Les lumières de Tambak venaient de sombrer sous l'Île de Java quand le capitaine
m'aborda avec une question fortuite , bien dans sa manière :
- "Où est votre maison , chef ?"
- Moi : "Là-bas …" (geste vague évoquant un lieu si éloigné qu'oublié) … "près de
Koenigsberg … à la campagne …"
- Krant , après un silence , en bourrant sa pipe : "Y êtes-vous né ?"
- Moi : "J'y suis né , capitaine"
- Krant . Il s'accoude au bastingage : "Comment est-elle votre maison ?"
- Moi : "Je ne saurais la décrire , capitaine … c'est une pauvre maison … la lumière
d'été entre par une porte , celle du potager … il y a des coins sombres … un buffet en
chêne blond … sculpté de coquilles … une odeur de cire … des jonquilles coupées ,
dans un vase … une soupe sur le feu … je pense que c'est une soupe de poireaux …
une tenture épaisse cache l'escalier et ses marches craquantes … il y a un chat , capi-
taine , un énorme chat gris sur la table où ma petite mère a coupé un oignon … la voix
de mon père … il travaille dans le potager … l'ombre d'un nuage cérémonieux et lent ,
chargé de mer … il vient de la Baltique et frôle mes tilleuls … et le feu , bien entendu ,
le foyer en fonte en hiver , quand les volets tremblent sous le vent … la chaleur de
l'édredon , l'odeur des plumes et les battements de mon coeur …"
- Krant : "Je vois , chef …"
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