Au fond de cette baie , se trouve le village de Wissant où les pêcheurs échouent
leurs embarcations à l'aide d'énormes chevaux gris pommelés . Nos mousses tournaient
dans les premières vagues autour des attelages et apostrophaient les monstres en letton .
Alors les pêcheurs sautaient à l'eau , les attrapaient et les jetaient sur le dos des bêtes
ruisselantes d'écume . Je riais , les pêcheurs riaient , les mousses , apeurés mais fanfarons ,
riaient de peur pendant qu'un éclair d'enfance retrouvée , intense et bref , traversait le
visage de Krant .
C'est à la queue leu leu , comme une harde de sangliers de ma Prusse natale , que calmés
et entamés par un peu de fatigue , silencieux et marchant dans les empreintes vigoureuses
du capitaine , nous parvenions à ce que je savais être le but de notre escapade : les
immenses falaises de craie dites du "Nez-Blanc" .
L'on s'asseyait en demi-cercle face au colossal Nez-Blanc . Seul Krant , juché sur un
rocher comme sur un trône , lui tournait le dos . J'ouvrais le sac marine et je distribuais les
rations car l'équipe était affamée .
Les enfants , en mordant dans les pains aux harengs confectionnés par Monsieur Lee ,
regardaient la falaise et la silhouette du capitaine découpée sur sa blancheur .
(à suivre)
vendredi 31 juillet 2015
KRANT 37 . OPALKÖST 1
On sait que le capitaine Krant était peu enclin à quitter son bord . Or , chaque année ,
au mois de juillet ou au mois d'août , nous débarquions du bois de construction dans un
port français au nom imprononçable pour un marin letton : Boulogne … Boulogne Am
Maar … et quelques heures avant d'embosser le Kritik dans la darse Sarraz-Bournet , près
du môle ouest , Krant convoquait les cinq ou six mousses de l'équipage et leur ordonnait
de se tenir prêts pour une sortie à terre . Monsieur Lee préparait un en-cas qu'il fourrait
dans un sac de marin . J'accompagnais le capitaine en qualité d'intendant de fortune ; je
n'aurais laissé ma place à personne mais - à dire vrai - je n'avais pas à la défendre car il
s'agissait de marcher et un marin débarqué est une sorte de gastéropode dont le pied
adhère au zinc d'un bar et laisse sur les chopes de bière une bavure sinueuse .
Nous contournions le bassin du port de pêche puis nous passions sous les remparts de
la ville haute , pressés de retrouver la mer . Nous débouchions sur une plage qui étalait
ses sables humides à perte de vue .
Là , (insolite déchaussement) Krant délaçait ses souliers , troussait le bas de son pantalon
et découvrait deux mollets musclés et incompréhensiblement halés . Notre troupe -
incurables hommes de mer - rejoignait la frange de sable où des vaguelettes mourantes
léchaient nos pieds . C'était une troupe turbulente : Krant et moi marchions côte à côte et
parlions peu , mais les mousses s'égayaient et revenaient vers nous , criant et riant , comme
un vol de mouettes acharné à nettoyer un chalut . Ils ramassaient des coquillages et les
montraient à Krant et Krant , sans s'arrêter , leur donnait un nom : bernicle , patelle ,
pourpre , buccin , couteau ,vignot , moule , pholade … et les gamins , sautillant et jetant
les coquillages à peine baptisés , criaient : "bernacle ! … patelle ! … pholade ! …"
Nous passions le petit bourg de Wimereux puis la pointe des oies , jusqu'à un cap
appelé par les indigènes "Nez- Gris". Passé ce banc rocheux soufflé d'embruns , nous
filions à bon pas sur une plage bordée de dunes . Krant pointait sa pipe vers les côtes
anglaises et les gosses , toujours sautant et toujours infatigables , criaient : "England ! …
England ! …"
(à suivre)
au mois de juillet ou au mois d'août , nous débarquions du bois de construction dans un
port français au nom imprononçable pour un marin letton : Boulogne … Boulogne Am
Maar … et quelques heures avant d'embosser le Kritik dans la darse Sarraz-Bournet , près
du môle ouest , Krant convoquait les cinq ou six mousses de l'équipage et leur ordonnait
de se tenir prêts pour une sortie à terre . Monsieur Lee préparait un en-cas qu'il fourrait
dans un sac de marin . J'accompagnais le capitaine en qualité d'intendant de fortune ; je
n'aurais laissé ma place à personne mais - à dire vrai - je n'avais pas à la défendre car il
s'agissait de marcher et un marin débarqué est une sorte de gastéropode dont le pied
adhère au zinc d'un bar et laisse sur les chopes de bière une bavure sinueuse .
Nous contournions le bassin du port de pêche puis nous passions sous les remparts de
la ville haute , pressés de retrouver la mer . Nous débouchions sur une plage qui étalait
ses sables humides à perte de vue .
Là , (insolite déchaussement) Krant délaçait ses souliers , troussait le bas de son pantalon
et découvrait deux mollets musclés et incompréhensiblement halés . Notre troupe -
incurables hommes de mer - rejoignait la frange de sable où des vaguelettes mourantes
léchaient nos pieds . C'était une troupe turbulente : Krant et moi marchions côte à côte et
parlions peu , mais les mousses s'égayaient et revenaient vers nous , criant et riant , comme
un vol de mouettes acharné à nettoyer un chalut . Ils ramassaient des coquillages et les
montraient à Krant et Krant , sans s'arrêter , leur donnait un nom : bernicle , patelle ,
pourpre , buccin , couteau ,vignot , moule , pholade … et les gamins , sautillant et jetant
les coquillages à peine baptisés , criaient : "bernacle ! … patelle ! … pholade ! …"
Nous passions le petit bourg de Wimereux puis la pointe des oies , jusqu'à un cap
appelé par les indigènes "Nez- Gris". Passé ce banc rocheux soufflé d'embruns , nous
filions à bon pas sur une plage bordée de dunes . Krant pointait sa pipe vers les côtes
anglaises et les gosses , toujours sautant et toujours infatigables , criaient : "England ! …
England ! …"
(à suivre)
PARADIS 38 . LES BONBONS AU MIEL
- Ève : "Tu veux pas jouer à quelque chose avec moi ?"
- Dieu : "Pas le temps … j'ai ma Création …"
- Ève . Elle fait la moue : "Ah , quelle barbe cette Création ! …"
- Dieu : "A qui le dis-tu , ma chérie ! … c'est la terre qui occupe tout mon temps …
le reste , je l'ai fait en un milliardième de seconde … des amas de galaxies un peu
partout , du vide , des atomes d'hydrogène par-ci par-là , du spectre , du corps noir ,
de l'expansion , de la courbure … je ne m'occupe plus de rien … ça marche tout seul …
il n'y a que la terre , mon chef-d'oeuvre , ce paradis … ici , je ne suis plus ingénieur …
je bricole , c'est un passe-temps Ève ! … ma cocotte … hier la tarentule à ventre
noir … aujourd'hui , l'accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir … demain ,
j'ai l'idée d'un trombone avec une coulisse qui permettrait de rallonger ou de raccourcir
le tube pour donner à l'instrument une échelle chromatique … après-demain , si j'ai
le temps , un nouveau nuage : le cirrostratus … tu verras , Ève … ça ressemblera à
un voile , c'est très joli … tu vois , la Création , c'est frénétique ! …"
- Ève : "Oui … t'es vachement stressé … t'as encore des bonbons au miel ?"
- Dieu . Il s'est remis à raboter : "Non … je suis en rupture … faut que j'en re-crée …"
- Dieu : "Pas le temps … j'ai ma Création …"
- Ève . Elle fait la moue : "Ah , quelle barbe cette Création ! …"
- Dieu : "A qui le dis-tu , ma chérie ! … c'est la terre qui occupe tout mon temps …
le reste , je l'ai fait en un milliardième de seconde … des amas de galaxies un peu
partout , du vide , des atomes d'hydrogène par-ci par-là , du spectre , du corps noir ,
de l'expansion , de la courbure … je ne m'occupe plus de rien … ça marche tout seul …
il n'y a que la terre , mon chef-d'oeuvre , ce paradis … ici , je ne suis plus ingénieur …
je bricole , c'est un passe-temps Ève ! … ma cocotte … hier la tarentule à ventre
noir … aujourd'hui , l'accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir … demain ,
j'ai l'idée d'un trombone avec une coulisse qui permettrait de rallonger ou de raccourcir
le tube pour donner à l'instrument une échelle chromatique … après-demain , si j'ai
le temps , un nouveau nuage : le cirrostratus … tu verras , Ève … ça ressemblera à
un voile , c'est très joli … tu vois , la Création , c'est frénétique ! …"
- Ève : "Oui … t'es vachement stressé … t'as encore des bonbons au miel ?"
- Dieu . Il s'est remis à raboter : "Non … je suis en rupture … faut que j'en re-crée …"
jeudi 30 juillet 2015
COTE 137 . 36 . ENFER ET PARADIS
Un mauvais jour de printemps , un éclat de shrapnel frappa Meslier en plein
front , juste sous la ligne du casque . Nous le ramenâmes dans la tranchée où il
expira . Des brancardiers emmenaient son cadavre à peine tiède . Martial posa
sa main sur mon épaule :
- "Tu sais ce qu'il nous reste à faire …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie , vieux … elle file au rouet … elle attend Meslier"
Nous profitâmes d'une permission pour nous rendre à Bazoches les Gaillerandes ,
le village natal de Meslier . Il nous fallut changer mille fois de train avant de poser
nos bottes sur le quai minuscule de ce patelin . Nous traversâmes des pâtures encloses
et des vergers en fleurs . Un doux soleil traversait nos capotes .
- Martial tout à trac . Nous n'avions pas ouvert la bouche depuis Châlons : "A quoi
penses-tu ?"
- Moi : "Au paradis terrestre"
Où demeurait Marie ?
- Martial à un berger : "Une petite Marie , mon vieux … environ 18 ans … elle doit
pleurer"
- Le berger : "Marie ? … je ne connais ici qu'une Marie …" . Le gaillard roulait les R :
"Elle est partie … au début de la guerre … elle s'est mariée à un notaire de Châlons …"
- Martial et moi : "…………..??…………"
- Le berger , rigolard : "Dame … elle ne pleure point la petite Marie … elle est riche ,
mon gars !"
Nous reprîmes le chemin de la gare en silence .
- Au bout d'un moment , Martial ; Il ne peut tenir longtemps sa langue : "Tu veux que
je te dise ?"
- Moi . J'avais une boule dans la gorge : "Non"
- Martial : "Je vais pourtant te le dire …"
- Moi : "………….?……….."
- Martial : "Je me plais en enfer …"
front , juste sous la ligne du casque . Nous le ramenâmes dans la tranchée où il
expira . Des brancardiers emmenaient son cadavre à peine tiède . Martial posa
sa main sur mon épaule :
- "Tu sais ce qu'il nous reste à faire …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie , vieux … elle file au rouet … elle attend Meslier"
Nous profitâmes d'une permission pour nous rendre à Bazoches les Gaillerandes ,
le village natal de Meslier . Il nous fallut changer mille fois de train avant de poser
nos bottes sur le quai minuscule de ce patelin . Nous traversâmes des pâtures encloses
et des vergers en fleurs . Un doux soleil traversait nos capotes .
- Martial tout à trac . Nous n'avions pas ouvert la bouche depuis Châlons : "A quoi
penses-tu ?"
- Moi : "Au paradis terrestre"
Où demeurait Marie ?
- Martial à un berger : "Une petite Marie , mon vieux … environ 18 ans … elle doit
pleurer"
- Le berger : "Marie ? … je ne connais ici qu'une Marie …" . Le gaillard roulait les R :
"Elle est partie … au début de la guerre … elle s'est mariée à un notaire de Châlons …"
- Martial et moi : "…………..??…………"
- Le berger , rigolard : "Dame … elle ne pleure point la petite Marie … elle est riche ,
mon gars !"
Nous reprîmes le chemin de la gare en silence .
- Au bout d'un moment , Martial ; Il ne peut tenir longtemps sa langue : "Tu veux que
je te dise ?"
- Moi . J'avais une boule dans la gorge : "Non"
- Martial : "Je vais pourtant te le dire …"
- Moi : "………….?……….."
- Martial : "Je me plais en enfer …"
mercredi 29 juillet 2015
TROIS MOUCHES 37 . Ô NYLON !
Les jambes de Berthe montées sur talons aiguilles paradaient dans
des bas nylon . Devant nous , les promeneurs s'écartaient . Trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Trois mouches étaient sur nos talons . J'écartai mon chapeau de paille car ,
devant moi , les jambes de Berthe paradaient (jambes merveilleuses !) et
bourdonnaient de nylon et d'aiguilles …
Trois promeneurs paradaient contre ses bas nylon . Comme des mouches,
je les écartai avec mon chapeau de paille mais Berthe se prit les jambes et le
talon dans des aiguilles vermeilles .
des bas nylon . Devant nous , les promeneurs s'écartaient . Trois mouches
vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille .
Trois mouches étaient sur nos talons . J'écartai mon chapeau de paille car ,
devant moi , les jambes de Berthe paradaient (jambes merveilleuses !) et
bourdonnaient de nylon et d'aiguilles …
Trois promeneurs paradaient contre ses bas nylon . Comme des mouches,
je les écartai avec mon chapeau de paille mais Berthe se prit les jambes et le
talon dans des aiguilles vermeilles .
DESMOND 31 . NOËL 1969
24 décembre . Sonnerie sur la ligne sécurisée …
- Une voix : "Kissinger … Desmond ?"
- Moi : "Monsieur le Conseiller Special ?"
- Lui : "Desmond … ce que j'ai à vous dire est strictement confidentiel … c'est
pourquoi j'utilise la ligne sécurisée …"
- Moi : "………..?……."
- Lui : "Desmond … ce soir , c'est la veillée de Noël … vous êtes au courant ?"
- Moi : "Oui … oui …"
- Lui : "Le Père Noël … ce genre d'ânerie … la pelisse rouge … la hotte … les
joujoux … la barbe blanche … ces conneries ... c'est cette nuit"
- Moi : "………..?…….."
- Lui : "Mais le Président y tient"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Desmond ?"
- Moi : "Je vous écoute , Monsieur le Conseiller"
- Lui : "Je suis pressenti , Desmond"
- Moi : "Euh … Monsieur le Conseiller … pour assurer l'intérim cette nuit je suppose"
- Lui : "Vous n'y êtes pas du tout … vous supposez mal , Desmond …"
- Moi : "………?………."
- Lui : "C'est tellement ridicule … le Président compte sur moi"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Desmond ?"
- Moi : "Monsieur le Conseiller ?"
- Lui : "C'est énervant … j'ai l'impression que mon problème ne vous intéresse pas"
- Moi : "Monsieur le Conseiller ! … je ne me permettrai pas ! … mais quel problème ?"
- Lui : "… quel problème ? … le problème du Père Noël , nom d'un chien !"
- Moi : "Je ne comprends pas , Monsieur le Conseiller …"
- Lui : "Mais enfin , Desmond , vous êtes bouché !? … ce matin un huissier m'a apporté
un carton et qu'est-ce qu'il y avait dans ce carton , hein ?"
- Moi : "…………………"
- Lui : "Desmond ! … qu'est-ce qu'il y avait dans ce carton ? … une panoplie complète
de Père Noël … et ce crétin de Tricky Dick compte sur moi !"
- Moi : "Désolé , Monsieur le Conseiller"
- Lui : "Alors j'ai pensé à un truc , Desmond … ce costume , en reprenant à la taille …
vous êtes mince , veinard ! … je vous vois dedans …"
- Une voix : "Kissinger … Desmond ?"
- Moi : "Monsieur le Conseiller Special ?"
