samedi 2 mai 2020

IRINA

    Elles étaient trois soeurs : Olga , Macha et Irina . Russes comme le dit assez leurs
prénoms . Dans l'ordre : une prof , une pianiste et une inconsciente . Bien entendu ,
c'est de l'inconsciente que je suis tombé amoureux . Irina était la plus jeune , la plus
petite aussi , elle est à droite sur la photo . Je n'ai jamais pu encaisser les deux autres :
Olga , abusive et maternante , Macha , chimérique (et son amant , ce lieutenant-colonel
Verchinine !) . C'est pendant une fête organisée en l'honneur de celle qui allait partager
ma vie (et mon appartement et mes économies) pendant tout un été (1969 ou 1970 ? .
Mon carnet n'est pas clair) que j'ai fait sa connaissance , mais pas du tout dans la cam-
pagne profonde de la Russie , pas non plus à Moscou . A Niort où , à l'époque , je pour-
suivais de vagues études de … de quoi d'ailleurs ? . Irina suivait les mêmes cours que
moi avec la même indolence . Elle était dans l'amphi toujours à la même place , ne
prenant aucune note et jouant avec son crayon , quatre gradins plus bas . Son chignon .
J'ai passé des heures dans ce chignon ! . Les cours , ça me revient , étaient donnés par
une lépidoptérologue américaine . A la fin des années soixante , je m'étais passionné
pour les papillons . Chignon très russe , très XIXe siècle , très tchékovien : blond ,
dénoué , glissant sur la nuque . Un peigne d'ambre y parodiait les ocelles bruns d'un
Tircis . A la fac , je n'ai jamais adressé la parole à Irina . J'aurais dû . Je me serais rendu
compte qu'avant d'avoir commencé , notre amour était condamné . Il a duré la courte vie
d'un papillon ...

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