Dieu est à son établi . Il essaie de se concentrer , mais … :
- "Adam !"
Adam et Ève se chicanent - scène de ménage primordiale - Caïn et Abel se battent
et toute une marmaille antédiluvienne , Seth , Qénân , Mahalaléel , Yéred , Hénok ,
Mathusalem , etc … une génération plus ou moins cousine , rieuse , brailleuse ,
chahuteuse et bagarreuse met à mal la quiétude de l'Atelier et du Jardin d'Eden .
- "Adam , s'il te plaît ! … moins de bruit ! … je travaille!"
- Adam : "On fait pas d'bruit !"
- Dieu : "Tu te fous de moi !? … mets de l'ordre dans ta descendance ! …
c'est insupportable … on ne s'entend plus … et je ne m'entends plus !"
- Adam : "……..?………"
- Dieu : "Comment veux-tu que ma Parole parvienne à vos oreilles ?"
- Adam : "Tu ne parlais pas ! … tu travaillais"
- Dieu : "Oui , c'est vrai , je ne parlais pas … je n'essaie même plus de parler ! …
personne ne m'écoute … vos villes , vos aéroports , vos discothèques , vos scooters ,
vos tondeuses à gazon … et vos mouflets odieux ! … ta descendance , à force de
vacarme , est devenue sourde !"
- Ève : "Qu'est-ce que tu dis ?"
- Dieu élève la voix pour surmonter le tintamarre : "Je dis , Ève , que vous faites trop
de bruit , qu'on ne s'entend plus et que vous devenez sourds … et ces deux-là , tu ne
peux pas les empêcher de s'écharper ?"
- Ève à Caïn . Elle hurle : "Caïn , arrête de taper ton frère ! … t'en veux une ?" .
Elle le secoue . Caïn se met à braire et l'autre à glapir .
- Dieu à Adam : "Adam , j'en ai assez ! … fais quelque chose ! … fais quelque chose
ou je vous noie !"
- Adam : "Nous noyer !?"
- Dieu : "Oui … dans une sorte de Déluge !"
samedi 29 février 2020
jeudi 27 février 2020
GORGOVA
Phase d'approche : le grand oiseau américain , toutes rémiges aérofreinées
- "Please fasten your belt" sussure le tailleur bleu … ting-ting … coiffe aux
ailes dorées - se cabre , bec haut , sur le nuage évaporé des marais de la Sulina .
Est-ce ici Venise ? . Des gondoles , c'est vrai , glissent leur neurasthénie sous
des ponts soupirants et les quais ressemblent à s'y méprendre à ceux de la
Sérénissime . Dernier virage . 20h30 . Tour de contrôle . Les gondoliers ont
cessé le travail . Ils se retrouvent entre eux à fumer des Marlboro autour d'une
boza , levant un oeil blasé vers le ciel - "The outside température is twenty
degrees" - mais on ne peut rien contre la géographie : Venise est ailleurs .
Les passagers ne s'y trompent pas qui , ceinturés au-dessus de la ville , exami-
nent leur billet à la lumière mourante des plafonniers . Quand les roues touchent
le tarmac - cruunnnnch , nous avons survécu ! - "Good stay in Gorgova !" ,
susurre-t-elle encore sur ses talons aiguilles .
- "Please fasten your belt" sussure le tailleur bleu … ting-ting … coiffe aux
ailes dorées - se cabre , bec haut , sur le nuage évaporé des marais de la Sulina .
Est-ce ici Venise ? . Des gondoles , c'est vrai , glissent leur neurasthénie sous
des ponts soupirants et les quais ressemblent à s'y méprendre à ceux de la
Sérénissime . Dernier virage . 20h30 . Tour de contrôle . Les gondoliers ont
cessé le travail . Ils se retrouvent entre eux à fumer des Marlboro autour d'une
boza , levant un oeil blasé vers le ciel - "The outside température is twenty
degrees" - mais on ne peut rien contre la géographie : Venise est ailleurs .
Les passagers ne s'y trompent pas qui , ceinturés au-dessus de la ville , exami-
nent leur billet à la lumière mourante des plafonniers . Quand les roues touchent
le tarmac - cruunnnnch , nous avons survécu ! - "Good stay in Gorgova !" ,
susurre-t-elle encore sur ses talons aiguilles .
mercredi 26 février 2020
LE SOLDAT FERRARI 2
L'enfant qui venait de naître était un garçon , donc - à cette époque d'avant
l'échographie foetale - une demi-surprise . Pour les prévisions de sexe , on s'en
remettait aux entrailles de chèvres . C'est le sorcier qui décidait et comme le sorcier
se trompait une fois sur deux , il mettait à égalité le hasard et la nécessité et préservait
son prestige avec les bonnes prévisions comme font aujourd'hui les météorologues .
Mais , tout compte fait , à l'heure du terme , on n'avait pas la moindre idée de ce qui
sortirait du ventre de la mère , et c'est comme le temps du prochain week-end .
Un garçon ! … un Ferrari ! . L'enfant de sexe mâle qui venait d'aborder notre vallée
de larmes poussa son premier cri : "kri-kriiii … kri-kriiii" … comme le chant du grillon
à l'heure du coït . N'avait-il eu neuf mois de vie intra-utérine pour l'assimiler ! .
Car chacun sait que le grillon passe sa vie à copuler ...
l'échographie foetale - une demi-surprise . Pour les prévisions de sexe , on s'en
remettait aux entrailles de chèvres . C'est le sorcier qui décidait et comme le sorcier
se trompait une fois sur deux , il mettait à égalité le hasard et la nécessité et préservait
son prestige avec les bonnes prévisions comme font aujourd'hui les météorologues .
Mais , tout compte fait , à l'heure du terme , on n'avait pas la moindre idée de ce qui
sortirait du ventre de la mère , et c'est comme le temps du prochain week-end .
Un garçon ! … un Ferrari ! . L'enfant de sexe mâle qui venait d'aborder notre vallée
de larmes poussa son premier cri : "kri-kriiii … kri-kriiii" … comme le chant du grillon
à l'heure du coït . N'avait-il eu neuf mois de vie intra-utérine pour l'assimiler ! .
Car chacun sait que le grillon passe sa vie à copuler ...
mardi 25 février 2020
KRANT 201 . NOUVEAU JOUR
- "Les mots , chef , ne disent pas tout !"
Au large de Warren Point en Mer d'Irlande , dans le cadre ouvert de la salle des
cartes où j'écris mon journal , la silhouette du capitaine découpe la noirceur de la houle .
Houle noire mais formidable clair-obscur car le soleil s'est levé sur le rideau humide où
se diffracte , impériale , sa lumière . Les galons du capitaine étincellent et le bastingage ,
derrière lui , semble chauffé à blanc .
- Moi : "………….."
- Krant . Il entre en bourrant sa pipe : "Ils ne disent pas tout …"
- Moi : "………….."
- Krant . Ébauche de geste vers le carnet où j'ai écrit la date du jour qui vient :
"Ils ne disent presque rien …"
- Moi : "………….."
Le capitaine s'asseoit sur la banquette en moleskine : "Qu'y a-t-il à dire d'un océan ? …
d'un ciel ?"
Le rideau vient de crever et c'est maintenant la lumière directe du soleil qui entre par
la porte de la cabine où les ombres se mettent à vaciller ; sur notre bord , la Mer d'Irlande
endosse une éclatante grisaille . Je pose mon crayon . La terre glisse sur son orbe ; l'ai-je
jamais éprouvé autant qu'en naviguant ? . Krant et moi , dérisoires spectateurs , assistons
à ce basculement astronomique .
- Krant : "Laissez donc votre crayon !"
Au large de Warren Point en Mer d'Irlande , dans le cadre ouvert de la salle des
cartes où j'écris mon journal , la silhouette du capitaine découpe la noirceur de la houle .
Houle noire mais formidable clair-obscur car le soleil s'est levé sur le rideau humide où
se diffracte , impériale , sa lumière . Les galons du capitaine étincellent et le bastingage ,
derrière lui , semble chauffé à blanc .
- Moi : "………….."
- Krant . Il entre en bourrant sa pipe : "Ils ne disent pas tout …"
- Moi : "………….."
- Krant . Ébauche de geste vers le carnet où j'ai écrit la date du jour qui vient :
"Ils ne disent presque rien …"
- Moi : "………….."
Le capitaine s'asseoit sur la banquette en moleskine : "Qu'y a-t-il à dire d'un océan ? …
d'un ciel ?"
Le rideau vient de crever et c'est maintenant la lumière directe du soleil qui entre par
la porte de la cabine où les ombres se mettent à vaciller ; sur notre bord , la Mer d'Irlande
endosse une éclatante grisaille . Je pose mon crayon . La terre glisse sur son orbe ; l'ai-je
jamais éprouvé autant qu'en naviguant ? . Krant et moi , dérisoires spectateurs , assistons
à ce basculement astronomique .
- Krant : "Laissez donc votre crayon !"
lundi 24 février 2020
KRANT 200 . SOCOTRA
Nous abordons Socotra par le sud . C'est la mousson . L'île , nous ne la voyons pas ,
et pourtant elle est à moins de trois miles . Socotra est ce nuage bas , noir , vautré sur la
mer . "Tudieu si j'y vois quelque chose !" , marmonne le timonier . Krant est à côté de
lui , pipe et jumelles vissées dans son visage impavide . Le timonier actionne la corne
de brume quand nous percutons le mur d'eau tiède . Krant : "Réduisez … 20° tribord …
allez !" . Une expiration grave dans l'air immobile entame à tâtons un chant mélanco-
lique : c'est Vinc et son accordéon , amoureux de Socotra . On l'attend là-bas . Une
foule serrée dans ses haillons humides l'attend , compacte sur le ponton , découpant
son ombre dans la tenture du déluge , mille yeux fermés sur la vieille chanson de
Socotra , mille oreilles dans ces chaudes ténèbres tendues vers la haute mer …
- "Là !" , dit Krant … "la balise !"
et pourtant elle est à moins de trois miles . Socotra est ce nuage bas , noir , vautré sur la
mer . "Tudieu si j'y vois quelque chose !" , marmonne le timonier . Krant est à côté de
lui , pipe et jumelles vissées dans son visage impavide . Le timonier actionne la corne
de brume quand nous percutons le mur d'eau tiède . Krant : "Réduisez … 20° tribord …
allez !" . Une expiration grave dans l'air immobile entame à tâtons un chant mélanco-
lique : c'est Vinc et son accordéon , amoureux de Socotra . On l'attend là-bas . Une
foule serrée dans ses haillons humides l'attend , compacte sur le ponton , découpant
son ombre dans la tenture du déluge , mille yeux fermés sur la vieille chanson de
Socotra , mille oreilles dans ces chaudes ténèbres tendues vers la haute mer …
- "Là !" , dit Krant … "la balise !"
COTE 137 . 147 . REPÉRAGE
Nous sommes la cible d'un canon . Au son , c'est du 75 . Les tirs sont précis ,
c'est notre position qui est visée . Quelqu'un nous cherche . Quelqu'un nous a trouvés .
Le capitaine , appuyé sur le parapet prend des notes sur un carnet et mesure - quoi ? -
avec un chronomètre . Toutes les trente secondes , un obus percute le sol , jamais très
loin , tout autour de nous . Nous baissons la tête , le bruit nous assourdit , la terre gicle :
triste refrain . Martial s'approche du capitaine :
- "Qu'est-ce que vous faites , mon capitaine ?" . Comme il a perdu depuis longtemps
(l'a-t-il jamais eu ?) le sens de la hiérarchie militaire , Martial pose la main sur l'épaule
de son officier . Leurs casques se touchent .
- Le capitaine à l'instant où une de ces saloperies explose à 30 mètres de la tranchée ,
juste devant nous : "Je … je …"
- Martial : "Quoi ? … quoi ?" . Les casques de Martial et du capitaine sont maintenant
emboîtés l'un dans l'autre .
- Le capitaine : "Je calcule le …" . Mais un obus éclate à gauche . Les deux hommes
s'accroupissent pour laisser passer le ras de marée de terre au-dessus de leurs casques
embronchés comme les tuiles d'un toit .
- Martial : "Quoi ? … vous calculez quoi ? ." . Je m'approche et joins à leurs deux
casques le mien . Le capitaine tient entre nous un petit carnet chiffonné .
- Le capitaine : "Je calcule le …" . La terre se soulève à nouveau , à droite ce coup-là ,
des chevaux de frise volent en l'air . Une aspersion de boue claque sur la carapace de
nos trois casques .
- Le capitaine , au moment où nous nous relevons : "Je disais que …" . A moins de
20 mètres , un geyser de terre , de caillasse et de ferraille nous arrache les oreilles .
Nous nous tassons au fond de la tranchée . Une grêle de débris frappe nos casques et
nos capotes .
Fin de l'épisode . Les artilleurs boches , probablement , se retirent , de peur que leur
position soit repérée .
- Le capitaine , dans le silence revenu comme un fantôme : "J'essayais de délimiter le
secteur d'où ce salaud nous canardait"
- Martial : "C'était du 75 , mon capitaine !"
- Le capitaine : "Je sais bien que c'était du 75 ! … mais d'où tirait-il ?"
- Martial et moi : "……..?………."
- Le capitaine arrache une page de son carnet , humecte la mine de son crayon avec
sa langue et dessine une courbe : "Sachant que la vitesse de propagation du son dans
l'air est de ?"...
- Martial : "… 340m/s"
- Le capitaine : "Bravo , Martial ! … vous en savez des choses !" … S'ensuit une
démonstration où il est question d'hyperboles , de foyer , de distance focale , qui
dépasse notre savoir balistique .
- Le capitaine trace des cercles , des courbes croisées , quelques savants calculs ,
avant de frapper le centre du carnet de la pointe de son crayon : "Il devait se trouver là !
… à peu près …"
- Martial et moi : "………?………."
- Le capitaine : "… mais il n'y est plus …"
- Martial : "Et nous , nous sommes où sur votre carnet ?"
- Le capitaine : "Nous ne sommes pas sur ce carnet , Martial ! … nous sommes dans
cette tranchée de merde !"
c'est notre position qui est visée . Quelqu'un nous cherche . Quelqu'un nous a trouvés .
