- Martial . Une pluie lourde et lente imbibe la tranchée . Dans une grisaille
lointaine tremble l'éternelle canonnade : "Mon capitaine ! …"
- Le capitaine , les jumelles vissées sur la cote 137 : "Martial ?"
- Martial : "Vous savez nager ?"
- Le capitaine . Il se retourne et laisse ses jumelles pendre au bout de leur
sangle : "Si je sais nager !? … quelle question ! … bien sûr que je sais nager ! …
la brasse , le crawl … je nage sur le dos … j'adore nager …" . Il reprend sa
position d'observateur contre le parapet . "Et vous , Martial , vous savez nager ?"
- Martial : "J'apprends"
- Le capitaine se retourne à nouveau et à nouveau ses jumelles bringuebalent au
bout de leur sangle : "Vous apprenez !? … ça fait trois ans que nous pataugeons
dans ce cloaque , à 300 kilomètres du plus proche océan et je ne vois pas de
piscine à l'horizon !"
- Martial : "Ah bon ! … vous ne voyez pas , mon capitaine ?"
jeudi 30 juin 2016
mardi 28 juin 2016
DOLCE VITA
Une spirale d'épaules nues tourne vers moi ses ronds
de fumée . Vingt , trente et peut-être cent moulages , brillants
et noirs , doublés de matière striptable , ondulent dans la lumière
basse tension qui , portée par le brouhaha des paroles , découpe
des rondeurs , frôle (et caresse) les robes zippées , pénètrent
d'impudiques échancrures .
de fumée . Vingt , trente et peut-être cent moulages , brillants
et noirs , doublés de matière striptable , ondulent dans la lumière
basse tension qui , portée par le brouhaha des paroles , découpe
des rondeurs , frôle (et caresse) les robes zippées , pénètrent
d'impudiques échancrures .
lundi 27 juin 2016
TROIS MOUCHES 64 . MER NOIRE
L'artilleur nous montra par-delà la mer noire la côte de nos ennemis .
Pour qu'elle la vît , je hissai Berthe entre les brancards du canon mais ,
cependant que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille , elle frissonna . (d'après le Rivage des
Syrtes)
La Mer Noire frissonnait . Pendant que l'artilleur se hissait entre les
brancards , je montrai à Berthe la côte où bourdonnait le canon . Nos
ennemis , alors , virent nos trois chapeaux de paille .
L'artilleur était noir . Il nous montra trois mouches bourdonnantes sur
la côte où la mer s'était hissée . Entre ses brancards , le canon frissonnait
et je vis , par-delà le chapeau de Berthe , nos ennemis .
Pour qu'elle la vît , je hissai Berthe entre les brancards du canon mais ,
cependant que trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille , elle frissonna . (d'après le Rivage des
Syrtes)
La Mer Noire frissonnait . Pendant que l'artilleur se hissait entre les
brancards , je montrai à Berthe la côte où bourdonnait le canon . Nos
ennemis , alors , virent nos trois chapeaux de paille .
L'artilleur était noir . Il nous montra trois mouches bourdonnantes sur
la côte où la mer s'était hissée . Entre ses brancards , le canon frissonnait
et je vis , par-delà le chapeau de Berthe , nos ennemis .
samedi 25 juin 2016
ALFRED DELGRANGE
Alfred Delgrange est le roi d'un pays imaginé où il règne sans partage .
L'avantage de cette position absolue est qu'il n'a aucune décision à prendre
et aucune action à hasarder ; si d'aventure , il en prend ou en hasarde , elles
sont sans conséquences sur son pouvoir et sans effets sur les affaires du monde .
Ce magistère fictif lui a ouvert les portes de la toute-puissance et des honneurs .
Quand le petit Alfred Delgrange avait huit ans , qui eut cru à une telle destinée !
Ainsi , Monsieur Delgrange arbore le Cordon de Saint-Michel , l'habit rouge
de Premier Consul , il porte à sa hanche l'épée ornée du Régent et il ne dédaigne
pas de revêtir en toute modestie la tenue d'officier de la Maison Militaire ! . Des
archers accompagnent ses allées et venues dans le jardin du Grand Hospital …
Chacun de ses sujets aurait pu prendre sa place , mais rares sont ceux qui
désirent ceindre leur front du diadème car il leur faut , pour tout posséder ,
renoncer à tout .
Alfred III trône sur un lit de fer , sa camisole est un manteau fleurdelisé et sa
couronne une batterie de neuroleptiques .
L'avantage de cette position absolue est qu'il n'a aucune décision à prendre
et aucune action à hasarder ; si d'aventure , il en prend ou en hasarde , elles
sont sans conséquences sur son pouvoir et sans effets sur les affaires du monde .
Ce magistère fictif lui a ouvert les portes de la toute-puissance et des honneurs .
Quand le petit Alfred Delgrange avait huit ans , qui eut cru à une telle destinée !
Ainsi , Monsieur Delgrange arbore le Cordon de Saint-Michel , l'habit rouge
de Premier Consul , il porte à sa hanche l'épée ornée du Régent et il ne dédaigne
pas de revêtir en toute modestie la tenue d'officier de la Maison Militaire ! . Des
archers accompagnent ses allées et venues dans le jardin du Grand Hospital …
Chacun de ses sujets aurait pu prendre sa place , mais rares sont ceux qui
désirent ceindre leur front du diadème car il leur faut , pour tout posséder ,
renoncer à tout .
Alfred III trône sur un lit de fer , sa camisole est un manteau fleurdelisé et sa
couronne une batterie de neuroleptiques .
vendredi 24 juin 2016
LE ROI DES BELGES (suite) . AFFAIRES LINGUISTIQUES
L'exclave des Fourons fut , à côté du Katanga , l'autre grande affaire de mon
règne . Je tente ici d'expliquer à mes lecteurs cette chose inexplicable :
Sint-Martens-Voeren (Fourons-Saint-Martin en français) est une ancienne commune
des Fourons , aujourd'hui Fourons tout court (Voeren en néerlandais) . Suis-je clair ?
On y parle un dialecte limbourgeois : le platdütsch . Quésaco ? (c'est du provençal) .
C'est le plött qu'on parle à Sint-Martens-Voeren , pardi ! (Plött : voir dans un bon
diksjonäär) . Est-ce qu'on me suit ? . Le plött platdütsch c'est l'ancien theudisk , le
thiois chi te veu (cha ché de'l picart) . Le locuteur thiois ché un flamin et les Fourons ,
c'est dans la Province de Liège sans y être puisque c'est le Limbourg et que le Limbourg
c'est pas la province de Liège ! . Comme si Strasbourg c'était dans le Morbihan alors
que même les belges savent qu'à Strasbourg on parle le bas et le haut alémanique , le
francique palatin ou le rhénan lorrain , le welche , le franc comtois mais pas , ou si peu ,
le breton … et que Strasbourg , c'est en Alsace comme les Alpes à la montagne . Le
résultat de cet embrouillamini , c'est que les fouronnais de Sint-Martens ne savent plus
qui et où ils sont , raison pour laquelle ils sollicitèrent une audience auprès de ma
clairvoyante personne . Leur histoire m'émut tant que du balcon du Palais Royal je
lançai cette phrase historique : "Vive le Voere libre !" , mais à l'heure où je la prononçai
(vers 10h du matin) , seules déambulaient sur la place les ménagères de plus de 60 ans
qui - pas plus que le Haut-Katanga et bien moins que le magasin Spar - n'auraient
situé les Fourons sur une carte . La délégation m'embrassa les pieds car j'avais écouté
sa complainte . En remerciement de ses lèchements , moi , Couteau à Droite Ier , Roi
des belges , je lui accordai une concession minière dans la province orientale du
Katanga où l'on parle le tchokwé mais si peu le platdütsch .
(à suivre …)
règne . Je tente ici d'expliquer à mes lecteurs cette chose inexplicable :
Sint-Martens-Voeren (Fourons-Saint-Martin en français) est une ancienne commune
des Fourons , aujourd'hui Fourons tout court (Voeren en néerlandais) . Suis-je clair ?
On y parle un dialecte limbourgeois : le platdütsch . Quésaco ? (c'est du provençal) .
C'est le plött qu'on parle à Sint-Martens-Voeren , pardi ! (Plött : voir dans un bon
diksjonäär) . Est-ce qu'on me suit ? . Le plött platdütsch c'est l'ancien theudisk , le
thiois chi te veu (cha ché de'l picart) . Le locuteur thiois ché un flamin et les Fourons ,
c'est dans la Province de Liège sans y être puisque c'est le Limbourg et que le Limbourg
c'est pas la province de Liège ! . Comme si Strasbourg c'était dans le Morbihan alors
que même les belges savent qu'à Strasbourg on parle le bas et le haut alémanique , le
francique palatin ou le rhénan lorrain , le welche , le franc comtois mais pas , ou si peu ,
le breton … et que Strasbourg , c'est en Alsace comme les Alpes à la montagne . Le
résultat de cet embrouillamini , c'est que les fouronnais de Sint-Martens ne savent plus
qui et où ils sont , raison pour laquelle ils sollicitèrent une audience auprès de ma
clairvoyante personne . Leur histoire m'émut tant que du balcon du Palais Royal je
lançai cette phrase historique : "Vive le Voere libre !" , mais à l'heure où je la prononçai
(vers 10h du matin) , seules déambulaient sur la place les ménagères de plus de 60 ans
qui - pas plus que le Haut-Katanga et bien moins que le magasin Spar - n'auraient
situé les Fourons sur une carte . La délégation m'embrassa les pieds car j'avais écouté
sa complainte . En remerciement de ses lèchements , moi , Couteau à Droite Ier , Roi
des belges , je lui accordai une concession minière dans la province orientale du
Katanga où l'on parle le tchokwé mais si peu le platdütsch .
(à suivre …)
KRANT 64 . MARÉ
Ouanary est de ces escales où Krant ne rechigne pas à quitter son cher Kritik .
Il retrouve là un ami d'enfance : Maré Zalanskas , producteur de rhum . Nous y reve-
nons comme à une fête à peu près tous les cinq ans . Alors que nous approchons des
côtes , l'équipage est émoustillé et c'est la bonne humeur qui occupe la longueur des
ponts , de l'étrave à la poupe . Nous contournons le bagne de la Montagne d'Argent ,
île couverte de bois canon , pour aborder sur la rive droite du fleuve un maigre ponton .
