samedi 20 avril 2019

KRANT 162 . LIRE

    Échapper à ce fichu rafiot . A la chaleur , au ronflement de ses chaudières …
J'avais dans ma cantine deux ou trois livres . Hors quarts , il m'arrivait de m'étendre
sur ma couchette et de lire . J'abandonnais mon corps à l'océan et je filais par une
orthogonale dans l'autre monde , celui de la rocambole . Ou peut-être , à la fin de
mon quart , m'étais-je jeté dans le fourneau de la chaudière et , chairs et os brûlés
pour le profit du grand commerce , mon esprit s'esquivait par le conduit de la che-
minée sous forme de suie , d'abord épaisse au moment de s'extraire puis roulant en
volutes grises , comme de la mousseline de plus en plus transparente , puis encore ,
se dissipant et au bout de notre sillage s'anéantissant … je me trouvais galopant dans
un sous-bois , perçant à la pointe de l'épée des ventres de brigands , embrassant les
pieds d'une reine ou , au mieux de ma forme , baisant au fond d'une grange les seins
fondants d'une bergère ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire