mercredi 1 juin 2016

LE ROI DES BELGES (suite) . LE HAUT-KATANGA

    Katanga ! … ces trois syllabes battaient dans mon coeur comme un autre coeur ;
Ka-tan-ga , comme un tam-tam de brousse ou un nuage de poussière sous le sabot des
buffles . Un fleuve emportait tout : les papiers de mon cabinet de travail , ses tentures
et le reste de ma raison . Je - mais était-ce moi ? - me voyais sur un trône d'ébène ,
coiffé d'ossicônes (voir ce mot dans un bon dictionnaire) et tenant devant ma poitrine
le sceptre Ouas et la croix Ânkh . Sur le papier , je formais des légions peintes en blanc
avec , autour du nombril , des poupées Luba et dans la gorge des chants de conquête …
je chantais à tue-tête et m'agitais . Astrid s'inquiétait : je ne tournais pas rond . Elle posait
contre ma porte des verres d'Alka-Selzer dont l'effervescence (l'acétylsalicylicité) ,
pensait-elle , devait calmer la mienne or , bien au contraire , elle l'attisait et ma peau se
mit à noircir . Sur les conseils du Grand Chambellan , Astrid fit venir un médecin . Ce
praticien , Docteur Seke Soso Bomutu , inscrit à l'Ordre et vaguement sorcier , stéthos-
copa la maladie : katangite , dite aussi "syndrome de Léopold" ou "léopoldite" ,
affection tropicale fréquente dans une portion infime de la population belge : celle des
rois … le cuivre !! , hurlai-je à l'oreille du Docteur Bomutu en agrippant ses bras …
le cuivre !!! … il y en a eu mais il n'y en a plus , dit-il tristement en secouant la tête
de dessous son chapeau-girafe . Je voulais mourir et je dictai à Astrid les modalités de
mes funérailles . Elles ressembleraient en gros à celles de Victor Hugo : il y aurait un
long défilé du peuple devant le Palais Royal , puis un dromadaire (ou peut-être - j'hé-
sitais - un chameau de Bactriane) porterait ma dépouille jusqu'au catafalque "à la Michel
Ange" qu'on aura dressé dans le choeur de la cathédrale Sainte Gudule et n'oublions
pas les 21 coups de canon tirant des salves d'euros et de mesures de défiscalisation sur
mes sujets les plus pauvres . Telles étaient mes dernières volontés . Avant de couper le
courant , je remerciai mon Grand Chambellan de m'avoir ouvert le monde merveilleux
de l'informatique et ma bien-aimée instructrice , la Fée Christiane de la Jonquille ,
celui des arts de la table (fork on the left !)


                                                                                    (à suivre …)

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