Je me souviens de ce pique-nique .
C'était à Cerlier dans la campagne bernoise . Max , Niels , Louis
à vélos et moi , en tandem , avec Mileva . Nous avons étendu une
nappe blanche dans une pâture irradiant le pissenlit . Niels nous
expliqua son modèle pendant que mon adorable Mileva disposait
les tomates aux crevettes . "L'électron tourne autour du proton sur
une orbite circulaire ". Ce qui nous fit rire , c'est qu'un bourdon se
mit à graviter autour du visage apeuré de Niels sur une trajectoire
conforme à la mécanique classique . Max le chassant d'un coup de
chapeau : "Mais l'électron sur son orbite circulaire ne rayonne pas" .
Mileva - chère Mileva ! - sortit de la sacoche une bouteille de
Jolimont . Je la débouchai . "Pop !" fit le bouchon , "ah !" firent
les amis . J'exprimai l'idée - Max m'approuva - qu'à condition
d'émettre de la lumière d'une fréquence bien précise liée à la dif-
férence des énergies entre deux orbites circulaires - "prosit !" fîmes-
nous et nous levâmes nos verres dans la transparente clarté de ce
printemps de 1912 - l'électron pouvait passer de l'une à l'autre .
Le bourdon se remit à butiner notre Niels quand Louis proposa que
la lumière devait présenter une dualité onde-particule . Cette
hypothèse nous enchanta et je dis à Louis qu'il avait soulevé un
coin du grand voile .
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