mardi 12 juin 2018

LA MÉDUSE DE BORNEO

    Elle avait ouvert sur ses genoux une encyclopédie des plantes à fleurs . Nous roulions
lentement , traquant par les vitres baissées une plante épiphyte reproduite à la page 152 .
Plante épiphyte ? . J'avais profité d'une courte halte pour consulter Petit Robert sur la
banquette arrière . "Plante qui croît sur d'autres plantes sans en tirer sa subsistance" .
C'est en ces termes sobres - comme j'appréciais son aimable concision ! - qu'il me ren-
seigna . "Par exemple le lierre" , renchérit Madame Delplanque . Son chignon s'était
écroulé depuis que nous avions pénétré dans cet enfer vert et des gouttes de sueur à la
queue leu leu sur l'arête de son nez faisaient "ploc" sur la photo de la plante que nous
cherchions depuis deux jours , en vain . "Le lierre ? … le bête lierre de mon jardin …
sur le mur de mon voisin ?" . "Oui … le lierre est une plante épiphyte" , confirma-t-elle …
"Ce que nous espérons trouver ici , à Bornéo , c'est une Tête de Méduse" . "Une Tête de
Méduse ?" , dis-je en scrutant de chaque côté de la piste le mur de lianes intriquées .
"Cyrrhopetalum Medusae" , articula Madame Delplanque en détachant chaque syllabe .
"Nom de !! …" , hurlai-je . "La fille de chez Hertz , ne l'avez-vous pas entendue !!? …
la Cyrrho-je-ne-sais-quoi , c'est en Malaisie ! … il n'en existe plus à Bornéo !" . Sous
les roues de l'Opel , la latérite mêlée de temps perdu se transmua en fureur . J'entrepris
dans une clairière déprimante un demi-tour rageur .

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire