en choses divines a
perdu la boule ! . Heureusement que nous - mécréants - sommes-là pour remercier
le Seigneur de ses bienfaits !"
dimanche 13 octobre 2019
TROIS MOUCHES 167 . PAPILLONS SURNATURELS (le Don)
Au moment où trois mouches vermeilles et merveilleuses se mettaient à bourdonner
contre nos chapeaux de paille , à Berthe et à moi , un immense papillon , les ailes
déployées , d'un noir bleuâtre avec une bande blanche , décrivit un arc surnaturellement
doux , se posa sur la terre humide , referma ses ailes et sur ce , disparut . C'est le genre
de papillon qu'un jeune paysan essoufflé apporte de temps à autre , le fourrant à deux
mains dans sa casquette .
De temps à autre , Berthe m'apporte ma casquette fourrée et disparaît . Je referme mes
deux mains sur son chapeau comme les ailes surnaturelles d'un immense papillon , ce
genre de papillon que décrivent si merveilleusement les paysans au moment où il se pose
sur les jeunes pailles vermeilles et se met à bleuir , déployant en arc ses ailes et sa douce
et humide blancheur sur la terre noire où bourdonnent en bandes des mouches essoufflées .
Décrivons ces moments merveilleux où la terre déploie en arc la bande noire de ses
pailles qui bourdonne de jeunes papillons fourrant leurs ailes dans les blanches mains de
Berthe, ou disparaissant sous son chapeau de paysan . Doucement , je me mets à refermer
leurs ailes essoufflées et pose sur ma casquette ce gente de papillon surnaturel qu'apportent
de temps à autre d'immenses mouches bleuâtres .
contre nos chapeaux de paille , à Berthe et à moi , un immense papillon , les ailes
déployées , d'un noir bleuâtre avec une bande blanche , décrivit un arc surnaturellement
doux , se posa sur la terre humide , referma ses ailes et sur ce , disparut . C'est le genre
de papillon qu'un jeune paysan essoufflé apporte de temps à autre , le fourrant à deux
mains dans sa casquette .
De temps à autre , Berthe m'apporte ma casquette fourrée et disparaît . Je referme mes
deux mains sur son chapeau comme les ailes surnaturelles d'un immense papillon , ce
genre de papillon que décrivent si merveilleusement les paysans au moment où il se pose
sur les jeunes pailles vermeilles et se met à bleuir , déployant en arc ses ailes et sa douce
et humide blancheur sur la terre noire où bourdonnent en bandes des mouches essoufflées .
Décrivons ces moments merveilleux où la terre déploie en arc la bande noire de ses
pailles qui bourdonne de jeunes papillons fourrant leurs ailes dans les blanches mains de
Berthe, ou disparaissant sous son chapeau de paysan . Doucement , je me mets à refermer
leurs ailes essoufflées et pose sur ma casquette ce gente de papillon surnaturel qu'apportent
de temps à autre d'immenses mouches bleuâtres .
PARADIS 115 . LA CHUTE
- Ève : "I'paraît qu'tu veux fermer l'Paradis !"
Elle a pas l'air contente avec ses mains sur les hanches , poings fermés et ce vilain pli
au milieu de son joli front .
- Dieu : "Hein … quoi ?"
Dieu confectionne (crée) un nanotube de carbone . Autant dire qu'il est hyper-concentré .
- Ève , furieuse , l'apostrophe : "J'te dérange ?"
- Dieu , vissé à sa loupe oculaire et manipulant sa pince à épiler avec une précision nano-
métrique , ronchonne : "Un peu"
- Ève est indignée . Elle postillonne : "C'est vrai ? … tu vas fermer l'Paradis ?"
- Dieu : "Plus bas , Ève , je te prie !"
- Ève . Elle tape sur l'établi : "Oui ou non , tu vas l'fermer ?"
- Dieu , à sa créature en fureur : "Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? … qui t'a raconté
cette ânerie ?"
- Ève : "Adam"
- Dieu pousse un petit "oh !" soprane et plein d'ironie : "Et tu crois tout ce que te dit cet
énergumène !?"
- Ève avoue , pitoyable : "Ben oui"
- Dieu : "Je te rassure : je n'ai pas l'intention de fermer le Paradis" … puis il exhibe le nano-
tube au bout de sa pince à épiler . Le nanotube est évidemment invisible à l'oeil nu :
"Tu vois ce truc ?"
- Ève : "Oui … c't'une pince à épiler"
- Dieu : "Non , Ève … ce que je tiens entre les mors de la pince"
- Ève : "Y'a rien … je vois rien du tout !"
- Dieu : "Pourtant , il y a quelque chose : un nanotube naturel de carbone obtenu avec
de la suie"
- Ève s'approche et écarquille les yeux : "Je vois rien , mais alors , rien du tout !!"
- Dieu : "Pas étonnant … mais un jour , vous en fabriquerez … l'Homme ne peut pas
s'empêcher de singer mes créations !"
- Ève : "……..?………"
- Dieu pose délicatement sa pince sur l'établi , et libère son oeil de la loupe optique .
Il se tourne vers Ève , toujours assis , mains appuyées sur les cuisses , coudes écartés et
prend une profonde (et divine) inspiration . Ce qu'il va dire , il le rumine depuis le sixième
jour : "Non , le Paradis je ne le ferme pas … mais je vous fous à la porte , toi et ton
partenaire !"
Elle a pas l'air contente avec ses mains sur les hanches , poings fermés et ce vilain pli
au milieu de son joli front .
- Dieu : "Hein … quoi ?"
