mardi 5 juin 2018

LES PAVOTS DE HONGRIE

    Nous parlions d'Attila … le Hun .

    Madame Delplanque prétendait qu'en droite ligne elle descendait de ce roi cruel .
"Or" , dis-je , car j'avais adopté un ton précieux , "je ne vois pas dans votre visage
ces hautes pommettes finno-ougriennes et ne décèle dans votre patronyme un déchet
proto-ouralien !" . La conversation aurait viré à l'aigre si notre chauffeur - un Magyar
d'outre-frontières - n'avait garé l'auto sur l'accotement et coupé le contact . Nous
venions de quitter Szolnok par la rive gauche de la Tisza . Arpàd - c'est son nom -
fit le tour de la voiture et ouvrit grande la portière arrière . Là , nous montra-t-il ,
frôlant le rail de sécurité cabossé , branlaient au léger vent du fleuve quatre fleurs
aux pétales satinés . Il se pencha sur Madame Delplanque et murmura en français :
"Pavots de Hongrie" . "Ne sont-ce" (en effet , je le confesse aujourd'hui , je dis
bêtement : "Ne sont-ce") des coquelicots ?" . Madame Delplanque , extirpant son
corps frémissant de la banquette - elle serrait les dents et trouva moyen en plus de
hausser les épaules - planta dans le bas-côté ses talons aiguilles .

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