Le capitaine , appuyé sur le parapet prend des notes sur un carnet et mesure - quoi ? -
avec un chronomètre . Toutes les trente secondes , un obus percute le sol , jamais très
loin , tout autour de nous . Nous baissons la tête , le bruit nous assourdit , la terre gicle :
triste refrain . Martial s'approche du capitaine :
- "Qu'est-ce que vous faites , mon capitaine ?" . Comme il a perdu depuis longtemps
(l'a-t-il jamais eu ?) le sens de la hiérarchie militaire , Martial pose la main sur l'épaule
de son officier . Leurs casques se touchent .
- Le capitaine à l'instant où une de ces saloperies explose à 30 mètres de la tranchée ,
juste devant nous : "Je … je …"
- Martial : "Quoi ? … quoi ?" . Les casques de Martial et du capitaine sont maintenant
emboîtés l'un dans l'autre .
- Le capitaine : "Je calcule le …" . Mais un obus éclate à gauche . Les deux hommes
s'accroupissent pour laisser passer le ras de marée de terre au-dessus de leurs casques
embronchés comme les tuiles d'un toit .
- Martial : "Quoi ? … vous calculez quoi ? ." . Je m'approche et joins à leurs deux
casques le mien . Le capitaine tient entre nous un petit carnet chiffonné .
- Le capitaine : "Je calcule le …" . La terre se soulève à nouveau , à droite ce coup-là ,
des chevaux de frise volent en l'air . Une aspersion de boue claque sur la carapace de
nos trois casques .
- Le capitaine , au moment où nous nous relevons : "Je disais que …" . A moins de
20 mètres , un geyser de terre , de caillasse et de ferraille nous arrache les oreilles .
Nous nous tassons au fond de la tranchée . Une grêle de débris frappe nos casques et
nos capotes .
Fin de l'épisode . Les artilleurs boches , probablement , se retirent , de peur que leur
position soit repérée .
- Le capitaine , dans le silence revenu comme un fantôme : "J'essayais de délimiter le
secteur d'où ce salaud nous canardait"
- Martial : "C'était du 75 , mon capitaine !"
- Le capitaine : "Je sais bien que c'était du 75 ! … mais d'où tirait-il ?"
- Martial et moi : "……..?………."
- Le capitaine arrache une page de son carnet , humecte la mine de son crayon avec
sa langue et dessine une courbe : "Sachant que la vitesse de propagation du son dans
l'air est de ?"...
- Martial : "… 340m/s"
- Le capitaine : "Bravo , Martial ! … vous en savez des choses !" … S'ensuit une
démonstration où il est question d'hyperboles , de foyer , de distance focale , qui
dépasse notre savoir balistique .
- Le capitaine trace des cercles , des courbes croisées , quelques savants calculs ,
avant de frapper le centre du carnet de la pointe de son crayon : "Il devait se trouver là !
… à peu près …"
- Martial et moi : "………?………."
- Le capitaine : "… mais il n'y est plus …"
- Martial : "Et nous , nous sommes où sur votre carnet ?"
- Le capitaine : "Nous ne sommes pas sur ce carnet , Martial ! … nous sommes dans
cette tranchée de merde !"
samedi 22 février 2020
DOROTHÉE
Malheureusement , elle avait ses perroquets . Trois : Melchior , Gaspard et …
Achille . "Pourquoi Achille ?" , lui demandai-je un soir électrique - un orage
menaçait - à la terrasse d'un bar d'Antibes où nous sirotions moi un Old Fashioned ,
elle un Gin Tonic ? . "C'est pourtant simple" , répondit-elle alors qu'un premier coup
de tonnerre tambourinait derrière la mer toute noire . "Réfléchis ! … qu'est-ce qu'on
met là-dedans ?" , et elle posa , contre le globe glacé de son verre , un ongle couleur
ardoise . "Du gin : Melchior , du schweppes : Gaspard … et toutes sortes d'accessoires ,
mon chéri ! … une rondelle de citron , une autre de concombre , un zest d'orange ,
des baies et plein de glaçons ! … c'est Achille !" . Cette démonstration me sembla si
peu convaincante que , dans la nuit - l'orage s'était inopinément éloigné dans l'intérieur
des terres - je décidai de mettre un terme à notre aventure .
Achille . "Pourquoi Achille ?" , lui demandai-je un soir électrique - un orage
menaçait - à la terrasse d'un bar d'Antibes où nous sirotions moi un Old Fashioned ,
elle un Gin Tonic ? . "C'est pourtant simple" , répondit-elle alors qu'un premier coup
de tonnerre tambourinait derrière la mer toute noire . "Réfléchis ! … qu'est-ce qu'on
met là-dedans ?" , et elle posa , contre le globe glacé de son verre , un ongle couleur
ardoise . "Du gin : Melchior , du schweppes : Gaspard … et toutes sortes d'accessoires ,
mon chéri ! … une rondelle de citron , une autre de concombre , un zest d'orange ,
des baies et plein de glaçons ! … c'est Achille !" . Cette démonstration me sembla si
peu convaincante que , dans la nuit - l'orage s'était inopinément éloigné dans l'intérieur
des terres - je décidai de mettre un terme à notre aventure .
TROIS MOUCHES 182 . TANDIS QUE J'AGONISE
Un jour nous causions . Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille . Berthe n'avait jamais été très religieuse , pas même après
cet été où , au meeting en plein air , le Révérend Whitfield avait lutté avec son esprit ,
l'avait prise à part , et avait combattu l'orgueil dans son coeur mortel .
C'était un jour d'été merveilleux : au meeting , trois religieuses avaient lutté contre
l'orgueil de Berthe avec esprit , mais elle et son coeur bourdonnaient comme en plein
air des mouches sur les pailles vermeilles d'un chapeau . Le Révérend Whitfield me
prit à part . Jamais nous n'avions causé , pas même après ce combat mortel .
Le Révérend Whitfield causait à part avec Berthe . C'était trois jours d'un meeting
merveilleux : des mouches vermeilles luttaient contre nos chapeaux de paille et bour-
donnaient , religieuses et pleines d'orgueil . Même après n'avoir jamais eu l'air de
combattre , elles avaient pris à l'été son esprit et son coeur mortel .
contre nos chapeaux de paille . Berthe n'avait jamais été très religieuse , pas même après
cet été où , au meeting en plein air , le Révérend Whitfield avait lutté avec son esprit ,
l'avait prise à part , et avait combattu l'orgueil dans son coeur mortel .
C'était un jour d'été merveilleux : au meeting , trois religieuses avaient lutté contre
l'orgueil de Berthe avec esprit , mais elle et son coeur bourdonnaient comme en plein
air des mouches sur les pailles vermeilles d'un chapeau . Le Révérend Whitfield me
prit à part . Jamais nous n'avions causé , pas même après ce combat mortel .
Le Révérend Whitfield causait à part avec Berthe . C'était trois jours d'un meeting
merveilleux : des mouches vermeilles luttaient contre nos chapeaux de paille et bour-
donnaient , religieuses et pleines d'orgueil . Même après n'avoir jamais eu l'air de
combattre , elles avaient pris à l'été son esprit et son coeur mortel .
vendredi 21 février 2020
DESMOND 128 . LES SANGLOTS LONGS
Aujourd'hui , visite de Monsieur et Madame Pompidou à la Maison Blanche .
A 6 heures du matin , le Président m'a convoqué dans son bureau privé .
- "Desmond , asseyez-vous … urgent-urgent … il paraît que ce type a écrit un bouquin" .
Le Président feuillette un livre .
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … un type ?"
- Le Président me jette un coup d'oeil courroucé par-dessus ses lunettes : "Ignorez-vous
que je reçois Georges aujourd'hui … avec la Grande Claude ?"
- Moi : "Oui , le Président Pompidou est un lettré . Il a écrit une Anthologie de la Poésie
Française"
- Le Président retourne vers moi la-dite anthologie : "Et ce bouquin , le voilà ! …
en français , bien entendu …"
- Moi : "……………."
- Lui . Il repose le livre devant lui , il ôte ses lunettes , pose les coudes sur le plateau du
bureau et , de ses deux mains à plat , tapote l'anthologie : "A 10 heures , je reçois les
Pom… les Pipom… Georges et Claude … il est 6 heures … j'ai quatre heures pour ne
pas passer pour un analphabète"
- Moi : "…….?…….."
- Lui : "Desmond … il faut que d'ici 10 heures je sois capable de déclamer une poésie
française … au boulot ! … j'ai pensé à Goethe"
- Moi : "Goethe !? … euh … c'est un allemand , Monsieur le Président"
- Lui : "Zut ! … Jules Verne ?"
- Moi : "Monsieur le Président … Jules Verne n'est pas vraiment un poète"
- Lui : "Vous le faites exprès , Desmond ? … for heaven's sake , donnez-moi une idée !
… il faut que je les impressionne ! … je dois leur faire passer ma taxe de 10% sur les
importations !"
- Moi : "Verlaine , ça serait bien"
- Lui : "Qui ?"
- Moi : "Verlaine"
- Lui : "Who is this guy ?"
- Moi : "C'est un grand poète français … un poète du XIXe siècle"
- Lui : "Parfait ! quatre heures pour apprendre un poème de ce gars-là …
que proposez-vous ?"
- Moi : "Chanson d'automne"
- Lui recherche "Chanson d'Automne" dans son bouquin : "Chanson d'Automne …
ah , ah ! … trois petites strophes de rien du tout !"
- Moi : "D'autant , Monsieur le Président , qu'il vous suffira de dire : "Les sanglots
longs" , et Monsieur Pompidou , emporté par son amour de la poésie française débitera
le reste !"
- Lui circonflexe ses sourcils : "Vous le connaissez ?"
- Moi : "Pas personnellement … mais il ne pourra pas résister ! … la musique de Verlaine !"
11 heures : le Président sur ma ligne directe : "Sacré Desmond ! … vous aviez raison
… j'ai dit : Verlaine … même pas le temps de dire : les sanglots longs … il m'a sorti les
trois strophes en regardant le plafond du Bureau Ovale … et je lui ai fourgé ma taxe
de 10% !"
A 6 heures du matin , le Président m'a convoqué dans son bureau privé .
- "Desmond , asseyez-vous … urgent-urgent … il paraît que ce type a écrit un bouquin" .
Le Président feuillette un livre .
- Moi : "Euh , Monsieur le Président … un type ?"
- Le Président me jette un coup d'oeil courroucé par-dessus ses lunettes : "Ignorez-vous
que je reçois Georges aujourd'hui … avec la Grande Claude ?"
- Moi : "Oui , le Président Pompidou est un lettré . Il a écrit une Anthologie de la Poésie
Française"
- Le Président retourne vers moi la-dite anthologie : "Et ce bouquin , le voilà ! …
en français , bien entendu …"
- Moi : "……………."
- Lui . Il repose le livre devant lui , il ôte ses lunettes , pose les coudes sur le plateau du
bureau et , de ses deux mains à plat , tapote l'anthologie : "A 10 heures , je reçois les
Pom… les Pipom… Georges et Claude … il est 6 heures … j'ai quatre heures pour ne
pas passer pour un analphabète"
- Moi : "…….?…….."
- Lui : "Desmond … il faut que d'ici 10 heures je sois capable de déclamer une poésie
française … au boulot ! … j'ai pensé à Goethe"
- Moi : "Goethe !? … euh … c'est un allemand , Monsieur le Président"
- Lui : "Zut ! … Jules Verne ?"
- Moi : "Monsieur le Président … Jules Verne n'est pas vraiment un poète"
- Lui : "Vous le faites exprès , Desmond ? … for heaven's sake , donnez-moi une idée !
… il faut que je les impressionne ! … je dois leur faire passer ma taxe de 10% sur les
importations !"
- Moi : "Verlaine , ça serait bien"
- Lui : "Qui ?"
- Moi : "Verlaine"
- Lui : "Who is this guy ?"
- Moi : "C'est un grand poète français … un poète du XIXe siècle"
- Lui : "Parfait ! quatre heures pour apprendre un poème de ce gars-là …
que proposez-vous ?"
- Moi : "Chanson d'automne"
- Lui recherche "Chanson d'Automne" dans son bouquin : "Chanson d'Automne …
ah , ah ! … trois petites strophes de rien du tout !"
- Moi : "D'autant , Monsieur le Président , qu'il vous suffira de dire : "Les sanglots
longs" , et Monsieur Pompidou , emporté par son amour de la poésie française débitera
le reste !"
- Lui circonflexe ses sourcils : "Vous le connaissez ?"
- Moi : "Pas personnellement … mais il ne pourra pas résister ! … la musique de Verlaine !"
11 heures : le Président sur ma ligne directe : "Sacré Desmond ! … vous aviez raison
… j'ai dit : Verlaine … même pas le temps de dire : les sanglots longs … il m'a sorti les
trois strophes en regardant le plafond du Bureau Ovale … et je lui ai fourgé ma taxe
de 10% !"
mercredi 19 février 2020
PARADIS 128 . ÉZÉCHIEL
Randonnée au Paradis . Dieu et Adam ont beaucoup marché . Ils se reposent , assis
côte à côte à l'ombre d'un saule pleureur sur la berge du 4e fleuve : l'Euphrate . Adam
a sorti de son sac un livre : Le Livre .
- Adam : "Yahvé , c'est toi ?"
- Dieu : "Oui … parfois , on m'appelle comme ça"
- Adam : "Ézéchiel , tu connais ?"
- Dieu : "Oui … c'est un prophète"
- Adam ouvre Le Livre : "Tu te souviens de ce que tu dis en Ézéchiel 7-8-9 ?"
- Dieu : "Euh … non … je dis quelque chose d'intelligent ?"
- Adam : "T'as l'air super-fâché !"
- Dieu : "Je suis toujours fâché ! … l'Homme est insupportable ! … déverser ma fureur
sur lui , assouvir ma colère contre lui , je ne fais que ça ! … tous les jours !"
- Adam : "Oui , c'est ça ! … c'est exactement ça !" . Il lit : "Je vais bientôt déverser ma
fureur sur toi et assouvir ma colère contre toi !"
- Dieu : "……………"
- Adam : "Ézéchiel 7-8-9" . Clac ! , il ferme sèchement Le Livre , effrayant une famille
de cicindèles bleuâtres qui batifolaient dans le saule pleureur .
- Dieu : "C'est dans Ézéchiel ?"
- Adam confirme : "Ézéchiel 7-8-9 … qu'est-ce qui s'est passé ?"
- Dieu : "Les fils d'Israël … une engeance de rebelles … ils avaient la tête dure et le
coeur endurci" (Ez.2.4-6)
- Adam , en remettant Le Livre dans son sac : "Qu'est-ce que t'as fait ?"