- Lui : "Desmond … ce que j'ai à vous dire est strictement confidentiel … c'est
pourquoi j'utilise la ligne sécurisée …"
- Moi : "………..?……."
- Lui : "Desmond … ce soir , c'est la veillée de Noël … vous êtes au courant ?"
- Moi : "Oui … oui …"
- Lui : "Le Père Noël … ce genre d'ânerie … la pelisse rouge … la hotte … les
joujoux … la barbe blanche … ces conneries ... c'est cette nuit"
- Moi : "………..?…….."
- Lui : "Mais le Président y tient"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Desmond ?"
- Moi : "Je vous écoute , Monsieur le Conseiller"
- Lui : "Je suis pressenti , Desmond"
- Moi : "Euh … Monsieur le Conseiller … pour assurer l'intérim cette nuit je suppose"
- Lui : "Vous n'y êtes pas du tout … vous supposez mal , Desmond …"
- Moi : "………?………."
- Lui : "C'est tellement ridicule … le Président compte sur moi"
- Moi : "……………….."
- Lui : "Desmond ?"
- Moi : "Monsieur le Conseiller ?"
- Lui : "C'est énervant … j'ai l'impression que mon problème ne vous intéresse pas"
- Moi : "Monsieur le Conseiller ! … je ne me permettrai pas ! … mais quel problème ?"
- Lui : "… quel problème ? … le problème du Père Noël , nom d'un chien !"
- Moi : "Je ne comprends pas , Monsieur le Conseiller …"
- Lui : "Mais enfin , Desmond , vous êtes bouché !? … ce matin un huissier m'a apporté
un carton et qu'est-ce qu'il y avait dans ce carton , hein ?"
- Moi : "…………………"
- Lui : "Desmond ! … qu'est-ce qu'il y avait dans ce carton ? … une panoplie complète
de Père Noël … et ce crétin de Tricky Dick compte sur moi !"
- Moi : "Désolé , Monsieur le Conseiller"
- Lui : "Alors j'ai pensé à un truc , Desmond … ce costume , en reprenant à la taille …
vous êtes mince , veinard ! … je vous vois dedans …"
mardi 28 juillet 2015
C'EST RESSEMBLANT
Oui … une petite retraite … j'ai mis des sous de côté … et un petit
appartement … oh ! un studio que je loue … ah , ah ! ... je l'ai loué à un
nègre … le croirez-vous : un nègre … dame oui … ah si … il paie … et
poli … oui-oui … ces étrangers , faut se méfier , oui … son nom ? …
Jean-Michel … non , c'est pas nègre … Jean-Michel , Jean-Michel comment ? …
euh … je ne me souviens pas … attendez … Basquin … ou Basquet … non …
Basq … Basquiat … Jean-Pierre … Jean-Michel Basquiat … c'est son nom …
enfin ! qu'il dit ! … hi-hi … peintre , je crois … non , non … artiste … la musique
à tout casser ? … ah non , ça non ! … très poli … trop poli ? ah , ah ! … oui , chez
le dentiste … dans sa voiture … il a une voiture vous savez … oh-là , mes dents …
c'est un problème … dans le temps , oui … j'avais une … je conduisais … je n'y
vois plus … et il me conduit … et oui ! … oui … c'est comme ça … parlez plus
fort … oui-oui … au supermarché , hi-hi … deux fois par semaine … oui-oui …
avec sa voiture … deux fois … mercredi et vendredi … hi-hi … il a fait mon
portrait ! … là , au mur … derrière vous … c'est ressemblant , non ?" ...
KRANT 36 . LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES
Le tourbillon rougeoyant s'effaça dans la nuit malgache où chaque escarbille
décrivait sa propre trajectoire brisée et , semblait-il , aléatoire pendant qu'un maelström
commun les portait toutes par-delà son flanc tribord vers la poupe du Kritik ; là , une à
une , elles s'éteignirent . "Kling- kling" … Krant venait de vider le fourneau de sa pipe
contre la rambarde de la timonerie .
- Krant : "Chef … avez-vous remarqué ?" . Il regardait vers le gaillard d'arrière où les
dernières escarbilles s'étaient consumées .
- Moi : "……….?…………"
- Krant . Il se tourna vers moi en rangeant sa pipe dans son étui : "Vous n'avez rien
remarqué ?"
- Moi : "Non , capitaine ! …"
- Krant . Il était à nouveau tourné vers la poupe enfoncée dans la nuit la plus noire :
"Chaque escarbille avait son propre mouvement …"
- Moi : "… c'est le hasard , capitaine ! …"
- Krant . Il haussa légèrement les épaules et , à peine l'avait-il rangée , il sortit la pipe
de son étui : "Le hasard …" . Il remit dans le coin de sa bouche la pipe éteinte . "Selon
vous , chef , les mouvements d'escarbilles sont le fruit du hasard !? …"
- Moi : "Je ne vois pas d'autres causes , capitaine !"
- Krant . Ses petits yeux étaient entrés dans les miens et ses sourcils mimaient l'éton-
nement : "Le hasard comme cause , chef !? … c'est une fable que vous me contez là ! …
le hasard n'est-il pas l'absence de cause ?"
- Moi : "Mais , capitaine , ça volait dans tous les sens !"
- Krant à présent tourné vers la mer : " … l'humeur du timonier est imprévisible …
les pérégrinations de Hume le sont aussi … mais elles ne sont pas sans cause … non ,
chef ! … tout effet a une cause … chaque zigzag d'escarbille résulte des lois de la
nature ! …"
- Moi : "Mais quel désordre , capitaine !"
- Krant . Il regagnait sa cabine : "Non , chef ! … tout cela est parfaitement ordonné ! …"
décrivait sa propre trajectoire brisée et , semblait-il , aléatoire pendant qu'un maelström
commun les portait toutes par-delà son flanc tribord vers la poupe du Kritik ; là , une à
une , elles s'éteignirent . "Kling- kling" … Krant venait de vider le fourneau de sa pipe
contre la rambarde de la timonerie .
- Krant : "Chef … avez-vous remarqué ?" . Il regardait vers le gaillard d'arrière où les
dernières escarbilles s'étaient consumées .
- Moi : "……….?…………"
- Krant . Il se tourna vers moi en rangeant sa pipe dans son étui : "Vous n'avez rien
remarqué ?"
- Moi : "Non , capitaine ! …"
- Krant . Il était à nouveau tourné vers la poupe enfoncée dans la nuit la plus noire :
"Chaque escarbille avait son propre mouvement …"
- Moi : "… c'est le hasard , capitaine ! …"
- Krant . Il haussa légèrement les épaules et , à peine l'avait-il rangée , il sortit la pipe
de son étui : "Le hasard …" . Il remit dans le coin de sa bouche la pipe éteinte . "Selon
vous , chef , les mouvements d'escarbilles sont le fruit du hasard !? …"
- Moi : "Je ne vois pas d'autres causes , capitaine !"
- Krant . Ses petits yeux étaient entrés dans les miens et ses sourcils mimaient l'éton-
nement : "Le hasard comme cause , chef !? … c'est une fable que vous me contez là ! …
le hasard n'est-il pas l'absence de cause ?"
- Moi : "Mais , capitaine , ça volait dans tous les sens !"
- Krant à présent tourné vers la mer : " … l'humeur du timonier est imprévisible …
les pérégrinations de Hume le sont aussi … mais elles ne sont pas sans cause … non ,
chef ! … tout effet a une cause … chaque zigzag d'escarbille résulte des lois de la
nature ! …"
- Moi : "Mais quel désordre , capitaine !"
- Krant . Il regagnait sa cabine : "Non , chef ! … tout cela est parfaitement ordonné ! …"
lundi 27 juillet 2015
PARADIS 37 . AVEUGLANTE CLARTÉ
- Dieu à Ève : "C'est renversant ! … écoute-moi ça , ma belle … " .
- Il cite : "Dieu est Être , mais distinct des étants qu'il fait être en les créant "
- Ève : "J'ai rien compris …"
- Dieu : "Moi non plus … écoute :
- Il re-cite : "Dieu est quelqu'un …'
- Ève . Elle hausse les épaules : "Ben oui … c'te question !"
- Dieu : "Écoute la suite … ça se corse … "Il est même le Père qui , par-delà
l'Oedipe , arrache l'Homme à la régression océanique de la Mère , à la tentation
de l'inceste"
- Ève : "????????????????"
- Dieu : "Tu as compris quelque chose ?"
- Ève : "Non … t'as un bonbon au miel ?"
- Dieu : "Premier tiroir à gauche ... mais n'abuse pas … tu vas devenir grosse et
moche … je continue : "Les mystiques chrétiens s'avèrent capables de concilier
ce langage avec un langage de saveur panthéistique qui insiste sur la fusion " …
eh ben !"
- Ève : "Ils sont super tes bonbons !"
- Dieu : "Oui … je suis curieux de savoir ce qu'en penseraient les mystiques chrétiens …"
- Il cite : "Dieu est Être , mais distinct des étants qu'il fait être en les créant "
- Ève : "J'ai rien compris …"
- Dieu : "Moi non plus … écoute :
- Il re-cite : "Dieu est quelqu'un …'
- Ève . Elle hausse les épaules : "Ben oui … c'te question !"
- Dieu : "Écoute la suite … ça se corse … "Il est même le Père qui , par-delà
l'Oedipe , arrache l'Homme à la régression océanique de la Mère , à la tentation
de l'inceste"
- Ève : "????????????????"
- Dieu : "Tu as compris quelque chose ?"
- Ève : "Non … t'as un bonbon au miel ?"
- Dieu : "Premier tiroir à gauche ... mais n'abuse pas … tu vas devenir grosse et
moche … je continue : "Les mystiques chrétiens s'avèrent capables de concilier
ce langage avec un langage de saveur panthéistique qui insiste sur la fusion " …
eh ben !"
- Ève : "Ils sont super tes bonbons !"
- Dieu : "Oui … je suis curieux de savoir ce qu'en penseraient les mystiques chrétiens …"
dimanche 26 juillet 2015
COTE 137 . 35 . JAVA
Devant nos tranchées , les sapeurs en creusèrent une autre , moins profonde ,
où nous progressions à quatre pattes à l'abri des frelons , réduisant l'écart avec les
frisés à un jet de grenade . Par beau temps , je veux dire entre deux canonnades sous
une pluie interminable , nous entendions les éclats d'une langue brutale et incompré-
hensible . Nous formions des commandos de cinq ou six hommes ; au signal , à plat
dos dans la gadoue , nous balancions nos Excelsior dans un fouillis de barbelés ou sur
un nid de mitrailleuse puis nous filions sans demander notre reste de grenades à manche .
Il était de bon ton , comme en bien d'autres circonstances et pour circonscrire la frousse ,
d'insulter l'ennemi . C'est ce que nous fîmes ce jour-là en déguerpissant à quatre pattes
par le petit boyau : "Mort aux chleus ! , crevez boches !" … et Martial , la plus forte voix
de la compagnie , hurlait :
- "Gravenavade avdu cavapivataivane !"
Le capitaine , tête de file , s'arrêta net . Nous butâmes sur son corps et nous trouvâmes
à cinq sur son dos :
- "Qu'est-ce que vous racontez , Martial ?"
- Martial , essouflé : "Gravenavade avdu cavapivataivane"
- Le capitaine , sourcils froncés et faisant tête de tortue sous nos cinq capotes : "Qu'est-ce
que c'est que ce charabia ?"
- Martial : "C'est du javanais , mon capitaine"
- Le capitaine agitait son cou de tortue éberluée : "Qu'est-ce … ?"
- Martial : "Je peux le dire en langue de feu" . Se tournant vers la ligne allemande , il
s'époumonna : "Fgrefnafde fdu fcafpiftaifne !"
- Le capitaine , reprenant sa course quadrupède : "Vous m'expliquerez ça dans la tranchée ,
Martial"
Où nous déboulâmes tirés par les copains , couverts de la glaise grise d'Argonne ;
épuisés …
- Le capitaine après un coup de gnole : "Qu'est-ce que vous disiez aux fridolins Martial ? …
c'était du javanais ? "
- Martial , s'essuyant la bouche , affalé sur les étais : "Ouais , mon capitaine …
du javanais …"
- Le capitaine , passant sa gourde à Martial : "Qu'est-ce …"
- Martial , prenant la gourde : "Grenades du capitaine !"
où nous progressions à quatre pattes à l'abri des frelons , réduisant l'écart avec les
frisés à un jet de grenade . Par beau temps , je veux dire entre deux canonnades sous
une pluie interminable , nous entendions les éclats d'une langue brutale et incompré-
hensible . Nous formions des commandos de cinq ou six hommes ; au signal , à plat
dos dans la gadoue , nous balancions nos Excelsior dans un fouillis de barbelés ou sur
un nid de mitrailleuse puis nous filions sans demander notre reste de grenades à manche .
Il était de bon ton , comme en bien d'autres circonstances et pour circonscrire la frousse ,
d'insulter l'ennemi . C'est ce que nous fîmes ce jour-là en déguerpissant à quatre pattes
par le petit boyau : "Mort aux chleus ! , crevez boches !" … et Martial , la plus forte voix
de la compagnie , hurlait :
- "Gravenavade avdu cavapivataivane !"
Le capitaine , tête de file , s'arrêta net . Nous butâmes sur son corps et nous trouvâmes
à cinq sur son dos :
- "Qu'est-ce que vous racontez , Martial ?"
- Martial , essouflé : "Gravenavade avdu cavapivataivane"
- Le capitaine , sourcils froncés et faisant tête de tortue sous nos cinq capotes : "Qu'est-ce
que c'est que ce charabia ?"
- Martial : "C'est du javanais , mon capitaine"
- Le capitaine agitait son cou de tortue éberluée : "Qu'est-ce … ?"
- Martial : "Je peux le dire en langue de feu" . Se tournant vers la ligne allemande , il
s'époumonna : "Fgrefnafde fdu fcafpiftaifne !"
- Le capitaine , reprenant sa course quadrupède : "Vous m'expliquerez ça dans la tranchée ,
Martial"
Où nous déboulâmes tirés par les copains , couverts de la glaise grise d'Argonne ;
épuisés …
- Le capitaine après un coup de gnole : "Qu'est-ce que vous disiez aux fridolins Martial ? …
c'était du javanais ? "
- Martial , s'essuyant la bouche , affalé sur les étais : "Ouais , mon capitaine …
du javanais …"
- Le capitaine , passant sa gourde à Martial : "Qu'est-ce …"
- Martial , prenant la gourde : "Grenades du capitaine !"
samedi 25 juillet 2015
TROIS MOUCHES 36 . CROQUIS
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos
chapeaux de paille . Je croquais Berthe et Berthe me croquait . En somme ,
nous nous croquions .
Berthe faisait un somme . Trois mouches la croquaient et moi aussi je la
croquais . Ma Berthe , vermeille et merveilleuse , sous son chapeau de
paille !
Trois mouches en somme croquaient nos merveilleux chapeaux pendant
que dans la paille Berthe et moi nous nous croquions ...
chapeaux de paille . Je croquais Berthe et Berthe me croquait . En somme ,
nous nous croquions .
Berthe faisait un somme . Trois mouches la croquaient et moi aussi je la
croquais . Ma Berthe , vermeille et merveilleuse , sous son chapeau de
paille !
Trois mouches en somme croquaient nos merveilleux chapeaux pendant
que dans la paille Berthe et moi nous nous croquions ...
DESMOND 30 . PAT
- "Oh , Desmond !" . Le Président me rattrape dans l'escalier . Je descendais à
l'incinérateur .
- Moi : "Monsieur le Président ?"
- Lui : "Comment va-t-elle ?"
- Moi : "……..?…….."
