J'ai passé cinq ans 3 rue de la Renaudière (Nancy) , à promouvoir l'amitié franco-
soviétique . J'occupais un bureau insonorisé à l'entresol d'où je sortais la nuit pour
calibrer nos antennes sur la terrasse . Je n'étais pas autorisé à sortir ; les Français , je
ne les voyais pas mais je les écoutais en toute illégalité . J'étais branché de jour comme
de nuit sur mon récepteur et je codais sur des feuilles-types les renseignements obtenus .
Ma cible , c'était les sympathisants de gauche et , sans vouloir me vanter , je recueillis
des tuyaux de première bourre : Solange Dutapin , secrétaire du Parti Socialiste local ,
avait des règles douloureuses et Joseph Keller , trésorier , utilisait la caisse noire pour
les soins dentaires de sa maîtresse .
C'était une époque formidable ! . L'Union Soviétique massait sur la frontière
d'Allemagne de l'Est des milliers de chars d'assaut à l'état d'épave , en vue d'une invasion
future . Grâce aux leçons de Fedora , le KGB me fit sortir de mon bocal : je parlais un
excellent français . Mes chefs m'affublèrent d'un camouflage si étincelant qu'il aveugla
le contre-espionnage ennemi . Je m'appelais Konica Rox-Xeranx , ressortissant polonais
émigré aux États-Unis où j'avais fait fortune dans la reproduction de documents ! . Par
amour de la Meurthe-et-Moselle , je sollicitais la nationalité française . Je l'obtins sans
difficultés .
Lors de la campagne des municipales en 1989 , je rencontrai Roland Clement
"par hasard" dans un cocktail branché . Nous sympathisâmes . Le 12 mars , Roland
était élu maire de Nancy . Il fit de moi son premier adjoint . Le 13 mars , j'envoyai à mon
officier traitant ma première photocopie : un plan détaillé de la Place Stanislas . Mais le
9 novembre de la même année , le mur de Berlin tombait et on m'exfiltra dans ce qui
restait de l'Union Soviétique . J'eus droit à une balle dans la nuque . On me coula dans
un sarcophage de béton en Mer de Barents , entre la Presqu'île de Kola et celle de Kanin .
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