Dieu confectionne (crée) un nanotube de carbone . Autant dire qu'il est hyper-concentré .
- Ève , furieuse , l'apostrophe : "J'te dérange ?"
- Dieu , vissé à sa loupe oculaire et manipulant sa pince à épiler avec une précision nano-
métrique , ronchonne : "Un peu"
- Ève est indignée . Elle postillonne : "C'est vrai ? … tu vas fermer l'Paradis ?"
- Dieu : "Plus bas , Ève , je te prie !"
- Ève . Elle tape sur l'établi : "Oui ou non , tu vas l'fermer ?"
- Dieu , à sa créature en fureur : "Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? … qui t'a raconté
cette ânerie ?"
- Ève : "Adam"
- Dieu pousse un petit "oh !" soprane et plein d'ironie : "Et tu crois tout ce que te dit cet
énergumène !?"
- Ève avoue , pitoyable : "Ben oui"
- Dieu : "Je te rassure : je n'ai pas l'intention de fermer le Paradis" … puis il exhibe le nano-
tube au bout de sa pince à épiler . Le nanotube est évidemment invisible à l'oeil nu :
"Tu vois ce truc ?"
- Ève : "Oui … c't'une pince à épiler"
- Dieu : "Non , Ève … ce que je tiens entre les mors de la pince"
- Ève : "Y'a rien … je vois rien du tout !"
- Dieu : "Pourtant , il y a quelque chose : un nanotube naturel de carbone obtenu avec
de la suie"
- Ève s'approche et écarquille les yeux : "Je vois rien , mais alors , rien du tout !!"
- Dieu : "Pas étonnant … mais un jour , vous en fabriquerez … l'Homme ne peut pas
s'empêcher de singer mes créations !"
- Ève : "……..?………"
- Dieu pose délicatement sa pince sur l'établi , et libère son oeil de la loupe optique .
Il se tourne vers Ève , toujours assis , mains appuyées sur les cuisses , coudes écartés et
prend une profonde (et divine) inspiration . Ce qu'il va dire , il le rumine depuis le sixième
jour : "Non , le Paradis je ne le ferme pas … mais je vous fous à la porte , toi et ton
partenaire !"
vendredi 11 octobre 2019
L'AUTOMNE 2
Chamarré d'ors
Et de couleurs éclatantes ,
Il passe , séduisant , sur vos imperméables .
Et vous ,
Ensorcelées ,
Vous vous laissez prendre
Par ses sortilèges !
Oui ,
La coupe est pleine
Car nous , hommes pourtant pleins d'attraits ,
Ne faisons pas le poids ...
Et de couleurs éclatantes ,
Il passe , séduisant , sur vos imperméables .
Et vous ,
Ensorcelées ,
Vous vous laissez prendre
Par ses sortilèges !
Oui ,
La coupe est pleine
Car nous , hommes pourtant pleins d'attraits ,
Ne faisons pas le poids ...
PARABOLE CHINOISE
La sagesse a la forme d'une tour d'ivoire
où le peuple enferme les sages .
Il (le peuple) monte ses étals
contre les murailles (celles de la tour)
et vend à la criée son poisson , ses épices
et ses voyages dégriffés .
Il (le peuple) se garde d'entrer dans la tour .
C'est en cela que le peuple est sage .
où le peuple enferme les sages .
Il (le peuple) monte ses étals
contre les murailles (celles de la tour)
et vend à la criée son poisson , ses épices
et ses voyages dégriffés .
Il (le peuple) se garde d'entrer dans la tour .
C'est en cela que le peuple est sage .
jeudi 10 octobre 2019
AU CAFÉ DES SPORTS
Nous étions attablés au café des sports , mon père et moi . J'avais 14 ans . Sa chope
de bière était aux trois-quarts vide et je sifflais par une paille le reste de mon lait-grena-
dine . Entre lui et moi , sur la table , il y avait son porte-monnaie et la clé de la voiture .
Nous n'avions rien à nous dire . Je décryptais (je le faisais chaque fois que nous
venions ici) , plein d'ennui , l'enseigne inversée du café , peinte en arc de cercle sur la
vitrine où se découpait l'ombre de mon père et derrière laquelle , comme dans un théâtre
de mime , les passants dans leur rôle muet déambulaient . De temps à autre , lente et inso-
nore , une automobile traversait la scène . Mon père suivait d'un air attentif mêlé de dédain
les allées et venues et les conversations braillardes autour du comptoir , derrière moi .
Quand Zulma , une jeune fille du quartier , déesse locale , entra . Sa robe rouge frôla
notre table et je surpris le regard évaluateur de mon père et son imperceptible rictus
quand les hanches de Zulma s'éloignèrent vers le fond de la salle . Sans crier gare , ses
pupilles s'étrécirent et vrillèrent le milieu de mon front : "Qu'est-ce que c'est que ce 2 !?" .
Ma bouche s'assécha . J e pensais que cette note de chimie déplorable , il ne l'avait pas
vue en signant mon bulletin . Je bafouillai . Il me coupa : "Que ça ne se reproduise pas !" .
Je baissai les yeux … "Sinon …" . Le brouhaha du café se mua en un bourdonnement
d'insectes menaçant . Le regard de mon père se perdit dans le fond du café sur un certain
point rouge . "Que ça ne se reproduise pas !" , répéta-t-il et il poussa vers moi son porte-
monnaie : "Va payer !"
de bière était aux trois-quarts vide et je sifflais par une paille le reste de mon lait-grena-
dine . Entre lui et moi , sur la table , il y avait son porte-monnaie et la clé de la voiture .