- Lui : "Pat … ma femme … vous la voyez , non ? … cette nuit encore" . Aucune
ironie dans le constat du Président .
- Moi : "…………….."
- Lui : "Comment va-t-elle ?"
- Moi : "Je ne …"
- Lui : "Ça fait une éternité …"
- Moi : "…………….."
- Lui : "Mao et Chou me prennent tout mon temps …"
Nous descendons côte à côte .
- Lui : "Elle a toujours cette nuisette ?"
- Moi : "…………….."
- Lui : "Cette nuisette … euh … coquine …" . Le Président sourit and winks at me :
"Elle est coquine , non ? … vaporeuse … ah , chère Pat ! …comme elle me manque ! …
I'm missing my Pat … comment va-t-elle ?" . Il me serre le biceps .
- Moi : "Mister Pre …"
- Lui : "Embrassez-la pour moi"
- Moi : "………?……."
- Lui . Il s'arrête sur la 36e marche et , m'agrippant le poignet , me fait pivoter face à lui .
Je vois son oeil humide par-dessus la pile de dossiers : "Enfin … allez-y mou … elle est
fragile … c'est de la douceur qu'il lui faut ..."
- Moi : "………………"
- Lui : "Surtout , Desmond , n'y allez pas en force , hein !" . Il me triture l'épaule . "De
la douceur , vieux … je compte sur vous !"
- Lui . Il me lâche , me dépasse et poursuit sa descente en sautillant vers les sous-sols .
Il s'arrête sur le palier de l'incinérateur : "Ça ne sent pas le brûlé ?"
- Moi : "Monsieur le Président … c'est l'incinérateur …"
l'incinérateur .
- Moi : "Monsieur le Président ?"
- Lui : "Comment va-t-elle ?"
- Moi : "……..?…….."
- Lui : "Pat … ma femme … vous la voyez , non ? … cette nuit encore" . Aucune
ironie dans le constat du Président .
- Moi : "…………….."
- Lui : "Comment va-t-elle ?"
- Moi : "Je ne …"
- Lui : "Ça fait une éternité …"
- Moi : "…………….."
- Lui : "Mao et Chou me prennent tout mon temps …"
Nous descendons côte à côte .
- Lui : "Elle a toujours cette nuisette ?"
- Moi : "…………….."
- Lui : "Cette nuisette … euh … coquine …" . Le Président sourit and winks at me :
"Elle est coquine , non ? … vaporeuse … ah , chère Pat ! …comme elle me manque ! …
I'm missing my Pat … comment va-t-elle ?" . Il me serre le biceps .
- Moi : "Mister Pre …"
- Lui : "Embrassez-la pour moi"
- Moi : "………?……."
- Lui . Il s'arrête sur la 36e marche et , m'agrippant le poignet , me fait pivoter face à lui .
Je vois son oeil humide par-dessus la pile de dossiers : "Enfin … allez-y mou … elle est
fragile … c'est de la douceur qu'il lui faut ..."
- Moi : "………………"
- Lui : "Surtout , Desmond , n'y allez pas en force , hein !" . Il me triture l'épaule . "De
la douceur , vieux … je compte sur vous !"
- Lui . Il me lâche , me dépasse et poursuit sa descente en sautillant vers les sous-sols .
Il s'arrête sur le palier de l'incinérateur : "Ça ne sent pas le brûlé ?"
- Moi : "Monsieur le Président … c'est l'incinérateur …"
jeudi 23 juillet 2015
ANDREW LAMBERTH 2
Ah , Mademoiselle ! … content de vous revoir … vous ne me remettez
pas ? … Lamberth … Andrew Lamberth … Dédé pour les intimes , ah , ah ! …
les ondes-électrons … je sais que ça vous passionne … ah zut ! vous avez
oublié votre téléphone ! … remarquez , ça tombe bien … je pourrai vous parler
plus à l'aise du cas de deux atomes d'hydrogène qu'on veut réunir pour en faire
une molécule H2 … rien à cirer ? … comment ça ? … vous m'étonnez ! …
vous vous fichez de l'attraction entre deux atomes d'hydrogène ? … ça par
exemple ! … que l'interaction HH place davantage de charge électronique
entre les noyaux là où elle subit l'attraction simultanée par les deux protons ,
vous vous en foutez ! … ah ça , Mademoiselle ! … mais à quoi vous intéressez-
vous ? … l'attraction de votre petit ami ? … il vous échappe ? … oui , je vois …
ce doit être que vos ondes-électrons n'entretiennent pas une interférence constructive ...
pas ? … Lamberth … Andrew Lamberth … Dédé pour les intimes , ah , ah ! …
les ondes-électrons … je sais que ça vous passionne … ah zut ! vous avez
oublié votre téléphone ! … remarquez , ça tombe bien … je pourrai vous parler
plus à l'aise du cas de deux atomes d'hydrogène qu'on veut réunir pour en faire
une molécule H2 … rien à cirer ? … comment ça ? … vous m'étonnez ! …
vous vous fichez de l'attraction entre deux atomes d'hydrogène ? … ça par
exemple ! … que l'interaction HH place davantage de charge électronique
entre les noyaux là où elle subit l'attraction simultanée par les deux protons ,
vous vous en foutez ! … ah ça , Mademoiselle ! … mais à quoi vous intéressez-
vous ? … l'attraction de votre petit ami ? … il vous échappe ? … oui , je vois …
ce doit être que vos ondes-électrons n'entretiennent pas une interférence constructive ...
ANDREW LAMBERTH 1
My name is Andrew Lamberth .
Je suis chercheur au Schrödinger Institute de Salt Lake City … en chimie …
ma spécialité est l'onde-électron . Ça vous dit quelque chose ? … non ? …
ça ne vous dit rien … je n'ai plus d'amis … dans la vie , ce qui m'intéresse
c'est l'onde-électron … en chimie , on l'utilise pour expliquer l'existence
des … pardon ? … vous êtes nulle en chimie ? … vous voulez que j'explique ? …
non ? … laissez-moi cependant … s'il vous plaît ! … il y a dans les molécules
des niveaux d'énergie discontinus , comme des marches d'escalier … c'est
facile à comprendre … vous ne voyez pas ? … on constate que l'énergie
lumineuse n'est absorbée par les molécules qu'à des valeurs bien précises …
pardon ? … déjà !? … il est midi ? … comme le temps passe ! … vous déjeunez
à la cafetaria ? … je vous accompagne … non , vous êtes désolée … un ami …
oui , je comprends ...
Je suis chercheur au Schrödinger Institute de Salt Lake City … en chimie …
ma spécialité est l'onde-électron . Ça vous dit quelque chose ? … non ? …
ça ne vous dit rien … je n'ai plus d'amis … dans la vie , ce qui m'intéresse
c'est l'onde-électron … en chimie , on l'utilise pour expliquer l'existence
des … pardon ? … vous êtes nulle en chimie ? … vous voulez que j'explique ? …
non ? … laissez-moi cependant … s'il vous plaît ! … il y a dans les molécules
des niveaux d'énergie discontinus , comme des marches d'escalier … c'est
facile à comprendre … vous ne voyez pas ? … on constate que l'énergie
lumineuse n'est absorbée par les molécules qu'à des valeurs bien précises …
pardon ? … déjà !? … il est midi ? … comme le temps passe ! … vous déjeunez
à la cafetaria ? … je vous accompagne … non , vous êtes désolée … un ami …
oui , je comprends ...
KRANT 35 . POINT ROUGE
Cette nuit du 22 juillet (je tiens mon journal) , j'étais monté sur le gaillard
d'arrière pour regarder le ciel . Krant nous avait inculqué là-dessus quelques
notions et je m'obligeais à les entretenir . Je calai mes reins sur le bastingage
et je sentis entre mes omoplates , à travers l'étoffe de ma vareuse et derrière
mes oreilles , le froid sillage du Kritik . Ciel dégagé , nuit sans lune ; les
conditions étaient les meilleures possibles comme l'enseignait le capitaine .
A force d'attention , je repérai les deux amas jumeaux h et x dans la cons-
tellation de Persée , à l'extrémité d'un des bras spiraux de notre galaxie .
Mais - avais-je la berlue ? - à l'est des Persées et pratiquement à leur hau-
teur , rougeoyait un point à intensité variable . Je marchai jusqu'au milieu du
pont sans quitter des yeux le phénomène . Assistais-je 40 millions d'années-
lumière après qu'elle se fut produite à l'explosion d'une supernova ?
Le kling-kling sur la rambarde de passerelle et l'éclatement de la chose en
cent étincelles me ramenèrent sur mer , entre poupe et étrave …
- Krant : "Alors chef ! … que pensez-vous de ce spectacle ? …"
d'arrière pour regarder le ciel . Krant nous avait inculqué là-dessus quelques
notions et je m'obligeais à les entretenir . Je calai mes reins sur le bastingage
et je sentis entre mes omoplates , à travers l'étoffe de ma vareuse et derrière
mes oreilles , le froid sillage du Kritik . Ciel dégagé , nuit sans lune ; les
conditions étaient les meilleures possibles comme l'enseignait le capitaine .
A force d'attention , je repérai les deux amas jumeaux h et x dans la cons-
tellation de Persée , à l'extrémité d'un des bras spiraux de notre galaxie .
Mais - avais-je la berlue ? - à l'est des Persées et pratiquement à leur hau-
teur , rougeoyait un point à intensité variable . Je marchai jusqu'au milieu du
pont sans quitter des yeux le phénomène . Assistais-je 40 millions d'années-
lumière après qu'elle se fut produite à l'explosion d'une supernova ?
Le kling-kling sur la rambarde de passerelle et l'éclatement de la chose en
cent étincelles me ramenèrent sur mer , entre poupe et étrave …
- Krant : "Alors chef ! … que pensez-vous de ce spectacle ? …"
mercredi 22 juillet 2015
PARADIS 36 . BRUXELLES
- Dieu : "Un jour , je le mettrai à la porte !"
- Ève . Elle vient d'entrer dans l'atelier du Créateur : "Qu'est-ce qui y a ? …
qui tu vas chasser ?"
- Dieu : "L'Homme , ma petite Ève ! … l'Homme !"
- Ève : "Bon débarras !"
- Dieu (ce "bon débarras" , ça remet en cause le plan initial) : "Ah bon ? … tu serais
contente si je chassais l'Homme ?"
- Ève : "Pff ! … il est sale … il sent mauvais … c'est la sueur de son front"
- Dieu : "A force de faire des trous … de labourer mes pâtures … de mettre le Paradis
sens dessus dessous … il m'insupporte ! … et il se croit malin … plus malin que moi ! …
où est-il ?"
- Ève : "Adam ?"
- Dieu : "Ben oui , Ève … Adam … il est où ?"
- Ève : "Aux champs"
- Dieu : "Il y passe au moins huit heures par jour … quarante heures par semaine !"
- Ève : "Trente-cinq ! … t'as des bonbons ? … ceux que j'aime bien … à la menthe …"
- Dieu : "Là , Ève … premier tiroir à gauche … qu'est-ce qu'il fait aux champs ?"
- Ève . Elle a ouvert le premier tiroir de gauche . Elle se sert . Dieu admire son petit
fessier et la courbe de sa hanche ("j'étais en forme quand j'ai créé ça , nom de …")
- Ève , en suçant un bonbon à la menthe : "Il plante des choux qu'il m'a dit"
- Dieu : "Mais pourquoi , Ève ? … des choux , il y en a plein le Paradis : des pommés ,
des cabus , des verts , des frisés , des rouges , des raves , des rutabagas , des brocolis …
j'ai créé tous les choux possibles et imaginables !"
- Ève : "Y en a un que t'as pas … Adam , il l'a inventé"
- Dieu : "Il a inventé un chou !? … Adam !?"
- Ève : "Oui … chou de Bruxelles qu'il l'appelle … c'est rudement bon !"
- Dieu : "Chou de quoi ?"
- Ève : "… de Bruxelles"
- Ève . Elle vient d'entrer dans l'atelier du Créateur : "Qu'est-ce qui y a ? …
qui tu vas chasser ?"
- Dieu : "L'Homme , ma petite Ève ! … l'Homme !"
- Ève : "Bon débarras !"
- Dieu (ce "bon débarras" , ça remet en cause le plan initial) : "Ah bon ? … tu serais
contente si je chassais l'Homme ?"
- Ève : "Pff ! … il est sale … il sent mauvais … c'est la sueur de son front"
- Dieu : "A force de faire des trous … de labourer mes pâtures … de mettre le Paradis
sens dessus dessous … il m'insupporte ! … et il se croit malin … plus malin que moi ! …
où est-il ?"
- Ève : "Adam ?"
- Dieu : "Ben oui , Ève … Adam … il est où ?"
- Ève : "Aux champs"
- Dieu : "Il y passe au moins huit heures par jour … quarante heures par semaine !"
- Ève : "Trente-cinq ! … t'as des bonbons ? … ceux que j'aime bien … à la menthe …"
- Dieu : "Là , Ève … premier tiroir à gauche … qu'est-ce qu'il fait aux champs ?"
- Ève . Elle a ouvert le premier tiroir de gauche . Elle se sert . Dieu admire son petit
fessier et la courbe de sa hanche ("j'étais en forme quand j'ai créé ça , nom de …")
- Ève , en suçant un bonbon à la menthe : "Il plante des choux qu'il m'a dit"
- Dieu : "Mais pourquoi , Ève ? … des choux , il y en a plein le Paradis : des pommés ,
des cabus , des verts , des frisés , des rouges , des raves , des rutabagas , des brocolis …
j'ai créé tous les choux possibles et imaginables !"
- Ève : "Y en a un que t'as pas … Adam , il l'a inventé"
- Dieu : "Il a inventé un chou !? … Adam !?"
- Ève : "Oui … chou de Bruxelles qu'il l'appelle … c'est rudement bon !"
- Dieu : "Chou de quoi ?"
- Ève : "… de Bruxelles"
mardi 21 juillet 2015
COTE 137 . 34 . LE GÉNÉRAL
Un général astiqué vint nous tenir du discours . Notre compagnie était
alignée dans la tranchée , au garde-à-vous .
- Le général : "… Patrie … Héroïsme … Nos Poilus … Drapeau … Mérite …
Gloire … Victoire …"
Martial s'effondra tout droit , la gueule dans la boue .
Il y eut un flottement .
Bertin et moi le tirâmes à l'écart .
- Le général reprit : "… Honneur … Grandeur … Grandeur de la France …
Ne passeront pas … Jeanne d'Arc … Clairon … Fierté …"
Nous allongeâmes Martial sur le dos . Je desserrai son col ; Bertin lui tapotait
les joues . On entendait plus loin : "… Plutôt mourir … Bouter hors … Fidélité …
Champ d'Honneur … Donner sa Vie … Dignité … Noblesse …"
- Moi : "Martial ! … Martial ! … nom de Dieu , ça va ? …"
- Martial ouvrant un oeil bleu : "Moi ? … en pleine forme ! … mais ce gars-là
est fou …"
alignée dans la tranchée , au garde-à-vous .
- Le général : "… Patrie … Héroïsme … Nos Poilus … Drapeau … Mérite …
Gloire … Victoire …"
Martial s'effondra tout droit , la gueule dans la boue .
Il y eut un flottement .
Bertin et moi le tirâmes à l'écart .
- Le général reprit : "… Honneur … Grandeur … Grandeur de la France …
Ne passeront pas … Jeanne d'Arc … Clairon … Fierté …"
Nous allongeâmes Martial sur le dos . Je desserrai son col ; Bertin lui tapotait
les joues . On entendait plus loin : "… Plutôt mourir … Bouter hors … Fidélité …
Champ d'Honneur … Donner sa Vie … Dignité … Noblesse …"
- Moi : "Martial ! … Martial ! … nom de Dieu , ça va ? …"
- Martial ouvrant un oeil bleu : "Moi ? … en pleine forme ! … mais ce gars-là
est fou …"
lundi 20 juillet 2015
TROIS MOUCHES 35 . PLAN A3
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos
chapeaux de paille . Berthe étudiait le plan de notre maison qu'un maçon
portugais avait déplié sur une palette de briques creuses .
