En patrouille avec Martial . Nous sommes accroupis dans une guitoune démantibulée .
Sous des poutres en partie calcinées , un cadavre qui ne l'est pas moins . Un des nôtres ?
… un boche ? … Calme dans le secteur . Orage lointain : on s'entretue à 10 kms à l'est .
Des artilleurs règlent l'angle des tubes et chargent des culasses . D'autres , en face , n'ont
plus que quelques secondes à vivre , clapis dans leurs trous , les mains sur les oreilles .
- Martial laisse aller sa tête contre la paroi de glaise tassée . Il ferme les yeux , face tournée
vers le ciel ; "On n'est pas bien , vieux ?"
- Moi : "………….."
- Martial : "Dis-moi qu'on est bien"
- Moi . Je fais la moue : "On est bien , Martial … drôlement bien …"
- Martial : "C'est bien ce que je pensais" . Il farfouille dans les poches de sa capote :
"Où je l'ai foutue ?"
- Moi : "…….?……"
- Martial : "Ah ! … la voilà ! …" , et il me tend triomphalement sa gourde : "Tiens ,
prends ça ! … de la gnôle …"
- Moi : "Non … merci Martial"
- Martial . Il débouche le bidon , se sert une rasade de cette saloperie et me tend à nouveau
sa gnôle . J'écarte sa main : "Non , je te dis" . "Tu as tort" , réplique-t-il en frappant sur le
bouchon .
On continue , à droite , de balancer du 220 sur des gens qu'on n'a jamais vus . On charge
les culasses , on règle les hausses pour affiner la tuerie .
- Martial , tête renversée contre le mur de glaise , yeux fermés . Il a ôté son casque :
"On ne peut pas être mieux qu'ici … y a-t-il quelqu'un de plus heureux sur terre ?"
- Moi : "Oui , Martial … un type ramasse des coquillages … au bord d'un océan"
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