Nous n'avions rien à nous dire . Je décryptais (je le faisais chaque fois que nous
venions ici) , plein d'ennui , l'enseigne inversée du café , peinte en arc de cercle sur la
vitrine où se découpait l'ombre de mon père et derrière laquelle , comme dans un théâtre
de mime , les passants dans leur rôle muet déambulaient . De temps à autre , lente et inso-
nore , une automobile traversait la scène . Mon père suivait d'un air attentif mêlé de dédain
les allées et venues et les conversations braillardes autour du comptoir , derrière moi .
Quand Zulma , une jeune fille du quartier , déesse locale , entra . Sa robe rouge frôla
notre table et je surpris le regard évaluateur de mon père et son imperceptible rictus
quand les hanches de Zulma s'éloignèrent vers le fond de la salle . Sans crier gare , ses
pupilles s'étrécirent et vrillèrent le milieu de mon front : "Qu'est-ce que c'est que ce 2 !?" .
Ma bouche s'assécha . J e pensais que cette note de chimie déplorable , il ne l'avait pas
vue en signant mon bulletin . Je bafouillai . Il me coupa : "Que ça ne se reproduise pas !" .
Je baissai les yeux … "Sinon …" . Le brouhaha du café se mua en un bourdonnement
d'insectes menaçant . Le regard de mon père se perdit dans le fond du café sur un certain
point rouge . "Que ça ne se reproduise pas !" , répéta-t-il et il poussa vers moi son porte-
monnaie : "Va payer !"
mercredi 9 octobre 2019
L'ABBÉ TONIÈRES 20 . CIRCONCISION ET SUBJONCTIF IMPARFAIT
Rome . Au bar du Grand Melià , hôtel 5 étoiles à deux pas du Vatican .
L'abbé Tonières est juché sur un haut tabouret , accoudé au zinc du comptoir devant
un whisky Dalmore 1995 (35€ le verre) . Jeanne-Marie est pareillement perchée .
Elle suçote par la paille un lait-grenadine .
- L'abbé : "Vous avez un petit ami , Jeanne-Marie ?"
- J-M : "J'en ai eu un , mon Père … Samuel …"
- L'abbé : "Un juif !?"
- J-M : "Oh , je ne sais pas"
- L'abbé : "Enfin , Jeanne-Marie ! … vous êtes gourde ! … est-ce qu'il était circoncis ?"
- J-M lâche sa paille et met sa main en cornet autour de son oreille . Le juke-box - l'abbé
a mis une pièce - tonitrue "Hate it or love it" du duo américain The Game 50 cent :
"S'il était ciron … cir … circonflexe ?" (Circoncis ne figure pas dans le glossaire de
Jeanne-Marie) .
- L'abbé : "Circoncis , Jeanne-Marie … est-ce qu'on lui a coupé le zizi ?"
- J-M , révulsée : "Oh , quelle horreur ! … lui couper le zizi !?"
- L'abbé . Il hurle (le juke-box) : "Jeanne-Marie ! … pas le zizi ! … le prépuce"
- J-M : "Le ?"
- L'abbé : "Ne faites pas l'idiote ! … ce petit repli de peau autour du gland …
au bout du zizi … vous comprenez ou je fais un dessin ? (tout en gueulant à cause de
The Game 50 cent)
- J-M . Elle se met à pigner : "Mais je n'en sais rien ! … je n'ai jamais vu le zizi de Samuel !"
- L'abbé : "Vous avez eu un enfant avec lui ?"
- J-M : "Non ! … non , mon Père ! … nous n'étions pas mariés … c'était juste un copain"
- L'abbé : "Ça n'empêche … vous n'avez pas avorté , au moins ?"
- J-M : "Oh , mon Père !"
- L'abbé : "Parce que ça , c'est pas bien" , dit-il en agitant un index réprobateur .
- J-M : "J'aimerais tant avoir des enfants !"
- L'abbé : "Pourquoi vous n'en avez pas fait un avec votre Samuel ?"
- J-M : "……………"
- L'abbé : "Encore eut-il fallu qu'il vous sautât"
- J-M : "……………"
- L'abbé : "Vous avez remarqué ? … un subjonctif imparfait … avec un accent circoncis
sur le A"
L'abbé Tonières est juché sur un haut tabouret , accoudé au zinc du comptoir devant
un whisky Dalmore 1995 (35€ le verre) . Jeanne-Marie est pareillement perchée .
Elle suçote par la paille un lait-grenadine .
- L'abbé : "Vous avez un petit ami , Jeanne-Marie ?"
- J-M : "J'en ai eu un , mon Père … Samuel …"
- L'abbé : "Un juif !?"
- J-M : "Oh , je ne sais pas"
- L'abbé : "Enfin , Jeanne-Marie ! … vous êtes gourde ! … est-ce qu'il était circoncis ?"
- J-M lâche sa paille et met sa main en cornet autour de son oreille . Le juke-box - l'abbé
a mis une pièce - tonitrue "Hate it or love it" du duo américain The Game 50 cent :
"S'il était ciron … cir … circonflexe ?" (Circoncis ne figure pas dans le glossaire de
Jeanne-Marie) .
- L'abbé : "Circoncis , Jeanne-Marie … est-ce qu'on lui a coupé le zizi ?"
- J-M , révulsée : "Oh , quelle horreur ! … lui couper le zizi !?"
- L'abbé . Il hurle (le juke-box) : "Jeanne-Marie ! … pas le zizi ! … le prépuce"
- J-M : "Le ?"