Trois mouches dépliaient leurs ailes sur le plan de notre maison . Elles
bourdonnaient contre les briques creuses et Berthe , assise sur une palette ,
vermeille et merveilleuse , en portugais parlait au maçon .
Le plan de notre maison , déplié sur une palette , bourdonnait en portugais .
Le maçon , coiffé d'un chapeau de paille , lui parlait quand Berthe embrasa
nos briques creuses .
chapeaux de paille . Berthe étudiait le plan de notre maison qu'un maçon
portugais avait déplié sur une palette de briques creuses .
Trois mouches dépliaient leurs ailes sur le plan de notre maison . Elles
bourdonnaient contre les briques creuses et Berthe , assise sur une palette ,
vermeille et merveilleuse , en portugais parlait au maçon .
Le plan de notre maison , déplié sur une palette , bourdonnait en portugais .
Le maçon , coiffé d'un chapeau de paille , lui parlait quand Berthe embrasa
nos briques creuses .
DESMOND 29 . FIRST DOG OF AMERICA
6 heures du matin . Maison Blanche aussi dépeuplée que le désert de Gobi .
Première fournée de documents à détruire . A l'instant où je passe devant le
Bureau Ovale , le Président en sort . Il est livide :
- "It's a disaster !" . Sa voix est blanche et son regard vide . Il me voit sans me
voir . Il me saisit le bras comme il saisirait la rampe de l'escalier : "It's a disaster !"
- Moi : "Mister President ! … que se passe-t-il ?"
- Il me regarde et me reconnaît : "Desmond ! … it's a disaster"
- Moi : "Monsieur le Président ?"
- Lui . Il me lâche et enfouit son visage défait entre deux mains où je vois saillir
des veines palpitantes : "A disaster !" . Il laisse tomber ses bras le long de son
corps . Il desserre le noeud de sa cravate et déboutonne son col de chemise . Sur
son front , la sueur perle .
- "A disaster ! … it's a real disaster !" . Il soupire et regarde la porte ouverte du
Bureau Ovale . "Desmond ! …" . Le Président respire avec peine … "vous êtes un
homme courageux … moi je ne peux pas … it's too horrible !" . Sa voix s'étrangle …
entrez dans mon bureau … vous avez carte blanche" , et il s'éloigne dans le couloir ,
les mains pressées sur les tempes .
Je pose sur la moquette la pile de documents à détruire et , le coeur battant , je
pousse la porte entrouverte du Bureau . Checkers , l'épagneul du Président est là ,
allongé , et il remue la queue de contentement en me voyant . Au milieu de la
célèbre pièce , à l'endroit précis où tant de Présidents - George Washington ,
Abraham Lincoln , Franklin Delano Roosevelt , John Fitzgerald Kennedy - orientèrent
le destin du monde , en plein centre d'une mare de pipi trône un énorme caca
(an enormous pooh) .
Première fournée de documents à détruire . A l'instant où je passe devant le
Bureau Ovale , le Président en sort . Il est livide :
- "It's a disaster !" . Sa voix est blanche et son regard vide . Il me voit sans me
voir . Il me saisit le bras comme il saisirait la rampe de l'escalier : "It's a disaster !"
- Moi : "Mister President ! … que se passe-t-il ?"
- Il me regarde et me reconnaît : "Desmond ! … it's a disaster"
- Moi : "Monsieur le Président ?"
- Lui . Il me lâche et enfouit son visage défait entre deux mains où je vois saillir
des veines palpitantes : "A disaster !" . Il laisse tomber ses bras le long de son
corps . Il desserre le noeud de sa cravate et déboutonne son col de chemise . Sur
son front , la sueur perle .
- "A disaster ! … it's a real disaster !" . Il soupire et regarde la porte ouverte du
Bureau Ovale . "Desmond ! …" . Le Président respire avec peine … "vous êtes un
homme courageux … moi je ne peux pas … it's too horrible !" . Sa voix s'étrangle …
entrez dans mon bureau … vous avez carte blanche" , et il s'éloigne dans le couloir ,
les mains pressées sur les tempes .
Je pose sur la moquette la pile de documents à détruire et , le coeur battant , je
pousse la porte entrouverte du Bureau . Checkers , l'épagneul du Président est là ,
allongé , et il remue la queue de contentement en me voyant . Au milieu de la
célèbre pièce , à l'endroit précis où tant de Présidents - George Washington ,
Abraham Lincoln , Franklin Delano Roosevelt , John Fitzgerald Kennedy - orientèrent
le destin du monde , en plein centre d'une mare de pipi trône un énorme caca
(an enormous pooh) .
LE 50e ROYAUME
Je m'appelle Khorlooghinn Sükr-Bator .
J'élève des moutons près de Charchorin (on dit aussi Karakorum) . Je vivais
jadis - avant les années soixante-dix - dans une yourte . Aujourd'hui - en 2015 -
dans un de ces confortables pavillons en bois construits à la périphérie de la ville ,
entourés d'un potager et d'une palissade . L'histoire que je vais vous raconter m'est
arrivée au mois de juillet 1974 . Alors , j'étais nomade dans les monts Khangaï ;
c'était la nuit et la lune était pleine . J'étais assis et je regardais le ciel au-dessus de
la terre-mère . Il était si clair qu'on voyait à l'oeil nu les 55 royaumes de l'ouest et
les 44 royaumes de l'est qui forment la ramure de l'arbre cosmique . La terre était
immobile , le troupeau était immobile , le ciel était immobile ; il semblait que
l'immobilité était la loi de l'univers .
Tout à coup , le Maître de la Vie Rouge parut dans le 50e royaume , à l'ouest .
Il avait l'apparence d'un point rose et tirait derrière lui son épée flamboyante . Le
loup noir qu'il chevauche était invisible mais il venait vers moi avide de sang ; sa
vitesse était astronomique . Les moutons , pris de panique , montaient les uns sur
les aitres ; mes chiens hurlaient à la mort . Au moment où le Maître allait fondre
sur mon troupeau , trois corolles se déployèrent autour de lui , ralentissant sa course
jusqu'à une molle suspension . Il se posa doucement sur le sol a environ 200 mètres
dans la lumière sélène . Ni lui , ni moi ne bougeâmes pendant un quart d'heure .
Puis une pièce de sa cuirasse grinça ; elle s'ouvrit . Le Maître apparut et il se dirigea
vers moi . Il chancelait et m'adressait des signes amicaux .
Je fus le premier homme à connaître son nom : Aleksandrovich Dzhanibekov .
Soyuz était son loup .
J'élève des moutons près de Charchorin (on dit aussi Karakorum) . Je vivais
jadis - avant les années soixante-dix - dans une yourte . Aujourd'hui - en 2015 -
dans un de ces confortables pavillons en bois construits à la périphérie de la ville ,
entourés d'un potager et d'une palissade . L'histoire que je vais vous raconter m'est
arrivée au mois de juillet 1974 . Alors , j'étais nomade dans les monts Khangaï ;
c'était la nuit et la lune était pleine . J'étais assis et je regardais le ciel au-dessus de
la terre-mère . Il était si clair qu'on voyait à l'oeil nu les 55 royaumes de l'ouest et
les 44 royaumes de l'est qui forment la ramure de l'arbre cosmique . La terre était
immobile , le troupeau était immobile , le ciel était immobile ; il semblait que
l'immobilité était la loi de l'univers .
Tout à coup , le Maître de la Vie Rouge parut dans le 50e royaume , à l'ouest .
Il avait l'apparence d'un point rose et tirait derrière lui son épée flamboyante . Le
loup noir qu'il chevauche était invisible mais il venait vers moi avide de sang ; sa
vitesse était astronomique . Les moutons , pris de panique , montaient les uns sur
les aitres ; mes chiens hurlaient à la mort . Au moment où le Maître allait fondre
sur mon troupeau , trois corolles se déployèrent autour de lui , ralentissant sa course
jusqu'à une molle suspension . Il se posa doucement sur le sol a environ 200 mètres
dans la lumière sélène . Ni lui , ni moi ne bougeâmes pendant un quart d'heure .
Puis une pièce de sa cuirasse grinça ; elle s'ouvrit . Le Maître apparut et il se dirigea
vers moi . Il chancelait et m'adressait des signes amicaux .
Je fus le premier homme à connaître son nom : Aleksandrovich Dzhanibekov .
Soyuz était son loup .
dimanche 19 juillet 2015
KRANT 34 . ÉPAULARDS
- Le quartier-maître par le trou d'homme : "Le vieux t'appelle sur le pont , chef ! …
ç'a l'air urgent ! …"
J'essuyai le plus gros de la graisse que j'avais sur les mains , j'enfilai ma vareuse
et je grimpai par l'échelle de fer . Krant était sur la passerelle .
- Krant : "Ah … chef ! …"
- Moi . Je frottai mes paumes sur mon bleu : "Capitaine ? …"
Il y eut un long silence mais il me sembla cependant que la cervelle de Krant
gargouillait comme un chaudron où mijote à feu doux une popote …
- Krant : "Chef … si je prononce le mot "épaulard" , qu'est-ce qui se passe dans votre
tête ?"
- Moi :"…….?…… capitaine … je vois à ce moment dans ma tête un épaulard ..."
- Krant : "… et pourtant vous n'en voyez pas un véritablement ?"
- Moi : "Non , capitaine . J'ai l'image d'un épaulard en forme d'épaulard ..."
Nous étions tourné vers tribord
- Krant : "Regardez à babord … il y en a deux …"
- Moi . Je tournai la tête vers babord . Deux nageoires dorsales hautes et pointues
fendaient l'eau à trente pieds du Kritik : "Je les vois , capitaine … bonheur !"
- Krant : "L'image d'épaulard que vous aviez dans la tête est-elle en tout point
semblable à ces deux épaulards-ci ?"
- Moi : "Certes oui , capitaine ! … point par point !"
Il y eut un autre grand silence . La popote se mit à bouillir dans le chaudron . Les
joues du capitaine rougissaient . Je suivais le sillon blanc des deux cétacés .
- Krant : "Et si je vous dis le mot "rien" , que voyez-vous , chef ? …"
- Moi : "…..???….. rien , capitaine !"
- Krant : "C'est bien ce que je pensais !" . Et ses joues reprirent leur teinte bleuâtre
habituelle .
samedi 18 juillet 2015
PARADIS 35 . DÉPRIME
Ève entre dans l'atelier . Dieu est assis sur un tabouret . Il a posé son marteau
et sa faucille sur l'enclume et ses coudes sur ses cuisses . Sa face divine est enfouie
dans ses rudes mains de Créateur .
- Ève : "Tu es malade ?"
- Dieu se tourne vers Ève . Ses yeux sont rouges de fatigue ; sa voix est enrouée :
"Ah , Ève … ma chérie … je ne suis pas malade … je suis fatigué !"
- Ève : "………………"
- Dieu : "… fatigué des hommes !"
- Ève : "………………."
- Dieu . Il redresse le torse et frappe du plat des deux mains son tablier de soudeur
d'où jaillissent les mille bavures d'une créature qu'il vient d'ébarber : "Les hommes
me fatiguent ! … si tu savais les bêtises qu'ils inventent ! …"
- Ève : "Quelles bêtises ?"
- Dieu ; "Tiens ! … la dernière en date … peut-être la pire ! … la religion !"
- Ève : "La religion ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "Une invention à eux … ne me demande pas ce que c'est au juste … si j'ai
bien compris , ils ont décidé de me rendre un culte … sans me demander mon avis ! …
un culte !!" . Dieu lève les bras au ciel (c'est chez lui) … "Ils vont m'adorer ! … mais
je n'ai rien à faire de leur adoration … ils vont s'entre-tuer en mon nom … ils vont
sacrifier pour moi des agneaux !"
- Ève : "Oh non !! … c'est si mi-mine les agneaux !"
- Dieu : "Ben oui … qu'est-ce que tu veux ! … ils veulent du sang ! … moi , ce que je
voulais , c'est qu'ils respectent ma Création . Mais autant pisser dans un tabernacle !"
et sa faucille sur l'enclume et ses coudes sur ses cuisses . Sa face divine est enfouie
dans ses rudes mains de Créateur .
- Ève : "Tu es malade ?"
- Dieu se tourne vers Ève . Ses yeux sont rouges de fatigue ; sa voix est enrouée :
"Ah , Ève … ma chérie … je ne suis pas malade … je suis fatigué !"
- Ève : "………………"
- Dieu : "… fatigué des hommes !"
- Ève : "………………."
- Dieu . Il redresse le torse et frappe du plat des deux mains son tablier de soudeur
d'où jaillissent les mille bavures d'une créature qu'il vient d'ébarber : "Les hommes
me fatiguent ! … si tu savais les bêtises qu'ils inventent ! …"
- Ève : "Quelles bêtises ?"
- Dieu ; "Tiens ! … la dernière en date … peut-être la pire ! … la religion !"
- Ève : "La religion ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "Une invention à eux … ne me demande pas ce que c'est au juste … si j'ai
bien compris , ils ont décidé de me rendre un culte … sans me demander mon avis ! …
un culte !!" . Dieu lève les bras au ciel (c'est chez lui) … "Ils vont m'adorer ! … mais
je n'ai rien à faire de leur adoration … ils vont s'entre-tuer en mon nom … ils vont
sacrifier pour moi des agneaux !"
- Ève : "Oh non !! … c'est si mi-mine les agneaux !"
- Dieu : "Ben oui … qu'est-ce que tu veux ! … ils veulent du sang ! … moi , ce que je
voulais , c'est qu'ils respectent ma Création . Mais autant pisser dans un tabernacle !"
COTE 137 . 33 . RACINE
Martial était aussi poète . Il tâtait en amateur de tous les arts . Il consignait
dans son carnet des croquis , des plans et des poèmes .
- Martial : "Ce quatrain , mon capitaine … qu'en pensez-vous ?" . Il déclame :
"Rat , ami des tranchées , viens donc ici me dire
L'exquis goût des cadavres , tu me feras bien rire
Je te raconterai ce que je fais des rats
Quand des fois j'en attrape , c'est marrant tu verras"
- Martial : "… et en alexandrins , mon capitaine … avez-vous remarqué ? …
douze pieds et césure à six ! … du classique !"
- Le capitaine : "Il n'y a pas , Martial … vous êtes doué … on dirait du Racine …"
- Martial ; "Merci mon capitaine … en voulez-vous un autre ? …" . Il feuillette son
carnet …
- Le capitaine : "… euh … Martial … ma foi … pourquoi pas …"
- Martial : "Ah … celui-ci … pas mal non plus … écoutez" :
"Les boches , nom de Dieu de ...
Nous envoient la moutarde …
Merde ! Je dis à Bertin
Grouille-toi chercher les masques !"
- Le capitaine : "Hum … bien … bien …"
- Martial comme s'excusant : "C'est des vers de six pieds , mon capitaine … sans
rimes …" . Tournant les pages avec l'index mouillé … "Ou celui-là" :
"Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu
Je claque des dents
Mes doigts tremblent
Je pisse dans mon froc"
- Le capitaine : "…………?…………"
- Martial : "J'ai écrit ça avant une attaque … c'est des vers libres … c'est à la mode …
je claquais des dents , mon capitaine … mes doigts tremblaient … je pissais dans mon
froc"
- Le capitaine : "… hum … oui … on le sent … c'est du vécu …"
- Martial : "C'est de l'art , mon capitaine ..."
dans son carnet des croquis , des plans et des poèmes .