- Dieu : "J'ai envoyé contre eux la famine et les bêtes féroces (Éz.5-17) … j'ai dévasté
leurs autels , détruit leurs villes , percés de coups leurs habitants et répandus leurs osse-
ments autour de leurs autels dévastés" (Éz.6.4-6)
- Adam : "Pffff … t'es pas allé de main morte !"
- Dieu : "Faut pas me faire ch… euh … tu comprends : fallait qu'ils sachent qui est
Yahvé !"
- Adam : "Ézéchiel était d'accord ?"
- Dieu : "C'est mon prophète … je lui ai pas demandé son avis"
côte à côte à l'ombre d'un saule pleureur sur la berge du 4e fleuve : l'Euphrate . Adam
a sorti de son sac un livre : Le Livre .
- Adam : "Yahvé , c'est toi ?"
- Dieu : "Oui … parfois , on m'appelle comme ça"
- Adam : "Ézéchiel , tu connais ?"
- Dieu : "Oui … c'est un prophète"
- Adam ouvre Le Livre : "Tu te souviens de ce que tu dis en Ézéchiel 7-8-9 ?"
- Dieu : "Euh … non … je dis quelque chose d'intelligent ?"
- Adam : "T'as l'air super-fâché !"
- Dieu : "Je suis toujours fâché ! … l'Homme est insupportable ! … déverser ma fureur
sur lui , assouvir ma colère contre lui , je ne fais que ça ! … tous les jours !"
- Adam : "Oui , c'est ça ! … c'est exactement ça !" . Il lit : "Je vais bientôt déverser ma
fureur sur toi et assouvir ma colère contre toi !"
- Dieu : "……………"
- Adam : "Ézéchiel 7-8-9" . Clac ! , il ferme sèchement Le Livre , effrayant une famille
de cicindèles bleuâtres qui batifolaient dans le saule pleureur .
- Dieu : "C'est dans Ézéchiel ?"
- Adam confirme : "Ézéchiel 7-8-9 … qu'est-ce qui s'est passé ?"
- Dieu : "Les fils d'Israël … une engeance de rebelles … ils avaient la tête dure et le
coeur endurci" (Ez.2.4-6)
- Adam , en remettant Le Livre dans son sac : "Qu'est-ce que t'as fait ?"
- Dieu : "J'ai envoyé contre eux la famine et les bêtes féroces (Éz.5-17) … j'ai dévasté
leurs autels , détruit leurs villes , percés de coups leurs habitants et répandus leurs osse-
ments autour de leurs autels dévastés" (Éz.6.4-6)
- Adam : "Pffff … t'es pas allé de main morte !"
- Dieu : "Faut pas me faire ch… euh … tu comprends : fallait qu'ils sachent qui est
Yahvé !"
- Adam : "Ézéchiel était d'accord ?"
- Dieu : "C'est mon prophète … je lui ai pas demandé son avis"
mardi 18 février 2020
RANCHO NUEVO
C'est une ville nouvelle comme son nom le proclame assez avec un optimisme
vengeur . Elle enroule ses chemins autour de cailloux énormes tombés de la mon-
tagne . Il y avait , avant cette ville nouvelle , une autre ville . Elle se trouve en-
dessous de celle-ci , réduite à l'état de cendre par une guerre civile étincelante et
volontiers pyromane . Santa Helena de la Cruz était le nom de cette grande brûlée
et Sainte Hélène , malgré ce cuisant épisode et parce qu'il est dans la nature des
peuples de sauvegarder leur histoire , fut-elle misérable , est restée la patronne de
Rancho Nuevo . On célèbre celle qui fut la mère de l'Empereur Constantin lors
d'une fête sous haute tension . Car on réclame ici - par quelle rocambolesque
argumentation ? - le sarcophage de porphyre et les reliques d'Hélène , détenus
dans ses caves par la République vaticane après que la Sainte mourut à Nicomédie .
On exige du curé qu'il intercède auprès du Pontife pour que ces trésors fussent
concédés au Conseil Municipal de Rancho Nuevo , chaque année , en vain . Si ,
par inadvertance , deux camarades américains adeptes de la varappe - il y a
d'intéressantes voies d'escalade sur les contreforts de l'étroite vallée - posent leur
sac sur le ponton de l'Escondido (l'Escondido est cette rivière peu commode qui ,
toute en rapides et tourbillons , se jette dans le Rio Grande) le 18 août , en prove-
nance de Piedras Negras (Pierres Noires) par le mythique vapeur à aubes , à moins
qu'ils soient venus de San Antonio par le chemin de fer , ils trouveront la ville en
telle effervescence qu'ils parleront d'émeute . Ils gagneront la petite église où ils
comptaient brûler un cierge mais elle sera cernée par la police locale largement
renforcée , interdisant à la foule vitupérante d'y pénétrer . Et ils s'étonneront aussi
que , faisant face à une statue de Sainte Hélène affublée des atours cousus d'or
d'une princesse byzantine , portée sur un brancard et tanguant aventureusement sur
le dos moutonneux de la populace , le curé de Rancho Nuevo - pauvre padré en
chasuble , étole et maniple - lève sur le parvis des mains aussi apaisantes qu'impuis-
santes et essuie , derrière le cordon policier , un tir nourri de pastèques . Il y aura
bien une bonne âme pour assurer aux deux lascars que , demain , tout sera rentré
dans l'ordre .
vengeur . Elle enroule ses chemins autour de cailloux énormes tombés de la mon-
tagne . Il y avait , avant cette ville nouvelle , une autre ville . Elle se trouve en-
dessous de celle-ci , réduite à l'état de cendre par une guerre civile étincelante et
volontiers pyromane . Santa Helena de la Cruz était le nom de cette grande brûlée
et Sainte Hélène , malgré ce cuisant épisode et parce qu'il est dans la nature des
peuples de sauvegarder leur histoire , fut-elle misérable , est restée la patronne de
Rancho Nuevo . On célèbre celle qui fut la mère de l'Empereur Constantin lors
d'une fête sous haute tension . Car on réclame ici - par quelle rocambolesque
argumentation ? - le sarcophage de porphyre et les reliques d'Hélène , détenus
dans ses caves par la République vaticane après que la Sainte mourut à Nicomédie .
On exige du curé qu'il intercède auprès du Pontife pour que ces trésors fussent
concédés au Conseil Municipal de Rancho Nuevo , chaque année , en vain . Si ,
par inadvertance , deux camarades américains adeptes de la varappe - il y a
d'intéressantes voies d'escalade sur les contreforts de l'étroite vallée - posent leur
sac sur le ponton de l'Escondido (l'Escondido est cette rivière peu commode qui ,
toute en rapides et tourbillons , se jette dans le Rio Grande) le 18 août , en prove-
nance de Piedras Negras (Pierres Noires) par le mythique vapeur à aubes , à moins
qu'ils soient venus de San Antonio par le chemin de fer , ils trouveront la ville en
telle effervescence qu'ils parleront d'émeute . Ils gagneront la petite église où ils
comptaient brûler un cierge mais elle sera cernée par la police locale largement
renforcée , interdisant à la foule vitupérante d'y pénétrer . Et ils s'étonneront aussi
que , faisant face à une statue de Sainte Hélène affublée des atours cousus d'or
d'une princesse byzantine , portée sur un brancard et tanguant aventureusement sur
le dos moutonneux de la populace , le curé de Rancho Nuevo - pauvre padré en
chasuble , étole et maniple - lève sur le parvis des mains aussi apaisantes qu'impuis-
santes et essuie , derrière le cordon policier , un tir nourri de pastèques . Il y aura
bien une bonne âme pour assurer aux deux lascars que , demain , tout sera rentré
dans l'ordre .
LE SOLDAT FERRARI 1
Qui ignore que le soldat Ferrari naquit le 21 juin 1807 , le jour le plus long de l'année ? .
Il était 15 heures , heure locale , quand Ferrari décida d'affronter le monde à cet instant
réduit aux contractions de sa mère , à une voisine dilettante en travaux obstétriques et à la
touffeur qu'on redoute dans ces régions recluses au fond des continents . Il montra ce qu'il
avait entre les cuisses pour que les femmes connussent qui il était et hurlassent par la
fenêtre : "C'est un garçon !" . Un garçon ! … la nouvelle traversa la cour où le soleil de
solstice écrasait de son plomb un maigre buisson à l'ombre fantomatique duquel le Père
Ferrari s'était assoupi . Elle transperça le chapeau de paille où remuait mollement l'encé-
phale du géniteur . Un garçon ! … il fallait se lever , se traîner par l'unique rue du village
jusqu'à la place de la mairie , réveiller l'officier d'état civil qui , s'il ne dormait pas , serait
saoûl , se mettre en quête d'un prénom mâle : Arcangelo … Federico … Salvatore … ?
Alors que si le bon Dieu avait fait une fille , l'abreuvoir où la noyer était à deux pas ...
Il était 15 heures , heure locale , quand Ferrari décida d'affronter le monde à cet instant
réduit aux contractions de sa mère , à une voisine dilettante en travaux obstétriques et à la
touffeur qu'on redoute dans ces régions recluses au fond des continents . Il montra ce qu'il
avait entre les cuisses pour que les femmes connussent qui il était et hurlassent par la
fenêtre : "C'est un garçon !" . Un garçon ! … la nouvelle traversa la cour où le soleil de
solstice écrasait de son plomb un maigre buisson à l'ombre fantomatique duquel le Père
Ferrari s'était assoupi . Elle transperça le chapeau de paille où remuait mollement l'encé-
phale du géniteur . Un garçon ! … il fallait se lever , se traîner par l'unique rue du village
jusqu'à la place de la mairie , réveiller l'officier d'état civil qui , s'il ne dormait pas , serait
saoûl , se mettre en quête d'un prénom mâle : Arcangelo … Federico … Salvatore … ?
Alors que si le bon Dieu avait fait une fille , l'abreuvoir où la noyer était à deux pas ...
lundi 17 février 2020
KRANT 199 . L'ARCHIPEL
Ce que j'abandonne à terre , c'est aussi mes ruches . Quoi de plus absent de la mer
que le bourdonnement d'une abeille ? . Quoi de plus stérile qu'un océan ? . Je m'en
ouvris un soir à Monsieur Lee . Nous avions tiré nos deux pliants sur la coursive ,
devant la cuisine , et nous conversions à la lumière d'une lune presque pleine . Hume
était on ne peut plus allongé sur mes cuisses et il couvrait de ses ronronnements ceux
des pistons Stirling . "Je connais" , me dit Monsieur Lee "un peuple d'apiculteurs …
ils vivent et exercent leur art - car ils pratiquent l'apiculture comme un art - sur une île
minuscule … un ilôt … autour de cet ilôt , il y a d'autres ilôts plus petits encore ,
couverts de fleurs … un archipel fameusement odorant , je vous l'assure ! : ophrys ,
pensées sauvages , épilobes , millepertuis , giroflées et , sur les rares dunes , de la criste
et des chardons bleus géants ! … les habitants de l'île principale , l'ilôt dont je vous
parlais , le seul de l'archipel qui ne soit pas désert , élèvent des abeilles depuis la pré-
histoire . Jamais ils ne vont sur la mer et jamais ils ne s'aventurent sur les ilôts voisins .
Avec le nectar de fleurs si extravagantes à mille miles du plus proche continent , leurs
abeilles élaborent un miel prodigieux , de couleur violette car les rivages des ilôts sont
frangés de grandes algues au parfum iodé et - par la grâce des vents marins - un miel
subtilement salé … Chef , c'est un régal pour l'oeil et les papilles ! . Au printemps , les
abeilles vont d'île en île bourdonnant au ras des flots et forment une vague d'or . Toutes
les îles de l'archipel semblent n'en faire qu'une , aurifère et vibrionnante , puis les
insectes submergent les ruches où , dans un nuage étincelant , elles dégorgent leur butin !
… croisez à cet endroit et vous serez ensorcelés ! … les indigènes , c'est bien le moins ,
vouent à la mer un culte immémorial … qu'en pensez-vous ?"
- Moi : "Oui , Monsieur Lee … c'est bien le moins … tant de beauté ! … mais où se
trouve cet archipel ?"
- Monsieur Lee : "Nulle part"
- Moi : "……….?………."
- Monsieur Lee : "Il me plaît de penser qu'un tel archipel existe … n'a-t-il pas existé cinq
minutes dans votre tête ? … hi-hi-hi !"
que le bourdonnement d'une abeille ? . Quoi de plus stérile qu'un océan ? . Je m'en
ouvris un soir à Monsieur Lee . Nous avions tiré nos deux pliants sur la coursive ,
devant la cuisine , et nous conversions à la lumière d'une lune presque pleine . Hume
était on ne peut plus allongé sur mes cuisses et il couvrait de ses ronronnements ceux
des pistons Stirling . "Je connais" , me dit Monsieur Lee "un peuple d'apiculteurs …
ils vivent et exercent leur art - car ils pratiquent l'apiculture comme un art - sur une île
minuscule … un ilôt … autour de cet ilôt , il y a d'autres ilôts plus petits encore ,
couverts de fleurs … un archipel fameusement odorant , je vous l'assure ! : ophrys ,
pensées sauvages , épilobes , millepertuis , giroflées et , sur les rares dunes , de la criste
et des chardons bleus géants ! … les habitants de l'île principale , l'ilôt dont je vous
parlais , le seul de l'archipel qui ne soit pas désert , élèvent des abeilles depuis la pré-
histoire . Jamais ils ne vont sur la mer et jamais ils ne s'aventurent sur les ilôts voisins .
Avec le nectar de fleurs si extravagantes à mille miles du plus proche continent , leurs
abeilles élaborent un miel prodigieux , de couleur violette car les rivages des ilôts sont
frangés de grandes algues au parfum iodé et - par la grâce des vents marins - un miel
subtilement salé … Chef , c'est un régal pour l'oeil et les papilles ! . Au printemps , les
abeilles vont d'île en île bourdonnant au ras des flots et forment une vague d'or . Toutes
les îles de l'archipel semblent n'en faire qu'une , aurifère et vibrionnante , puis les
insectes submergent les ruches où , dans un nuage étincelant , elles dégorgent leur butin !
… croisez à cet endroit et vous serez ensorcelés ! … les indigènes , c'est bien le moins ,
vouent à la mer un culte immémorial … qu'en pensez-vous ?"
- Moi : "Oui , Monsieur Lee … c'est bien le moins … tant de beauté ! … mais où se
trouve cet archipel ?"