Il n'y a pas de port à Ouanary . Le village - mais peut-on appeler village cet éparpille-
ment de baraques en rondins et tôles récupérées sur les épaves pourrissantes au fond de
l'estuaire d'Oyapack ? - est sur la hauteur et on y accède par un chemin pentu . Maré a
acheté cette plantation aux anciens propriétaires portugais pour une bouchée de pain
avec ses esclaves nègres affranchis . Quelque soit l'heure du jour ou de la nuit , il est
flanqué de deux acolytes , ex-bagnards français dont les corps poreux et consumés de
fièvres absorbent le rhum par capillarité . Lui , Maré , grande carcasse , buveur d'eau ,
homme de magnifique santé, viking volubile , agite les bras du promontoire à la pointe
de Ouanary . Embrassades , tournée générale . Mais le meilleur et ce que nous atten-
dons tous est la veillée . Les bariques de rhum sont chargées dans les soutes du Kritik
par les ouvriers nègres et , pour la surveillance de la cargaison , Krant consigne notre
chat Hume . Maré convie l'équipage dans son bungalow autour d'une flambée et d'un
chaudron de grand tumulte (c'est le rhum) . Nous faisons cercle autour de lui . Il est
assis à califourchon sur une chaise . Assistent à la performance Krant , Monsieur Lee ,
le quartier-maître , le timonier , l'équipage du Kritik , les deux acolytes , les quinze ou-
vriers nègres et une dizaine d'indiens oyampis venus en voisins et avec qui Maré entre-
tient des relations affectueuses . Maré raconte , mime , chante , danse , pleure , éructe ,
lance en l'air son chapeau , grimpe sur sa chaise , invective l'assemblée , montre les
dents , s'agenouille … et c'est une vie d'aventurier qu'il incarne et joue pour nous spec-
tateurs saoulés par son rhum et son étourdissante faconde . Tout ceci en argot letton ,
mais les indiens rient de nous voir rire . Et Maré traduit ses histoires dans toutes les lan-
gues de son auditoire cosmopolite , par délicatesse , en un drôle de portugais créolisé ,
en titi parisien (c'est ce que me chuchote Monsieur Lee qui semble s'y entendre dans
toutes les langues du monde) et dans le parler étrange des Oyampis . Au bout d'une
heure , épuisé , il se traîne aux pieds de Vinc et lui lèche les bottes l'implorant dans
l'hilarité alcoolisée de jouer un air du pays :
"Les ponts retentissent , les brides tintent
depuis les forêts derrière Uzana …"
Lettons , français , nègres , oyampis chantent . Le lendemain , nous regagnons le bord
par le raidillon . Krant fredonne :
"Vite , ma soeur , dans la maison ,
le prétendant arrive"
- Krant : "Ce Maré , quel homme !"
Il retrouve là un ami d'enfance : Maré Zalanskas , producteur de rhum . Nous y reve-
nons comme à une fête à peu près tous les cinq ans . Alors que nous approchons des
côtes , l'équipage est émoustillé et c'est la bonne humeur qui occupe la longueur des
ponts , de l'étrave à la poupe . Nous contournons le bagne de la Montagne d'Argent ,
île couverte de bois canon , pour aborder sur la rive droite du fleuve un maigre ponton .
Il n'y a pas de port à Ouanary . Le village - mais peut-on appeler village cet éparpille-
ment de baraques en rondins et tôles récupérées sur les épaves pourrissantes au fond de
l'estuaire d'Oyapack ? - est sur la hauteur et on y accède par un chemin pentu . Maré a
acheté cette plantation aux anciens propriétaires portugais pour une bouchée de pain
avec ses esclaves nègres affranchis . Quelque soit l'heure du jour ou de la nuit , il est
flanqué de deux acolytes , ex-bagnards français dont les corps poreux et consumés de
fièvres absorbent le rhum par capillarité . Lui , Maré , grande carcasse , buveur d'eau ,
homme de magnifique santé, viking volubile , agite les bras du promontoire à la pointe
de Ouanary . Embrassades , tournée générale . Mais le meilleur et ce que nous atten-
dons tous est la veillée . Les bariques de rhum sont chargées dans les soutes du Kritik
par les ouvriers nègres et , pour la surveillance de la cargaison , Krant consigne notre
chat Hume . Maré convie l'équipage dans son bungalow autour d'une flambée et d'un
chaudron de grand tumulte (c'est le rhum) . Nous faisons cercle autour de lui . Il est
assis à califourchon sur une chaise . Assistent à la performance Krant , Monsieur Lee ,
le quartier-maître , le timonier , l'équipage du Kritik , les deux acolytes , les quinze ou-
vriers nègres et une dizaine d'indiens oyampis venus en voisins et avec qui Maré entre-
tient des relations affectueuses . Maré raconte , mime , chante , danse , pleure , éructe ,
lance en l'air son chapeau , grimpe sur sa chaise , invective l'assemblée , montre les
dents , s'agenouille … et c'est une vie d'aventurier qu'il incarne et joue pour nous spec-
tateurs saoulés par son rhum et son étourdissante faconde . Tout ceci en argot letton ,
mais les indiens rient de nous voir rire . Et Maré traduit ses histoires dans toutes les lan-
gues de son auditoire cosmopolite , par délicatesse , en un drôle de portugais créolisé ,
en titi parisien (c'est ce que me chuchote Monsieur Lee qui semble s'y entendre dans
toutes les langues du monde) et dans le parler étrange des Oyampis . Au bout d'une
heure , épuisé , il se traîne aux pieds de Vinc et lui lèche les bottes l'implorant dans
l'hilarité alcoolisée de jouer un air du pays :
"Les ponts retentissent , les brides tintent
depuis les forêts derrière Uzana …"
Lettons , français , nègres , oyampis chantent . Le lendemain , nous regagnons le bord
par le raidillon . Krant fredonne :
"Vite , ma soeur , dans la maison ,
le prétendant arrive"
- Krant : "Ce Maré , quel homme !"
jeudi 23 juin 2016
COTE 137 . 62 . BAÏONNETTE
Nous avions tendu des bâches sur le tronçon le plus large de la tranchée .
L'aumônier disait une messe suivie par la totalité de la compagnie , croyants
et mécréants confondus dans une humidité collante . Une pluie molle tombait
sur les toiles pendant que les artilleurs des deux bords engageaient une bataille
de tonnerre qui ne nous concernait pas mais la gamme complète des obus qui
passaient au-dessus de nos têtes résonnait comme les grandes orgues d'une
cathédrale de titans . L'aumônier mettait à profit les brefs silences de cette
infernale partition - et on imaginait les servants chargeant dans les affuts leurs
sinistres hosties - pour glisser des bribes de la Bonne Nouvelle . Il termina son
prône haché par l'incontournable "Aimez-vous les uns les autres" .
- La voix forte de Martial brandissant sa baïonnette à l'entrée du boyau : "Avec ça ?"
L'aumônier disait une messe suivie par la totalité de la compagnie , croyants
et mécréants confondus dans une humidité collante . Une pluie molle tombait
sur les toiles pendant que les artilleurs des deux bords engageaient une bataille
de tonnerre qui ne nous concernait pas mais la gamme complète des obus qui
passaient au-dessus de nos têtes résonnait comme les grandes orgues d'une
cathédrale de titans . L'aumônier mettait à profit les brefs silences de cette
infernale partition - et on imaginait les servants chargeant dans les affuts leurs
sinistres hosties - pour glisser des bribes de la Bonne Nouvelle . Il termina son
prône haché par l'incontournable "Aimez-vous les uns les autres" .
- La voix forte de Martial brandissant sa baïonnette à l'entrée du boyau : "Avec ça ?"
mercredi 22 juin 2016
TROIS MOUCHES 63 . THE MISFITS
Ma première photo de Berthe . C'était sur le tournage d'un film . Elle portait
une robe à pois . Clark et moi étions amoureux . Trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
C'était un film merveilleux : Clark aimait Berthe et moi - comme une mouche
sur une robe à pois - je bourdonnais autour de sa première photo .
Berthe tournait autour de Clark avec sa robe et ses merveilleux pois . Elle était
comme une mouche amoureuse . Je pris d'elle trois photos . Celle-ci est la première .
une robe à pois . Clark et moi étions amoureux . Trois mouches vermeilles et
merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
C'était un film merveilleux : Clark aimait Berthe et moi - comme une mouche
sur une robe à pois - je bourdonnais autour de sa première photo .
Berthe tournait autour de Clark avec sa robe et ses merveilleux pois . Elle était
comme une mouche amoureuse . Je pris d'elle trois photos . Celle-ci est la première .
mardi 21 juin 2016
LE ROI DES BELGES (suite) . LE PROJET "GOBI"
La Belgique est un petit pays , avec ses 300hab/km2 , l'un des plus peuplés du
monde . C'est aussi un pays divisé ; qui n'a entendu parler de la querelle linguistique ?
Moi , Couteau à Droite Ier , Roi des belges , je résolus d'un coup (coup de maître)
les deux problèmes : par un décret , dit décret "Jihuà Sèngyù Zhèngcè" , j'instaurai
la politique de l'enfant unique : un enfant ou pas du tout . Finis les frères et soeurs ,
les tontons et les tatas , finis les cousins ! . J'assortis à cette décision une ordonnance
secondaire mais géniale : l'enfant unique serait en Flandres un garçon , une fille en
Wallonie . J'avais observé dans mon premier cercle wallon qu'un mâle flamand est en
général plus musclé que mon Grand Chambellan et qu'aucune flamande n'est plus
aimable que mon instructrice préférée , d'où ce choix qui , aux commentateurs obtus ,
parut arbitraire ou tiré à pile ou face . Mais quid des filles et des garçons nés par
inadvertance du mauvais côté de la frontière ? … euh … à chacun de s'arranger pour …
euh … pour … j'admis qu'il y avait là un souci … on n'allait quand même pas les … !?
Où l'on voit que les bonnes idées ne sont jamais tout à fait bonnes … l'avantage de
celle-ci , son côté positif , c'était qu'elle préservait notre beau Royaume d'une affreuse
surpopulation et obligeait à une mixité linguistique quasi-automatique à moins d'aller
chercher l'âme-soeur dans des pays exotiques et scandaleusement féconds , la France
par exemple . Les fruits de ces couples forcés , expliquai-je à mon Conseil , seraient ,
sinon des bons aryens , au moins des propres à quelque chose . Restait à choisir une
langue officielle qui n'indisposerait personne . J'hésitais entre le Tchokwés (Katanga)
et le Limbourgeois du Voeren .