- Martial : "Ce quatrain , mon capitaine … qu'en pensez-vous ?" . Il déclame :
"Rat , ami des tranchées , viens donc ici me dire
L'exquis goût des cadavres , tu me feras bien rire
Je te raconterai ce que je fais des rats
Quand des fois j'en attrape , c'est marrant tu verras"
- Martial : "… et en alexandrins , mon capitaine … avez-vous remarqué ? …
douze pieds et césure à six ! … du classique !"
- Le capitaine : "Il n'y a pas , Martial … vous êtes doué … on dirait du Racine …"
- Martial ; "Merci mon capitaine … en voulez-vous un autre ? …" . Il feuillette son
carnet …
- Le capitaine : "… euh … Martial … ma foi … pourquoi pas …"
- Martial : "Ah … celui-ci … pas mal non plus … écoutez" :
"Les boches , nom de Dieu de ...
Nous envoient la moutarde …
Merde ! Je dis à Bertin
Grouille-toi chercher les masques !"
- Le capitaine : "Hum … bien … bien …"
- Martial comme s'excusant : "C'est des vers de six pieds , mon capitaine … sans
rimes …" . Tournant les pages avec l'index mouillé … "Ou celui-là" :
"Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu
Je claque des dents
Mes doigts tremblent
Je pisse dans mon froc"
- Le capitaine : "…………?…………"
- Martial : "J'ai écrit ça avant une attaque … c'est des vers libres … c'est à la mode …
je claquais des dents , mon capitaine … mes doigts tremblaient … je pissais dans mon
froc"
- Le capitaine : "… hum … oui … on le sent … c'est du vécu …"
- Martial : "C'est de l'art , mon capitaine ..."
TROIS MOUCHES 34 . TENDRE ÉPAULE
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient contre nos
chapeaux de paille . Berthe plantait des radis . Contre mon épaule je sen-
tais la sienne , tendre et moite .
Trois mouches tendres bourdonnaient contre son épaule : Berthe plantait .
Ce sont des radis merveilleux disait-elle , vermeils , et j'étais moite sous mon
chapeau de paille .
Nos chapeaux de paille sentaient le radis . Merveilleuse et tendre Berthe ,
me disais-je ! . Elle bourdonne comme trois mouches contre une épaule moite ...
chapeaux de paille . Berthe plantait des radis . Contre mon épaule je sen-
tais la sienne , tendre et moite .
Trois mouches tendres bourdonnaient contre son épaule : Berthe plantait .
Ce sont des radis merveilleux disait-elle , vermeils , et j'étais moite sous mon
chapeau de paille .
Nos chapeaux de paille sentaient le radis . Merveilleuse et tendre Berthe ,
me disais-je ! . Elle bourdonne comme trois mouches contre une épaule moite ...
DESMOND 28 . LA CLÉ
Je croise le Président dans le couloir du Bureau Ovale . Il a un air qu'en
français on qualifie de "rigolard" . Il n'y a pas de mot dans notre pauvre langue .
- le Président : "Ça y est , Desmond !"
- Moi : "………?………."
- Lui : "Je suis entré dans l'incinérateur !"
Je blémis .
- Lui : "Je me suis procuré une clé … et le code"
- Moi : "C'est impossible !" . Je sors de ma poche une clé paracentrique extrêmement
complexe . Elle étincelle au bout de mes doigts . Le Président la regarde … il la re-
garde intensément … elle l'hypnotise .
- Moi : "Et le code … c'est une combinaison de n K-permutations que j'ai mise au
point moi-même … je l'ai apprise par-coeur … j'ai détruit mes fiches de calcul …
elle n'est enregistrée nulle part !"
- Le Président . Ses yeux hypnotisés quittent la clé et reviennent vers moi , "rigolards" :
"Et cependant , Desmond , je suis entré dans l'incinérateur … cette nuit …"
Je me liquéfie dans mon costume trois pièces .
- Le Président : "Ben mon vieux … vous en faites une tête ! … c'est quand même pas
la fin du monde …"
- Je bégaie : "Je ne comprends pas …"
- Lui : "Ne vous en faites donc pas , Desmond … allons nous servir un whisky …"
- Je suis au bord des larmes : "Je … je …"
- Lui . Il m'entraîne vers le Bureau Ovale : "Desmond ! … vous avez perdu votre sense
of humour … c'était une blague ! … qu'est-ce que j'irais foutre dans votre incinérateur ? …"
- Moi : "………….."
- Lui : "Elle est jolie votre clé !"
français on qualifie de "rigolard" . Il n'y a pas de mot dans notre pauvre langue .
- le Président : "Ça y est , Desmond !"
- Moi : "………?………."
- Lui : "Je suis entré dans l'incinérateur !"
Je blémis .
- Lui : "Je me suis procuré une clé … et le code"
- Moi : "C'est impossible !" . Je sors de ma poche une clé paracentrique extrêmement
complexe . Elle étincelle au bout de mes doigts . Le Président la regarde … il la re-
garde intensément … elle l'hypnotise .
- Moi : "Et le code … c'est une combinaison de n K-permutations que j'ai mise au
point moi-même … je l'ai apprise par-coeur … j'ai détruit mes fiches de calcul …
elle n'est enregistrée nulle part !"
- Le Président . Ses yeux hypnotisés quittent la clé et reviennent vers moi , "rigolards" :
"Et cependant , Desmond , je suis entré dans l'incinérateur … cette nuit …"
Je me liquéfie dans mon costume trois pièces .
- Le Président : "Ben mon vieux … vous en faites une tête ! … c'est quand même pas
la fin du monde …"
- Je bégaie : "Je ne comprends pas …"
- Lui : "Ne vous en faites donc pas , Desmond … allons nous servir un whisky …"
- Je suis au bord des larmes : "Je … je …"
- Lui . Il m'entraîne vers le Bureau Ovale : "Desmond ! … vous avez perdu votre sense
of humour … c'était une blague ! … qu'est-ce que j'irais foutre dans votre incinérateur ? …"
- Moi : "………….."
- Lui : "Elle est jolie votre clé !"
EKKERRÖY
C'est une ville noire , au nord .
Elle existe en rêve . A la place qu'elle aurait pu occuper , il y a des arbres
dont je conserve le souvenir argentique . Ekkerröy n'existe pas . Ekkerröy domine
des falaises où nichent des oiseaux de mer et au large desquelles on peut voir , par
beau temps , de réels cétacés . J'ai arpenté les rues qu'on aurait pu tracer entre les
arbres tordus si on avait eu quelque imagination et l'envie de vivre si loin , mais
qui voudrait vivre là ; sur cette péninsule qu'on trouve sur la marge des pages ?
Dans les courants d'air d'Ekkerröy : le vent , le cri des cormorans , le souffle des
baleines . Ce qui n'existe pas existe malgré tout .
Elle existe en rêve . A la place qu'elle aurait pu occuper , il y a des arbres
dont je conserve le souvenir argentique . Ekkerröy n'existe pas . Ekkerröy domine
des falaises où nichent des oiseaux de mer et au large desquelles on peut voir , par
beau temps , de réels cétacés . J'ai arpenté les rues qu'on aurait pu tracer entre les
arbres tordus si on avait eu quelque imagination et l'envie de vivre si loin , mais
qui voudrait vivre là ; sur cette péninsule qu'on trouve sur la marge des pages ?
Dans les courants d'air d'Ekkerröy : le vent , le cri des cormorans , le souffle des
baleines . Ce qui n'existe pas existe malgré tout .
vendredi 17 juillet 2015
KRANT 33 . MONSIEUR LEE
Je n'ai pas encore parlé de notre cuistot chinois , Monsieur Lee . Et cependant ,
il fut avec Hume comme l'âme du Kritik en ses deux principes : la sensibilité et la
conscience . Nous avons navigué ensemble pendant vingt ans et Monsieur Lee
reste une énigme sauf - c'est évident - pour le capitaine .
Il apparut un jour , en pleine heure solaire , sur le quai sud du port de Xianggang
avec sa natte, son costume typique et son baluchon . Lorsqu'il s'engagea sur l'échelle
de coupée pour gagner notre bord , le timonier s'avança , tête rentrée dans les épaules ,
pour chasser ce personnage qui semblait pourtant bien autre qu'un insolent coolie
mais la voix du capitaine , comme tombée du Pavillon d'Or , pétrifia l'homme de barre
à l'intérieur de son ciré .
- "Ah , Monsieur Lee ! …"
Monsieur Lee (c'était donc son nom) posa son bagage sur le pont au milieu de l'équi-
page rassemblé , s'inclina en joignant les mains et dit en souriant dans le prussien le
plus classique : "Content de vous revoir , Monsieur Krant …"
Monsieur Lee entra ainsi dans nos vies et s'il pouvait paraître que rien n'avait changé
car Monsieur Lee , comme Hume , sortait rarement de la cuisine , leur présence invisible
entre les membrures du Kritik était le gage de notre invincibilité et le timonier admettait
qu'il préparait le meilleur hareng baltique du monde …
Hume mourut centenaire , c'est-à-dire à l'âge canonique de vingt huit ans et Monsieur
Lee lui survécut à peine trois jours . Quelques semaines plus tard , Krant prit sa retraite .
Moi aussi .
L'armateur licencia l'équipage et expédia le Kritik à la casse .
il fut avec Hume comme l'âme du Kritik en ses deux principes : la sensibilité et la
conscience . Nous avons navigué ensemble pendant vingt ans et Monsieur Lee
reste une énigme sauf - c'est évident - pour le capitaine .
Il apparut un jour , en pleine heure solaire , sur le quai sud du port de Xianggang
avec sa natte, son costume typique et son baluchon . Lorsqu'il s'engagea sur l'échelle
de coupée pour gagner notre bord , le timonier s'avança , tête rentrée dans les épaules ,
pour chasser ce personnage qui semblait pourtant bien autre qu'un insolent coolie
mais la voix du capitaine , comme tombée du Pavillon d'Or , pétrifia l'homme de barre
à l'intérieur de son ciré .
- "Ah , Monsieur Lee ! …"
Monsieur Lee (c'était donc son nom) posa son bagage sur le pont au milieu de l'équi-
page rassemblé , s'inclina en joignant les mains et dit en souriant dans le prussien le
plus classique : "Content de vous revoir , Monsieur Krant …"
Monsieur Lee entra ainsi dans nos vies et s'il pouvait paraître que rien n'avait changé
car Monsieur Lee , comme Hume , sortait rarement de la cuisine , leur présence invisible
entre les membrures du Kritik était le gage de notre invincibilité et le timonier admettait
qu'il préparait le meilleur hareng baltique du monde …
Hume mourut centenaire , c'est-à-dire à l'âge canonique de vingt huit ans et Monsieur
Lee lui survécut à peine trois jours . Quelques semaines plus tard , Krant prit sa retraite .
Moi aussi .
L'armateur licencia l'équipage et expédia le Kritik à la casse .
PARADIS 34 . LOIN DU COEUR
- Dieu : "Je ne parle plus à Adam"
- Ève : "…………….."
- Dieu : "… et il ne me parle plus …"
- Ève : "Vous vous êtes disputés ?"
- Dieu : "Non …"
- Ève : "……..?…….."
- Dieu : … nous nous sommes éloignés …"
- Ève : "…………….."
- Dieu : "… et il ne me parle plus …"
- Ève : "Vous vous êtes disputés ?"
- Dieu : "Non …"
- Ève : "……..?…….."
- Dieu : … nous nous sommes éloignés …"
samedi 4 juillet 2015
COTE 137 . 32 . VICTOIRE AÉRIENNE
En septembre , nous assistâmes à un combat aérien .
- "Morane Saulnier" dit Martial . C'était un avion facile à reconnaître avec son aile
haute et son fuselage arrondi .
- "Morane MS 27 C1" dit encore Martial … "Moteur rotatif Gnome 160 cv"
Le français passait à 100 m de notre tranchée quand un allemand déboucha du
nuage .
- Martial : "Fokker D VII … moteur en ligne refroidi par liquide … une merveille …
deux mitrailleuses Spandau …"
- Le capitaine : "Vous vous y entendez Martial en aéronefs !"
- Martial : "Je m'intéresse mon capitaine … notre gars n'a aucune chance … le Morane
est un veau … autant l'autre est maniable"
- Le capitaine , vissé à ses jumelles : "Vous pilotez ?"
- Martial : "Piloter ?" … Il regarda ses deux bottes enfoncées dans la craie semi-liquide .
"Est-ce que j'ai l'air de voler , mon capitaine ?"
L'allemand s'était mis dans la queue du Morane . Notre compatriote , pour échapper
à son feu , partit en chandelle , looping … un as … et nous fit la panoplie de l'acrobatie
pour se retrouver dans le sillage du boche . Un hourrah d'un kilomètre courut d'un bout
à l'autre des boyaux français .
- Martial : "Sa mitrailleuse s'est enrayée !"
Les deux adversaires passèrent en trombe au ras de la tranchée , le français touchant
presque l'aileron de l'allemand .
- "Mais tire donc !" hurlait Bertin .
- "Sa mitrailleuse s'est enrayée ! " criait Martial .
L'allemand partit en tonneau , imité par le français à moins d'une encablure . Ils se
perdirent dans le nuage qui surplombait le champ de bataille depuis tant d'années . Nos
visages étaient tournés vers le ciel et , comme il est écrit dans l'Évangile quand le Seigneur
prend la parole , il se fit un grand silence . Les deux vrombissaient très haut ; ils se
cherchaient .
Ils déboulèrent par l'est , côte à côte . Quand ils passèrent sur nous , un coup de feu
retentit . C'était Bertin . Le Fokker abandonna la trajectoire du Morane , il hoqueta tout
en montant et disparut à nouveau dans la brume . Le français avait viré sur l'aile pour
quitter le front , mitrailleuse en berne . Nous entendions au-dessus de nos têtes , l'alle-
mand tousser comme un tuberculeux puis il se tut .
- Le capitaine : "Vous avez tiré , Bertin ?"
- Bertin , honteux : "Ben oui , mon capitaine … j'ai pas pu m'empêcher … ça m'a pris
comme ça …"
- Le capitaine : "Grand dieu , Bertin … vous l'avez touché…"
Le Fokker tomba du nuage , en vrille malsaine avec réservoir en feu . Il s'écrasa
derrière la cote 137 . La victoire aérienne de ce pauvre Bertin fut homologuée . Seul
poilu du secteur dans le tableau de chasse . Trois jours plus tard , notre Leonard de
Vinci du café noir se faisait tuer .
- "Morane Saulnier" dit Martial . C'était un avion facile à reconnaître avec son aile
haute et son fuselage arrondi .
- "Morane MS 27 C1" dit encore Martial … "Moteur rotatif Gnome 160 cv"
Le français passait à 100 m de notre tranchée quand un allemand déboucha du
nuage .
- Martial : "Fokker D VII … moteur en ligne refroidi par liquide … une merveille …
deux mitrailleuses Spandau …"
- Le capitaine : "Vous vous y entendez Martial en aéronefs !"
- Martial : "Je m'intéresse mon capitaine … notre gars n'a aucune chance … le Morane
est un veau … autant l'autre est maniable"
- Le capitaine , vissé à ses jumelles : "Vous pilotez ?"
- Martial : "Piloter ?" … Il regarda ses deux bottes enfoncées dans la craie semi-liquide .
"Est-ce que j'ai l'air de voler , mon capitaine ?"
L'allemand s'était mis dans la queue du Morane . Notre compatriote , pour échapper
à son feu , partit en chandelle , looping … un as … et nous fit la panoplie de l'acrobatie
pour se retrouver dans le sillage du boche . Un hourrah d'un kilomètre courut d'un bout
à l'autre des boyaux français .