- Monsieur Lee : "Nulle part"
- Moi : "……….?………."
- Monsieur Lee : "Il me plaît de penser qu'un tel archipel existe … n'a-t-il pas existé cinq
minutes dans votre tête ? … hi-hi-hi !"
dimanche 16 février 2020
KRANT 198 . ITE MISSA EST
Quand la mer est forte et que la nuit vient , j'aime me tenir sur la coursive à l'abri
d'une cloison . Je contemple avec effarement la mer hachée , sombre , écumante ,
jetant en travers de mon ciré ses aspersions lustrales comme jaillies d'un suprême
goupillon . Il arrive que Krant me rejoigne . Nous restons silencieux et , sous le ciel
immense et chahuté , nous communions . Les tôles du Kritik grincent sous nos pieds
et couinent . L'ombre des mâts de charge , tournant autour des lampes-tempête , font
sur le bâbord humide du château de gigantesques coups d'encensoirs pendant que
quelque part gémit une poulie ou que parvient sur le pont par une écoutille le son
assourdi d'un juron . Krant , accoudé au bastingage , se redresse :
- "Allons !"
C'est sa façon de dire que la messe est dite ...
d'une cloison . Je contemple avec effarement la mer hachée , sombre , écumante ,
jetant en travers de mon ciré ses aspersions lustrales comme jaillies d'un suprême
goupillon . Il arrive que Krant me rejoigne . Nous restons silencieux et , sous le ciel
immense et chahuté , nous communions . Les tôles du Kritik grincent sous nos pieds
et couinent . L'ombre des mâts de charge , tournant autour des lampes-tempête , font
sur le bâbord humide du château de gigantesques coups d'encensoirs pendant que
quelque part gémit une poulie ou que parvient sur le pont par une écoutille le son
assourdi d'un juron . Krant , accoudé au bastingage , se redresse :
- "Allons !"
C'est sa façon de dire que la messe est dite ...
BUS 29 . 008
Chacun pensait
(Chacun dans son coin
Et chacun en actionnant son corps de l'intérieur)
A toute heure du jour
A toute heure de la nuit
(Surtout la nuit)
A celle
Bus 29
Qui ,
Des portes pneumatiques ,
De l'abri-bus ,
De l'usine de torréfaction
Offrait à la Route 14
Le prodige
De sa robe rouge .
L'air comprimé des portes ,
Le Bus 29 ,
La Route 14 elle-même ,
Le puma de Cobàn ,
L'orage
Et , bien entendu , les chats de San Pedro ,
Tous ,
Tout le jour
Toute la nuit ,
Eux aussi ,
Pensaient à Zulma .
(Chacun dans son coin
Et chacun en actionnant son corps de l'intérieur)
A toute heure du jour
A toute heure de la nuit
(Surtout la nuit)
A celle
Bus 29
Qui ,
Des portes pneumatiques ,
De l'abri-bus ,
De l'usine de torréfaction
Offrait à la Route 14
Le prodige
De sa robe rouge .
L'air comprimé des portes ,
Le Bus 29 ,
La Route 14 elle-même ,
Le puma de Cobàn ,
L'orage
Et , bien entendu , les chats de San Pedro ,
Tous ,
Tout le jour
Toute la nuit ,
Eux aussi ,
Pensaient à Zulma .
GOOGLE . TRADUIRE CETTE PAGE
Dégagement de patinoire de McMaster (Ontario) par Professeur bi-language
E.D. Piplup d'associée d'anthropologie et H. Staraptor , honorific Président de
Club sept .
Pendant presque 80 années , le Blackii de Gigantopithecus avait intrigue des
scientifics . Because le method absolu-datante (resonance spin et uranium series)
Prof. Piplup d'associée d'anthropologie a fixationné ce Blackii de Gigantopithecus ,
le plus imense de vécu en asiatique presque un million d'ans connu comme pléistocène .
"Une morceau absente de puzzle est toujours concentrante sur quand exactly
Gigantopithecus" dit la patinoire depuis que Prof. de Ollande Bidoof Junior trouve
un molaire jaunâtre dans un pharmacy de Hong-Kong . Le traditionnel fossil a une
curative puissance en rectifié dans une poudre et ingéré .
La patinoire , elle rajoute : "Ce molaire mesure plus que moins d'un pouce à travers
nous comprenne la taille du primat et preuve cet Blackii herbivort surtout dans la bambou
and finaly est a le extreme du balance evolutionaire contre sa concurence plus agile"
Le découverture de la patinoire égale avec une invitation de joigner le club des
explorateurs de New-York du sept avec une gamme éclactante des scientifics du
champ et H. Staraptor .
La patinoire est actualy dans la Bosnie dans une secteure ou c'est Gigantopithecus cru
également erré . Elle reviens at home du campus sur le november 19 .
C'est une communiquée bi-language de Prof. Piplup de la presse modifiée de patinoire
McMaster (Ontario) .
E.D. Piplup d'associée d'anthropologie et H. Staraptor , honorific Président de
Club sept .
Pendant presque 80 années , le Blackii de Gigantopithecus avait intrigue des
scientifics . Because le method absolu-datante (resonance spin et uranium series)
Prof. Piplup d'associée d'anthropologie a fixationné ce Blackii de Gigantopithecus ,
le plus imense de vécu en asiatique presque un million d'ans connu comme pléistocène .
"Une morceau absente de puzzle est toujours concentrante sur quand exactly
Gigantopithecus" dit la patinoire depuis que Prof. de Ollande Bidoof Junior trouve
un molaire jaunâtre dans un pharmacy de Hong-Kong . Le traditionnel fossil a une
curative puissance en rectifié dans une poudre et ingéré .
La patinoire , elle rajoute : "Ce molaire mesure plus que moins d'un pouce à travers
nous comprenne la taille du primat et preuve cet Blackii herbivort surtout dans la bambou
and finaly est a le extreme du balance evolutionaire contre sa concurence plus agile"
Le découverture de la patinoire égale avec une invitation de joigner le club des
explorateurs de New-York du sept avec une gamme éclactante des scientifics du
champ et H. Staraptor .
La patinoire est actualy dans la Bosnie dans une secteure ou c'est Gigantopithecus cru
également erré . Elle reviens at home du campus sur le november 19 .
C'est une communiquée bi-language de Prof. Piplup de la presse modifiée de patinoire
McMaster (Ontario) .
RÊVE DE POILU
Je m'appelle Mathurin Louradoux . Je suis cuisinier au 347e Régiment ardennais .
Nous sommes dans le secteur de Thiaumont , accablés par le marmitage des pièces
lourdes et les gaz asphyxiants . Des obus de 420 percent la terre jusqu'à 20 mètres .
Cent batteries de gros calibres ont transformé la cote 304 en crumble . 7 février .
Il fait froid . Depuis trois jours , je partage un trou d'obus avec un sergent fou de
terreur . En tout et pour tout , j'ai dormi un quart d'heure . J'ai rêvé d'une cuisinière
Godin en fonte noire , avec des rampes en laiton , un tisonnier , une écumette . Si un
shrapnel m'emporte la tête , on ne saura pas à qui appartient le reste du corps , avec
ses cuisses et ses ailes repliées : j'ai perdu mes papiers et ma plaque d'identité . Là ,
tout de suite , si on me donnait à choisir , plutôt que cuisinier du 347e ardennais ,
comme j'aimerais être poulet inconnu mijotant sur une flamme triomphale !
Nous sommes dans le secteur de Thiaumont , accablés par le marmitage des pièces
lourdes et les gaz asphyxiants . Des obus de 420 percent la terre jusqu'à 20 mètres .
Cent batteries de gros calibres ont transformé la cote 304 en crumble . 7 février .
Il fait froid . Depuis trois jours , je partage un trou d'obus avec un sergent fou de
terreur . En tout et pour tout , j'ai dormi un quart d'heure . J'ai rêvé d'une cuisinière
Godin en fonte noire , avec des rampes en laiton , un tisonnier , une écumette . Si un
shrapnel m'emporte la tête , on ne saura pas à qui appartient le reste du corps , avec
ses cuisses et ses ailes repliées : j'ai perdu mes papiers et ma plaque d'identité . Là ,
tout de suite , si on me donnait à choisir , plutôt que cuisinier du 347e ardennais ,
comme j'aimerais être poulet inconnu mijotant sur une flamme triomphale !
LE ROADSTER OO
Février 2012 .
Au salon de Turin , la firme Dongfeng présente son roadster oo . Il sera commercialisé
en Chine au mois de mai et , avant la fin de l'année , nous pourrons admirer sur nos
routes ce petit joyau technologique dans sa jolie robe jaune .
Car le roadster oo est une sorte de révolution culturelle . Oo est le hing-cheng , ou
composé phonétique , de "pipi" ; le roadster oo est le premier véhicule propulsé par
un moteur à urine !
Les ingénieurs de Dongfeng ont découvert dans l'acide hippurique ( ou acide benzo-
ylaminoacétique CgHgNo3) une forme d'énergie . On trouve cette molécule dans
l'urine des herbivores et , singulièrement , dans celle du chinois moyen , automobiliste
ou piéton .
En Chine , mesdames et messieurs , on n'a pas de pétrole mais on a du pipi à revendre .
Certes , le roadster oo est proposé pour la somme rondelette de 450.000 yuans , soit
1.000 fois le salaire de l'ouvrier qui le produit et 10.000 fois supérieure au revenu d'un
paysan du Quilian Shan .
Cet ouvrier et ce paysan , s'ils ne peuvent s'offrir une telle folie , seront bien inspirés de
vendre leur pipi à la coopérative du coin ou , carrément , d'abandonner leur ferme , leur
buffle et leur rizière et rejoindre les usines à pipi qui fleurissent aujourd'hui en Chine .
Les ingénieurs de Dongfeng , jamais à court d'idées , mettent au point des diurétiques
qui permettront d'améliorer le pouvoir énergétique de l'urine et ils testent dans leurs
laboratoires les vertus de la bourrache , du colchique , du fenouil et de la digitale ,
tous ingrédients qu'on trouve communément dans les fossés .
Si , par malheur , l'automobiliste chinois , en raison de spéculations , se trouvait con-
fronté à une hausse massive du baril de pipi , il lui sera toujours loisible de garer son
roadster jaune sur le bas-côté et mettre l'apport dans son réservoir . Les coupeurs de
cheveux en quatre objecteront qu'à raison de 80 litres aux 100 kilomètres , les 100 ml
qu'un automobiliste peut produire de manière inopinée l'autoriseront tout au plus à
hoqueter sur 2 kilomètres …
Vive le progrès !
Au salon de Turin , la firme Dongfeng présente son roadster oo . Il sera commercialisé
en Chine au mois de mai et , avant la fin de l'année , nous pourrons admirer sur nos
routes ce petit joyau technologique dans sa jolie robe jaune .
Car le roadster oo est une sorte de révolution culturelle . Oo est le hing-cheng , ou
composé phonétique , de "pipi" ; le roadster oo est le premier véhicule propulsé par
un moteur à urine !
Les ingénieurs de Dongfeng ont découvert dans l'acide hippurique ( ou acide benzo-
ylaminoacétique CgHgNo3) une forme d'énergie . On trouve cette molécule dans
l'urine des herbivores et , singulièrement , dans celle du chinois moyen , automobiliste
ou piéton .
En Chine , mesdames et messieurs , on n'a pas de pétrole mais on a du pipi à revendre .
Certes , le roadster oo est proposé pour la somme rondelette de 450.000 yuans , soit
1.000 fois le salaire de l'ouvrier qui le produit et 10.000 fois supérieure au revenu d'un
paysan du Quilian Shan .
Cet ouvrier et ce paysan , s'ils ne peuvent s'offrir une telle folie , seront bien inspirés de
vendre leur pipi à la coopérative du coin ou , carrément , d'abandonner leur ferme , leur
buffle et leur rizière et rejoindre les usines à pipi qui fleurissent aujourd'hui en Chine .
Les ingénieurs de Dongfeng , jamais à court d'idées , mettent au point des diurétiques
qui permettront d'améliorer le pouvoir énergétique de l'urine et ils testent dans leurs
laboratoires les vertus de la bourrache , du colchique , du fenouil et de la digitale ,
tous ingrédients qu'on trouve communément dans les fossés .
Si , par malheur , l'automobiliste chinois , en raison de spéculations , se trouvait con-
fronté à une hausse massive du baril de pipi , il lui sera toujours loisible de garer son
roadster jaune sur le bas-côté et mettre l'apport dans son réservoir . Les coupeurs de
cheveux en quatre objecteront qu'à raison de 80 litres aux 100 kilomètres , les 100 ml
qu'un automobiliste peut produire de manière inopinée l'autoriseront tout au plus à
hoqueter sur 2 kilomètres …
Vive le progrès !
samedi 15 février 2020
TROIS MOUCHES 181 . A LA FAVEUR DE LA NUIT (Desnos)
Ô Berthe ,
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit .
Suivre tes pas , ton ombre à la fenêtre .
Cette ombre à la fenêtre , c'est toi , ce n'est pas une autre , c'est toi .
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges .
Ferme les yeux :
Trois mouches vermeilles et merveilleuses
Bourdonnent contre ton chapeau de paille .
_________________________________________
C'est toi , ô Berthe , ce n'est pas une autre :
Trois mouches à ta fenêtre
Se glissent dans ton ombre vermeille .
Ton ombre …
A la faveur de la nuit
Elles ouvrent les yeux derrière tes rideaux
Et bourdonnent .
Elles bougent , elles s'émerveillent à ta fenêtre
Contre laquelle , c'est toi et ton chapeau de paille .
Elles suivent l'ombre de tes pas …
Ferme cette fenêtre !
__________________________________________
La nuit , se glisser dans tes faveurs .
Suivre tes pas , ton ombre .
Ouvrir ta fenêtre , fermer tes rideaux .
L'ombre de ton chapeau de paille
Derrière laquelle l'ombre de toi et pas d'une autre .
A ta fenêtre , tu bouges
Et trois mouches vermeilles bourdonnent
Contre tes yeux .
Ô Berthe ,
C'est toi , merveilleuse , derrière ta fenêtre .
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit .
Suivre tes pas , ton ombre à la fenêtre .
Cette ombre à la fenêtre , c'est toi , ce n'est pas une autre , c'est toi .
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges .
Ferme les yeux :
Trois mouches vermeilles et merveilleuses
Bourdonnent contre ton chapeau de paille .