Au cours d'un repas arrosé , mon Grand Chambellan m'entretint d'une solution plus
radicale qui aurait fait à la Belgique une densité égale à celle de Désert de Gobi : le
mariage inter-linguistique entre personnes du même sexe . Son issue dégageait de la
place pour l'exploitation du sous-sol . Le projet que nous élaborâmes (dit "Projet Gobi"
pour "Gay : Objectif Belgique Inhabitée") resta dans les cartons …
(à suivre …)
monde . C'est aussi un pays divisé ; qui n'a entendu parler de la querelle linguistique ?
Moi , Couteau à Droite Ier , Roi des belges , je résolus d'un coup (coup de maître)
les deux problèmes : par un décret , dit décret "Jihuà Sèngyù Zhèngcè" , j'instaurai
la politique de l'enfant unique : un enfant ou pas du tout . Finis les frères et soeurs ,
les tontons et les tatas , finis les cousins ! . J'assortis à cette décision une ordonnance
secondaire mais géniale : l'enfant unique serait en Flandres un garçon , une fille en
Wallonie . J'avais observé dans mon premier cercle wallon qu'un mâle flamand est en
général plus musclé que mon Grand Chambellan et qu'aucune flamande n'est plus
aimable que mon instructrice préférée , d'où ce choix qui , aux commentateurs obtus ,
parut arbitraire ou tiré à pile ou face . Mais quid des filles et des garçons nés par
inadvertance du mauvais côté de la frontière ? … euh … à chacun de s'arranger pour …
euh … pour … j'admis qu'il y avait là un souci … on n'allait quand même pas les … !?
Où l'on voit que les bonnes idées ne sont jamais tout à fait bonnes … l'avantage de
celle-ci , son côté positif , c'était qu'elle préservait notre beau Royaume d'une affreuse
surpopulation et obligeait à une mixité linguistique quasi-automatique à moins d'aller
chercher l'âme-soeur dans des pays exotiques et scandaleusement féconds , la France
par exemple . Les fruits de ces couples forcés , expliquai-je à mon Conseil , seraient ,
sinon des bons aryens , au moins des propres à quelque chose . Restait à choisir une
langue officielle qui n'indisposerait personne . J'hésitais entre le Tchokwés (Katanga)
et le Limbourgeois du Voeren .
Au cours d'un repas arrosé , mon Grand Chambellan m'entretint d'une solution plus
radicale qui aurait fait à la Belgique une densité égale à celle de Désert de Gobi : le
mariage inter-linguistique entre personnes du même sexe . Son issue dégageait de la
place pour l'exploitation du sous-sol . Le projet que nous élaborâmes (dit "Projet Gobi"
pour "Gay : Objectif Belgique Inhabitée") resta dans les cartons …
(à suivre …)
lundi 20 juin 2016
CLEAR TOWER
Transparence .
Tel était le maître-mot quand on mit en chantier la Clear Tower .
L'ossature en poutrelles nids d'abeilles portait plus de vide que de matière . Elle
tenait sur les cent mètres de sa hauteur des vitrages à triple épaisseur . Les planchers
n'avaient de planches que l'étymologie : c'est un treillis à mailles distantes qui sépa-
rait de manière quasi-virtuelle les niveaux , communiquant l'un avec l'autre par les
ouvertures les plus larges . Verre partout : des ascenseurs , des escaliers , des terrasses ,
des couloirs vitro-cristallins . Des plateaux de bureaux sans cloisons furent agencés
et équipés de mobilier au design danois , en plexiglas .
De sorte que , dans ce joyau de clarté , la seule opacité était celle de vos collègues .
Aux heures extrêmes , leurs ombres traversaient l'immeuble de part en part et , quand
le soleil était au zénith , elles s'empilaient du trentième étage au rez-de-chaussée et
formaient sue le sol vitrifié du hall d'accueil mille points mobiles .
Jamais plus que dans la Clear Tower ne s'affirma cette mélancolique vérité : que la
lumière s'arrête à la banlieue des corps .
Tel était le maître-mot quand on mit en chantier la Clear Tower .
L'ossature en poutrelles nids d'abeilles portait plus de vide que de matière . Elle
tenait sur les cent mètres de sa hauteur des vitrages à triple épaisseur . Les planchers
n'avaient de planches que l'étymologie : c'est un treillis à mailles distantes qui sépa-
rait de manière quasi-virtuelle les niveaux , communiquant l'un avec l'autre par les
ouvertures les plus larges . Verre partout : des ascenseurs , des escaliers , des terrasses ,
des couloirs vitro-cristallins . Des plateaux de bureaux sans cloisons furent agencés
et équipés de mobilier au design danois , en plexiglas .
De sorte que , dans ce joyau de clarté , la seule opacité était celle de vos collègues .
Aux heures extrêmes , leurs ombres traversaient l'immeuble de part en part et , quand
le soleil était au zénith , elles s'empilaient du trentième étage au rez-de-chaussée et
formaient sue le sol vitrifié du hall d'accueil mille points mobiles .
Jamais plus que dans la Clear Tower ne s'affirma cette mélancolique vérité : que la
lumière s'arrête à la banlieue des corps .
samedi 18 juin 2016
KRANT 63 . UNE DÉESSE
Nos armateurs avaient loué le Kritik à un trust minier . Nous cabotions entre
Talcahuano et le nord du 35e parallèle , les soutes bourrées de cuivre . Nous quittions
ce jour-là cette annexe portuaire de Conception et les brumes que levaient les eaux
profondes et froides du Pacifique gommaient par places les plans côtiers et les terrasses
marines , leurs pacages ; derrière eux , la ligne neigeuse des Andes semblait détachée
de la terre et son ourlet flottait autour du soleil comme ne pesant rien pendant que la
ville , au sud , découvrait son visage ouvrier . Je regardais d'un oeil indifférent cette
mise bas quotidienne et Toms , le quartier-maître , était à côté de moi , la mine grise .
- Moi : "Alors Toms , quelle tête tu nous fais !"
- Lui : "Tudieu !" … et d'un geste sec il balança par-dessus bord son mégot dont nous
suivîmes le lent naufrage .
- Moi : "Une fille ?" . J'avais aperçu Toms en ville , seul et renfrogné ou agité comme
une morue au bout d'une ligne .
- Lui , étranglé : "Ouais !" et il se tassa sur le bastingage car ses épaules étaient pesantes
de la brume ambiante et d'une autre , symptomatique de la tristesse .
- Moi , ironique : "Ah , l'amour !"
- Lui : "La connais-tu ?"
- Moi : "Comment la connaîtrais-je mon vieux Toms ?"
- Lui . Il me la décrivit et le portrait qu'il m'en fit avait des contours à la fois précis et
indéterminés et il en sortait une magie dont je voyais qu'elle avait ensorcelé notre
quartier-maître .
- Lui encore : 'La connais-tu ?"
- Moi : "J'ai entendu parler d'elle … dans une autre vie , c'est probable … ou en rêve ? …
l'ai-je jamais vue ? … ses épaules , ses hanches … cette robe ? … mais son visage ? …
pauvre Toms , c'est une déesse ! … quel est son nom ?"
- Lui quittant le bastingage et renâclant à lâcher un secret cependant trop pesant pour sa
petite âme : "Zulma …"
Talcahuano et le nord du 35e parallèle , les soutes bourrées de cuivre . Nous quittions
ce jour-là cette annexe portuaire de Conception et les brumes que levaient les eaux
profondes et froides du Pacifique gommaient par places les plans côtiers et les terrasses
marines , leurs pacages ; derrière eux , la ligne neigeuse des Andes semblait détachée
de la terre et son ourlet flottait autour du soleil comme ne pesant rien pendant que la
ville , au sud , découvrait son visage ouvrier . Je regardais d'un oeil indifférent cette
mise bas quotidienne et Toms , le quartier-maître , était à côté de moi , la mine grise .
- Moi : "Alors Toms , quelle tête tu nous fais !"
- Lui : "Tudieu !" … et d'un geste sec il balança par-dessus bord son mégot dont nous
suivîmes le lent naufrage .
- Moi : "Une fille ?" . J'avais aperçu Toms en ville , seul et renfrogné ou agité comme
une morue au bout d'une ligne .
- Lui , étranglé : "Ouais !" et il se tassa sur le bastingage car ses épaules étaient pesantes
de la brume ambiante et d'une autre , symptomatique de la tristesse .
- Moi , ironique : "Ah , l'amour !"
- Lui : "La connais-tu ?"
- Moi : "Comment la connaîtrais-je mon vieux Toms ?"
- Lui . Il me la décrivit et le portrait qu'il m'en fit avait des contours à la fois précis et
indéterminés et il en sortait une magie dont je voyais qu'elle avait ensorcelé notre
quartier-maître .
- Lui encore : 'La connais-tu ?"
- Moi : "J'ai entendu parler d'elle … dans une autre vie , c'est probable … ou en rêve ? …
l'ai-je jamais vue ? … ses épaules , ses hanches … cette robe ? … mais son visage ? …
pauvre Toms , c'est une déesse ! … quel est son nom ?"
- Lui quittant le bastingage et renâclant à lâcher un secret cependant trop pesant pour sa
petite âme : "Zulma …"
jeudi 16 juin 2016
COTE 137 . 61 . L'ENVERS DU DÉCOR
Patrouille .
Nous pataugeons , mais avons-nous fait autre chose que patauger pendant ces
années de guerre ?
- Martial , chuchotant à l'oreille du capitaine : "Où allons-nous , mon capitaine ?"
- Geste vague du capitaine : "Par là …"
- Martial . Il s'affale sur le pan effondré du boyau : "Par là ? … mon capitaine , il
y a là-bas autant de boue qu'ici !"
La terre qui nous entoure , à droite , à gauche , ici , là-bas , est retournée comme
si on avait mis les cultures , les pâtures , la nature au verso de la vie .
- Martial : "Nous vivons sous terre , mon capitaine …"
Il pleut .
- Martial : "Peut-être qu'il fait beau là-dessous … l'en-dessous , mon capitaine …
l'ancien en-dessus … il y avait des vaches et des pommiers …"
- Le capitaine : "Martial … qu'est-ce que c'est que ce galimatias ?"