- L'abbé : "Ne faites pas l'idiote ! … ce petit repli de peau autour du gland …
au bout du zizi … vous comprenez ou je fais un dessin ? (tout en gueulant à cause de
The Game 50 cent)
- J-M . Elle se met à pigner : "Mais je n'en sais rien ! … je n'ai jamais vu le zizi de Samuel !"
- L'abbé : "Vous avez eu un enfant avec lui ?"
- J-M : "Non ! … non , mon Père ! … nous n'étions pas mariés … c'était juste un copain"
- L'abbé : "Ça n'empêche … vous n'avez pas avorté , au moins ?"
- J-M : "Oh , mon Père !"
- L'abbé : "Parce que ça , c'est pas bien" , dit-il en agitant un index réprobateur .
- J-M : "J'aimerais tant avoir des enfants !"
- L'abbé : "Pourquoi vous n'en avez pas fait un avec votre Samuel ?"
- J-M : "……………"
- L'abbé : "Encore eut-il fallu qu'il vous sautât"
- J-M : "……………"
- L'abbé : "Vous avez remarqué ? … un subjonctif imparfait … avec un accent circoncis
sur le A"
mardi 8 octobre 2019
KRANT 181 . PAROLES VÉGÉTALES
- "Ah , ah , ah !!"
Je reconnus le rire du timonier . Il montait à bord par l'échelle de coupée .
- "Ah , ah , ah !! … j'ai vu un fou … un sauvage …" . Montrant du doigt l'orée de
la forêt : "Là-bas … me croiras-tu … ce type parlait à un arbre ! … ah , ah , ah !! …"
- Moi : "A un arbre !? … es-tu sûr ?"
- Le timonier : "Par les clous du Christ , chef ! … il lui parlait comme je te parle …
ah , ah , ah ! … et il semblait que l'arbre lui répondait …"
- "Hi , hi , hi …" . La tête de Monsieur Lee apparut par le hublot de la cuisine :
"Cet homme et cet arbre se parlaient"
- Le timonier : "Vous moquez-vous , Lee ?"
- Monsieur Lee se tourna vers moi : "Chef … n'avez-vous pas un potager à
Koenigsberg ?"
- Moi : "Oui , Monsieur Lee ! … un paradis … ah , Monsieur Lee … mon potager !"
- Monsieur Lee : "Vous parlez , je suppose , à vos poireaux"
- Moi : "A mes poireaux ? … oui , bien entendu que je leur parle … jusque dans
mon assiette !"
- Le timonier : "……..??………"
- Monsieur Lee : "Messieurs , je vous quitte … les beignets m'appellent" . Parvint
sur le pont une merveilleuse odeur de friture .
- Le timonier , interloqué : "Tu parles à tes poireaux ?"
- Moi : "… oui … j'avais oublié … je parle un poireau presque courant …
et le bouleau , assez bien …"
Je reconnus le rire du timonier . Il montait à bord par l'échelle de coupée .
- "Ah , ah , ah !! … j'ai vu un fou … un sauvage …" . Montrant du doigt l'orée de
la forêt : "Là-bas … me croiras-tu … ce type parlait à un arbre ! … ah , ah , ah !! …"
- Moi : "A un arbre !? … es-tu sûr ?"
- Le timonier : "Par les clous du Christ , chef ! … il lui parlait comme je te parle …
ah , ah , ah ! … et il semblait que l'arbre lui répondait …"
- "Hi , hi , hi …" . La tête de Monsieur Lee apparut par le hublot de la cuisine :
"Cet homme et cet arbre se parlaient"
- Le timonier : "Vous moquez-vous , Lee ?"
- Monsieur Lee se tourna vers moi : "Chef … n'avez-vous pas un potager à
Koenigsberg ?"
- Moi : "Oui , Monsieur Lee ! … un paradis … ah , Monsieur Lee … mon potager !"
- Monsieur Lee : "Vous parlez , je suppose , à vos poireaux"
- Moi : "A mes poireaux ? … oui , bien entendu que je leur parle … jusque dans
mon assiette !"
- Le timonier : "……..??………"
- Monsieur Lee : "Messieurs , je vous quitte … les beignets m'appellent" . Parvint
sur le pont une merveilleuse odeur de friture .
- Le timonier , interloqué : "Tu parles à tes poireaux ?"
- Moi : "… oui … j'avais oublié … je parle un poireau presque courant …
et le bouleau , assez bien …"
lundi 7 octobre 2019
DESMOND 114 . LES ROCHES LUNAIRES
Causette dans la Blue Room , au 1er étage de la Maison Blanche . Le Président
est assis dans une bergère (bois doré , époque empire) , Henry Kissinger alors simple
et épisodique conseiller et moi dans deux fauteuils assortis . Le Président (Henry et
moi n'avons pas assisté au déjeuner) vient de recevoir Neil Armstrong , Buzz Aldrin
et Michael Collins , un mois après leur retour sur terre . Le Président me semble
irritated :
- "Ce Buzz m'a saoulé ! … he's a right chatter box ! (c'est une vraie pipelette !) …
il n'a pas arrêté de parler et je n'ai pas compris grand chose à ses expériences scienti-
fiques … il m'a parlé d'un sismomètre … n'est-ce pas fait pour enregistrer les tremble-
ments de terre ?"
- Kissinger : "Yes , Mister President : c'est un instrument de mesure qui permet de
capter les mouvements du sol"
- Le Président : "C'est bien ce que je dis , Henry … les tremblements de terre , enfin ,
dans le cas présent , les tremblements de lune … il y a des tremblements de terre sur
la lune ?"
