Curieusement , Monsieur Lee n'entendait pas le français . C'est ce qui se disait
dans les coursives et lui-même me l'affirma à l'aube d'un jour pluvieux quand nous
croisions au large du Cap Barren entre la Tasmanie et le Promontoire de Wilson ,
à l'antipode de la France . Son mandarin était - sans que je puisse en juger mais des
chinois l'avaient assuré au capitaine - le plus pur et son letton était à l'oreille exquis .
Il brillait dans les conversations égyptiennes et donnait la réplique aux ambassadeurs
d'Ethiopie comme il advint à Massoua . Il connaissait assez de zoulou et de bas-breton
pour survivre dans ces pays sauvages et j'ai écrit ailleurs qu'il maniait quantité d'étranges
dialectes . Mais du français , rien , me dit-il , à part "oui" et "non" .
Je m'étonnai le soir du même jour - il avait plu sans discontinuer - qu'un tel polyglotte
fut à ce point imperméable à la plus belle langue du monde .
- "Hi , hi , hi " . Monsieur Lee tira de sa poche un petit livre et , avec l'accent de la
province d'Anjou , lut cette phrase : "Il m'emprunta un livre non coupé qu'il me rendit
TEL quel" . Notre cuisinier m'expliqua l'emploi adjectival du déterminatif "tel" comme
déterminatif complémentaire qui - ô merveille - a dans le cas cité la fonction de l'adjectif
qualificatif attribut de l'objet .
Je n'y compris goutte .
- Monsieur Lee conclut en français : "Le français est une langue facile …" . Puis ,
caressant le poil humide de Hume , des moustaches à la pointe extrême de la queue
tigrée : "Hi , hi , hi …"
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