- Martial : "Nous vivons sous terre depuis deux ans … nous sommes des vers …
nous mangeons de la terre … nous chions de la terre …"
La canonnade reprend (a-t-elle jamais cessé ?) , elle reprend de plus belle sur
Montrepont .
- Martial : "Une guerre de vers de terre … nous aérons les sols …"
- Le capitaine : "………..?…….."
- Martial : "Après la guerre , la terre sera bonne … elle portera des blés sublimes …
et des pâtures d'un vert impossible …"
Nous pataugeons , mais avons-nous fait autre chose que patauger pendant ces
années de guerre ?
- Martial , chuchotant à l'oreille du capitaine : "Où allons-nous , mon capitaine ?"
- Geste vague du capitaine : "Par là …"
- Martial . Il s'affale sur le pan effondré du boyau : "Par là ? … mon capitaine , il
y a là-bas autant de boue qu'ici !"
La terre qui nous entoure , à droite , à gauche , ici , là-bas , est retournée comme
si on avait mis les cultures , les pâtures , la nature au verso de la vie .
- Martial : "Nous vivons sous terre , mon capitaine …"
Il pleut .
- Martial : "Peut-être qu'il fait beau là-dessous … l'en-dessous , mon capitaine …
l'ancien en-dessus … il y avait des vaches et des pommiers …"
- Le capitaine : "Martial … qu'est-ce que c'est que ce galimatias ?"
- Martial : "Nous vivons sous terre depuis deux ans … nous sommes des vers …
nous mangeons de la terre … nous chions de la terre …"
La canonnade reprend (a-t-elle jamais cessé ?) , elle reprend de plus belle sur
Montrepont .
- Martial : "Une guerre de vers de terre … nous aérons les sols …"
- Le capitaine : "………..?…….."
- Martial : "Après la guerre , la terre sera bonne … elle portera des blés sublimes …
et des pâtures d'un vert impossible …"
mercredi 15 juin 2016
LE ROI DES BELGES (suite) . LA COUVERTOLOGIE
Christiane de la Jonquille fut à la Cour la Grande Prêtresse des bons usages ;
l'art de la table était de ses compétences et c'est sous ses auspices que le Salon
Bleu du Palais Royal connut ses heures les plus prestigieuses . C'est elle qui m'en-
seigna la science des couverts (couvertologie) . Je lui vouais une reconnaissance
éternelle : plus jamais je ne plaçai un couteau à gauche et la seule image d'un
couteau dans cette malencontreuse position faisait monter d'un point mon taux de
triglycérides . Christiane de la Jonquille était aux ordres du Grand Chambellan
qui cumulait sa fonction avec celle de Maître-Assaisonneur , poste ô combien
déterminant dans une monarchie absolue ! . Maître-Assaisonneur ou Maître-
Saladier car des salades , j'en racontais à mon peuple et des plus amères et j'avais
bien besoin qu'un tel génie me les accommodasse . Mais qu'est-ce qu'une salade
génialement assaisonnée sur une table médiocre , une table dont le paysage ne se
conformerait pas aux canons de la bienséance , où - horreur ! - on aurait mis les
couteaux à gauche ? . Imaginons - aurez-vous chers amis le coeur d'imaginer
cette abjection ? - une laitue Batavia aux feuilles gaufrées et si subtilement décou-
pées , craquante et tendre , mouillée d'huile d'olive et de vinaigre balsamique ,
de fines herbes saupoudrée , criblée de poivre et de sel fin , assise comme à côté
de son trône entre une fourchette à droite et un couteau à gauche !
Mon instructrice , Christiane de la Jonquille , la Fée Christiane , veillait au grain …
(à suivre)
l'art de la table était de ses compétences et c'est sous ses auspices que le Salon
Bleu du Palais Royal connut ses heures les plus prestigieuses . C'est elle qui m'en-
seigna la science des couverts (couvertologie) . Je lui vouais une reconnaissance
éternelle : plus jamais je ne plaçai un couteau à gauche et la seule image d'un
couteau dans cette malencontreuse position faisait monter d'un point mon taux de
triglycérides . Christiane de la Jonquille était aux ordres du Grand Chambellan
qui cumulait sa fonction avec celle de Maître-Assaisonneur , poste ô combien
déterminant dans une monarchie absolue ! . Maître-Assaisonneur ou Maître-
Saladier car des salades , j'en racontais à mon peuple et des plus amères et j'avais
bien besoin qu'un tel génie me les accommodasse . Mais qu'est-ce qu'une salade
génialement assaisonnée sur une table médiocre , une table dont le paysage ne se
conformerait pas aux canons de la bienséance , où - horreur ! - on aurait mis les
couteaux à gauche ? . Imaginons - aurez-vous chers amis le coeur d'imaginer
cette abjection ? - une laitue Batavia aux feuilles gaufrées et si subtilement décou-
pées , craquante et tendre , mouillée d'huile d'olive et de vinaigre balsamique ,
de fines herbes saupoudrée , criblée de poivre et de sel fin , assise comme à côté
de son trône entre une fourchette à droite et un couteau à gauche !
Mon instructrice , Christiane de la Jonquille , la Fée Christiane , veillait au grain …
(à suivre)
mardi 14 juin 2016
TROIS MOUCHES 62 . TOUT EST BIEN QUI FINIT MAL
Nous frappâmes d'un même mouvement de bas en haut à travers
la moustiquaire puis nous maintînmes sous notre poignard un corps
d'où la vie s'échappait . Trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Le poignard bourdonna à travers la moustiquaire comme si trois
mouches s'échappaient d'un corps sans vie ou que des chapeaux ,
frappés d'un même mouvement , se maintenaient sous leur paille
merveilleuse .
Berthe maintint haut son chapeau et d'un même merveilleux mou-
vement , elle poignarda mon corps à travers la moustiquaire . "Ainsi "
dit-elle "j'échappais aux mouches , à la vie et aux pailles bourdonnantes".
la moustiquaire puis nous maintînmes sous notre poignard un corps
d'où la vie s'échappait . Trois mouches vermeilles et merveilleuses
bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Le poignard bourdonna à travers la moustiquaire comme si trois
mouches s'échappaient d'un corps sans vie ou que des chapeaux ,
frappés d'un même mouvement , se maintenaient sous leur paille
merveilleuse .
Berthe maintint haut son chapeau et d'un même merveilleux mou-
vement , elle poignarda mon corps à travers la moustiquaire . "Ainsi "
dit-elle "j'échappais aux mouches , à la vie et aux pailles bourdonnantes".
lundi 13 juin 2016
DESMOND 57 . YES , WE CAN !
- Marilyn . C'est la secrétaire du Président , une redoutable prédatrice , de l'espèce
Mantis Religiosa : "Desmond , mon chéri ! …" . C'est elle. Elle m'appelle sur la
ligne 2 .
- Moi . Qui ne reconnaîtrait ce timbre ensorceleur : "Marilyn ?"
- Elle , comme dans un aéroport français : "Elle même , mon chou" . Soupir volup-
tueux : "Libre ? … là … tout de suite …"
- Moi : "Euh … Marilyn … je prépare un dossier pour le Président … vous savez …
le dollar flottant … j'ai besoin de me concentrer"
- Elle . Sa voix prend une inflexion sexuelle (elle n'en a pas d'autre) : "Ah ! …
laissez-le flotter , Desmond … montez … c'est un ordre , Desmond en sucre … c'est
urgent … Bureau Ovale … je suis avec une copine"
- Moi , car en effet les désirs de Marilyn sont des ordres . C'est une dévoreuse :
"Bon … Marilyn … j'arrive …"
Je monte . Je frappe . Lascif : "Entrez Chérubin" . J'entre . Marilyn est debout ,
montée sur des talons aiguilles stupéfiants ; son décolleté assoifferait un escadron de
spahis . Une jeune femme à la sobriété tranchée se tient derrière elle . Elle a dans les
bras un bébé .
- Marilyn : "Desmond … cher Desmond" . Elle me prend par la taille et me pince les
fesses . "Je vous présente Ann une amie , et sa petite fille : Maya … elles viennent
d"Honolulu"
- Moi . Je m'incline : "Charmed to meet you , Ann"
Le bébé doit avoir trois ou quatre mois . Une petite métisse . Le Président n'est pas
là mais , dans son fauteuil , il y a un garçon d'environ dix ans . Métis lui aussi .
La porte du Bureau Ovale s'ouvre . Le Président vient de la pousser . Il s'arrête sur
le seuil , surpris de voir tout ce monde .
- Marilyn : "Mister President … Ann … une amie … elle habite à Hawaï"
- Le Président . Il s'est repris . Il s'avance vers Ann comme s'il était dans un meeting
d'élections primaires . Son sourire est plein de dents : "Ann , c'est un plaisir !" . Il tapote
la joue du bébé . "Et qui est cette charmante demoiselle ?"
- Ann , très intimidée : "Ma fille Maya , Mister President"
C'est à ce moment que le Président s'aperçoit que son siège est occupé .
- Ann : "Mister President … oh , I'm so sorry … veux-tu sortir de là !"
- Le Président ; "Ann , laissez-le … ce fauteuil lui va très bien" . Il s'approche du gamin :
"Tu es le nouveau Président des États-Unis ? … quel âge as-tu ?"
- Le gamin : "9 ans , Monsieur"
- Le Président : "Comment t'appelles-tu ?"
- Le gamin : "Barack , Monsieur"
- Le Président : "Le Président Barack … ça sonne plutôt bien … qu'en pensez-vous ,
Desmond ?"
Mantis Religiosa : "Desmond , mon chéri ! …" . C'est elle. Elle m'appelle sur la
ligne 2 .
- Moi . Qui ne reconnaîtrait ce timbre ensorceleur : "Marilyn ?"
- Elle , comme dans un aéroport français : "Elle même , mon chou" . Soupir volup-
tueux : "Libre ? … là … tout de suite …"
- Moi : "Euh … Marilyn … je prépare un dossier pour le Président … vous savez …
le dollar flottant … j'ai besoin de me concentrer"
- Elle . Sa voix prend une inflexion sexuelle (elle n'en a pas d'autre) : "Ah ! …
laissez-le flotter , Desmond … montez … c'est un ordre , Desmond en sucre … c'est
urgent … Bureau Ovale … je suis avec une copine"
- Moi , car en effet les désirs de Marilyn sont des ordres . C'est une dévoreuse :
"Bon … Marilyn … j'arrive …"
Je monte . Je frappe . Lascif : "Entrez Chérubin" . J'entre . Marilyn est debout ,
montée sur des talons aiguilles stupéfiants ; son décolleté assoifferait un escadron de
spahis . Une jeune femme à la sobriété tranchée se tient derrière elle . Elle a dans les
bras un bébé .