_________________________________________
C'est toi , ô Berthe , ce n'est pas une autre :
Trois mouches à ta fenêtre
Se glissent dans ton ombre vermeille .
Ton ombre …
A la faveur de la nuit
Elles ouvrent les yeux derrière tes rideaux
Et bourdonnent .
Elles bougent , elles s'émerveillent à ta fenêtre
Contre laquelle , c'est toi et ton chapeau de paille .
Elles suivent l'ombre de tes pas …
Ferme cette fenêtre !
__________________________________________
La nuit , se glisser dans tes faveurs .
Suivre tes pas , ton ombre .
Ouvrir ta fenêtre , fermer tes rideaux .
L'ombre de ton chapeau de paille
Derrière laquelle l'ombre de toi et pas d'une autre .
A ta fenêtre , tu bouges
Et trois mouches vermeilles bourdonnent
Contre tes yeux .
Ô Berthe ,
C'est toi , merveilleuse , derrière ta fenêtre .
DESMOND 127 . AIR FORCE ONE
- "Desmond ? . C'est le Président .
- Moi : "Monsieur le Président !? … je vous croyais en Israël … ou en Jordanie ..."
- Lui : "Je suis sur le retour … je vous appelle d'Air Force One … nous survolons
l'Atlantique … comment allez-vous , Desmond ?"
- Moi : "Euh , bien , Monsieur le Président … comment s'est passée votre entrevue
avec Monsieur Rabin ? … et avec le Roi Hussein ?"
- Lui , en français : "Avec Rabin , couça-couci"
- Moi . Je corrige : "Couci-couça , Monsieur le Président"
- Lui : "Vous êtes sûr ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président : couci-couça , c'est ainsi que disent les français"
- Lui : "J'aurais juré que … mais vous devez avoir raison … donc , ma rencontre avec
Yitzhak , c'était so-so … couça … couça-cou … non , couci … ah , vous m'embrouillez
Desmond ! … attendez , une seconde ..."
- J'attends . J'entends une voix lointaine : celle du Secrétaire d'État … grésillement sur
la ligne , puis :
- Le Président : "Bon , vous avez raison , Desmond … c'est couci-couça … Henry me
confirme … il a aussi trouvé l'ambiance couci-couça avec Rabin"
- Moi : "………….."
- Lui : "Enfin , Desmond … avouez que ça soit couça-couci ou couci-couça n'est pas
vraiment l'important, non ? … je ne comprends pas que vous ergotiez"
- Moi : "Mais … je …"
- Lui : "Desmond , j'étais d'excellente humeur … je vous appelle du milieu de l'Atlantique
pour prendre de vos nouvelles et vous … ah , attendez … Maryline veut vous parler …"
- Maryline : "Hello , Desmond ! … comment vas-tu Sucre d'Orge ? (Le vouvoiement de
Maryline - obligé dans notre langue - est , à mon égard , de plus en plus tutoyant) .
"Sais-tu où je suis en ce moment ?"
- Moi : "Oui , Maryline … au milieu de l'Atlantique"
- Maryline : "Oui , ça je sais … mais où dans l'avion ?"
- Moi : "Mais , Maryline , je n'en sais rien ! … comment voulez-vous que …"
- Maryline : "Dans le salon … dans le canapé du salon … avec le Président"
- Moi : "……?…….."
- Voix lointaine de Maryline : "Ça ne va pas , Monsieur le Président ?"
- Voix lointaine du Président : "Couci-couça !"
- Moi : "Monsieur le Président !? … je vous croyais en Israël … ou en Jordanie ..."
- Lui : "Je suis sur le retour … je vous appelle d'Air Force One … nous survolons
l'Atlantique … comment allez-vous , Desmond ?"
- Moi : "Euh , bien , Monsieur le Président … comment s'est passée votre entrevue
avec Monsieur Rabin ? … et avec le Roi Hussein ?"
- Lui , en français : "Avec Rabin , couça-couci"
- Moi . Je corrige : "Couci-couça , Monsieur le Président"
- Lui : "Vous êtes sûr ?"
- Moi : "Oui , Monsieur le Président : couci-couça , c'est ainsi que disent les français"
- Lui : "J'aurais juré que … mais vous devez avoir raison … donc , ma rencontre avec
Yitzhak , c'était so-so … couça … couça-cou … non , couci … ah , vous m'embrouillez
Desmond ! … attendez , une seconde ..."
- J'attends . J'entends une voix lointaine : celle du Secrétaire d'État … grésillement sur
la ligne , puis :
- Le Président : "Bon , vous avez raison , Desmond … c'est couci-couça … Henry me
confirme … il a aussi trouvé l'ambiance couci-couça avec Rabin"
- Moi : "………….."
- Lui : "Enfin , Desmond … avouez que ça soit couça-couci ou couci-couça n'est pas
vraiment l'important, non ? … je ne comprends pas que vous ergotiez"
- Moi : "Mais … je …"
- Lui : "Desmond , j'étais d'excellente humeur … je vous appelle du milieu de l'Atlantique
pour prendre de vos nouvelles et vous … ah , attendez … Maryline veut vous parler …"
- Maryline : "Hello , Desmond ! … comment vas-tu Sucre d'Orge ? (Le vouvoiement de
Maryline - obligé dans notre langue - est , à mon égard , de plus en plus tutoyant) .
"Sais-tu où je suis en ce moment ?"
- Moi : "Oui , Maryline … au milieu de l'Atlantique"
- Maryline : "Oui , ça je sais … mais où dans l'avion ?"
- Moi : "Mais , Maryline , je n'en sais rien ! … comment voulez-vous que …"
- Maryline : "Dans le salon … dans le canapé du salon … avec le Président"
- Moi : "……?…….."
- Voix lointaine de Maryline : "Ça ne va pas , Monsieur le Président ?"
- Voix lointaine du Président : "Couci-couça !"
jeudi 13 février 2020
PARADIS 127 . SPARADRAP
Dieu fait le tour de sa propriété : le Jardin d'Eden . C'est à la fois une promenade
et une inspection . Adam est assis contre la clôture du Jardin , à l'extérieur . Il a posé
son araire .
- Dieu ; "Qu'est-ce que tu fais ?"
- Adam : "Rien … je pense …"
- Dieu : "Oh ! … et à quoi penses-tu ?"
- Adam . Large geste de la main vers la nature encore vierge , bruissante de vie ,
frissonnante de signes mais aussi traversée de dédales obscurs : "À ça …"
- Dieu : "A ma Création ?"
- Adam : "Ta Création ?"
- Dieu : "Quoi , Adam ! … ignores-tu que tout ça , c'est moi qui l'ai créé ?"
- Adam ricane : "Toi ? … tu oublies que Dieu , c'est une idée … une idée à moi en
forme d'explication provisoire"
- Dieu : "Mon pauvre Adam ! … qu'est-ce que c'est qu'une idée ? … d'où crois-tu
que ça vient ? … cette sorte d'illumination … la lumière , c'est moi ! … on n'en sort
pas … tu ne peux pas m'échapper !"
- Adam : "La lumière ? … c'est des ondes et des corpuscules !"
- Dieu : 'Oh-oh ! … te voilà bien savant ! … en effet , la nature est un livre et , dans
mon extrême bonté (mon extrême bêtise ?) , je t'en donne la lecture … il n'y a qu'à
lire … mais je te préviens : c'est un livre sans fin !"
Le ton monte . Survient Ève :
- "Quès qui s'passe ici ?" … c'est quoi ce tolu-bohu ?"
- Adam : "C'est lui qui a commencé ! … je pensais tranquillement et …"
- Dieu : "Non ! … c'est lui ! … il prétend que Dieu - moi - c'est une idée à lui !"
- Ève : "Ça suffit tous les deux ! … Caïn a flanqué une raclée à Abel , alors amenez-
vous au lieu de vous chamailler ! … avec du mercorome et du psaradra …"
- Dieu soupire : "Du mercurochrome et du sparadrap"
et une inspection . Adam est assis contre la clôture du Jardin , à l'extérieur . Il a posé
son araire .
- Dieu ; "Qu'est-ce que tu fais ?"
- Adam : "Rien … je pense …"
- Dieu : "Oh ! … et à quoi penses-tu ?"
- Adam . Large geste de la main vers la nature encore vierge , bruissante de vie ,
frissonnante de signes mais aussi traversée de dédales obscurs : "À ça …"
- Dieu : "A ma Création ?"
- Adam : "Ta Création ?"
- Dieu : "Quoi , Adam ! … ignores-tu que tout ça , c'est moi qui l'ai créé ?"
- Adam ricane : "Toi ? … tu oublies que Dieu , c'est une idée … une idée à moi en
forme d'explication provisoire"
- Dieu : "Mon pauvre Adam ! … qu'est-ce que c'est qu'une idée ? … d'où crois-tu
que ça vient ? … cette sorte d'illumination … la lumière , c'est moi ! … on n'en sort
pas … tu ne peux pas m'échapper !"
- Adam : "La lumière ? … c'est des ondes et des corpuscules !"
- Dieu : 'Oh-oh ! … te voilà bien savant ! … en effet , la nature est un livre et , dans
mon extrême bonté (mon extrême bêtise ?) , je t'en donne la lecture … il n'y a qu'à
lire … mais je te préviens : c'est un livre sans fin !"
Le ton monte . Survient Ève :
- "Quès qui s'passe ici ?" … c'est quoi ce tolu-bohu ?"
- Adam : "C'est lui qui a commencé ! … je pensais tranquillement et …"
- Dieu : "Non ! … c'est lui ! … il prétend que Dieu - moi - c'est une idée à lui !"
- Ève : "Ça suffit tous les deux ! … Caïn a flanqué une raclée à Abel , alors amenez-
vous au lieu de vous chamailler ! … avec du mercorome et du psaradra …"
- Dieu soupire : "Du mercurochrome et du sparadrap"
COTE 137 . 146 . GRAND CRU
Froid glacial . Martial agite son bidon . Quelque chose tinte à l'intérieur . Ça fait
un joli bruit de grelot .
- Martial : "Agitez vos bidons , les gars !" … Bientôt , un tintement de sonnailles se
propage le long de notre tranchée .
- Le capitaine jaillit de sa casemate : "Bonté divine , que se passe-t-il ?"
- De sa voix de baryton , Martial entonne une chanson à boire , imité par la centaine
d'hommes de la compagnie :
"Plantons la vigne
La voilà la jolie vigne
Vigni , vignons , vignons le vin
La voilà la jolie vigne au vin
La voilà la jolie vigne !"
- Le capitaine , mi-amusé : "Qu'est-ce que ? … qu'est-ce que vous fêtez ? …
que signifie ce … ?"
- Martial : "Nous célébrons la gloire de notre pinard , mon capitaine"
- Le capitaine : "……..?………."
- Martial : "Nous aimerions le boire , mais … le vin doit-il se boire à la température
ambiante ?"
- Le capitaine : "Euh … oui … si vous voulez conserver son arôme , il faut le chambrer"
- Martial : "Le chambrer ?"
- Le capitaine : "Le mettre à la température de la pièce"
- Martial : "C'est ce que nous avons fait , mon capitaine … nous avons mis notre
piquette à la température de la tranchée"
- Le capitaine : "……………….."
- Martial retourne sa gourde ouverte vers la boue gelée de Craonne . Son pinard fait
un bruit de caillou : "Une fois chambré , mon capitaine … comment on fait pour le
récupérer ?"
un joli bruit de grelot .
- Martial : "Agitez vos bidons , les gars !" … Bientôt , un tintement de sonnailles se
propage le long de notre tranchée .
- Le capitaine jaillit de sa casemate : "Bonté divine , que se passe-t-il ?"
- De sa voix de baryton , Martial entonne une chanson à boire , imité par la centaine
d'hommes de la compagnie :
"Plantons la vigne
La voilà la jolie vigne
Vigni , vignons , vignons le vin
La voilà la jolie vigne au vin
La voilà la jolie vigne !"
- Le capitaine , mi-amusé : "Qu'est-ce que ? … qu'est-ce que vous fêtez ? …
que signifie ce … ?"
- Martial : "Nous célébrons la gloire de notre pinard , mon capitaine"
- Le capitaine : "……..?………."
- Martial : "Nous aimerions le boire , mais … le vin doit-il se boire à la température
ambiante ?"
- Le capitaine : "Euh … oui … si vous voulez conserver son arôme , il faut le chambrer"
- Martial : "Le chambrer ?"
- Le capitaine : "Le mettre à la température de la pièce"
- Martial : "C'est ce que nous avons fait , mon capitaine … nous avons mis notre
piquette à la température de la tranchée"
- Le capitaine : "……………….."
- Martial retourne sa gourde ouverte vers la boue gelée de Craonne . Son pinard fait
un bruit de caillou : "Une fois chambré , mon capitaine … comment on fait pour le
récupérer ?"
mardi 11 février 2020
JEANNE , LOUISE , ADÈLE ET VIOLETTE
Au mois de mai 1968 , ma vie devint très compliquée . Je menais quatre aventures
dans des parallèles plus ou moins rectilignes . Elles avaient noms : Jeanne , Louise ,
Adèle et Violette . Je n'avais qu'un appartement où recevoir ces demoiselles , au cin-
quième étage , à Niort . Chacune d'elles estimait que je devais l'épouser et , à chacune ,
je promettais le mariage . C'était inextricable . Je téléphonai à Andy W. , cet ami new-
yorkais dont je vous ai déjà parlé pour lui demander ce qu'il en pensait . Il resta évasif .
A vrai dire , il n'en pensait rien et il avait assez à faire avec son travail . Il me donna
cependant ce conseil : produire de l'amour en série et minimiser mon rôle . "Essaie !" ,
dit-il avant de raccrocher . J'exigeai de mes quatre amies qu'elles soient désormais
accompagnées par une , deux , voire trois copines , histoire d'attirer les feux de l'amour
et atteindre une sorte de niveau industriel . Mon appartement se mit à ressembler à la
gare de triage de Young Yard . J'actionnais les leviers d'aiguillage , je prenais garde
qu'aucun convoi ne vint en percuter un autre . J'étais tellement absorbé par ces besognes
techniques , que bientôt plus personne ne faisait attention à moi . La surabondance
d'amour avait fini pas dissoudre son objet .