- Martial : "Sa mitrailleuse s'est enrayée !"
Les deux adversaires passèrent en trombe au ras de la tranchée , le français touchant
presque l'aileron de l'allemand .
- "Mais tire donc !" hurlait Bertin .
- "Sa mitrailleuse s'est enrayée ! " criait Martial .
L'allemand partit en tonneau , imité par le français à moins d'une encablure . Ils se
perdirent dans le nuage qui surplombait le champ de bataille depuis tant d'années . Nos
visages étaient tournés vers le ciel et , comme il est écrit dans l'Évangile quand le Seigneur
prend la parole , il se fit un grand silence . Les deux vrombissaient très haut ; ils se
cherchaient .
Ils déboulèrent par l'est , côte à côte . Quand ils passèrent sur nous , un coup de feu
retentit . C'était Bertin . Le Fokker abandonna la trajectoire du Morane , il hoqueta tout
en montant et disparut à nouveau dans la brume . Le français avait viré sur l'aile pour
quitter le front , mitrailleuse en berne . Nous entendions au-dessus de nos têtes , l'alle-
mand tousser comme un tuberculeux puis il se tut .
- Le capitaine : "Vous avez tiré , Bertin ?"
- Bertin , honteux : "Ben oui , mon capitaine … j'ai pas pu m'empêcher … ça m'a pris
comme ça …"
- Le capitaine : "Grand dieu , Bertin … vous l'avez touché…"
Le Fokker tomba du nuage , en vrille malsaine avec réservoir en feu . Il s'écrasa
derrière la cote 137 . La victoire aérienne de ce pauvre Bertin fut homologuée . Seul
poilu du secteur dans le tableau de chasse . Trois jours plus tard , notre Leonard de
Vinci du café noir se faisait tuer .
DESMOND 27 . L'INCINÉRATEUR
6 a.m , dans le couloir qui mène à l'incinérateur . J'ai les bras chargés de
documents à détruire . Routine . La Maison Blanche est déserte à cette heure
mais une main se pose sur mon épaule .
- "Desmond !" … c'est le Président … je sursaute .
- "Monsieur le Président ! … vous m'avez fait peur !"
- Lui : "Vous êtes drôlement matinal … qu'est-ce que vous foutez ici à une
heure pareille ?"
- Moi : "Je porte à l'incinérateur les documents à détruire , Mister President …
ceux de la nuit …"
- Lui . Il me prend par le bras et me dit à l'oreille très bas , jetant un oeil para-
noïaque devant et derrière lui comme s'il craignait l'arrivée d'un cerbère : "Dites ,
Desmond … j'aimerais voir l'incinérateur … montrez-le moi …"
- Moi : "C'est que … Monsieur le Président … c'est interdit … moi seul …"
- Lui , serrant mon bras plus fort mais toujours chuchotant : "Vous seul !? …
Desmond , savez-vous à qui vous parlez ? … à l'homme le plus puissant de la
terre … le plus puissant ! … c'est écrit partout dans la presse … c'est dit à la
télé à longueur d'ondes hertziennes …"
- Moi : "………………"
- Lui : "Le napalm sur les villages d'Asie , c'est moi … les B52 , c'est moi …
le feu nucléaire , c'est moi …"
- Moi : "………………"
- Lui : "L'enfer , c'est moi …"
- Moi : "………………"
- Lui : "Et vous m'interdisez l'entrée de votre petit incinérateur de rien du tout !?"
- Moi : "………………"
- Lui . Il me lâche et regarde au bout du couloir la porte blindée de l'incinérateur :
"Vous avez raison , Desmond … comme d'habitude" . Il désigne du menton mon
tas de documents . "Faites votre travail … brûlez ces saloperies … c'est ça de
moins sur ma postérité" . Il tourne les talons et me lance : "Quand vous aurez
fini , apportez-nous deux cafés !"
documents à détruire . Routine . La Maison Blanche est déserte à cette heure
mais une main se pose sur mon épaule .
- "Desmond !" … c'est le Président … je sursaute .
- "Monsieur le Président ! … vous m'avez fait peur !"
- Lui : "Vous êtes drôlement matinal … qu'est-ce que vous foutez ici à une
heure pareille ?"
- Moi : "Je porte à l'incinérateur les documents à détruire , Mister President …
ceux de la nuit …"
- Lui . Il me prend par le bras et me dit à l'oreille très bas , jetant un oeil para-
noïaque devant et derrière lui comme s'il craignait l'arrivée d'un cerbère : "Dites ,
Desmond … j'aimerais voir l'incinérateur … montrez-le moi …"
- Moi : "C'est que … Monsieur le Président … c'est interdit … moi seul …"
- Lui , serrant mon bras plus fort mais toujours chuchotant : "Vous seul !? …
Desmond , savez-vous à qui vous parlez ? … à l'homme le plus puissant de la
terre … le plus puissant ! … c'est écrit partout dans la presse … c'est dit à la
télé à longueur d'ondes hertziennes …"
- Moi : "………………"
- Lui : "Le napalm sur les villages d'Asie , c'est moi … les B52 , c'est moi …
le feu nucléaire , c'est moi …"
- Moi : "………………"
- Lui : "L'enfer , c'est moi …"
- Moi : "………………"
- Lui : "Et vous m'interdisez l'entrée de votre petit incinérateur de rien du tout !?"
- Moi : "………………"
- Lui . Il me lâche et regarde au bout du couloir la porte blindée de l'incinérateur :
"Vous avez raison , Desmond … comme d'habitude" . Il désigne du menton mon
tas de documents . "Faites votre travail … brûlez ces saloperies … c'est ça de
moins sur ma postérité" . Il tourne les talons et me lance : "Quand vous aurez
fini , apportez-nous deux cafés !"
A LA FÊTE D'YSSYAKH
Les maisons basses de Nalimsk sont appuyées sur le ballast d'un chemin de fer .
Une famille de trappeurs yakoutes tient l'aiguillage au nord du village car la ligne
jusque-là unique se divise en deux voies : l'une mène qui veut à la lointaine Krash-
nouchka , l'autre au diable sait où car le territoire où elle pénètre est interdit d'accès .
Deux à trois fois par an , les aiguilleurs recoivent par télégraphe l'ordre de basculer
le système vers ces terres condamnées .
Une heure plus tard , un convoi d'une trentaine de wagons-citernes , tracté par une
locomotive diesel , se présente au ralenti à l'entrée de Nalimsk et traverse le village en
grinçant de tous ses crochets d'attelage . Le pare-brise de la motice est obturé , ses portes
sont soudées et les numéros d'immatriculation sont barbouillés de peintures opaques .
Le surlendemain , au crépuscule , l'air immense de la taïga est ébranlé par des coups
de klaxon dont la résonance s'amplifie jusqu'à l'angle du bois de bouleaux près du poste
d'aiguillage . Alors les rails et les rivets qui les maintiennent sur les traverses se mettent
à vibrer et la même motrice , tirant le même convoi , surgit phares allumés et passe en
trombe au ras des toitures comme escortée par les trompettes de l'apocalypse …
Son dernier passage date du solstice d'été . Les habitants fêtaient Yssyakh qui est ici
le Nouvel An . Quand le train a traversé Nalimsk , les nappes blanches ont volé sur les
tables à tréteaux , les bols ont versé et le roumi (c'est du lait de jument fermenté) et le
boudin de poulain se sont répandus . Le chaman , vêtu d'une fourrure d'ours polaire ,
a escaladé le ballast et , debout au milieu de la voie , il a tendu le poing vers le fanal qui
déjà disparaissait dans la moyenne Kolyma .
Les danseuses , coiffées de bonnets de satin ornés de mille perles , ont éclaté de rire .
Une famille de trappeurs yakoutes tient l'aiguillage au nord du village car la ligne
jusque-là unique se divise en deux voies : l'une mène qui veut à la lointaine Krash-
nouchka , l'autre au diable sait où car le territoire où elle pénètre est interdit d'accès .
Deux à trois fois par an , les aiguilleurs recoivent par télégraphe l'ordre de basculer
le système vers ces terres condamnées .
Une heure plus tard , un convoi d'une trentaine de wagons-citernes , tracté par une
locomotive diesel , se présente au ralenti à l'entrée de Nalimsk et traverse le village en
grinçant de tous ses crochets d'attelage . Le pare-brise de la motice est obturé , ses portes
sont soudées et les numéros d'immatriculation sont barbouillés de peintures opaques .
Le surlendemain , au crépuscule , l'air immense de la taïga est ébranlé par des coups
de klaxon dont la résonance s'amplifie jusqu'à l'angle du bois de bouleaux près du poste
d'aiguillage . Alors les rails et les rivets qui les maintiennent sur les traverses se mettent
à vibrer et la même motrice , tirant le même convoi , surgit phares allumés et passe en
trombe au ras des toitures comme escortée par les trompettes de l'apocalypse …
Son dernier passage date du solstice d'été . Les habitants fêtaient Yssyakh qui est ici
le Nouvel An . Quand le train a traversé Nalimsk , les nappes blanches ont volé sur les
tables à tréteaux , les bols ont versé et le roumi (c'est du lait de jument fermenté) et le
boudin de poulain se sont répandus . Le chaman , vêtu d'une fourrure d'ours polaire ,
a escaladé le ballast et , debout au milieu de la voie , il a tendu le poing vers le fanal qui
déjà disparaissait dans la moyenne Kolyma .
Les danseuses , coiffées de bonnets de satin ornés de mille perles , ont éclaté de rire .
vendredi 3 juillet 2015
KRANT 32 . ÉCOUTE TON CHAT
Le Kritik filait à quinze noeuds sur une mer à peine frisée . A perte de vue ,
il y avait la mer où ne pointaient aucune terre lointaine , aucun navire marchand ,
pas un oiseau . La température était idéale au sens premier de l'idée : elle existait
comme représentation intellectuelle mais n'actionnait ni frisson ni sueur ; elle
n'avait pas sur nos épidermes de contact sensible comme si le Kritik traversait
le vide .
Je longeais la passerelle pour gagner le pont lorsque Krant , de l'intérieur de
sa cabine dont la porte était ouverte , me héla : "Chef ! …"
Je revins sur mes pas . Krant était assis sur la banquette en bois , face à la mer .
Hume était sur ses genoux .
- Krant : "Je viens d'avoir avec Hume une conversation intéressante …"
- Moi : "…………?………."
- Krant : "Qu'y a-t-il , Chef ?"
- Moi : "… euh … capitaine … ce chat parle-t-il ?"
- Krant : "Oui … bien entendu … ce chat parle …" . Il caressa Hume derrière les
oreilles , le long du pelage tigré , jusqu'à l'extrémité de la queue en forme de
pinceau noir … "pas avec des mots … c'est là son point fort ..;"
- Moi : "Mais … capitaine … peut-on parler sans mots ? …"
- Krant : "Oui … Hume ce matin souhaitait me parler … et il a sauté sur mes genoux …"
- Moi . Vu le respect que je lui dois , j'hésitai à poser cette question au capitaine :
"Mais que vous a-t-il dit ? …"
- Krant : "Oh !" … il remit Hume sur le plancher de la cabine … "rien qui se dise
avec des mots , Chef ! ..;"
il y avait la mer où ne pointaient aucune terre lointaine , aucun navire marchand ,
pas un oiseau . La température était idéale au sens premier de l'idée : elle existait
comme représentation intellectuelle mais n'actionnait ni frisson ni sueur ; elle
n'avait pas sur nos épidermes de contact sensible comme si le Kritik traversait
le vide .
Je longeais la passerelle pour gagner le pont lorsque Krant , de l'intérieur de
sa cabine dont la porte était ouverte , me héla : "Chef ! …"
Je revins sur mes pas . Krant était assis sur la banquette en bois , face à la mer .
Hume était sur ses genoux .
- Krant : "Je viens d'avoir avec Hume une conversation intéressante …"
- Moi : "…………?………."
- Krant : "Qu'y a-t-il , Chef ?"
- Moi : "… euh … capitaine … ce chat parle-t-il ?"
- Krant : "Oui … bien entendu … ce chat parle …" . Il caressa Hume derrière les
oreilles , le long du pelage tigré , jusqu'à l'extrémité de la queue en forme de
pinceau noir … "pas avec des mots … c'est là son point fort ..;"
- Moi : "Mais … capitaine … peut-on parler sans mots ? …"
- Krant : "Oui … Hume ce matin souhaitait me parler … et il a sauté sur mes genoux …"
- Moi . Vu le respect que je lui dois , j'hésitai à poser cette question au capitaine :
"Mais que vous a-t-il dit ? …"
- Krant : "Oh !" … il remit Hume sur le plancher de la cabine … "rien qui se dise
avec des mots , Chef ! ..;"
PARADIS 33 . CAUSALITÉ
- Dieu : "Tout effet a sa cause"
- Ève : "………………….."
- Dieu : "… mais certains effets ont trop de causes … la traçabilité est impossible …"
- Ève : "………………….."
- Dieu : "Ces effets résultent de chaînes parfaitement logiques et cependant …"
- Ève : "Tu parles tout seul ?"
- Dieu : "Non … je te parle"
- Ève : "Te fatigue pas … je comprends rien"
- Dieu : "J'ai inventé la mécanique céleste … une merveille … ça roule … ça baigne …
une horloge … une montre suisse !"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "La mécanique céleste , c'est simple … si un corps A exerce une force sur un
corps B , alors le corps B exerce en sens inverse une force de même intensité sur A"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "Tu m'écoutes , Ève ?"
- Ève : "J'y comprends rien"
- Dieu : "C'est la loi de l'égalité de l'action et de la réaction … ça marche !"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "Mais dans ces deux cas , j'ai outrepassé mes capacités … trop de paramètres …
trop compliqué … trop de petites causes , au point que ça ressemble à du hasard …
voire , à de l'erreur !"
- Ève : "Quels deux cas ?"
- Dieu : "La Meteo et l'Amour …"
- Ève : "………………….."
- Dieu : "… mais certains effets ont trop de causes … la traçabilité est impossible …"
- Ève : "………………….."
- Dieu : "Ces effets résultent de chaînes parfaitement logiques et cependant …"
- Ève : "Tu parles tout seul ?"
- Dieu : "Non … je te parle"
- Ève : "Te fatigue pas … je comprends rien"
- Dieu : "J'ai inventé la mécanique céleste … une merveille … ça roule … ça baigne …
une horloge … une montre suisse !"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "La mécanique céleste , c'est simple … si un corps A exerce une force sur un
corps B , alors le corps B exerce en sens inverse une force de même intensité sur A"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "Tu m'écoutes , Ève ?"
- Ève : "J'y comprends rien"
- Dieu : "C'est la loi de l'égalité de l'action et de la réaction … ça marche !"
- Ève : "……………………"
- Dieu : "Mais dans ces deux cas , j'ai outrepassé mes capacités … trop de paramètres …
trop compliqué … trop de petites causes , au point que ça ressemble à du hasard …
voire , à de l'erreur !"
- Ève : "Quels deux cas ?"
- Dieu : "La Meteo et l'Amour …"
COTE 137 . 31 . RONRON
Trois bombardements dans la journée .
La nuit , bien qu'une attaque à la baïonnette fut possible et même probable ,
nous essayâmes de dormir sous une toile tendue car il pleuvait , comme de cou-
tume . Bertin se mit à ronfler .
- Martial , tourné vers Bertin : "Sacré nom , ce gars-là ne ronfle pas … il ronronne !"
Martial frappa l'épaule de Bertin .
- Bertin : "Hein ? …quoi !?"
- Martial : "Tu rêves ?"
- Bertin : "Oui , je rêvais … j'étais bien … et tu me réveilles , idiot !"
- Martial , penché sur Bertin : "A quoi rêvais-tu ?"
- Bertin : "Bof !"
