A Kuma , on a la passion de l'écriture . Qu'un japonais ait la passion de l'écriture
et d'aucuns infèrent qu'il s'exprime dans cette forme poétique strictement codifiée :
le haïku . Or , à Kuma , on ne s'adonne pas à la poésie bien qu'on se plaise à calligra-
phier dans l'art de la tradition , en idéogrammes et , autant qu'il est possible , au pinceau
et à l'encre sur le papier en fibres de mûrier qu'on appelle "washi" . Ce qu'on pratique
ici , c'est la lettre d'amour . Les missives sentimentales que les habitant(e)s de Kuma
adressent à jet continu à leurs bienheureu(ses)x correspondant(e)s ont la forme de leur
ville , de leurs maisons et de leur campagne . Les émois qu'elles transportent - car il s'agit
de transports et de transports amoureux - ont la limpidité du Kuma-Gawa qui traverse la
cité dont les rizières gravées en camaïeu géométrique de vert- émeraude , jade et olive -
de jaune safran ou jaune paille , démêlent les subtiles passions . Pour les démonstrations
fougueuses , à ces légèretés pastel , l'épistolier de Kuma préférera sans nul doute épreindre
sa concupiscence avec les mots du Pin-Matsu ou du Cèdre-Sugi ! . Écrire , écrire , écrire
encore l'amour ! . Hommes et femmes , vieillards et enfants , s'adonnent au courrier du
coeur entre les cloisons opalescentes de leurs chambres , aussi - modernité oblige - dans
les cages en béton des nouveaux quartiers , mais qu'importe , chaque jour , du bureau de
poste , par train , par avion , des lettres timbrées imprégnées du miel de Kuma essaiment
alentours et plus loin encore ...
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