En juin , je me retrouvai seul .
dans des parallèles plus ou moins rectilignes . Elles avaient noms : Jeanne , Louise ,
Adèle et Violette . Je n'avais qu'un appartement où recevoir ces demoiselles , au cin-
quième étage , à Niort . Chacune d'elles estimait que je devais l'épouser et , à chacune ,
je promettais le mariage . C'était inextricable . Je téléphonai à Andy W. , cet ami new-
yorkais dont je vous ai déjà parlé pour lui demander ce qu'il en pensait . Il resta évasif .
A vrai dire , il n'en pensait rien et il avait assez à faire avec son travail . Il me donna
cependant ce conseil : produire de l'amour en série et minimiser mon rôle . "Essaie !" ,
dit-il avant de raccrocher . J'exigeai de mes quatre amies qu'elles soient désormais
accompagnées par une , deux , voire trois copines , histoire d'attirer les feux de l'amour
et atteindre une sorte de niveau industriel . Mon appartement se mit à ressembler à la
gare de triage de Young Yard . J'actionnais les leviers d'aiguillage , je prenais garde
qu'aucun convoi ne vint en percuter un autre . J'étais tellement absorbé par ces besognes
techniques , que bientôt plus personne ne faisait attention à moi . La surabondance
d'amour avait fini pas dissoudre son objet .
En juin , je me retrouvai seul .
KILL ME
Le 10 novembre , j'ai abattu Jean Tartempion - c'était le jour de son anniversaire
- c'était le mien aussi . Nous étions nés le même jour , la même année et presque à la
même heure : le 10 novembre 1947 , moi à 10h30 , lui à 10h32 . Ce n'est pas vraiment
une coïncidence : nous avions la même mère et , bien entendu , le même père . Nous
étions inséparables mais lui , pour une raison que j'ignore encore , à peine retraité , est
parti vivre à l'autre bout du monde et je l'ai perdu de vue . Je savais qu'un jour ou l'autre ,
il reviendrait dans les parages . L'occasion s'est présentée : il a pris rendez-vous avec
son ophtalmologue . Il n'y en a pas dans son pays d'élection . J'ai acheté une carabine
Kipplauf Blaser K95 , idéale pour le sanglier , sur laquelle j'ai fixé une lunette Swaroski
et une caméra Gopro . Avec ça , je ne pouvais pas le rater , je pouvais le tirer à 700
mètres et immortaliser l'instant . Le résultat , vous l'avez appris par les journaux .
Mais c'est lui qui m'a tué .
- c'était le mien aussi . Nous étions nés le même jour , la même année et presque à la
même heure : le 10 novembre 1947 , moi à 10h30 , lui à 10h32 . Ce n'est pas vraiment
une coïncidence : nous avions la même mère et , bien entendu , le même père . Nous
étions inséparables mais lui , pour une raison que j'ignore encore , à peine retraité , est
parti vivre à l'autre bout du monde et je l'ai perdu de vue . Je savais qu'un jour ou l'autre ,
il reviendrait dans les parages . L'occasion s'est présentée : il a pris rendez-vous avec
son ophtalmologue . Il n'y en a pas dans son pays d'élection . J'ai acheté une carabine
Kipplauf Blaser K95 , idéale pour le sanglier , sur laquelle j'ai fixé une lunette Swaroski
et une caméra Gopro . Avec ça , je ne pouvais pas le rater , je pouvais le tirer à 700
mètres et immortaliser l'instant . Le résultat , vous l'avez appris par les journaux .
Mais c'est lui qui m'a tué .
dimanche 9 février 2020
KRANT 197 . RETOUR
Belle lumière de Toussaint . Koenigsberg est en vue . Vinc se tient debout
à la pointe extrême du Kritik , face à notre ville , comme une figure de proue .
De la timonerie où je me trouve avant de descendre dans la salle des machines
pour les ultimes manoeuvres , je regarde notre accordéoniste marin et je l'aime
- et à ce moment , tout l'équipage aime Vinc - comme si , avant de serrer dans
nos bras nos femmes , nos enfants et moi, ma petite mère , c'est Vinc que nous
voudrions serrer contre nos vareuses mouillées et l'embrasser jusqu'à l'étouffer .
C'est un chant de retrouvailles . Il glisse contre les bastingages , les effleure ,
leste et aérien , se faufile sous le pont par les écoutilles , toutes ouvertes , par la
porte de la timonerie et tous , soudain redevenus lettons , fredonnons ce chant
de retour .
- Toms , moqueur , au timonier : "Tu pleures , jeune fille ?"
- Le timonier : "Sacrebleu , je ne pleure pas ! … c'est la mer qui me sort par
les yeux ! …"
à la pointe extrême du Kritik , face à notre ville , comme une figure de proue .
De la timonerie où je me trouve avant de descendre dans la salle des machines
pour les ultimes manoeuvres , je regarde notre accordéoniste marin et je l'aime
- et à ce moment , tout l'équipage aime Vinc - comme si , avant de serrer dans
nos bras nos femmes , nos enfants et moi, ma petite mère , c'est Vinc que nous
voudrions serrer contre nos vareuses mouillées et l'embrasser jusqu'à l'étouffer .
C'est un chant de retrouvailles . Il glisse contre les bastingages , les effleure ,
leste et aérien , se faufile sous le pont par les écoutilles , toutes ouvertes , par la
porte de la timonerie et tous , soudain redevenus lettons , fredonnons ce chant
de retour .
- Toms , moqueur , au timonier : "Tu pleures , jeune fille ?"
- Le timonier : "Sacrebleu , je ne pleure pas ! … c'est la mer qui me sort par
les yeux ! …"
NOTRE-DAME DE LA ROUTE
Nous marchâmes jusqu'au point de rupture . Nous tentâmes de percer nos ampoules
avec les aiguilles stériles que l'abbé avait dans son sac , et le résultat fut que cette marche
débile tourna en Golgotha . Quand enfin nous parvînmes à Saint-Croix sur Aizier ,
Jeanne-Marie s'assit sur la bordure du trottoir et déclara qu'elle n'irait pas plus loin ;
que ce pèlerinage était une foutue saloperie de bordel de merde (sic) et que ses cierges ,
Saint Jacques pouvait se les mettre au trou du balle (re-sic) . Nous la priâmes de modérer
la forme mais nous spéculâmes cependant sur le fond de ses propos . (Comme elle était
assise sur le bord du trottoir et qu'elle avait été mal éduquée par les Soeurs du Sacré-
Coeur de Jésus , je voyais sa culotte) . Qu'est-ce que Saint Jacques ferait avec ses cierges
au trou de balle , dit l'abbé et ce pèlerinage était-il vraiment une saloperie de bordel de
merde ?
Guy-Antoine suggéra que nous nous en remîmes à Notre-Dame de la Route , mais
c'était trop tard : Jeanne-Marie avait perdu la foi .
Cette nuit-là , Jeanne-Marie et moi couchâmes dans le même sac et le lendemain ,
nous tous de la troupe et l'abbé fûmes sur le quai de la gare de Sainte-Croix . Quand le
train s'éloigna , emportant une Jeanne-Marie ressuscitée , nous récitâmes un Avé .
avec les aiguilles stériles que l'abbé avait dans son sac , et le résultat fut que cette marche
débile tourna en Golgotha . Quand enfin nous parvînmes à Saint-Croix sur Aizier ,
Jeanne-Marie s'assit sur la bordure du trottoir et déclara qu'elle n'irait pas plus loin ;
que ce pèlerinage était une foutue saloperie de bordel de merde (sic) et que ses cierges ,
Saint Jacques pouvait se les mettre au trou du balle (re-sic) . Nous la priâmes de modérer
la forme mais nous spéculâmes cependant sur le fond de ses propos . (Comme elle était
assise sur le bord du trottoir et qu'elle avait été mal éduquée par les Soeurs du Sacré-
Coeur de Jésus , je voyais sa culotte) . Qu'est-ce que Saint Jacques ferait avec ses cierges
au trou de balle , dit l'abbé et ce pèlerinage était-il vraiment une saloperie de bordel de
merde ?
Guy-Antoine suggéra que nous nous en remîmes à Notre-Dame de la Route , mais
c'était trop tard : Jeanne-Marie avait perdu la foi .
Cette nuit-là , Jeanne-Marie et moi couchâmes dans le même sac et le lendemain ,
nous tous de la troupe et l'abbé fûmes sur le quai de la gare de Sainte-Croix . Quand le
train s'éloigna , emportant une Jeanne-Marie ressuscitée , nous récitâmes un Avé .
L'AFFÛT
A deux cent mètres ! . Ils étaient deux . Peut-être trois . "Trois !" , dit Simon
à voix basse . "Nom de Dieu !" . J'épaulai . Les formes entrèrent dans la brume
qui transpirait du marais . Simon posa sa main sur mon épaule : "Attends !" …
Je sentis son haleine chargée d'hydromel . Autant je ne supporte pas cette odeur
au lit , autant ici , dans cette nuit de marbre , elle convoquait le souvenir rassurant
de nos amours petites bourgeoises . Pourtant , je n'en menais pas large . "Simon !
… où qu'ils sont ?" … "Attends !" , répéta Simon et une nouvelle bolée d'hydromel
passa sous mes narines , dans l'air glacé . Je baissai le canon du fusil et , des yeux ,
je fouillai le brouillard . "Attends !" . Les doigts de Simon m'enserraient la nuque .
Il me demandait si intensément d'attendre encore un peu , si près de mon oreille et
si faiblement que son haleine s'était réduite à un filet de miel et de vinaigre , presque
délicat .
C'est à ce moment qu'un cri inhumain jaillit d'un hallier , à moins de dix mètres
sur la gauche .
à voix basse . "Nom de Dieu !" . J'épaulai . Les formes entrèrent dans la brume
qui transpirait du marais . Simon posa sa main sur mon épaule : "Attends !" …
Je sentis son haleine chargée d'hydromel . Autant je ne supporte pas cette odeur
au lit , autant ici , dans cette nuit de marbre , elle convoquait le souvenir rassurant
de nos amours petites bourgeoises . Pourtant , je n'en menais pas large . "Simon !
… où qu'ils sont ?" … "Attends !" , répéta Simon et une nouvelle bolée d'hydromel
passa sous mes narines , dans l'air glacé . Je baissai le canon du fusil et , des yeux ,
je fouillai le brouillard . "Attends !" . Les doigts de Simon m'enserraient la nuque .
Il me demandait si intensément d'attendre encore un peu , si près de mon oreille et
si faiblement que son haleine s'était réduite à un filet de miel et de vinaigre , presque
délicat .
C'est à ce moment qu'un cri inhumain jaillit d'un hallier , à moins de dix mètres
sur la gauche .
samedi 8 février 2020
TROIS MOUCHES 180 . AU CABARET VERT (Rimbaud)
Depuis huit jours , j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins . J'entrais à Charleroi .
"Au Cabaret Vert" je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut à moitié froid .
Berthe était là .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses
Bourdonnaient contre son chapeau de paille .
______________________________________
Berthe était à Charleroi avec mes trois tartines .
Elle avait déchiré la paille de son merveilleux chapeau
Et ses bottines vermeilles sur les cailloux du chemin .
Il faisait à moitié froid .
Quand j'entrai "Au Cabaret Vert"
Je lui demandai si les mouches bourdonnaient
Depuis huit jours sur le beurre et le jambon .
_______________________________________
En huit jours , les mouches de Charleroi
Étaient entrées dans le jambon de nos tartines
Comme dans du beurre . Elles étaient moitié vertes
Et vermeilles . Elles s'émerveillaient des cailloux
Du chemin et bourdonnaient de nos bottines
A la paille de nos chapeaux .
Au cabaret , Berthe me demanda si j'avais froid .
Aux cailloux des chemins . J'entrais à Charleroi .
"Au Cabaret Vert" je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut à moitié froid .
Berthe était là .
Trois mouches vermeilles et merveilleuses
Bourdonnaient contre son chapeau de paille .
______________________________________
Berthe était à Charleroi avec mes trois tartines .
Elle avait déchiré la paille de son merveilleux chapeau
Et ses bottines vermeilles sur les cailloux du chemin .
Il faisait à moitié froid .
Quand j'entrai "Au Cabaret Vert"
Je lui demandai si les mouches bourdonnaient
Depuis huit jours sur le beurre et le jambon .
_______________________________________
En huit jours , les mouches de Charleroi
Étaient entrées dans le jambon de nos tartines
Comme dans du beurre . Elles étaient moitié vertes
Et vermeilles . Elles s'émerveillaient des cailloux
Du chemin et bourdonnaient de nos bottines
A la paille de nos chapeaux .
Au cabaret , Berthe me demanda si j'avais froid .
DESMOND 126 . FAUCILLE ET MARTEAU
Mardi 19 juin . La veille , le Président a reçu Brejnev à la Maison Blanche . Ce mardi , il a convoqué dans le Bureau Ovale le Vice-Président et une partie du Cabinet : Henry K. le Secrétaire d'État , Monsieur Schlessinger Secrétaire à la Défense , Monsieur F. B. Dent du Commerce , George P. Shultz du Trésor . J'assiste à la conférence . Le Président appuie sur le bouton du téléphone qui le relie directement à sa secrétaire : Maryline .
- "Marilyne , ma cocotte , soyez gentille … faites-nous un café … nous sommes …" .
Il compte : "Nous sommes six"
- Cinq minutes plus tard , Maryline paraît porteuse d'un plateau avec six tasses et des
gâteaux . Elle est juchée sur une sensationnelle paire de chaussures à talons - au moins
dix centimètres ! - ensachée dans une seconde peau d'un rouge ardent .
- Six regards mâles se braquent à l'instant sur cette stimulante apparition .
- Le Président , après dix secondes d'un irrésistible émoi (il déglutit deux fois) : "Dites-
moi , Maryline … ce rouge … ça me fait penser à quelque chose … n'est-ce pas le rouge
des Défenseurs de la Révolution Populaire … et le rouge d'une certaine Armée ?"
- Maryline , la bouche en coeur : "Je n'en sais rien , Monsieur le Président … elle vous
plaît ?"
- Le Président : "Énormément , Maryline … énormément …" et , se tournant vers nous :
"… et elle plaît aussi à ces messieurs"
- Maryline se penche pour poser le plateau sur le Wilson Desk , nous plongeant tous les six
dans le monde merveilleux et si complexe de la féminité (y a-t-il des mots pour la dire ?) ,
puis , virevoltant sur ses aiguilles , elle nous tourne le dos : "Je reviens avec le café !" .
Et nous suivons la balance envoûtante de ses hanches (et du reste) .
- Le Président : "Stop , Maryline !"