- Kissinger , doctoral , joint ses dix doigts en faisceau devant son menton : "Il existe
quatre types de séismes lunaires : les séismes profonds , les secousses dues aux impacts
météoritiques et …"
- Le Président : "Ok , Henry … ok … Buzz m'a raconté tout ça … le déflecteur laser ,
etc …"
- Kissinger . Il corrige : "Le réflecteur laser … il s'agit , Monsieur le Président , d'un
dispositif optique catadioptrique qui …"
- Le Président : "Dites , Henry … vous n'allez pas me servir ce galimatias en guise
de digestif !"
- Kissinger : "…………."
- Le Président : "Et zut ! … j'ai oublié de demander si au moins ils ont pensé à
ramasser des cailloux !"
- Kissinger : "Des roches lunaires ? … oui , bien entendu ! … il s'agit de basaltes à
olivine : anorthosite ferreuse , dunite , troctolite , roches alcalines et …"
- Le Président : "Shut up , Henry ! …"
- Kissinger : "…………."
- Le Président : "Et vous , Desmond , qu'est-ce que vous avez à raconter sur la lune ?"
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … je ne connais rien à la lune"
- L e Président se tape sur les cuisses en se levant : "Thank God ! … vous êtes un
chic type (nice guy) , Desmond !"
est assis dans une bergère (bois doré , époque empire) , Henry Kissinger alors simple
et épisodique conseiller et moi dans deux fauteuils assortis . Le Président (Henry et
moi n'avons pas assisté au déjeuner) vient de recevoir Neil Armstrong , Buzz Aldrin
et Michael Collins , un mois après leur retour sur terre . Le Président me semble
irritated :
- "Ce Buzz m'a saoulé ! … he's a right chatter box ! (c'est une vraie pipelette !) …
il n'a pas arrêté de parler et je n'ai pas compris grand chose à ses expériences scienti-
fiques … il m'a parlé d'un sismomètre … n'est-ce pas fait pour enregistrer les tremble-
ments de terre ?"
- Kissinger : "Yes , Mister President : c'est un instrument de mesure qui permet de
capter les mouvements du sol"
- Le Président : "C'est bien ce que je dis , Henry … les tremblements de terre , enfin ,
dans le cas présent , les tremblements de lune … il y a des tremblements de terre sur
la lune ?"
- Kissinger , doctoral , joint ses dix doigts en faisceau devant son menton : "Il existe
quatre types de séismes lunaires : les séismes profonds , les secousses dues aux impacts
météoritiques et …"
- Le Président : "Ok , Henry … ok … Buzz m'a raconté tout ça … le déflecteur laser ,
etc …"
- Kissinger . Il corrige : "Le réflecteur laser … il s'agit , Monsieur le Président , d'un
dispositif optique catadioptrique qui …"
- Le Président : "Dites , Henry … vous n'allez pas me servir ce galimatias en guise
de digestif !"
- Kissinger : "…………."
- Le Président : "Et zut ! … j'ai oublié de demander si au moins ils ont pensé à
ramasser des cailloux !"
- Kissinger : "Des roches lunaires ? … oui , bien entendu ! … il s'agit de basaltes à
olivine : anorthosite ferreuse , dunite , troctolite , roches alcalines et …"
- Le Président : "Shut up , Henry ! …"
- Kissinger : "…………."
- Le Président : "Et vous , Desmond , qu'est-ce que vous avez à raconter sur la lune ?"
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … je ne connais rien à la lune"
- L e Président se tape sur les cuisses en se levant : "Thank God ! … vous êtes un
chic type (nice guy) , Desmond !"
dimanche 6 octobre 2019
TROIS MOUCHES 166 . LE GRAND SYLVAIN D'AUTRES RIVAGES
Je me souviens de la façon dont Berthe avait fait irruption dans ma chambre tel
après-midi d'été alors que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre son chapeau de paille . Elle s'était emparée de mon filet à papillons , avait
dévalé à toute vitesse les marches de la véranda , puis elle était aussitôt revenue
d'un pas nonchalant , tenant entre le pouce et l'index la rare et magnifique femelle
d'un Grand Sylvain qu'elle avait vue paresser sur une feuille de tremble depuis le
balcon de son bureau .
Le grand Sylvain fit irruption dans la chambre de Berthe . L'après-midi , il avait
paressé sur le balcon de la véranda . Il tenait entre le pouce et l'index son chapeau
de paille . En tremblant comme une feuille , je dévalai les marches de mon bureau
tandis qu'elle , merveilleuse femelle , s'emparait d'un pas nonchalant de mon filet à
papillons . Aussitôt je me souvins des bourdonnements magnifiques de l'été vermeil
et de la façon dont trois mouches rares , à toute vitesse , revenaient me voir .
Les feuilles du tremble bourdonnaient contre le balcon de mon bureau à la façon
des pailles d'un chapeau . C'était l'été . Je m'emparai de mon filet à papillons et
dévalai à toute vitesse les trois marches de la véranda où une magnifique femelle de
Grand Sylvain avait fait irruption . Aussitôt qu'elle me vit , je me souviens que Berthe
qui paressait dans sa chambre cet après-midi là revint d'un pas nonchalant en tenant
une rare mouche vermeille entre le pouce et l'index .
après-midi d'été alors que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre son chapeau de paille . Elle s'était emparée de mon filet à papillons , avait
dévalé à toute vitesse les marches de la véranda , puis elle était aussitôt revenue
d'un pas nonchalant , tenant entre le pouce et l'index la rare et magnifique femelle
d'un Grand Sylvain qu'elle avait vue paresser sur une feuille de tremble depuis le
balcon de son bureau .