- Marilyn : "Desmond … cher Desmond" . Elle me prend par la taille et me pince les
fesses . "Je vous présente Ann une amie , et sa petite fille : Maya … elles viennent
d"Honolulu"
- Moi . Je m'incline : "Charmed to meet you , Ann"
Le bébé doit avoir trois ou quatre mois . Une petite métisse . Le Président n'est pas
là mais , dans son fauteuil , il y a un garçon d'environ dix ans . Métis lui aussi .
La porte du Bureau Ovale s'ouvre . Le Président vient de la pousser . Il s'arrête sur
le seuil , surpris de voir tout ce monde .
- Marilyn : "Mister President … Ann … une amie … elle habite à Hawaï"
- Le Président . Il s'est repris . Il s'avance vers Ann comme s'il était dans un meeting
d'élections primaires . Son sourire est plein de dents : "Ann , c'est un plaisir !" . Il tapote
la joue du bébé . "Et qui est cette charmante demoiselle ?"
- Ann , très intimidée : "Ma fille Maya , Mister President"
C'est à ce moment que le Président s'aperçoit que son siège est occupé .
- Ann : "Mister President … oh , I'm so sorry … veux-tu sortir de là !"
- Le Président ; "Ann , laissez-le … ce fauteuil lui va très bien" . Il s'approche du gamin :
"Tu es le nouveau Président des États-Unis ? … quel âge as-tu ?"
- Le gamin : "9 ans , Monsieur"
- Le Président : "Comment t'appelles-tu ?"
- Le gamin : "Barack , Monsieur"
- Le Président : "Le Président Barack … ça sonne plutôt bien … qu'en pensez-vous ,
Desmond ?"
LE SEL DE LA VIE
- Moi : "C'est absurde !"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ça dépasse le sens commun … partout un monde stérile …"
- Elle : "……………"
- Moi : "Un monde qui ne produit rien … du gaz … de la roche … et au milieu de
l'inerte : nous …"
- Elle : "……………"
- Moi : "… les plantes , les animaux … les bactéries … sous une fine couche d'atmos-
phère ! …"
- Elle : "……………"
- Moi : "L'atmosphère ! … 78% d'azote , 20,95% d'oxygène et 0,93% d'argon … ici !"
- Elle : "……………"
- Moi : "C'est dingue , non ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Et à des milliers d'années-lumière à la ronde : du gaz , de la roche , du vide …"
- Elle : "……………"
- Moi : "… et le temps … tu as déjà pensé au temps ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Qu'est-ce que le temps ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Le passé … le présent … tout ça ! … et le futur !?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ça n'a pas de sens le temps !"
- Elle : "……………"
- Moi : "Est-ce qu'on peut toucher le temps ? … ou le voir ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Même l'espace … le mouvement … est-ce que ça existe ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Et je ne parle pas de l'idée de Dieu ! … ou de l'idée tout court !"
- Elle : "……………"
- Moi : "… de l'Être avec un grand E !"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ces questions sont passionnantes , non ?"
- Elle : "Passe-moi l'sel"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ça dépasse le sens commun … partout un monde stérile …"
- Elle : "……………"
- Moi : "Un monde qui ne produit rien … du gaz … de la roche … et au milieu de
l'inerte : nous …"
- Elle : "……………"
- Moi : "… les plantes , les animaux … les bactéries … sous une fine couche d'atmos-
phère ! …"
- Elle : "……………"
- Moi : "L'atmosphère ! … 78% d'azote , 20,95% d'oxygène et 0,93% d'argon … ici !"
- Elle : "……………"
- Moi : "C'est dingue , non ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Et à des milliers d'années-lumière à la ronde : du gaz , de la roche , du vide …"
- Elle : "……………"
- Moi : "… et le temps … tu as déjà pensé au temps ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Qu'est-ce que le temps ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Le passé … le présent … tout ça ! … et le futur !?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ça n'a pas de sens le temps !"
- Elle : "……………"
- Moi : "Est-ce qu'on peut toucher le temps ? … ou le voir ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Même l'espace … le mouvement … est-ce que ça existe ?"
- Elle : "……………"
- Moi : "Et je ne parle pas de l'idée de Dieu ! … ou de l'idée tout court !"
- Elle : "……………"
- Moi : "… de l'Être avec un grand E !"
- Elle : "……………"
- Moi : "Ces questions sont passionnantes , non ?"
- Elle : "Passe-moi l'sel"
samedi 11 juin 2016
KRANT 62 . LES POISSONS
J'ai rarement vu Krant sourire .
Cependant , c'est un homme heureux et , je pense , foncièrement gai .
"La tristesse chef , quelle folie !" me dit-il sur la passerelle de commandement ,
quelques jours après la mort de Monsieur Lee . "Monsieur Lee est mort , paix à son
âme … il a vécu en sage et il n'est plus … les atomes qui composaient son corps se
dissolvent quelque part en Mer de Chine , par 12°17 de latitude et 114°21 de longi-
tude … demain il sera poisson , sable , algue …"
Le regard du capitaine avait la couleur de l'océan sur lequel nous étions posés ,
en route vers Qui-nhon , mais c'était un regard qui ne visait rien d'autre que le linceul
immergé de Monsieur Lee .
"Quelle belle fin ! … puis les yeux de Krant quittèrent les fonds marins pour se
fixer dans les miens : "N'est-ce pas , chef ? … mangé par les petits poissons !"
Il s'éloigna sur la passerelle , les mains derrière le dos , presque hilare en répétant :
"mangé par les petits poissons ! …"
Puis se retournant avant d'empoigner la rampe de l'escalier de fer : "bah ! … n'est-
ce pas mieux les petits poissons que les asticots ?"
Cependant , c'est un homme heureux et , je pense , foncièrement gai .
"La tristesse chef , quelle folie !" me dit-il sur la passerelle de commandement ,
quelques jours après la mort de Monsieur Lee . "Monsieur Lee est mort , paix à son
âme … il a vécu en sage et il n'est plus … les atomes qui composaient son corps se
dissolvent quelque part en Mer de Chine , par 12°17 de latitude et 114°21 de longi-
tude … demain il sera poisson , sable , algue …"
Le regard du capitaine avait la couleur de l'océan sur lequel nous étions posés ,
en route vers Qui-nhon , mais c'était un regard qui ne visait rien d'autre que le linceul
immergé de Monsieur Lee .
"Quelle belle fin ! … puis les yeux de Krant quittèrent les fonds marins pour se
fixer dans les miens : "N'est-ce pas , chef ? … mangé par les petits poissons !"
Il s'éloigna sur la passerelle , les mains derrière le dos , presque hilare en répétant :
"mangé par les petits poissons ! …"
Puis se retournant avant d'empoigner la rampe de l'escalier de fer : "bah ! … n'est-
ce pas mieux les petits poissons que les asticots ?"
vendredi 10 juin 2016
PARADIS 62 . SALADES
Ève est couchée sur un matelas de pétales . La nuit tombe . Dieu est assis à
côté d'elle . Il lui raconte une histoire pour l'endormir :
- Dieu dit : "En ce temps-là , la terre était vide et vague . Aucune herbe des champs
n'avait encore poussé car le Seigneur … c'est moi , Ève … n'avait pas fait pleuvoir
sur la terre …"
- Ève . Elle l'interrompt : "J'aime bien quand tu racontes des histoires Di-Di" . Elle
s'étire . Ses petits seins se tendent et Dieu ne peut s'empêcher de … de légèrement …
enfin , son … divin le … c'est la nature …
- Dieu : "Et Adam ? … il aime mes histoires ?"
- Ève : "Non … il dit que c'est des salades"
- Dieu : "………?…….. des salades ? … qu'est-ce que tu racontes ? … quel rapport
entre mes histoires et des salades ?"
- Ève : "Je sais pas … c'est comme ça qu'il dit : tes histoires , c'est des salades …"
- Dieu : "……..?………"
- Ève : "Je crois que ça veut dire qu'il aime pas tes histoires"
- Dieu : "Mais pourquoi des salades ? … il n'aime pas les salades non plus ?"
- Ève : "Si … des salades , il en fait pousser plein … des tas et des tas de salades …
des montagnes de salades !"
- Dieu : "Pour quoi faire ?"
- Ève : "Pour les vendre"
- Dieu : "…….?………."
- Ève : "Il les met dans des cageots … il empile les cageots … il remplit son hangar
de cageots"
- Dieu : "C'est absurde !"
- Ève : "Il dit qu'il gagne bien sa vie … tu verrais son front ! … toujours en sueur !"
- Dieu : "A qui vend-il ses salades ?"
- Ève : "Aux Mousquetaires"
- Dieu : "…….?…… connais pas ! … qu'il aille au diable ! … mais je ne vois toujours
pas le rapport avec mes histoires"
- Ève : "Moi non plus … mais ce qu'il m'a dit c'est : les histoires de Di-Di , c'est des
salades"
- Dieu : "Bon , ça va ! … tu l'as déjà dit : mes histoires , c'est des salades ! … pffff !"
côté d'elle . Il lui raconte une histoire pour l'endormir :
- Dieu dit : "En ce temps-là , la terre était vide et vague . Aucune herbe des champs
n'avait encore poussé car le Seigneur … c'est moi , Ève … n'avait pas fait pleuvoir
sur la terre …"
- Ève . Elle l'interrompt : "J'aime bien quand tu racontes des histoires Di-Di" . Elle
s'étire . Ses petits seins se tendent et Dieu ne peut s'empêcher de … de légèrement …
enfin , son … divin le … c'est la nature …
- Dieu : "Et Adam ? … il aime mes histoires ?"
- Ève : "Non … il dit que c'est des salades"
- Dieu : "………?…….. des salades ? … qu'est-ce que tu racontes ? … quel rapport
entre mes histoires et des salades ?"
- Ève : "Je sais pas … c'est comme ça qu'il dit : tes histoires , c'est des salades …"
- Dieu : "……..?………"
- Ève : "Je crois que ça veut dire qu'il aime pas tes histoires"
- Dieu : "Mais pourquoi des salades ? … il n'aime pas les salades non plus ?"