- Maryline s'arrête comme si le Président avait appuyé sur "Pause", entre deux pas , la
jambe droite déjà projetée en avant et l'autre en sublime décalage offrant à nos regards
un mollet fuselé .
- Le Président : "Qu'est-ce que vous avez là ?"
- Maryline , en arrêt sur image , de dos entre deux pas , et fixant par-dessus la rondeur
de son épaule , de son oeil cerné d'un nuage bleu , notre aréopage costumé :
"Qu'est-ce que j'ai là ? … où ? …"
- Le Président : "Là … là sur votre … euh … sur votre …"
- Nous tendons le cou vers sa … vers son …
- Maryline : "Sur ma fesse ?"
- Le Président : "Euh … oui … juste là …"
- Maryline : "Vous ne voyez pas ? … j'aime beaucoup"
- Kissinger écarte son cigare de ses lèvres : "Monsieur le Président … c'est un marteau et
une faucille"
- Le Président : "Je le vois bien , Henry , que c'est un marteau et une faucille ! … j'ai des
yeux comme vous !"
- Maryline , toujours figée dans sa pose suavement torse : "C'est joli , non ?"
-Le Président : "Maryline … ne me dites pas que vous avez acheté cette robe dans une
boutique de Washington … sur Pensylvania Avenue , à deux pas de la Maison Blanche !?
… on vous l'a offerte !"
- Maryline , toujours immobile et délicieusement exposée : "Oui … votre ami !"
- Le Président : "Mon ami !? … non , pas lui !?"
- Maryline : "Si … Leonid … il est si gentil !"
- "Marilyne , ma cocotte , soyez gentille … faites-nous un café … nous sommes …" .
Il compte : "Nous sommes six"
- Cinq minutes plus tard , Maryline paraît porteuse d'un plateau avec six tasses et des
gâteaux . Elle est juchée sur une sensationnelle paire de chaussures à talons - au moins
dix centimètres ! - ensachée dans une seconde peau d'un rouge ardent .
- Six regards mâles se braquent à l'instant sur cette stimulante apparition .
- Le Président , après dix secondes d'un irrésistible émoi (il déglutit deux fois) : "Dites-
moi , Maryline … ce rouge … ça me fait penser à quelque chose … n'est-ce pas le rouge
des Défenseurs de la Révolution Populaire … et le rouge d'une certaine Armée ?"
- Maryline , la bouche en coeur : "Je n'en sais rien , Monsieur le Président … elle vous
plaît ?"
- Le Président : "Énormément , Maryline … énormément …" et , se tournant vers nous :
"… et elle plaît aussi à ces messieurs"
- Maryline se penche pour poser le plateau sur le Wilson Desk , nous plongeant tous les six
dans le monde merveilleux et si complexe de la féminité (y a-t-il des mots pour la dire ?) ,
puis , virevoltant sur ses aiguilles , elle nous tourne le dos : "Je reviens avec le café !" .
Et nous suivons la balance envoûtante de ses hanches (et du reste) .
- Le Président : "Stop , Maryline !"
- Maryline s'arrête comme si le Président avait appuyé sur "Pause", entre deux pas , la
jambe droite déjà projetée en avant et l'autre en sublime décalage offrant à nos regards
un mollet fuselé .
- Le Président : "Qu'est-ce que vous avez là ?"
- Maryline , en arrêt sur image , de dos entre deux pas , et fixant par-dessus la rondeur
de son épaule , de son oeil cerné d'un nuage bleu , notre aréopage costumé :
"Qu'est-ce que j'ai là ? … où ? …"
- Le Président : "Là … là sur votre … euh … sur votre …"
- Nous tendons le cou vers sa … vers son …
- Maryline : "Sur ma fesse ?"
- Le Président : "Euh … oui … juste là …"
- Maryline : "Vous ne voyez pas ? … j'aime beaucoup"
- Kissinger écarte son cigare de ses lèvres : "Monsieur le Président … c'est un marteau et
une faucille"
- Le Président : "Je le vois bien , Henry , que c'est un marteau et une faucille ! … j'ai des
yeux comme vous !"
- Maryline , toujours figée dans sa pose suavement torse : "C'est joli , non ?"
-Le Président : "Maryline … ne me dites pas que vous avez acheté cette robe dans une
boutique de Washington … sur Pensylvania Avenue , à deux pas de la Maison Blanche !?
… on vous l'a offerte !"
- Maryline , toujours immobile et délicieusement exposée : "Oui … votre ami !"
- Le Président : "Mon ami !? … non , pas lui !?"
- Maryline : "Si … Leonid … il est si gentil !"
mercredi 5 février 2020
PARADIS 126 . TOUTES LES CHOSES QUE JE SAIS
- Adam : "Je sais des tas de choses …"
- Dieu : "N'exagère pas ! … tu en sais quelques-unes"
- Adam : "Je sais que la terre est plate , qu'elle a la forme d'un disque , qu'elle tient dans
l'éther sur un coussin d'air …"
- Dieu : "Oh , oh !"
- Adam : "… qu'un océan l'entoure … infranchissable"
- Dieu : "Que sais-tu encore ?"
- Adam : "… qu'elle est au centre du monde … qu'elle a 1000 ans …"
- Dieu : "Quelle science , mon ami !"
- Adam : "Que le soleil est une énorme boule de feu … que parfois il se cache derrière
les nuages … que le soir il tombe dans la mer …"
- Dieu : "Adam , Adam ! … c'est vrai , tu sais pas mal de choses , mais …"
- Adam : "Je sais ce qu'est un cercle … je sais que 2 et 2 font 4 et 7x8 : 56"
- Dieu : "Écoute-moi !"
- Adam : "Je sais qu'il y a sur la lune des lièvres … et peut-être des crapauds … je sais que …"
- Dieu : "Adam !"
- Adam : "Quand le ciel tonne , c'est que quelqu'un là-haut secoue sa barbe"
- Dieu : "…….?……."
- Adam : "Je sais faire du feu"
- Dieu : "……………"
- Adam : "Je sais mesurer le temps"
- Dieu : "Adam , s'il te plaît !"
- Adam : "Quoi ? … qu'est-ce qui a ?"
- Dieu : "Adam ! … en somme tu te rapproches de moi"
- Adam : "……?……."
- Dieu : "Tu accèdes à l'intelligible"
- Adam : "……?……."
- Dieu : "Tu te rapproches de moi … mais d'un milliardième de milliardième de milliardième
de presque rien … et avec pas mal de détours !"
- Dieu : "N'exagère pas ! … tu en sais quelques-unes"
- Adam : "Je sais que la terre est plate , qu'elle a la forme d'un disque , qu'elle tient dans
l'éther sur un coussin d'air …"
- Dieu : "Oh , oh !"
- Adam : "… qu'un océan l'entoure … infranchissable"
- Dieu : "Que sais-tu encore ?"
- Adam : "… qu'elle est au centre du monde … qu'elle a 1000 ans …"
- Dieu : "Quelle science , mon ami !"
- Adam : "Que le soleil est une énorme boule de feu … que parfois il se cache derrière
les nuages … que le soir il tombe dans la mer …"
- Dieu : "Adam , Adam ! … c'est vrai , tu sais pas mal de choses , mais …"
- Adam : "Je sais ce qu'est un cercle … je sais que 2 et 2 font 4 et 7x8 : 56"
- Dieu : "Écoute-moi !"
- Adam : "Je sais qu'il y a sur la lune des lièvres … et peut-être des crapauds … je sais que …"
- Dieu : "Adam !"
- Adam : "Quand le ciel tonne , c'est que quelqu'un là-haut secoue sa barbe"
- Dieu : "…….?……."
- Adam : "Je sais faire du feu"
- Dieu : "……………"
- Adam : "Je sais mesurer le temps"
- Dieu : "Adam , s'il te plaît !"
- Adam : "Quoi ? … qu'est-ce qui a ?"
- Dieu : "Adam ! … en somme tu te rapproches de moi"
- Adam : "……?……."
- Dieu : "Tu accèdes à l'intelligible"
- Adam : "……?……."
- Dieu : "Tu te rapproches de moi … mais d'un milliardième de milliardième de milliardième
de presque rien … et avec pas mal de détours !"
mardi 4 février 2020
COTE 137 . 145 . DANS LA TOILE
Soleil et même chaleur sur le front ! . Martial , en bras de chemise progresse par sauts
de puce en tête de notre petite colonne . Il progresse courbé car la Cote 137 n'est pas loin ,
truffée d'habiles tireurs dont les Mauser à cinq cartouches font dans nos rangs des morts
pour la France . Prudence extrême … Nous attendons un signe de notre camarade avant
de nous élancer , un par un , de fossés en trous et de trous en replis de terrain , comme
des rats furtifs , pour le rallier dans sa position avancée . Je ferme la marche . Je surveille
nos arrières . Ce matin , nous nous sommes portés volontaires pour une patrouille sur
Montrepont . A cause du beau temps , Martial était intenable et notre capitaine n'a pas eu
le coeur de lui refuser cette balade périlleuse . Quatre hommes . Martial , le plus expéri-
menté et le plus sagace de la compagnie , moi , son meilleur ami et deux bleus que nous
chapeautons : Plouvier et le pauvre Idaszek qui sera tué deux mois plus tard . Nous nous
déplaçons dans un silence presque total , sauf cette canonnade lointaine et ininterrompue
qui sera pendant toute la guerre le fond sonore de notre existence parce qu'aucun de nous
ne doit oublier que quelque part quelqu'un s'acharne à anéantir quelqu'autre . Nous par-
venons aux abords du cimetière où subsiste comme unique forme verticale la moitié d'un
mur au bord d'un fossé . C'est là que , tout à coup , nous voyons Martial s'effondrer ,
vingt mètres devant nous . Nous n'avons pas entendu de détonation . Je me précipite ,
m'attendant confusément à subir le même sort , et lui tombe sur le dos . "T'es cinglé !" ,
marmotte-t-il furieux … "… ccchhhut ! …"
- Moi . Toute cette scène dramatique en chuchotis et murmures car le fridolin et sa gâchette
d'élite sont à l'affût à moins de 300 mètres : "Tu m'as fait une de ces peurs ! … j'ai cru qu'ils
t'avaient eu"
- Martial : "Ccchhhut !"
- Moi . Je fais signe aux deux autres . Ils sortent de leur trou et zigzaguent jusqu'à nous
comme nous le leur avons appris : "Pourquoi chut , Martial ? … qu'est-ce qu'il y a ?" …
et je regarde devant , vers la Cote 137 , inquiet , car la masse agglutinée que nous formons
dans ce fossé est du pain béni pour Friedrich , hier tranquille sabotier de Basse-Saxe ,
aujourd'hui , par la grâce des armes à feu , sanguinaire collectionneur de scalps et champion
toutes catégories de son régiment .
- Martial : "Regarde !" . Il me montre un buisson qui s'entête à pousser dans l'enfer de
Montrepont .
- Moi , toujours sur son dos : "Quoi , Martial ? … tirons-nous d'ici ! …"
- Martial : "Là ! … et arrête de remuer !"
Entre les brindilles du buisson , une épeire jaune et noire a tendu sa toile . Quatre
insectes innocents s'y débattent . Elle , infiniment cruelle , se balance et s'apprête à
bondir …
- Moi : "Nom de Dieu , Martial ! … tirons-nous d'ici je te dis !"
de puce en tête de notre petite colonne . Il progresse courbé car la Cote 137 n'est pas loin ,
truffée d'habiles tireurs dont les Mauser à cinq cartouches font dans nos rangs des morts
pour la France . Prudence extrême … Nous attendons un signe de notre camarade avant
de nous élancer , un par un , de fossés en trous et de trous en replis de terrain , comme
des rats furtifs , pour le rallier dans sa position avancée . Je ferme la marche . Je surveille
nos arrières . Ce matin , nous nous sommes portés volontaires pour une patrouille sur
Montrepont . A cause du beau temps , Martial était intenable et notre capitaine n'a pas eu
le coeur de lui refuser cette balade périlleuse . Quatre hommes . Martial , le plus expéri-
menté et le plus sagace de la compagnie , moi , son meilleur ami et deux bleus que nous
chapeautons : Plouvier et le pauvre Idaszek qui sera tué deux mois plus tard . Nous nous
déplaçons dans un silence presque total , sauf cette canonnade lointaine et ininterrompue
qui sera pendant toute la guerre le fond sonore de notre existence parce qu'aucun de nous
ne doit oublier que quelque part quelqu'un s'acharne à anéantir quelqu'autre . Nous par-
venons aux abords du cimetière où subsiste comme unique forme verticale la moitié d'un
mur au bord d'un fossé . C'est là que , tout à coup , nous voyons Martial s'effondrer ,
vingt mètres devant nous . Nous n'avons pas entendu de détonation . Je me précipite ,
m'attendant confusément à subir le même sort , et lui tombe sur le dos . "T'es cinglé !" ,
marmotte-t-il furieux … "… ccchhhut ! …"
- Moi . Toute cette scène dramatique en chuchotis et murmures car le fridolin et sa gâchette
d'élite sont à l'affût à moins de 300 mètres : "Tu m'as fait une de ces peurs ! … j'ai cru qu'ils
t'avaient eu"
- Martial : "Ccchhhut !"
- Moi . Je fais signe aux deux autres . Ils sortent de leur trou et zigzaguent jusqu'à nous
comme nous le leur avons appris : "Pourquoi chut , Martial ? … qu'est-ce qu'il y a ?" …
et je regarde devant , vers la Cote 137 , inquiet , car la masse agglutinée que nous formons
dans ce fossé est du pain béni pour Friedrich , hier tranquille sabotier de Basse-Saxe ,
aujourd'hui , par la grâce des armes à feu , sanguinaire collectionneur de scalps et champion
toutes catégories de son régiment .
- Martial : "Regarde !" . Il me montre un buisson qui s'entête à pousser dans l'enfer de
Montrepont .
- Moi , toujours sur son dos : "Quoi , Martial ? … tirons-nous d'ici ! …"
- Martial : "Là ! … et arrête de remuer !"
Entre les brindilles du buisson , une épeire jaune et noire a tendu sa toile . Quatre
insectes innocents s'y débattent . Elle , infiniment cruelle , se balance et s'apprête à
bondir …
- Moi : "Nom de Dieu , Martial ! … tirons-nous d'ici je te dis !"