Le grand Sylvain fit irruption dans la chambre de Berthe . L'après-midi , il avait
paressé sur le balcon de la véranda . Il tenait entre le pouce et l'index son chapeau
de paille . En tremblant comme une feuille , je dévalai les marches de mon bureau
tandis qu'elle , merveilleuse femelle , s'emparait d'un pas nonchalant de mon filet à
papillons . Aussitôt je me souvins des bourdonnements magnifiques de l'été vermeil
et de la façon dont trois mouches rares , à toute vitesse , revenaient me voir .
Les feuilles du tremble bourdonnaient contre le balcon de mon bureau à la façon
des pailles d'un chapeau . C'était l'été . Je m'emparai de mon filet à papillons et
dévalai à toute vitesse les trois marches de la véranda où une magnifique femelle de
Grand Sylvain avait fait irruption . Aussitôt qu'elle me vit , je me souviens que Berthe
qui paressait dans sa chambre cet après-midi là revint d'un pas nonchalant en tenant
une rare mouche vermeille entre le pouce et l'index .
samedi 5 octobre 2019
AUDIENCE PONTIFICALE 5
- Moi : "Très Saint-Père"
- JP II : "Mmmmh ?"
- Moi : "Très Saint-Père , j'ai fait pas mal de kilomètres pour …"
- JP II me tapote l'avant-bras . Je suis agenouillé devant lui . J'ai posé ma main
(je me suis permis de) sur l'accotoir doré de son trône .
- Moi . Je réitère : "Très Saint-Père "
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Je viens de loin" . Je hausse le ton : "De France … j'ai pris le train à 7h42
en gare de Lille … Lille-Europe … à 7h42 … et …"
- JP II me tapote l'avant-bras . Cherche-t-il à tâtons son accotoir doré ?"
- Moi : "Une correspondance ratée à Paris … Gare de Lyon"
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Il y avait grève à la RATP"
- JP II lève une main fataliste .
- Moi : "J'ai eu un mal de chien à parvenir jusqu'à vous … les Gardes Suisses"
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Je voulais vous demander : qu'est-ce que …"
- JP II me bénit .
- Fin de l'audience .
- JP II : "Mmmmh ?"
- Moi : "Très Saint-Père , j'ai fait pas mal de kilomètres pour …"
- JP II me tapote l'avant-bras . Je suis agenouillé devant lui . J'ai posé ma main
(je me suis permis de) sur l'accotoir doré de son trône .
- Moi . Je réitère : "Très Saint-Père "
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Je viens de loin" . Je hausse le ton : "De France … j'ai pris le train à 7h42
en gare de Lille … Lille-Europe … à 7h42 … et …"
- JP II me tapote l'avant-bras . Cherche-t-il à tâtons son accotoir doré ?"
- Moi : "Une correspondance ratée à Paris … Gare de Lyon"
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Il y avait grève à la RATP"
- JP II lève une main fataliste .
- Moi : "J'ai eu un mal de chien à parvenir jusqu'à vous … les Gardes Suisses"
- JP II : "Mmmmh"
- Moi : "Je voulais vous demander : qu'est-ce que …"
- JP II me bénit .
- Fin de l'audience .
vendredi 4 octobre 2019
PARADIS 114 . EXOPLANÈTE
- Dieu : "Allo ?"
- L'interlocuteur : "Hello"
- Dieu : "La Nasa ?"
- L'interlocuteur . Fort accent texan : "Yeah"
- Dieu : "Dieu à l'appareil"
- L'interlocuteur : "Yeah … j'vous écoute"
- Dieu : "C'est à propos des exoplanètes"
- L'interlocuteur : "Yeah"
- Dieu : "J'ai vot' catalogue … euh , votre catalogue sous les yeux … la Koi-1686.01 …
c'est pour mon fils"
- L'interlocuteur : "Vot' fils ?"
- Dieu : "Je cherche à l'envoyer quelque part"
- L'interlocuteur : "Sur Koi-1686.01 ?"
- Dieu : "Pourquoi pas … c'est habitable ?"
- L'interlocuteur . Il mâchouille un chewing-gum : "Ouais … faut voir … mais c'est pas
tout près : 1034 années-lumière"
- Dieu : "C'est pas un problème : je suis partout"
- L'interlocuteur : "Quès qui fait dans la vie , vot' fils ?"
- Dieu : "Sauveur d'humanité"
- L'interlocuteur : "…?… mon vieux , y'a personne - nobody - su c'tas d'cailloux !"
- Dieu : "Ça , je peux m'en occuper … quelle t° ?"
- L'interlocuteur : "23°"
- Dieu : "Sensass ! … j'y mettrai des herbes portant semence , des arbres fruitiers …
j'ai déjà fait ça"
- L'interlocuteur : "Koi-1686.01 , c't'un peu riche en méthane ! … z'êtes optimiste !"
- Dieu : "Yeah ! … je veux dire : oui … indécrottablement optimiste"
- L'interlocuteur : "Quès qui va sauver , vot' fils ? … des pommiers ?"
- Dieu : "J'y mettrai aussi … (il hésite) … un homme et une femme … pour commencer"
- L'interlocuteur : "C't'une bonne idée ?"
- Dieu , son enthousiasme franchement douché : "Euh … pas sûr …"
- L'interlocuteur : "Hello"
- Dieu : "La Nasa ?"
- L'interlocuteur . Fort accent texan : "Yeah"
- Dieu : "Dieu à l'appareil"
- L'interlocuteur : "Yeah … j'vous écoute"
- Dieu : "C'est à propos des exoplanètes"
- L'interlocuteur : "Yeah"
- Dieu : "J'ai vot' catalogue … euh , votre catalogue sous les yeux … la Koi-1686.01 …
c'est pour mon fils"
- L'interlocuteur : "Vot' fils ?"
