jeudi 11 juin 2020

KRANT 224 . ACCOSTAGE

    A l'approche d'une terre , je m'allongeais dans un hamac tendu sur le pont supérieur .
Là , dans un tour de passe-passe jubilant , j'escamotais la mer . Des nuages bulbeux
faisaient au ciel d'azur une corolle d'écume . Au centre , frôlant semblait-il la couche
haute de l'atmosphère , des mouettes au corps translucide manifestaient par leur lent
tournoiement qu'à quelques encâblures il y avait un port encastré dans une falaise aux
crêtes pâturées ou un cheval pénétrant en ligne droite dans des hortillonnages . Je gagnais
la salle rougeoyante des machines pour réduire notre vitesse et , après des manoeuvres
aveugles dictées par le chadburn , stopper le mouvement têtu des pistons . Après l'échap-
pée braillarde des mécaniciens , je restais un moment seul sur ce territoire intermédiaire
où des jets de vapeur moribonds crachaient le reste de leur âme . Puis , par le trou
d'homme , mon buste ahuri émergeait dans un monde affairé et un air immobile , au
milieu des criailleries d'oiseaux qui - il y avait moins d'une heure - décrivaient dans le
ciel des courbes de silence .

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