- Martial : "Bof ! … bof ! … si tu étais bien , tu peux nous faire partager … on en a
besoin …"
- Bertin , hésitant : "J'étais mon chat"
- Martial : "………….?…………."
- Bertin : "Dans mon panier … à la maison … il y avait un feu dans la cheminée …"
- Martial , se tournant vers nous : "Ah ! … qu'est-ce que je vous disais ! … il ronronnait"
- Bertin ; "Je ronronnais ? … tu te fous de moi , Martial ?"
- Martial : "Dors , Bertin ! … dors , mon gros chat …"
La nuit , bien qu'une attaque à la baïonnette fut possible et même probable ,
nous essayâmes de dormir sous une toile tendue car il pleuvait , comme de cou-
tume . Bertin se mit à ronfler .
- Martial , tourné vers Bertin : "Sacré nom , ce gars-là ne ronfle pas … il ronronne !"
Martial frappa l'épaule de Bertin .
- Bertin : "Hein ? …quoi !?"
- Martial : "Tu rêves ?"
- Bertin : "Oui , je rêvais … j'étais bien … et tu me réveilles , idiot !"
- Martial , penché sur Bertin : "A quoi rêvais-tu ?"
- Bertin : "Bof !"
- Martial : "Bof ! … bof ! … si tu étais bien , tu peux nous faire partager … on en a
besoin …"
- Bertin , hésitant : "J'étais mon chat"
- Martial : "………….?…………."
- Bertin : "Dans mon panier … à la maison … il y avait un feu dans la cheminée …"
- Martial , se tournant vers nous : "Ah ! … qu'est-ce que je vous disais ! … il ronronnait"
- Bertin ; "Je ronronnais ? … tu te fous de moi , Martial ?"
- Martial : "Dors , Bertin ! … dors , mon gros chat …"
TROIS MOUCHES 33 . MONA
Trois mouches vermeilles et merveilleuses bourdonnaient
contre nos chapeaux de paille . Je posais pour Leonard . Il me
demanda d'ôter mon couvre-chef .
Ce merveilleux Leonard peignait un couvre-chef . J'ôtai mon
chapeau et demandai aux mouches de bourdonner par trois .
Leonard me demanda d'ôter mes trois merveilleux chapeaux .
C'est mieux sans , bourdonna-t-il , car il peignait comme un chef
à la paille de mouches .
contre nos chapeaux de paille . Je posais pour Leonard . Il me
demanda d'ôter mon couvre-chef .
Ce merveilleux Leonard peignait un couvre-chef . J'ôtai mon
chapeau et demandai aux mouches de bourdonner par trois .
Leonard me demanda d'ôter mes trois merveilleux chapeaux .
C'est mieux sans , bourdonna-t-il , car il peignait comme un chef
à la paille de mouches .
DESMOND 26 . DO YOU SPEAK ENGLISH ?
- Au téléphone : "Desmond ?"
- Moi : "Yes , Mister President"
- Le Président : "Excuse me , Desmond ! I'm taking too much of your precious
time … I'm badly in need of your help !"
- Moi : "I'll do everything in my power , Mister President"
- Le Président : "Desmond … combien de documents secrets mettez-vous à l'in-
cinérateur … par an … a pound or two more or less doesn't matter …"
- Moi : "I'm caught off one's guard , Mister President … I haven't the least idea …"
- Le Président : "Oh … it's the bloody limit ! ... damn and blast it !"
- Moi : "I' m sorry , Mister President"
- Le Président : "I'm in a hell of a fix , Desmond ! … Henry m'a posé la question …
you know … they want to kick me out … you understand ?"
- Moi : "Who wants to kick you out , Mister President ?"
- Le Président : "Everybody ! … républicans … democrates … everybody !"
- Moi : "Why , Mister President ?"
- Le Président : "Because I'm a bastard !"
- Moi : "………..?……….."
- Le Président : "Didn't know it , Desmond ?"
- Moi : "Yes , Mister President"
- Le Président : "Excuse me , Desmond ! I'm taking too much of your precious
time … I'm badly in need of your help !"
- Moi : "I'll do everything in my power , Mister President"
- Le Président : "Desmond … combien de documents secrets mettez-vous à l'in-
cinérateur … par an … a pound or two more or less doesn't matter …"
- Moi : "I'm caught off one's guard , Mister President … I haven't the least idea …"
- Le Président : "Oh … it's the bloody limit ! ... damn and blast it !"
- Moi : "I' m sorry , Mister President"
- Le Président : "I'm in a hell of a fix , Desmond ! … Henry m'a posé la question …
you know … they want to kick me out … you understand ?"
- Moi : "Who wants to kick you out , Mister President ?"
- Le Président : "Everybody ! … républicans … democrates … everybody !"
- Moi : "Why , Mister President ?"
- Le Président : "Because I'm a bastard !"
- Moi : "………..?……….."
- Le Président : "Didn't know it , Desmond ?"
TOURNOI II (suite)
Mon épaule était cassée . La tête de l'os humérus saillait sous la cotte de mailles .
J'arrêtai mon cheval et laissai tomber ce qui restait de ma lance . Avec la dextre ,
j'empoignai ma lourde épée de combat et la sortis de son fourreau puis , tournant
bride , je fis volte-face pour le deuxième assaut .
Or , Strongbow gisait sur le dos contre la lice , à l'endroit du choc , "knock out" ,
c'est dire à l'anglaise avec justesse "frappé dehors" . C'était "cool" car il se fit dans
mon gambison où je suais un jubilant courant d'air . Sans être compté parmi les favoris ,
Strongbow était un "outsider" comme on dira dans huit siècles au "turf" . Je m'appro-
chai au pas pour constater les dégats . A l'autre bout de la piste , un écuyer avait repris
à la main le cheval cabossé de mon adversaire . Je mis pied à terre sans quitter des yeux
Strongbow car , bien qu'allongé et immobile , c'était un perfide . Ses jambes étaient
cassées et repliées sous son torse avec les cuissards de fer . Entre la barbière et le
camail , ma lance brisée était fichée . Néanmoins , le Comte de Pembroke vivait et
il avait relevé sa visière .
J'hésitai à percer de la pointe ou à frapper du tranchant . J'optai pour le "smash"
c'est-à-dire pour la frappe de haut en bas . C'est gagnant à tout coup sauf extrême
maladresse . Dans le futur , les "tennismen" anglais l'emploieront sur les "courts" .
Pauvre France ! me dis-je en achevant le Comte : crash , stop , groggy , knock-out ,
cool , outsider , turf , smash , tennismen , court … allions-nous perdre la Guerre de
cent ans !?
Nous la perdîmes .
J'arrêtai mon cheval et laissai tomber ce qui restait de ma lance . Avec la dextre ,
j'empoignai ma lourde épée de combat et la sortis de son fourreau puis , tournant
bride , je fis volte-face pour le deuxième assaut .
Or , Strongbow gisait sur le dos contre la lice , à l'endroit du choc , "knock out" ,
c'est dire à l'anglaise avec justesse "frappé dehors" . C'était "cool" car il se fit dans
mon gambison où je suais un jubilant courant d'air . Sans être compté parmi les favoris ,
Strongbow était un "outsider" comme on dira dans huit siècles au "turf" . Je m'appro-
chai au pas pour constater les dégats . A l'autre bout de la piste , un écuyer avait repris
à la main le cheval cabossé de mon adversaire . Je mis pied à terre sans quitter des yeux
Strongbow car , bien qu'allongé et immobile , c'était un perfide . Ses jambes étaient
cassées et repliées sous son torse avec les cuissards de fer . Entre la barbière et le
camail , ma lance brisée était fichée . Néanmoins , le Comte de Pembroke vivait et
il avait relevé sa visière .
J'hésitai à percer de la pointe ou à frapper du tranchant . J'optai pour le "smash"
c'est-à-dire pour la frappe de haut en bas . C'est gagnant à tout coup sauf extrême
maladresse . Dans le futur , les "tennismen" anglais l'emploieront sur les "courts" .
Pauvre France ! me dis-je en achevant le Comte : crash , stop , groggy , knock-out ,
cool , outsider , turf , smash , tennismen , court … allions-nous perdre la Guerre de
cent ans !?
Nous la perdîmes .
TOURNOI I
Si mes féaux n'avaient porté mon corps empesté dans la terre légère d'Antioche ,
huit siècles avant les accidents de chemin de fer , j'eusse dit que le choc fut celui de
deux locomotives qui se seraient heurtées de front à la suite d'une erreur d'aiguillage .
Le "crash" emplit d'effroi le coeur des spectateurs ; il sembla que la foudre avait
frappé le sable au milieu des loges . La ferraille brisée projeta des barres d'étincelles
sur les escarpins des dames de la Cour . J'emploie à dessein l'anglicisme "crash" car
c'est un écrasement , une compression des métaux qui advint quand j'entrai en colli-
sion avec Richard de Clare , dit Strongbow , Comte de Pembroke et Chevalier
d'Henri II , Roi d'Angleterre . Mon épaule gauche ( je suis gaucher et , à cause de
cette particularité , redouté en tournoi ) quitta son logement ; ma gilette fut emportée
avec le faucre et , n'eussent été vissés mes solerets aux étriers et mon haubert aux
hauts des arçons , j'eusse été culbuté par-dessus la barrière . En outre , je perdis
dans l'affaire mon hausse-col , et mon cheval sa muserolle , sa barde de poitrail et ,
fendue d'un côté à l'autre , sa tonnelle . Malgré la vitesse acquise dans les premières
coudées de la lice , mon destrier et sa lourde carapace furent "stoppés" net et si j'use
de ce vocable anglais , c'est que nous marquâmes un temps d'arrêt obligatoire et que
je ne trouve pas en vieux français un équivalent aussi évocateur . Cependant , une
fois le choc encaissé (absorbé ?) , ma monture reprit un petit trot effaré dans un
tintinnabulement de quincaillerie que je qualifierais de décompressif ; mais j'aurais
pu parler à la saxonne de "break" comme suspension pendant quelques mesures
d'un chant grégorien en vue de magnifier la suite . J'étais brinquebalant sur ma
selle , ivre , "groggy" disent les anglais , rondache enfoncée , et je vis par le vantail
de mon heaume que la hampe de ma lance , à rayures blanches et rouges , était
brisée aux trois-quarts comme si (je suis mort de la peste devant Antioche au début
de la troisième croisade mais j'ose ici cet anachronisme) - régulateur de vitesse
bloqué - j'eusse fracassé la barrière d'un octroi et omis de tirer un ticket .
(à suivre)
huit siècles avant les accidents de chemin de fer , j'eusse dit que le choc fut celui de
deux locomotives qui se seraient heurtées de front à la suite d'une erreur d'aiguillage .
Le "crash" emplit d'effroi le coeur des spectateurs ; il sembla que la foudre avait
frappé le sable au milieu des loges . La ferraille brisée projeta des barres d'étincelles
sur les escarpins des dames de la Cour . J'emploie à dessein l'anglicisme "crash" car
c'est un écrasement , une compression des métaux qui advint quand j'entrai en colli-
sion avec Richard de Clare , dit Strongbow , Comte de Pembroke et Chevalier
d'Henri II , Roi d'Angleterre . Mon épaule gauche ( je suis gaucher et , à cause de
cette particularité , redouté en tournoi ) quitta son logement ; ma gilette fut emportée
avec le faucre et , n'eussent été vissés mes solerets aux étriers et mon haubert aux
hauts des arçons , j'eusse été culbuté par-dessus la barrière . En outre , je perdis
dans l'affaire mon hausse-col , et mon cheval sa muserolle , sa barde de poitrail et ,
fendue d'un côté à l'autre , sa tonnelle . Malgré la vitesse acquise dans les premières
coudées de la lice , mon destrier et sa lourde carapace furent "stoppés" net et si j'use
de ce vocable anglais , c'est que nous marquâmes un temps d'arrêt obligatoire et que
je ne trouve pas en vieux français un équivalent aussi évocateur . Cependant , une
fois le choc encaissé (absorbé ?) , ma monture reprit un petit trot effaré dans un
tintinnabulement de quincaillerie que je qualifierais de décompressif ; mais j'aurais
pu parler à la saxonne de "break" comme suspension pendant quelques mesures
d'un chant grégorien en vue de magnifier la suite . J'étais brinquebalant sur ma
selle , ivre , "groggy" disent les anglais , rondache enfoncée , et je vis par le vantail
de mon heaume que la hampe de ma lance , à rayures blanches et rouges , était
brisée aux trois-quarts comme si (je suis mort de la peste devant Antioche au début
de la troisième croisade mais j'ose ici cet anachronisme) - régulateur de vitesse
bloqué - j'eusse fracassé la barrière d'un octroi et omis de tirer un ticket .
(à suivre)
jeudi 2 juillet 2015
KRANT 31 . POÉSIE
- Krant : "Chef ! … êtes-vous poète ?"
Nous nous tenions tant bien que mal derrière le timonier . La houle était forte
et l'essuie-glace agitait absurdement son balai dans les paquets de mer .
- Moi : "… poète , capitaine !?"
- Krant : "Oui … poète … versifiez vous ?"
- Moi . Je ne pus m'empêcher de rire : "Moi , versifier !? … ah , capitaine ! … un
mécanicien ! … versifier !!"
- Krant s'adressa au timonier agrippé à la barre : "Et vous , timonier … écrivez vous
des vers ? …"
- Le timonier : "… vous vous moquez , capitaine !? … des vers … avec ces mains ? …
et je ne sais pas écrire … les crayons se cassent entre mes doigts ! …"
- Krant : "Dieu merci , il n'y a pas de poète sur ce bateau"
Krant vida sa pipe et la fourra dans sa poche .
- Krant : "Les poètes sont des aventuriers …"
- Le timonier : "Aventuriers !? … les poètes !? … tudieu ! (et il envoya sur le plancher
de la timonerie un crachat amer) … les poètes ! … le cul au chaud à la maison ! …"
Le Kritik embarda sur une énorme lame . J'ordonnai par le chadburn d'augmenter la
pression . Le quartier-maître surgit de la passerelle dans un grand battement de porte et
trois gallons d'eau salée giclèrent de son ciré : "Temps pourri , capitaine ! …"
- Krant , en consultant le baromètre : "Combien de mots avez-vous utilisés aujourd'hui ?"
- Le quartier-maître : "Pas beaucoup , capitaine … dix peut-être …"
- Le timonier : "Moi , capitaine … trois … trois jurons lettons … plus ces quelques mots
pour répondre à votre question , capitaine …" . Puis , par-dessus son épaule , il m'adressa
un sourire mauvais : "Demandez donc au chef ! … c'est un grand bavard … peut-être
qu'il se cache du poète la-dessous ! …"
Nous nous tenions tant bien que mal derrière le timonier . La houle était forte
et l'essuie-glace agitait absurdement son balai dans les paquets de mer .
- Moi : "… poète , capitaine !?"
- Krant : "Oui … poète … versifiez vous ?"
- Moi . Je ne pus m'empêcher de rire : "Moi , versifier !? … ah , capitaine ! … un
mécanicien ! … versifier !!"
- Krant s'adressa au timonier agrippé à la barre : "Et vous , timonier … écrivez vous
des vers ? …"
- Le timonier : "… vous vous moquez , capitaine !? … des vers … avec ces mains ? …
et je ne sais pas écrire … les crayons se cassent entre mes doigts ! …"
- Krant : "Dieu merci , il n'y a pas de poète sur ce bateau"
Krant vida sa pipe et la fourra dans sa poche .