- Dieu : "Je cherche à l'envoyer quelque part"
- L'interlocuteur : "Sur Koi-1686.01 ?"
- Dieu : "Pourquoi pas … c'est habitable ?"
- L'interlocuteur . Il mâchouille un chewing-gum : "Ouais … faut voir … mais c'est pas
tout près : 1034 années-lumière"
- Dieu : "C'est pas un problème : je suis partout"
- L'interlocuteur : "Quès qui fait dans la vie , vot' fils ?"
- Dieu : "Sauveur d'humanité"
- L'interlocuteur : "…?… mon vieux , y'a personne - nobody - su c'tas d'cailloux !"
- Dieu : "Ça , je peux m'en occuper … quelle t° ?"
- L'interlocuteur : "23°"
- Dieu : "Sensass ! … j'y mettrai des herbes portant semence , des arbres fruitiers …
j'ai déjà fait ça"
- L'interlocuteur : "Koi-1686.01 , c't'un peu riche en méthane ! … z'êtes optimiste !"
- Dieu : "Yeah ! … je veux dire : oui … indécrottablement optimiste"
- L'interlocuteur : "Quès qui va sauver , vot' fils ? … des pommiers ?"
- Dieu : "J'y mettrai aussi … (il hésite) … un homme et une femme … pour commencer"
- L'interlocuteur : "C't'une bonne idée ?"
- Dieu , son enthousiasme franchement douché : "Euh … pas sûr …"
jeudi 3 octobre 2019
L'AUTOMNE 1
L'automne ,
Découpé en petits morceaux
Crissants ,
Tombe de nos arbres .
Endormi ,
Penché sur le rebord des branches ,
Vous regardant cependant ,
Ô femmes ,
A travers ses paupières .
Il attend ,
Il claque des dents
Et entrevoit le coup de vent fatal .
Découpé en petits morceaux
Crissants ,
Tombe de nos arbres .
Endormi ,
Penché sur le rebord des branches ,
Vous regardant cependant ,
Ô femmes ,
A travers ses paupières .
Il attend ,
Il claque des dents
Et entrevoit le coup de vent fatal .
mercredi 2 octobre 2019
COTE 137 . 134 . LABAT
Combien de gars avons-nous croisés , étoiles filantes , sitôt apparus , sitôt
disparus , innocents et confiants . Ce bleuet fort en gueule - Labat était son nom ,
apprenti-charcutier à Saint-Brieux - affecté à notre compagnie depuis trois jours à peine ,
fut touché à mort par un frelon , malheur hélas fréquent avec les jeunes recrues inatten-
tives à qui on était fatigué de répéter : "Nom de Dieu , baissez la tête !" . Martial et moi
avions plaisanté avec lui cinq minutes plus tôt et maintenant nous nous activions autour
de Labat effondré sur le caillebotis au fond de la tranchée avec l'espoir idiot de le faire
revenir à la vie . Martial lui avait ôté son casque , il lui tapotait les joues , il s'égosillait :
"Labat , crénom , qu'est-ce que tu nous fais !?" . Puis , comprenant qu'il n'y avait rien à
faire , que Labat nous avait quitté pour de bon , nous abandonnant sa dépouille , nous
l'avons poussé le long du parados . Il avait un petit trou à la tempe , chef-d'oeuvre d'un
tireur d'élite - Josef ou Werner ? - triomphant sur la Cote 137 , rigolard , fier de lui ,
congratulé par ses camarades et encochant sur la crosse de son Mauser la soustraction
du monde de Labat , apprenti-charcutier à Saint-Brieux et qui , jamais plus , n'enfilerait
une andouille dans une baudruche de boeuf … Martial lui a fermé les yeux , resserré sa
capote comme pour le protéger du froid , posé brièvement sa main sur sa poitrine en sorte
d'adieu et d'absurde encouragement . Puis , dans un silence accablé , nous nous sommes
assis , le dos appuyé contre le parapet , Labat à nos pieds . Nous n'en voulions même pas
à Josef ; c'aurait été aussi inepte d'en vouloir au destin . Par le téléphone de campagne ,
le capitaine a demandé des brancardiers . Chaque fois qu'un tel drame se produisait , non
pas dans le tintamarre d'une attaque , mais dans ces calmes perfides , nous touchions au
plus près l'extravagance de la mort . Labat , joufflu et rosé comme sont par vocation les
charcutiers , faisant le fier à bras , parlant haut un quart d'heure plus tôt et dont le visage
cireux était à présent tourné vers le ciel , à nos pieds , mais c'était autre chose , pas Labat
mais le corps de Labat fait cependant de la même matière que nos corps et qu'une balle
pointue en acier pesant moins de 10 grammes avait relégué de l'autre côté d'un rideau
invisible . Nous étions fascinés par la désinvolture de cette traversée . Ça avait l'air si
facile - et si bête - de passer de vie à trépas !
