mercredi 23 mars 2016

COTE 137 . 53 . SOLEIL

    Il y eut en 1917 une éclaircie d'un quart d'heure . La pluie cessa de tomber et la lumière
fut … Stupéfaits , les artilleurs des deux bords se figèrent au pied de leur affut , les bras
chargés d'obus . Sourd et vide , tel nous apparut le monde . A l'intérieur de ces minutes
pétrifiées on aurait , sur la ligne de front , perçu un claquement de dents . Pas un bruis-
sement de feuilles . De feuilles , il n'y en avait plus . Pas de branches et pas d'arbres où
les accrocher , pas un chant d'oiseaux , pas de frondaisons où percher , trouver pitance
et faire son nid … Pas l'écho d'une fête villageoise car Montrecourt s'était enfoncé dans
la boue … pas de beuglements , pas d'angélus …

    De vie ? : un reliquat au fond du cloaque , rats et poilus , et ceux-ci les yeux plissés
regardaient le soleil comme des cauchemardeurs au sortir de leur rêve .

- Martial chuchotant à mon oreille : "Qu'est-ce qu'il nous fait celui-là ? … de quoi qui se
mêle ? …"
- Moi , sur le même murmure : "De qui parles-tu ?"
- Martial : "……………….."
- Moi : "………….?………"
- Martial , furieux : "On l'a pas invité !!"
- Moi : "De qui parles-tu , bon sang !?"
- Martial : "Du soleil , pardi !!"

    Dieu merci , un sombre nuage vint fermer cette parenthèse imbécile . Les ténèbres
rapetissèrent le monde à sa tragique taille pendant qu'une eau réparatrice rafraîchissait
nos capotes . Nos artilleurs et ceux d'en-face enfournèrent leurs outils de destruction .

    A chacun son métier ...

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