vendredi 23 mars 2018

KRANT 123 . SOUVENT , QUAND JE N'ÉTAIS PAS DE QUART

    J'étais alors appuyé sur le bastingage et mon esprit filait contre le bordage .
Paisible enfin , le temps calait son déroulement sur la vitesse égale du Kritik :
20 noeuds …

    Ce mol écoulement m'incitait à d'extravagantes transfigurations : d'écume
banale , le sillage du Kritik se muait en bave de dragon ou le nuage noir qui
- à coup sûr - allait croiser notre route , était un cavalier de l'apocalypse et les
éclairs qu'il ne portait pas encore illumineraient le tranchant de son épée .

    Je parais les choses d'ornements que - dans la vie éveillée - elles ne porte-
raient jamais : des couronnes aux îles lointaines , aperçues au ras de l'horizon
au lever du soleil ; à un tourbillon furieux de mouettes , je prêtais les spirales
d'une galaxie et , si nous quittions Porthmouth , les grues portuaires marchaient
à contre-sens sur les quais , chaussées d'immenses bottes .

    Moi-même , officier mécanicien crasseux , je me voyais en mirifique habit .

- "Vous rêvez , chef ?"

    C'était Krant . Sur la passerelle supérieure :

- "Le monde des songes est un abîme … le rêve , un poison …"

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