- Krant : "Les poètes sont des aventuriers …"
- Le timonier : "Aventuriers !? … les poètes !? … tudieu ! (et il envoya sur le plancher
de la timonerie un crachat amer) … les poètes ! … le cul au chaud à la maison ! …"
Le Kritik embarda sur une énorme lame . J'ordonnai par le chadburn d'augmenter la
pression . Le quartier-maître surgit de la passerelle dans un grand battement de porte et
trois gallons d'eau salée giclèrent de son ciré : "Temps pourri , capitaine ! …"
- Krant , en consultant le baromètre : "Combien de mots avez-vous utilisés aujourd'hui ?"
- Le quartier-maître : "Pas beaucoup , capitaine … dix peut-être …"
- Le timonier : "Moi , capitaine … trois … trois jurons lettons … plus ces quelques mots
pour répondre à votre question , capitaine …" . Puis , par-dessus son épaule , il m'adressa
un sourire mauvais : "Demandez donc au chef ! … c'est un grand bavard … peut-être
qu'il se cache du poète la-dessous ! …"
mercredi 1 juillet 2015
PARADIS 32 . LEVIATHAN
Dieu est plongé dans la lecture du Livre . Il en est à Job III 8 .
- "C'est effrayant !"
Ève entre …
- Dieu : "C'est effrayant !"
- Ève : "C'est quoi "effrayant" ? …"
- Dieu . Il ferme le Livre mais garde le pouce coincé à Job III 8 : "C'est
quand on a peur , ma biche … effrayant : qui inspire l'effroi …"
- Ève : "C'est quoi "effroi" ? …"
- Dieu : "C'est une grande frayeur … tu n'as jamais peur toi ?"
- Ève : "Non"
- Dieu . Il hausse les épaules : "Bien sûr ma petite Ève … tu es au Paradis …
Il y a longtemps que tu as vu Léviathan ?"
- Ève : "Non , je l'ai vu il y a pas cinq minutes … il se dorait la pilule sur une
pierre plate"
- Dieu : "Il allait bien ?"
- Ève : "Le mieux du monde"
- Dieu : "Tu ne lui as pas fait de mal au moins ?"
- Ève : "Du "mal" ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "C'est rien Ève … c'est rien !" . Il rouvre le Livre à Job III 8 et lit :
"Ce jour-là , Yahvé châtiera de son épée dure , grande et forte , Léviathan
le serpent fuyard , Léviathan le serpent tortueux … mon Dieu ! … quelle
horreur !"
- Ève : "C'est quoi que tu lis ?"
- Dieu : "Tu es sûre que Léviathan va bien ?"
- Ève : "Ben oui … il faisait la sieste mon mignon serpent"
Sur le front de Dieu perle une goutte de sueur .
- Dieu : "C'est effrayant ! …"
- "C'est effrayant !"
Ève entre …
- Dieu : "C'est effrayant !"
- Ève : "C'est quoi "effrayant" ? …"
- Dieu . Il ferme le Livre mais garde le pouce coincé à Job III 8 : "C'est
quand on a peur , ma biche … effrayant : qui inspire l'effroi …"
- Ève : "C'est quoi "effroi" ? …"
- Dieu : "C'est une grande frayeur … tu n'as jamais peur toi ?"
- Ève : "Non"
- Dieu . Il hausse les épaules : "Bien sûr ma petite Ève … tu es au Paradis …
Il y a longtemps que tu as vu Léviathan ?"
- Ève : "Non , je l'ai vu il y a pas cinq minutes … il se dorait la pilule sur une
pierre plate"
- Dieu : "Il allait bien ?"
- Ève : "Le mieux du monde"
- Dieu : "Tu ne lui as pas fait de mal au moins ?"
- Ève : "Du "mal" ? … c'est quoi ?"
- Dieu : "C'est rien Ève … c'est rien !" . Il rouvre le Livre à Job III 8 et lit :
"Ce jour-là , Yahvé châtiera de son épée dure , grande et forte , Léviathan
le serpent fuyard , Léviathan le serpent tortueux … mon Dieu ! … quelle
horreur !"
- Ève : "C'est quoi que tu lis ?"
- Dieu : "Tu es sûre que Léviathan va bien ?"
- Ève : "Ben oui … il faisait la sieste mon mignon serpent"
Sur le front de Dieu perle une goutte de sueur .
- Dieu : "C'est effrayant ! …"
COTE 137 . 30 . MORT DE BERTIN
Bertin fut tué le 13 septembre .
Nous l'avons ramené dans la tranchée et étendu sur le dos . Il pleuvait
doucement sous un ciel passant . J'ai posé sur son corps une capote . On ne
voyait plus de Bertin que le bout de ses bottes , son visage tuméfié et le casque
de travers . Une petite flaque rose sous sa nuque diffusait des ridules sur
l'argile . Nous étions cinq ou six autour de lui et nos bras étaient inutiles .
Nous avions les bras en trop .
- Martial . Voix étrangère , étranglée par un barbelé : "Mon capitaine … juste
un mot …"
- Le capitaine . Autre voix étrangère comme si ceux qui parleraient là étaient
d'autres , d'un temps après Bertin , d'un temps sans Bertin : "Allez-y …"
- Martial : "Mon vieux Bertin … tu nous … tu nous fait une blague … Bertin ! …"
Nous veillâmes une heure sans bouger , avec nos bras en trop . Le capitaine
a appelé : "Oui … cote 137"
A midi , deux brancardiers sont venus ...
Nous l'avons ramené dans la tranchée et étendu sur le dos . Il pleuvait
doucement sous un ciel passant . J'ai posé sur son corps une capote . On ne
voyait plus de Bertin que le bout de ses bottes , son visage tuméfié et le casque
de travers . Une petite flaque rose sous sa nuque diffusait des ridules sur
l'argile . Nous étions cinq ou six autour de lui et nos bras étaient inutiles .
Nous avions les bras en trop .
- Martial . Voix étrangère , étranglée par un barbelé : "Mon capitaine … juste
un mot …"
- Le capitaine . Autre voix étrangère comme si ceux qui parleraient là étaient
d'autres , d'un temps après Bertin , d'un temps sans Bertin : "Allez-y …"
- Martial : "Mon vieux Bertin … tu nous … tu nous fait une blague … Bertin ! …"
Nous veillâmes une heure sans bouger , avec nos bras en trop . Le capitaine
a appelé : "Oui … cote 137"
A midi , deux brancardiers sont venus ...
TROIS MOUCHES 32 . TSÉ-TSÉ
Dans un marigot , des buffles se désaltéraient . Trois mouches vermeilles
et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille . "Sont-ce des
tsé-tsé ?" s'alarma Berthe .
Trois mouches tsé-tsé se désaltéraient et la paille de nos chapeaux bourdonnait .
Les buffles et le marigot donc s'alarmaient .
Trois mouches vermeilles (merveilleusement tsé-tsé) s'alarmaient car au
marigot Berthe se désaltérait . "Les buffles bourdonnent-ils ?" dit-elle sous son
chapeau de paille .
et merveilleuses bourdonnaient contre nos chapeaux de paille . "Sont-ce des
tsé-tsé ?" s'alarma Berthe .
Trois mouches tsé-tsé se désaltéraient et la paille de nos chapeaux bourdonnait .
Les buffles et le marigot donc s'alarmaient .
Trois mouches vermeilles (merveilleusement tsé-tsé) s'alarmaient car au
marigot Berthe se désaltérait . "Les buffles bourdonnent-ils ?" dit-elle sous son
chapeau de paille .
LA RÉSURRECTION DES CORPS
A Berlin , la nuit de la résurrection des corps .
Parking de Tiergarten : c'est la fête !
Mercédès et Bmw sont garées . Morts et vivants dansent et les lampions
jettent sur le macadam l'ombre des retrouvailles . On embrasse le père enseveli
sous Berlin en ruines , on serre dans ses bras la soeur violée et les frères
écrabouillés .
On valse , on boit , on rit .
C'est la nuit de la résurrection des corps .
Pendant que sur les places on chante , on gambille et se tient par les épaules ,
qu'on pleure joue contre joue , qu'on écluse des litres de bière en l'honneur de
cette nuit torride , la terre rassemble en son fond les cendres éparpillées par un
demi-siècle d'amnésie . Le feu couve dans les décombres . Les talons aiguilles
résonnent comme au crépuscule des dieux dans les galeries enfouies .
La porte du bunker tourne sur ses gonds . Éva Braun paraît , impeccable
permanente et , derrière elle , front barré , Adolf !"
Parking de Tiergarten : c'est la fête !
Mercédès et Bmw sont garées . Morts et vivants dansent et les lampions
jettent sur le macadam l'ombre des retrouvailles . On embrasse le père enseveli
sous Berlin en ruines , on serre dans ses bras la soeur violée et les frères
écrabouillés .
On valse , on boit , on rit .
C'est la nuit de la résurrection des corps .
Pendant que sur les places on chante , on gambille et se tient par les épaules ,
qu'on pleure joue contre joue , qu'on écluse des litres de bière en l'honneur de
cette nuit torride , la terre rassemble en son fond les cendres éparpillées par un
demi-siècle d'amnésie . Le feu couve dans les décombres . Les talons aiguilles
résonnent comme au crépuscule des dieux dans les galeries enfouies .
La porte du bunker tourne sur ses gonds . Éva Braun paraît , impeccable
permanente et , derrière elle , front barré , Adolf !"
DESMOND 25 . WHAT DO YOU IMAGINE ?
6 heures du matin . Je croise le Président dans le couloir .
- Le Président : "Ah … Desmond … how are you ? … content de vous voir"
- Moi : "Bonjour , Monsieur le Président"
- Le Président : "Comment traduisez-vous en français : synoptic gospels ?"
- Moi : "Évangiles synoptiques , Mister President"
- Le Président . Il entre dans le Bureau Ovale et je continue ma route vers l'incinérateur .
Mais le Président ressort du Bureau et m'interpelle du milieu du couloir : "Desmond ! …
vous ne vous demandez pas pourquoi je vous pose cette question ?"
- Moi ; Je lui fait face à dix mètres , les bras chargés de documents à détruire : "Je ne me
permettrai pas , Mister President ..;"
- Le Président : "Well , Desmond ! … je vais vous dire … je suis à Paris ce soir … je
rencontre Georges …"
- Moi : "Le Président Pompidou , Monsieur le Président"
- Le Président : "Non ! … l'autre … c'est un secret ! … je dîne chez lui"
- Moi : "Quel autre Georges , Monsieur le Président ?"
- Le Président : "Vous savez bien , Desmond ! … le clown … enfin , Desmond ! …
ne m'obligez pas à prononcer son nom ! … c'est infesté de micros ici ! …"
- Moi : "Lui !? …"
- Le Président : "Ah , ah , Desmond … vous y êtes ! … Bloody Georges !"
- Moi : "Mais pourquoi the synoptic gospels ?"
- Le Président : "Pour le taquiner … it's just a joke … Georges is an evangelist …"
- Moi : "Evangelist !? … you've been misinformed , Mister President … Mister Marchais
is not an evangelist … he is a communist !"
- Le Président : "Don't believe it !"
- Le Président : "Ah … Desmond … how are you ? … content de vous voir"
- Moi : "Bonjour , Monsieur le Président"
- Le Président : "Comment traduisez-vous en français : synoptic gospels ?"
- Moi : "Évangiles synoptiques , Mister President"
- Le Président . Il entre dans le Bureau Ovale et je continue ma route vers l'incinérateur .
Mais le Président ressort du Bureau et m'interpelle du milieu du couloir : "Desmond ! …
vous ne vous demandez pas pourquoi je vous pose cette question ?"
- Moi ; Je lui fait face à dix mètres , les bras chargés de documents à détruire : "Je ne me
permettrai pas , Mister President ..;"
- Le Président : "Well , Desmond ! … je vais vous dire … je suis à Paris ce soir … je
rencontre Georges …"
- Moi : "Le Président Pompidou , Monsieur le Président"
- Le Président : "Non ! … l'autre … c'est un secret ! … je dîne chez lui"
- Moi : "Quel autre Georges , Monsieur le Président ?"
- Le Président : "Vous savez bien , Desmond ! … le clown … enfin , Desmond ! …
ne m'obligez pas à prononcer son nom ! … c'est infesté de micros ici ! …"
- Moi : "Lui !? …"
- Le Président : "Ah , ah , Desmond … vous y êtes ! … Bloody Georges !"
- Moi : "Mais pourquoi the synoptic gospels ?"
- Le Président : "Pour le taquiner … it's just a joke … Georges is an evangelist …"
- Moi : "Evangelist !? … you've been misinformed , Mister President … Mister Marchais
is not an evangelist … he is a communist !"
- Le Président : "Don't believe it !"
HENOK II
Le père d'Henok , roi du pays d'Henok
et constructeur de la ville d'Henok ,
s'appelait Henok
et le père et le grand-père de cet Henok
s'appelaient Henok .
Il y a fort à parier
que le père de l'arrière-grand-père d'Henok
portait le nom d'Henok
mais les galettes d'argile
exhumées du niveau inférieur du puits de fouilles
ne font pas mention de ce personnage .
On ne parle pas ici de la ville d'Henok
car la strate la plus ancienne de la ville d'Henok
remonte évidemment à Henok
constructeur de la ville .
La ville dont on parle
est la ville où naquit Henok
constructeur de villes .
Elle est la première qui fut jamais construite .
On dit qu'elle fut bâtie
sur l'ancien Eden ,
à l'endroit où - pour garder l'Arbre de Vie
des entreprises de l'Homme -
Dieu planta un glaive fulgurant .
et constructeur de la ville d'Henok ,
s'appelait Henok
et le père et le grand-père de cet Henok
s'appelaient Henok .
Il y a fort à parier
que le père de l'arrière-grand-père d'Henok
portait le nom d'Henok
mais les galettes d'argile
exhumées du niveau inférieur du puits de fouilles
ne font pas mention de ce personnage .
On ne parle pas ici de la ville d'Henok
car la strate la plus ancienne de la ville d'Henok
remonte évidemment à Henok
constructeur de la ville .
La ville dont on parle
est la ville où naquit Henok
constructeur de villes .
Elle est la première qui fut jamais construite .
On dit qu'elle fut bâtie
sur l'ancien Eden ,
à l'endroit où - pour garder l'Arbre de Vie
des entreprises de l'Homme -
Dieu planta un glaive fulgurant .
HENOK I .
Le constructeur de la ville d'Henok
est Henok , constructeur de villes .
Henok donna son nom à la ville d'Henok
ou - si l'on s'en tient à ce que nous disent
les galettes de terre cuite - on donna à Henok ,
en souvenir de ce remarquable constructeur
de villes que fut Henok , le nom d'Henok .
La ville d'Henok est située au nord du pays d'Henok
où régna avant le déluge Henok ,
constructeur de villes et roi d'Henok .
Aujourd'hui , il n'y a plus que la ville d'Henok
pour porter le nom d'Henok .
L'ancien pays d'Henok a perdu le sien
au profit d'autres dynasties
et c'est de nos jours une république .
L'immémoriale Henok , oeuvre d'Henok ,
n'est jamais devenue une ville moderne .
Elle dort dans les vieux sables
avec ses momies et ses secrets .
est Henok , constructeur de villes .
Henok donna son nom à la ville d'Henok
ou - si l'on s'en tient à ce que nous disent
les galettes de terre cuite - on donna à Henok ,
en souvenir de ce remarquable constructeur
de villes que fut Henok , le nom d'Henok .
La ville d'Henok est située au nord du pays d'Henok
où régna avant le déluge Henok ,
constructeur de villes et roi d'Henok .
Aujourd'hui , il n'y a plus que la ville d'Henok
pour porter le nom d'Henok .
L'ancien pays d'Henok a perdu le sien
au profit d'autres dynasties
et c'est de nos jours une république .
L'immémoriale Henok , oeuvre d'Henok ,
n'est jamais devenue une ville moderne .
Elle dort dans les vieux sables
avec ses momies et ses secrets .
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