mercredi 3 avril 2019

5e AVENUE

    New York . Vous avez déjeuné au Keens Steakhouse . Vous avez payé l'addition
(pas donnée mais bon rapport qualité-prix) . Prenez la Fifth Avenue en remontant vers
Central Park . Juste après le Rockfeller Center , il y a - il faut chercher , peu de gens
connaissent ce passage - une brèche dans un mur , entre la 51e et la 52e rue . Si vous
avez le sens (et le goût) de l'aventure , glissez-vous dans cet interstice . Ça n'est pas
facile , encore faut-il être mince et n'avoir pas abusé des côtelettes du Keens . Mais une
fois introduit , le passage s'élargit , il y a un coude à 90° assez aisément négociable .
Là débute ce qu'on peut appeler un sentier . Vous remarquez que la rumeur de la ville
s'est estompée , qu'elle s'estompe encore et que très vite vous ne l'entendez plus . C'est
que vous êtes dans une forêt de conifères , des sapins de Douglas principalement dont
les aiguilles molles et souples étouffent les sons . Avancez ! … ça sent la citronnelle ,
non ? . Un petit quart d'heure de marche entre les troncs géants , 60 mètres en moyenne
(qu'il est agréable ce tapis élastique !) et la forêt se diversifie : des feuillus , chênes ,
hêtres , bouleaux . Si vous passez par là la nuit avec une lampe frontale vous pourrez
peut-être surprendre un opossum se déplaçant lentement dans les arbres ou suspendu
à une branche par sa queue préhensile , mais qui irait s'aventurer la nuit entre la 51e et
la 52e rue !? . Puis une clairière de très vieux magnolias balançant au gré d'un courant
d'air leurs grandes feuilles alternes et leurs fleurs blanc rosé en forme de coupes ,
entracte bien venu de votre randonnée d'autant que deux abeilles , comme pour vous
distraire , se disputent le pollen d'un séneçon . Plus loin encore , marcher trois heures
d'un bon pas , le paysage s'éclaire . En route , vous n'aurez pas perdu votre temps ni
gâché votre plaisir : vous aurez observé des chardonnerets se goinfrant de monades
et admiré l'iridescense du plumage d'un colibri . Mais vous êtes maintenant à la fron-
tière des hautes plaines , le pays des prairies et vous devinez au-delà d'elles (si le temps
est clair) des étendues herbeuses immenses , plus loin encore (prévoir une paire de
fortes jumelles) des déserts parsemés d'arbustes ratatinés , de buissons épineux que
broutent quelques bisons , et d'euphorbes candélabres . Au fond , des montagnes et ,
encore , des forêts … est-ce que ça ne valait pas le coup de quitter la Cinquième
Avenue et ses boutiques de luxe ?

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