LA VENGEANCE DE FABIEN PERONNEAU
Ce qui venait d'entrer dans l'estomac de Jacques Peronneau et en sortirait dans
un milliardième de seconde , pulvériserait sa sixième vertèbre dorsale et expédierait
son propriétaire dans un fauteuil roulant pour le restant de ses jours , avait quitté le
magasin d'un Beretta 9000-S il y avait si peu de temps qu'un observateur affranchi
des arcanes de la balistique , et Jacques Peronneau lui-même (pourtant aux premières
loges) ne savaient encore que cette matinée du 14 janvier , bouleversante de froid et
de soleil , venait de basculer dans un drame dont les tenants et les aboutissants n'appa-
raissaient pas clairement à l'auteur de ce premier roman (première page) , pas plus qu'à
Fabien , frère cadet de Jacques , au volant de sa Peugeot , le doigt pressé contre la
gachette comme un point final à cette interminable bataille juridique menée contre son
ainé , perdue par la batterie d'avocats qui l'avait quasi-ruiné et laissait à Jacques la pro-
priété de l'entreprise familiale "Quincaillerie Peronneau Père & Fils" fondée en 1890 .
Une balle de 9mm traversa Jacques Peronneau en infiniment moins de temps qu'il
fallut pour le dire .
un milliardième de seconde , pulvériserait sa sixième vertèbre dorsale et expédierait
son propriétaire dans un fauteuil roulant pour le restant de ses jours , avait quitté le
magasin d'un Beretta 9000-S il y avait si peu de temps qu'un observateur affranchi
des arcanes de la balistique , et Jacques Peronneau lui-même (pourtant aux premières
loges) ne savaient encore que cette matinée du 14 janvier , bouleversante de froid et
de soleil , venait de basculer dans un drame dont les tenants et les aboutissants n'appa-
raissaient pas clairement à l'auteur de ce premier roman (première page) , pas plus qu'à
Fabien , frère cadet de Jacques , au volant de sa Peugeot , le doigt pressé contre la
gachette comme un point final à cette interminable bataille juridique menée contre son
ainé , perdue par la batterie d'avocats qui l'avait quasi-ruiné et laissait à Jacques la pro-
priété de l'entreprise familiale "Quincaillerie Peronneau Père & Fils" fondée en 1890 .
Une balle de 9mm traversa Jacques Peronneau en infiniment moins de temps qu'il
fallut pour le dire .
lundi 3 février 2020
KRANT 196 . DEUX MONDES
Il m'arrivait de dormir sur le pont . Le ronronnement des pistons Stirling et le
bercement de la houle m'emportaient étrangement dans des territoires vierges de
bruits mécaniques et où - s'il y eut jadis une mer - c'était au temps du Déluge .
Je me trouvais allongé au pied d'un arbre bruissant des cent mille feuilles de sa
majestueuse et confuse ramure ou devisant avec mon père à l'ombre d'une meule .
Et , bien qu'allongé dans l'herbe ou devisant avec mon père , le ronflement sourd
des pistons et le clapotis des vagues susurraient à mon oreille . Où étais-je ? .
Suspendu entre deux mondes , dans l'un et cependant dans l'autre par la grâce du
sommeil . Hume aussi parfois me poussait dans le trésor de ma vie antérieure car
le doux pelage pressé contre ma joue , c'eut pu être celui de Kastor , le chat de mon
enfance . A l'aube , l'embrun me saisissait comme une rosée . Je serrais le col de ma
vareuse et , passant la langue sur mes lèvres salées , je pressentais qu'hélas j'étais
couché sur le pont d'un bateau .
bercement de la houle m'emportaient étrangement dans des territoires vierges de
bruits mécaniques et où - s'il y eut jadis une mer - c'était au temps du Déluge .
Je me trouvais allongé au pied d'un arbre bruissant des cent mille feuilles de sa
majestueuse et confuse ramure ou devisant avec mon père à l'ombre d'une meule .
Et , bien qu'allongé dans l'herbe ou devisant avec mon père , le ronflement sourd
des pistons et le clapotis des vagues susurraient à mon oreille . Où étais-je ? .
Suspendu entre deux mondes , dans l'un et cependant dans l'autre par la grâce du
sommeil . Hume aussi parfois me poussait dans le trésor de ma vie antérieure car
le doux pelage pressé contre ma joue , c'eut pu être celui de Kastor , le chat de mon
enfance . A l'aube , l'embrun me saisissait comme une rosée . Je serrais le col de ma
vareuse et , passant la langue sur mes lèvres salées , je pressentais qu'hélas j'étais
couché sur le pont d'un bateau .
SUBTILITÉS DU SUBJONCTIF IMPARFAIT
Exemple : "Je craignais que mes pensées pussent choquer les personnes sensibles"
Que mes pensées choquassent les personnes sensibles est un fait contemporain de
ma crainte passée , d'où l'emploi classique du subjonctif imparfait . Dans le ces présent ,
l'utilisation de ce mode au prétérit lève en plus une ambiguité . Si j'avais dit : "Je crai-
gnais que mes pensées choquent les personnes sensibles", mes auditeurs eussent pu
entendre que ma crainte passée était encore au goût du jour .
On peut aussi employer le subjonctif imparfait pour exprimer du futur : "Je souhaite
que mes pensées missent le feu aux poudres" ou "je souhaite que mes pensées se mussent
(du v. pron. se mouvoir) comme des planètes autour du soleil" . Dans le premier cas (rare) ,
le mode l'emporte sur la concordance des temps pour manifester un fait hypothétique .
On admet que l'imparfait de la subordonnée s'accommode du présent de la principale .
Dans le deuxième , on exprime un futur dans le passé , une sorte de subjonctif conditionnel .
C'est pourquoi le Sage (dans sa sagesse) , aux formes verbales complexes , préfère
l'indicatif présent .
Que mes pensées choquassent les personnes sensibles est un fait contemporain de
ma crainte passée , d'où l'emploi classique du subjonctif imparfait . Dans le ces présent ,
l'utilisation de ce mode au prétérit lève en plus une ambiguité . Si j'avais dit : "Je crai-
gnais que mes pensées choquent les personnes sensibles", mes auditeurs eussent pu
entendre que ma crainte passée était encore au goût du jour .
On peut aussi employer le subjonctif imparfait pour exprimer du futur : "Je souhaite
que mes pensées missent le feu aux poudres" ou "je souhaite que mes pensées se mussent
(du v. pron. se mouvoir) comme des planètes autour du soleil" . Dans le premier cas (rare) ,
le mode l'emporte sur la concordance des temps pour manifester un fait hypothétique .
On admet que l'imparfait de la subordonnée s'accommode du présent de la principale .
Dans le deuxième , on exprime un futur dans le passé , une sorte de subjonctif conditionnel .
C'est pourquoi le Sage (dans sa sagesse) , aux formes verbales complexes , préfère
l'indicatif présent .
QUESTION DE FORME
Les pensées ont une forme .
Par exemple , le 1er janvier , à l'entame d'une nouvelle révolution autour du soleil ,
nous pensons à souhaiter une bonne et heureuse année . Certes , il s'agit ici d'une pensée
de faible intensité mais , indéniablement , c'est une pensée circulaire . Fort heureusement ,
il y a des pensées plus fortes . Quand elles sont pures , elles sont une ligne ou ont la forme
d'une coquille inattaquable par quelque bord qu'on la tourne . Exemple : "Toute la dignité
de l'Homme est en la pensée" . Quiconque objecterait que la dignité de l'Homme n'est pas
en la pensée mais en ses besoins , en ses plaisirs , en sa concupiscence ou sa méchanceté
formerait du même coup une pensée tordue . Entre ces extrêmes sont les milliards de pen-
sées médiocres . Nous , cerveaux moyens , formons des pensées moyennes , d'aspect bis-
cornu , de structure molle et démontrons à longueur de vie qu'entre nous et Pascal il y a
un abîme .
Par exemple , le 1er janvier , à l'entame d'une nouvelle révolution autour du soleil ,
nous pensons à souhaiter une bonne et heureuse année . Certes , il s'agit ici d'une pensée
de faible intensité mais , indéniablement , c'est une pensée circulaire . Fort heureusement ,
il y a des pensées plus fortes . Quand elles sont pures , elles sont une ligne ou ont la forme
d'une coquille inattaquable par quelque bord qu'on la tourne . Exemple : "Toute la dignité
de l'Homme est en la pensée" . Quiconque objecterait que la dignité de l'Homme n'est pas
en la pensée mais en ses besoins , en ses plaisirs , en sa concupiscence ou sa méchanceté
formerait du même coup une pensée tordue . Entre ces extrêmes sont les milliards de pen-
sées médiocres . Nous , cerveaux moyens , formons des pensées moyennes , d'aspect bis-
cornu , de structure molle et démontrons à longueur de vie qu'entre nous et Pascal il y a
un abîme .
LES VOYEURS
J'aime regarder la télé . Le soir , après le J T , je m'installe dans mon sofa . J'éteins
le grand lustre mais je laisse , à côté de moi , une lampe allumée . Mes amis pensent
que je ne veux pas perdre de vue ce qui se passe dans la pièce , autour de l'écran .
Ce n'est pas la raison . Il y a derrière mon sofa une baie vitrée : celle de mon salon ,
au 5e étage d'un immeuble , à Niort . Il n'y a pas de rideau . En face de cet immeuble ,
il y a d'autres immeubles et d'autres baies vitrées . Fatalement , depuis ces autres
immeubles , derrière ces autres baies vitrées , celles où ne brille jamais aucune lumière ,
on m'observe . Je veux que la partie de mon crâne qui émerge du sofa , éclairée par la
lampe , donne à ces observateurs pendant toute la durée des programmes , jusqu'à une
heure avancée de la nuit , l'impression d'une présence solitaire irréductible .
Présence , solitude , irréductibilité totales .
le grand lustre mais je laisse , à côté de moi , une lampe allumée . Mes amis pensent
que je ne veux pas perdre de vue ce qui se passe dans la pièce , autour de l'écran .
Ce n'est pas la raison . Il y a derrière mon sofa une baie vitrée : celle de mon salon ,
au 5e étage d'un immeuble , à Niort . Il n'y a pas de rideau . En face de cet immeuble ,
il y a d'autres immeubles et d'autres baies vitrées . Fatalement , depuis ces autres
immeubles , derrière ces autres baies vitrées , celles où ne brille jamais aucune lumière ,
on m'observe . Je veux que la partie de mon crâne qui émerge du sofa , éclairée par la
lampe , donne à ces observateurs pendant toute la durée des programmes , jusqu'à une
heure avancée de la nuit , l'impression d'une présence solitaire irréductible .
Présence , solitude , irréductibilité totales .
samedi 1 février 2020
KRANT 195 . PARADIS MINIATURE
Toute ma vie , j'ai traversé des océans vides .
Ici , de chez moi à la lagune , encloses par quelques misérables lieues , pullulent
beautés et énigmes de la nature . Là , je contourne un trou d'eau où coassent des
grenouilles , ici , dans un épais fourré , une troupe de bouvreuils agite bruyamment
ses croupions blancs , entre les troncs des bouleaux , voguant sur une mer de jacinthes ,
un pic vert ondule son vol , une goutte d'eau hésite au bord de la feuille velue et trem-
blante d'une consoude et , dans le même fossé , à moins d'un pied , une guêpe dort ,
une libellule sèche sa transparence sur un roseau ployé et une éphémère dresse ses
nervures vers le ciel . Sous un fouillis d'ombelles , un invisible filet d'eau gargouille …
puis c'est la mer où parade un ciel souverain .
Entre les bouquets d'ofrys qui bordent la dune et dont les hampes pourpres battent
au vent , apparaît Krant , seul sur ce rivage sans fin , les jambes de pantalon troussées
à mi-mollets , puissant et sans âge comme le Créateur de toutes choses : "Chef ! …
vous semblez sortir du Paradis terrestre ! … qui vous chasse ?"
Ici , de chez moi à la lagune , encloses par quelques misérables lieues , pullulent
beautés et énigmes de la nature . Là , je contourne un trou d'eau où coassent des
grenouilles , ici , dans un épais fourré , une troupe de bouvreuils agite bruyamment
ses croupions blancs , entre les troncs des bouleaux , voguant sur une mer de jacinthes ,
un pic vert ondule son vol , une goutte d'eau hésite au bord de la feuille velue et trem-
blante d'une consoude et , dans le même fossé , à moins d'un pied , une guêpe dort ,
une libellule sèche sa transparence sur un roseau ployé et une éphémère dresse ses
nervures vers le ciel . Sous un fouillis d'ombelles , un invisible filet d'eau gargouille …
puis c'est la mer où parade un ciel souverain .
Entre les bouquets d'ofrys qui bordent la dune et dont les hampes pourpres battent
au vent , apparaît Krant , seul sur ce rivage sans fin , les jambes de pantalon troussées
à mi-mollets , puissant et sans âge comme le Créateur de toutes choses : "Chef ! …
vous semblez sortir du Paradis terrestre ! … qui vous chasse ?"
TROIS MOUCHES 179 . LOLITA ET LA CHAISE LONGUE
Après le déjeuner , alors que j'étais installé dans une chaise longue (trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre mon chapeau de paille) en train de
lire , deux petites mains prestes se posèrent soudain sur mes yeux : Berthe s'était appro-
chée lentement derrière moi .
Berthe , installée dans une chaise longue , déjeunait . Deux ou trois petites mouches
aux yeux émerveillés se posèrent prestement sur ses mains . Par derrière , elles s'étaient
approchées de son chapeau de paille . Elles bourdonnaient lentement . Moi , je lisais .
Par derrière , je m'étais approché prestement de ce train qui bourdonnait de mouches
vermeilles et où , après le déjeuner , j'allais pouvoir m'installer dans une chaise longue ,
poser mes mains sur le petit chapeau de Berthe et lire lentement dans ses merveilleux
yeux paillés .
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre mon chapeau de paille) en train de
lire , deux petites mains prestes se posèrent soudain sur mes yeux : Berthe s'était appro-
chée lentement derrière moi .
Berthe , installée dans une chaise longue , déjeunait . Deux ou trois petites mouches
aux yeux émerveillés se posèrent prestement sur ses mains . Par derrière , elles s'étaient
approchées de son chapeau de paille . Elles bourdonnaient lentement . Moi , je lisais .
Par derrière , je m'étais approché prestement de ce train qui bourdonnait de mouches
vermeilles et où , après le déjeuner , j'allais pouvoir m'installer dans une chaise longue ,
poser mes mains sur le petit chapeau de Berthe et lire lentement dans ses merveilleux
yeux paillés .
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