- Ève : "Si … des salades , il en fait pousser plein … des tas et des tas de salades …
des montagnes de salades !"
- Dieu : "Pour quoi faire ?"
- Ève : "Pour les vendre"
- Dieu : "…….?………."
- Ève : "Il les met dans des cageots … il empile les cageots … il remplit son hangar
de cageots"
- Dieu : "C'est absurde !"
- Ève : "Il dit qu'il gagne bien sa vie … tu verrais son front ! … toujours en sueur !"
- Dieu : "A qui vend-il ses salades ?"
- Ève : "Aux Mousquetaires"
- Dieu : "…….?…… connais pas ! … qu'il aille au diable ! … mais je ne vois toujours
pas le rapport avec mes histoires"
- Ève : "Moi non plus … mais ce qu'il m'a dit c'est : les histoires de Di-Di , c'est des
salades"
- Dieu : "Bon , ça va ! … tu l'as déjà dit : mes histoires , c'est des salades ! … pffff !"
jeudi 9 juin 2016
COTE 137 . 60 . MARMITE
Martial est assis sur un sac de sable au fond de la tranchée . Il écrit sur
l'un de ses cahiers .
- Moi : "Qu'est-ce que tu écris ?"
- Martial , sans lever le nez : "Une histoire …"
- Moi : "L'histoire de quoi ?"
- Martial : "L'histoire d'un chat … un chat de Montrepont …"
(A mes lecteurs distraits , je rappelle que Montrepont est ce village qui n'existe plus .
Jadis situé sur la cote 137 , nos artilleries lourdes - la nôtre et la leur , à coups d'obus
de 400 mm et de marmites - l'ont consciencieusement enfoncé dans la terre)
- Moi . Je m'esclaffe : "Un chat à Montrepont !? … il n'y a plus un chat à Montrepont …
pas même un rat … quelques puces sur les restes d'un cadavre ! …"
- Martial : "Il y a Marmite"
- Moi : "Marmite ?"
- Martial : "C'est le chat …"
- Moi : "…………?………."
- Martial : "…. le chat Marmite" …
- Moi : "C'est son nom ?"
- Martial : "… oui … Marmite"
- Moi : "Et qu'est-ce qu'il fait à Montrepont , ton Marmite ?"
- Martial : "Il fait comme si de rien n'était … comme si la guerre n'existait pas ..."
- Moi : "Et ça lui réussit ?"
- Martial : "Il est vivant"
l'un de ses cahiers .
- Moi : "Qu'est-ce que tu écris ?"
- Martial , sans lever le nez : "Une histoire …"
- Moi : "L'histoire de quoi ?"
- Martial : "L'histoire d'un chat … un chat de Montrepont …"
(A mes lecteurs distraits , je rappelle que Montrepont est ce village qui n'existe plus .
Jadis situé sur la cote 137 , nos artilleries lourdes - la nôtre et la leur , à coups d'obus
de 400 mm et de marmites - l'ont consciencieusement enfoncé dans la terre)
- Moi . Je m'esclaffe : "Un chat à Montrepont !? … il n'y a plus un chat à Montrepont …
pas même un rat … quelques puces sur les restes d'un cadavre ! …"
- Martial : "Il y a Marmite"
- Moi : "Marmite ?"
- Martial : "C'est le chat …"
- Moi : "…………?………."
- Martial : "…. le chat Marmite" …
- Moi : "C'est son nom ?"
- Martial : "… oui … Marmite"
- Moi : "Et qu'est-ce qu'il fait à Montrepont , ton Marmite ?"
- Martial : "Il fait comme si de rien n'était … comme si la guerre n'existait pas ..."
- Moi : "Et ça lui réussit ?"
- Martial : "Il est vivant"
mercredi 8 juin 2016
TROIS MOUCHES 61 . SHELL GAS STATION
Nous fîmes de l'essence à la station-service de Winston Salem (Caroline du nord) .
Berthe devint en cinq minutes l'amie de la pompiste , le temps que trois mouches ver-
meilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille …
En trois minutes , Berthe et son amie Caroline se firent un pompiste au nord de
Winston Salem . L'essence de la station se mit à bourdonner comme cinq mouches
sous un chapeau de paille .
Cinq mouches empaillées bourdonnaient dans l'essence . Caroline , la pompiste
de la station - en service elle était comme Berthe merveilleusement chapeautée -
minutait le temps ...
Berthe devint en cinq minutes l'amie de la pompiste , le temps que trois mouches ver-
meilles et merveilleuses bourdonnent contre nos chapeaux de paille …
En trois minutes , Berthe et son amie Caroline se firent un pompiste au nord de
Winston Salem . L'essence de la station se mit à bourdonner comme cinq mouches
sous un chapeau de paille .
Cinq mouches empaillées bourdonnaient dans l'essence . Caroline , la pompiste
de la station - en service elle était comme Berthe merveilleusement chapeautée -
minutait le temps ...
lundi 6 juin 2016
DESMOND 56 . C'EST L'HISTOIRE D'UN TYPE
- Le Président m'appelle de sa résidence de Key Biscayne où il se repose . Ça rit
bruyamment autour de lui . Lui-même est hilare . Ont-ils bu ? : "Hi , Desmond ! …
ha , ha ! … comment allez-vous ? … ha , ha , ha ! … quel temps à Washington ? …
ha , ha !"
- Moi : "il pleut , Monsieur le Président"
- Lui : "Ho ! … poor chap ! … ha , ha , ha ! … je vais vous en raconter une bien
bonne , Desmond … écoutez ça … ha , ha , ha ! … ça va vous remonter le moral …
allo ?"
- Moi : "Je vous écoute , Monsieur le Président"
- Lui : "Ha , ha ! … attendez Desmond … just a minute … mon mouchoir … je
pleure … ha , ha ! … je n'en peux plus … je vois trouble … ha , ha , ha ! …"
- Moi : "………?……."
- Lui : "C'est cet idiot de Bebe"
- Moi : "Bebe ?"
- Lui : "Bebe Rebozo , Desmond !! … il est ici avec Edgar … Edgar Hoover …
ha , ha ! … vous voyez , je suis en bonne compagnie"
- Moi : "………………"
- Lui : "Ha , ha ! … écoutez ça Desmond ! … ça va vous détendre … je pense sou-
vent à vous mon vieux … ces documents à détruire , ça doit être … ça doit … je ne
trouve pas le mot …"
- Moi : "………………"
- Lui : "C'est l'histoire d'un type … ha , ha , ha ! … elle est vraiment bonne , vous allez
voir … ha , ha , ha , ha , ha ! … c'est l'histoire d'un type … vous êtes là , Desmond ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président … je vous écoute"
- Lui : "Qu'est-ce que je disais ?"
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … c'est l'histoire d'un type …"
- Lui : "Ha , ha , ha ! … un type de la Mafia … écoutez bien , Desmond … ha , ha ,
ha ! … le Président des États-Unis l'a invité chez lui … ha , ha ! … faut entendre Bebe
la raconter avec l'accent … ha , ha , ha ! … comment dit-on in french ? … tomber en
rire fou ?"
- Moi : "Avoir le fou rire , Monsieur le Président"
- Lui : "Oui , c'est ça Desmond … je suis en incontrollable fou rire … le type rendez-
vous compte , Desmond … de la Mafia ! … chez le Président des États-Unis ! … ha ,
ha , ha ! … je ne peux pas vous la raconter ! … c'est trop drôle ! … ha , ha , ha , ha ,
ha , ha , ! … j'ai mal au ventre … je vous la raconterai … ha , ha ! … je vous la racon-
ferai lundi … à la Maison Blanche"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Vous êtes là lundi ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président … comme d'habitude …"
- Lui : "Ha , ha , ha ! … comme d'habitude … bien entendu , ha , ha , ha ! …"
Clic . Il a raccroché .
bruyamment autour de lui . Lui-même est hilare . Ont-ils bu ? : "Hi , Desmond ! …
ha , ha ! … comment allez-vous ? … ha , ha , ha ! … quel temps à Washington ? …
ha , ha !"
- Moi : "il pleut , Monsieur le Président"
- Lui : "Ho ! … poor chap ! … ha , ha , ha ! … je vais vous en raconter une bien
bonne , Desmond … écoutez ça … ha , ha , ha ! … ça va vous remonter le moral …
allo ?"
- Moi : "Je vous écoute , Monsieur le Président"
- Lui : "Ha , ha ! … attendez Desmond … just a minute … mon mouchoir … je
pleure … ha , ha ! … je n'en peux plus … je vois trouble … ha , ha , ha ! …"
- Moi : "………?……."
- Lui : "C'est cet idiot de Bebe"
- Moi : "Bebe ?"
- Lui : "Bebe Rebozo , Desmond !! … il est ici avec Edgar … Edgar Hoover …
ha , ha ! … vous voyez , je suis en bonne compagnie"
- Moi : "………………"
- Lui : "Ha , ha ! … écoutez ça Desmond ! … ça va vous détendre … je pense sou-
vent à vous mon vieux … ces documents à détruire , ça doit être … ça doit … je ne
trouve pas le mot …"
- Moi : "………………"
- Lui : "C'est l'histoire d'un type … ha , ha , ha ! … elle est vraiment bonne , vous allez
voir … ha , ha , ha , ha , ha ! … c'est l'histoire d'un type … vous êtes là , Desmond ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président … je vous écoute"
- Lui : "Qu'est-ce que je disais ?"
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … c'est l'histoire d'un type …"
- Lui : "Ha , ha , ha ! … un type de la Mafia … écoutez bien , Desmond … ha , ha ,
ha ! … le Président des États-Unis l'a invité chez lui … ha , ha ! … faut entendre Bebe
la raconter avec l'accent … ha , ha , ha ! … comment dit-on in french ? … tomber en
rire fou ?"