- Martial : "Merde !"
disparus , innocents et confiants . Ce bleuet fort en gueule - Labat était son nom ,
apprenti-charcutier à Saint-Brieux - affecté à notre compagnie depuis trois jours à peine ,
fut touché à mort par un frelon , malheur hélas fréquent avec les jeunes recrues inatten-
tives à qui on était fatigué de répéter : "Nom de Dieu , baissez la tête !" . Martial et moi
avions plaisanté avec lui cinq minutes plus tôt et maintenant nous nous activions autour
de Labat effondré sur le caillebotis au fond de la tranchée avec l'espoir idiot de le faire
revenir à la vie . Martial lui avait ôté son casque , il lui tapotait les joues , il s'égosillait :
"Labat , crénom , qu'est-ce que tu nous fais !?" . Puis , comprenant qu'il n'y avait rien à
faire , que Labat nous avait quitté pour de bon , nous abandonnant sa dépouille , nous
l'avons poussé le long du parados . Il avait un petit trou à la tempe , chef-d'oeuvre d'un
tireur d'élite - Josef ou Werner ? - triomphant sur la Cote 137 , rigolard , fier de lui ,
congratulé par ses camarades et encochant sur la crosse de son Mauser la soustraction
du monde de Labat , apprenti-charcutier à Saint-Brieux et qui , jamais plus , n'enfilerait
une andouille dans une baudruche de boeuf … Martial lui a fermé les yeux , resserré sa
capote comme pour le protéger du froid , posé brièvement sa main sur sa poitrine en sorte
d'adieu et d'absurde encouragement . Puis , dans un silence accablé , nous nous sommes
assis , le dos appuyé contre le parapet , Labat à nos pieds . Nous n'en voulions même pas
à Josef ; c'aurait été aussi inepte d'en vouloir au destin . Par le téléphone de campagne ,
le capitaine a demandé des brancardiers . Chaque fois qu'un tel drame se produisait , non
pas dans le tintamarre d'une attaque , mais dans ces calmes perfides , nous touchions au
plus près l'extravagance de la mort . Labat , joufflu et rosé comme sont par vocation les
charcutiers , faisant le fier à bras , parlant haut un quart d'heure plus tôt et dont le visage
cireux était à présent tourné vers le ciel , à nos pieds , mais c'était autre chose , pas Labat
mais le corps de Labat fait cependant de la même matière que nos corps et qu'une balle
pointue en acier pesant moins de 10 grammes avait relégué de l'autre côté d'un rideau
invisible . Nous étions fascinés par la désinvolture de cette traversée . Ça avait l'air si
facile - et si bête - de passer de vie à trépas !
- Martial : "Merde !"
mardi 1 octobre 2019
KRANT 180 . LES ÂNERIES DU CAPITAINE
Un jour pluvieux de septembre … Le capitaine est sur le pont :
- "Autour de quoi tournons-nous ?"
Nous avions quitté Liverpool et nous doublions Holy Head avant de plonger vers le sud .
- Moi : "Autour d'Holy Head , capitaine"
- Lui : "Autour de quel secret ?"
- Moi : "……..?…….."
- Lui : "Vous avez remarqué , cher ami , que nous tournons autour de quelque chose !"
"Cher ami" . Le capitaine avait dit "cher ami" . Le capitaine n'avait pas dit "chef" .
Il était donc sur une pente philosophique .
- Lui . Mains croisées dans le dos , cambré , tendu vers le ciel chaotique comme y
cherchant une réponse : "Quelque chose qui n'a pas de nom … quelque part où les
mots ne servent à rien … où ils sont inutilisables … quelque part dont on semblait
s'approcher et qui - au contraire - s'éloigne … quelque chose qu'on a parfois frôlé
mais si fugacement qu'on n'a pas eu le temps de le saisir …"
- Moi : "……………."
- Lui , soliloquant , ignorant ma présence . Je savais cependant qu'en ce genre de
moment elle était indispensable : "… un territoire inconnu … et inconnaissable …" .
Puis , se tournant vers moi en souriant , comme si tout à coup il revenait sur terre :
"Je suis stupide ! … je ne tourne autour de rien ! … c'est une image … tournerais-je
autour de mon estomac ? … ou de mon nombril ?"
- Moi : "……………."
- Lui , reparti dans le tourment du ciel : "Qui se connait ? … personne ! …
que savons-nous ? … rien ! … que disons-nous ? … des âneries !" …
et il s'éloigna vers la timonerie .
- "Autour de quoi tournons-nous ?"
Nous avions quitté Liverpool et nous doublions Holy Head avant de plonger vers le sud .
- Moi : "Autour d'Holy Head , capitaine"
- Lui : "Autour de quel secret ?"
- Moi : "……..?…….."
- Lui : "Vous avez remarqué , cher ami , que nous tournons autour de quelque chose !"
"Cher ami" . Le capitaine avait dit "cher ami" . Le capitaine n'avait pas dit "chef" .
Il était donc sur une pente philosophique .
- Lui . Mains croisées dans le dos , cambré , tendu vers le ciel chaotique comme y
cherchant une réponse : "Quelque chose qui n'a pas de nom … quelque part où les
mots ne servent à rien … où ils sont inutilisables … quelque part dont on semblait
s'approcher et qui - au contraire - s'éloigne … quelque chose qu'on a parfois frôlé
mais si fugacement qu'on n'a pas eu le temps de le saisir …"
- Moi : "……………."
- Lui , soliloquant , ignorant ma présence . Je savais cependant qu'en ce genre de
moment elle était indispensable : "… un territoire inconnu … et inconnaissable …" .
Puis , se tournant vers moi en souriant , comme si tout à coup il revenait sur terre :
"Je suis stupide ! … je ne tourne autour de rien ! … c'est une image … tournerais-je
autour de mon estomac ? … ou de mon nombril ?"
- Moi : "……………."
- Lui , reparti dans le tourment du ciel : "Qui se connait ? … personne ! …
que savons-nous ? … rien ! … que disons-nous ? … des âneries !" …
et il s'éloigna vers la timonerie .
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