Nous abordons Socotra par le sud . C'est la mousson . L'île , nous ne la voyons pas ,
et pourtant elle est à moins de trois miles . Socotra est ce nuage bas , noir , vautré sur la
mer . "Tudieu si j'y vois quelque chose !" , marmonne le timonier . Krant est à côté de
lui , pipe et jumelles vissées dans son visage impavide . Le timonier actionne la corne
de brume quand nous percutons le mur d'eau tiède . Krant : "Réduisez … 20° tribord …
allez !" . Une expiration grave dans l'air immobile entame à tâtons un chant mélanco-
lique : c'est Vinc et son accordéon , amoureux de Socotra . On l'attend là-bas . Une
foule serrée dans ses haillons humides l'attend , compacte sur le ponton , découpant
son ombre dans la tenture du déluge , mille yeux fermés sur la vieille chanson de
Socotra , mille oreilles dans ces chaudes ténèbres tendues vers la haute mer …
- "Là !" , dit Krant … "la balise !"
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