- Moi : "Avoir le fou rire , Monsieur le Président"
- Lui : "Oui , c'est ça Desmond … je suis en incontrollable fou rire … le type rendez-
vous compte , Desmond … de la Mafia ! … chez le Président des États-Unis ! … ha ,
ha , ha ! … je ne peux pas vous la raconter ! … c'est trop drôle ! … ha , ha , ha , ha ,
ha , ha , ! … j'ai mal au ventre … je vous la raconterai … ha , ha ! … je vous la racon-
ferai lundi … à la Maison Blanche"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Vous êtes là lundi ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président … comme d'habitude …"
- Lui : "Ha , ha , ha ! … comme d'habitude … bien entendu , ha , ha , ha ! …"
Clic . Il a raccroché .
dimanche 5 juin 2016
LE ROI DES BELGES (suite) . LE DÉCRET GUY LUX
Je ratai mon suicide … (voir épisode précédent)
Le Docteur Bomutu (inspiré par Astrid) prescrivit un traitement à base de cuberdons
pour me remettre sur pieds . Je retrouvai mon allant et m'attaquai à un nouveau dossier :
le surréalisme belge . Car la Belgique est un pays surréaliste . Combien de fois l'enten-
dis-je dans les cours royales ! . Voilà ce que me serinaient Juan Carlos , Elizabeth ,
Norodom , Beatrix , Margrethe , Abdullah , Akihito et Carl Gustav quand je leur rendais
visite : les belges surréalisaient le réel . Je décidai d'inverser cette tendance : mon Royau-
me serait désormais la figure du sousréalisme . Par décret (décret Guy Lux) , j'abolis
toute mesure et qualification du tangible . J'abrogeai le système métrique , je proscrivis
l'évaluation du temps et j'interdis que dans les conversations , les livres et les journaux ,
on utilisât des qualificatifs . Tous les termes , toutes les expressions , tous attributs et
épithètes qui , avant mon règne , servaient à l'arpentage des lieux , à la division de la
durée et à la description des choses bref , tout ce qui autorisait mes sujets à surcharger
le réel était maintenant banni et remplacé par un concept : le Schmilblick . A qui deman-
dait l'heure , on répondrait qu'il est schmilblick moins le quart ou schmilblick pile . On
informerait le touriste que la cathédrale de Tournai mesure schmilblick en longueur si
ce n'est plus , le tiers en largeur et à peu près schmilblick en hauteur , soit schmilblick
carré (sch2) de surface et , au cubage , schmilblick cube (sch3) . A un garçon de café
prenant commande , petit noir ou grand crème ? , le consommateur se contentera d'un
schmilblick ! avec ou sans sucre . Schmilblick serait le seul vocable pour les matières
et les couleurs : le Manneken-pis est en schmilblick , le costume des Gilles de Binche
est découpé dans de la schmilblick de trois couleurs : schmilblick , schmilblick et
schmilblick , les vaches blanc bleu belges seraient dans leur nouvelle appellation des
vaches schmilblick-schmilblick , robes schmilblick avec taches schmilblick , etc …
on était bien venu à bout des verstes , lieues et autres miles , des galons , des degrés et
des livres , il était temps qu'en Belgique on en vint comme partout ailleurs au sous-
réalisme du réel !
Le Docteur Bomutu (inspiré par Astrid) prescrivit un traitement à base de cuberdons
pour me remettre sur pieds . Je retrouvai mon allant et m'attaquai à un nouveau dossier :
le surréalisme belge . Car la Belgique est un pays surréaliste . Combien de fois l'enten-
dis-je dans les cours royales ! . Voilà ce que me serinaient Juan Carlos , Elizabeth ,
Norodom , Beatrix , Margrethe , Abdullah , Akihito et Carl Gustav quand je leur rendais
visite : les belges surréalisaient le réel . Je décidai d'inverser cette tendance : mon Royau-
me serait désormais la figure du sousréalisme . Par décret (décret Guy Lux) , j'abolis
toute mesure et qualification du tangible . J'abrogeai le système métrique , je proscrivis
l'évaluation du temps et j'interdis que dans les conversations , les livres et les journaux ,
on utilisât des qualificatifs . Tous les termes , toutes les expressions , tous attributs et
épithètes qui , avant mon règne , servaient à l'arpentage des lieux , à la division de la
durée et à la description des choses bref , tout ce qui autorisait mes sujets à surcharger
le réel était maintenant banni et remplacé par un concept : le Schmilblick . A qui deman-
dait l'heure , on répondrait qu'il est schmilblick moins le quart ou schmilblick pile . On
informerait le touriste que la cathédrale de Tournai mesure schmilblick en longueur si
ce n'est plus , le tiers en largeur et à peu près schmilblick en hauteur , soit schmilblick
carré (sch2) de surface et , au cubage , schmilblick cube (sch3) . A un garçon de café
prenant commande , petit noir ou grand crème ? , le consommateur se contentera d'un
schmilblick ! avec ou sans sucre . Schmilblick serait le seul vocable pour les matières
et les couleurs : le Manneken-pis est en schmilblick , le costume des Gilles de Binche
est découpé dans de la schmilblick de trois couleurs : schmilblick , schmilblick et
schmilblick , les vaches blanc bleu belges seraient dans leur nouvelle appellation des
vaches schmilblick-schmilblick , robes schmilblick avec taches schmilblick , etc …
on était bien venu à bout des verstes , lieues et autres miles , des galons , des degrés et
des livres , il était temps qu'en Belgique on en vint comme partout ailleurs au sous-
réalisme du réel !
samedi 4 juin 2016
MARINELLA ET MONA-LISA
Entre Marinella et Mona-Lisa , j'avais du mal à choisir . La blonde ou la brune ? …
L'américaine ou l'italienne ? . Que faire ? . J'aimais les deux et , pour ne rien arranger ,
les deux m'aimaient . Je demandai son avis à Andy W. , un ami new-yorkais . Il
m'exhorta à rompre , ce que je fis mais cette résolution héroïque (a posteriori , elle me
parut excessive) ne simplifia pas ma vie . Marinella et Mona-Lisa n'avaient pas l'inten-
tion de lâcher la bride . Ells formèrent un binôme d'une féroce efficacité . Je dus m'en-
fuir , changer de continent et d'identité , abjurer ma foi , me convertir à l'Islam et , en
désespoir de cause , j'eus recours à la chirurgie esthétique . Rien n'y fit , tout cela en
pure perte , une jeunesse passée à fuir de Novotel en Hilton et le matin , une fois
enfilé le petit déjeuner "Early Bird" , elles m'attendaient devant l'hôtel . Le coffre du
taxi qu'elles avaient réservé était ouvert . Elles m'enjoignaient d'y poser ma valise .
Puis elles me poussaient en gloussant sur la banquette arrière où je subissais (je les
subissais avec passion) l'assaut de leurs baisers et les chatouilles à travers ma djellaba .
Andy me recommanda à un de ses confrères , peintre comme lui et , à ses heures per-
dues , expert en ingénierie . "Ce Leonardo" me dit Andy "a inventé un tas de trucs ,
entre autres , le roulement à billes" . "De quoi" , objectai-je "peuvent me servir en
matière d'amour les lumières d'un technicien !?" . "Technicien !?" , pouffa Andy …
"Leonardo est un génie !" . C'était si vrai qu'à Sanaa (Yemen) , sous le nom d'Abdel-
hakim Al-Nabati , j'épousai en grande pompe mes deux bien-aimées ...
L'américaine ou l'italienne ? . Que faire ? . J'aimais les deux et , pour ne rien arranger ,
les deux m'aimaient . Je demandai son avis à Andy W. , un ami new-yorkais . Il
m'exhorta à rompre , ce que je fis mais cette résolution héroïque (a posteriori , elle me
parut excessive) ne simplifia pas ma vie . Marinella et Mona-Lisa n'avaient pas l'inten-
tion de lâcher la bride . Ells formèrent un binôme d'une féroce efficacité . Je dus m'en-
fuir , changer de continent et d'identité , abjurer ma foi , me convertir à l'Islam et , en
désespoir de cause , j'eus recours à la chirurgie esthétique . Rien n'y fit , tout cela en
pure perte , une jeunesse passée à fuir de Novotel en Hilton et le matin , une fois
enfilé le petit déjeuner "Early Bird" , elles m'attendaient devant l'hôtel . Le coffre du
taxi qu'elles avaient réservé était ouvert . Elles m'enjoignaient d'y poser ma valise .
Puis elles me poussaient en gloussant sur la banquette arrière où je subissais (je les
subissais avec passion) l'assaut de leurs baisers et les chatouilles à travers ma djellaba .
Andy me recommanda à un de ses confrères , peintre comme lui et , à ses heures per-
dues , expert en ingénierie . "Ce Leonardo" me dit Andy "a inventé un tas de trucs ,
entre autres , le roulement à billes" . "De quoi" , objectai-je "peuvent me servir en
matière d'amour les lumières d'un technicien !?" . "Technicien !?" , pouffa Andy …
"Leonardo est un génie !" . C'était si vrai qu'à Sanaa (Yemen) , sous le nom d'Abdel-
hakim Al-Nabati , j'épousai en grande pompe mes deux bien-aimées ...
jeudi 2 juin 2016
LE PLUS SAGE EST DE NE PAS L'APPELER
May be
C'est possible
Peut-être qu'il s'en fout .
Peut-être que … oui , il s'en fout
Malade ce type !
Il est devenu malade …
He couldn't leave the studio
Quel imbécile …
On aurait pu … mais c'est trop tard
C'est toujours pareil avec les mecs …
Qu'est-ce qu'il a ce studio ?
32e étage … pas mal …
Pas plus mal qu'un autre
Vue sur … sur quoi déjà ? … les docks ?
Po-po-po-po-po …
Qu'est-ce que je fais ?
Je l'appelle ?
Non
Je l'appelle pas ...
C'est possible
Peut-être qu'il s'en fout .
Peut-être que … oui , il s'en fout
Malade ce type !
Il est devenu malade …
He couldn't leave the studio
Quel imbécile …
On aurait pu … mais c'est trop tard
C'est toujours pareil avec les mecs …
Qu'est-ce qu'il a ce studio ?
32e étage … pas mal …
Pas plus mal qu'un autre
Vue sur … sur quoi déjà ? … les docks ?
Po-po-po-po-po …
Qu'est-ce que je fais ?
Je l'appelle ?
Non
Je l'appelle pas ...
KRANT 61 . Y A-T-IL PLUS SAGE QU'UN MUET ?
Krant était le maître du silence .
A l'invite du capitaine ouvert aux idées démocratiques et à la philosophie des
lumières , nous disputions des routes dans le carré : par exemple , fallait-il contourner
Westray par le nord-ouest ou atteindre Ronsay par Eddy Sound ?
- Le quartier-maître : "Dans ce foutu hiver , passer le 59° c'est de la folie , tudieu ! …
les glaces" … et il crachait son mégot sur le plancher … "J'ai sept gosses à nourrir" …
et il jetait hors de la manche de son ciré humide un index véhément vers la mer du
nord … "Il y a là-bas des vagues de vingt mètres de haut !"
- Le timonier l'interrompant ou en surimpression : "Ah , ah ! … des vagues de vingt
mètres de haut !" . Il haussait les deux plats-bords qui lui servaient d'épaules : "Tu
rêves , quartier-maître ! … des vagues comme ça n'existent pas ! …"
- Le q-m , l'index maintenant pointé sur sa poitrine : "Je les ai vues , timonier , je les
ai vues !" . Ses yeux exorbités comme si ces lames allaient s'abattre sur le pont du
Kritik … "Hein , capitaine , que nous les avons vues !" . Il tendait la paume de son
autre main vers Krant qui n'infirmait ni ne confirmait .
- Le timonier : "Tes vagues ne me font pas peur" … et il montrait ses deux pattes
épaisses comme des panneaux d'écoutilles … "J'en ai vu d'autre en Malaisie … les
typhons , ça te dit quelque chose ?"
- Le q-m : "Sûr que j'en ai traversés , hein capitaine ! …" et Krant ne cillait pas et l'autre
qui connaissait Krant de longue date n'attendait pas de cillement … puis , emporté par
ses souvenirs et son tempérament : "Un ouragan dans le Golfe du Mexique ! …"
- Moi : "On manquera de charbon par-là" … J'indiquai Westray Firth sur la carte .
- Le q-m : "Un ouragan !" … et le quartier-maître s'enroulait sur lui-même avec son
ciré et ses bras tournaient autour de la carte comme les bras d'un cyclone autour de son
oeil , l'ensemble formait une tempête à l'intérieur du carré , aggravée par le formidable
rire du timonier .
- Moi : "Si on passait par Sunday Sound ?"
- Les deux stoppaient net leur tempête , et pratiquement à l'unisson : "Par Sunday
Sound !? … t'es devenu cinglé , chef ! …"
- Le q-m : "On retrouvera pas nos corps !"
- Moi : "Je l'ai fait , jadis …"
- Le timonier : "Ah , ah ! … sur la plage … en été !"
- Krant , allongeant en travers de la carte son médium manucuré : "Messieurs , nous
passerons par là" .
Et il indiquait sur la carte une route lumineuse à laquelle , à force d'agiter nos langues
plus que nos cervelles , nous n'avions pas pensé : celle de Stronsay Firth , au nord de
Shapinsay .
A l'invite du capitaine ouvert aux idées démocratiques et à la philosophie des
lumières , nous disputions des routes dans le carré : par exemple , fallait-il contourner
Westray par le nord-ouest ou atteindre Ronsay par Eddy Sound ?
- Le quartier-maître : "Dans ce foutu hiver , passer le 59° c'est de la folie , tudieu ! …
les glaces" … et il crachait son mégot sur le plancher … "J'ai sept gosses à nourrir" …
et il jetait hors de la manche de son ciré humide un index véhément vers la mer du
nord … "Il y a là-bas des vagues de vingt mètres de haut !"
- Le timonier l'interrompant ou en surimpression : "Ah , ah ! … des vagues de vingt
mètres de haut !" . Il haussait les deux plats-bords qui lui servaient d'épaules : "Tu
rêves , quartier-maître ! … des vagues comme ça n'existent pas ! …"
- Le q-m , l'index maintenant pointé sur sa poitrine : "Je les ai vues , timonier , je les
ai vues !" . Ses yeux exorbités comme si ces lames allaient s'abattre sur le pont du
Kritik … "Hein , capitaine , que nous les avons vues !" . Il tendait la paume de son
autre main vers Krant qui n'infirmait ni ne confirmait .
- Le timonier : "Tes vagues ne me font pas peur" … et il montrait ses deux pattes
épaisses comme des panneaux d'écoutilles … "J'en ai vu d'autre en Malaisie … les
typhons , ça te dit quelque chose ?"
- Le q-m : "Sûr que j'en ai traversés , hein capitaine ! …" et Krant ne cillait pas et l'autre
qui connaissait Krant de longue date n'attendait pas de cillement … puis , emporté par
ses souvenirs et son tempérament : "Un ouragan dans le Golfe du Mexique ! …"
- Moi : "On manquera de charbon par-là" … J'indiquai Westray Firth sur la carte .
- Le q-m : "Un ouragan !" … et le quartier-maître s'enroulait sur lui-même avec son
ciré et ses bras tournaient autour de la carte comme les bras d'un cyclone autour de son
oeil , l'ensemble formait une tempête à l'intérieur du carré , aggravée par le formidable
rire du timonier .
- Moi : "Si on passait par Sunday Sound ?"
- Les deux stoppaient net leur tempête , et pratiquement à l'unisson : "Par Sunday
Sound !? … t'es devenu cinglé , chef ! …"
- Le q-m : "On retrouvera pas nos corps !"
- Moi : "Je l'ai fait , jadis …"
- Le timonier : "Ah , ah ! … sur la plage … en été !"
- Krant , allongeant en travers de la carte son médium manucuré : "Messieurs , nous
passerons par là" .
Et il indiquait sur la carte une route lumineuse à laquelle , à force d'agiter nos langues
plus que nos cervelles , nous n'avions pas pensé : celle de Stronsay Firth , au nord de
Shapinsay .
mercredi 1 juin 2016
LE ROI DES BELGES (suite) . LE HAUT-KATANGA
Katanga ! … ces trois syllabes battaient dans mon coeur comme un autre coeur ;
Ka-tan-ga , comme un tam-tam de brousse ou un nuage de poussière sous le sabot des
buffles . Un fleuve emportait tout : les papiers de mon cabinet de travail , ses tentures
et le reste de ma raison . Je - mais était-ce moi ? - me voyais sur un trône d'ébène ,
coiffé d'ossicônes (voir ce mot dans un bon dictionnaire) et tenant devant ma poitrine
le sceptre Ouas et la croix Ânkh . Sur le papier , je formais des légions peintes en blanc
avec , autour du nombril , des poupées Luba et dans la gorge des chants de conquête …
je chantais à tue-tête et m'agitais . Astrid s'inquiétait : je ne tournais pas rond . Elle posait
contre ma porte des verres d'Alka-Selzer dont l'effervescence (l'acétylsalicylicité) ,
pensait-elle , devait calmer la mienne or , bien au contraire , elle l'attisait et ma peau se
mit à noircir . Sur les conseils du Grand Chambellan , Astrid fit venir un médecin . Ce
praticien , Docteur Seke Soso Bomutu , inscrit à l'Ordre et vaguement sorcier , stéthos-
copa la maladie : katangite , dite aussi "syndrome de Léopold" ou "léopoldite" ,
affection tropicale fréquente dans une portion infime de la population belge : celle des
rois … le cuivre !! , hurlai-je à l'oreille du Docteur Bomutu en agrippant ses bras …
le cuivre !!! … il y en a eu mais il n'y en a plus , dit-il tristement en secouant la tête
de dessous son chapeau-girafe . Je voulais mourir et je dictai à Astrid les modalités de
mes funérailles . Elles ressembleraient en gros à celles de Victor Hugo : il y aurait un
long défilé du peuple devant le Palais Royal , puis un dromadaire (ou peut-être - j'hé-
sitais - un chameau de Bactriane) porterait ma dépouille jusqu'au catafalque "à la Michel
Ange" qu'on aura dressé dans le choeur de la cathédrale Sainte Gudule et n'oublions
pas les 21 coups de canon tirant des salves d'euros et de mesures de défiscalisation sur
mes sujets les plus pauvres . Telles étaient mes dernières volontés . Avant de couper le
courant , je remerciai mon Grand Chambellan de m'avoir ouvert le monde merveilleux
de l'informatique et ma bien-aimée instructrice , la Fée Christiane de la Jonquille ,
celui des arts de la table (fork on the left !)
(à suivre …)
Ka-tan-ga , comme un tam-tam de brousse ou un nuage de poussière sous le sabot des
buffles . Un fleuve emportait tout : les papiers de mon cabinet de travail , ses tentures
et le reste de ma raison . Je - mais était-ce moi ? - me voyais sur un trône d'ébène ,
coiffé d'ossicônes (voir ce mot dans un bon dictionnaire) et tenant devant ma poitrine
le sceptre Ouas et la croix Ânkh . Sur le papier , je formais des légions peintes en blanc
avec , autour du nombril , des poupées Luba et dans la gorge des chants de conquête …
je chantais à tue-tête et m'agitais . Astrid s'inquiétait : je ne tournais pas rond . Elle posait
contre ma porte des verres d'Alka-Selzer dont l'effervescence (l'acétylsalicylicité) ,
pensait-elle , devait calmer la mienne or , bien au contraire , elle l'attisait et ma peau se
mit à noircir . Sur les conseils du Grand Chambellan , Astrid fit venir un médecin . Ce
praticien , Docteur Seke Soso Bomutu , inscrit à l'Ordre et vaguement sorcier , stéthos-
copa la maladie : katangite , dite aussi "syndrome de Léopold" ou "léopoldite" ,
affection tropicale fréquente dans une portion infime de la population belge : celle des
rois … le cuivre !! , hurlai-je à l'oreille du Docteur Bomutu en agrippant ses bras …
le cuivre !!! … il y en a eu mais il n'y en a plus , dit-il tristement en secouant la tête
de dessous son chapeau-girafe . Je voulais mourir et je dictai à Astrid les modalités de
mes funérailles . Elles ressembleraient en gros à celles de Victor Hugo : il y aurait un
long défilé du peuple devant le Palais Royal , puis un dromadaire (ou peut-être - j'hé-
sitais - un chameau de Bactriane) porterait ma dépouille jusqu'au catafalque "à la Michel
Ange" qu'on aura dressé dans le choeur de la cathédrale Sainte Gudule et n'oublions
pas les 21 coups de canon tirant des salves d'euros et de mesures de défiscalisation sur
mes sujets les plus pauvres . Telles étaient mes dernières volontés . Avant de couper le
courant , je remerciai mon Grand Chambellan de m'avoir ouvert le monde merveilleux
de l'informatique et ma bien-aimée instructrice , la Fée Christiane de la Jonquille ,
celui des arts de la table (fork on the left !)
(à suivre …)
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