Un mauvais jour de printemps , un éclat de shrapnel frappa Meslier en plein
front , juste sous la ligne du casque . Nous le ramenâmes dans la tranchée où il
expira . Des brancardiers emmenaient son cadavre à peine tiède . Martial posa
sa main sur mon épaule :
- "Tu sais ce qu'il nous reste à faire …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie …"
- Moi : "…………?…………"
- Martial : "La petite Marie , vieux … elle file au rouet … elle attend Meslier"
Nous profitâmes d'une permission pour nous rendre à Bazoches les Gaillerandes ,
le village natal de Meslier . Il nous fallut changer mille fois de train avant de poser
nos bottes sur le quai minuscule de ce patelin . Nous traversâmes des pâtures encloses
et des vergers en fleurs . Un doux soleil traversait nos capotes .
- Martial tout à trac . Nous n'avions pas ouvert la bouche depuis Châlons : "A quoi
penses-tu ?"
- Moi : "Au paradis terrestre"
Où demeurait Marie ?
- Martial à un berger : "Une petite Marie , mon vieux … environ 18 ans … elle doit
pleurer"
- Le berger : "Marie ? … je ne connais ici qu'une Marie …" . Le gaillard roulait les R :
"Elle est partie … au début de la guerre … elle s'est mariée à un notaire de Châlons …"
- Martial et moi : "…………..??…………"
- Le berger , rigolard : "Dame … elle ne pleure point la petite Marie … elle est riche ,
mon gars !"
Nous reprîmes le chemin de la gare en silence .
- Au bout d'un moment , Martial ; Il ne peut tenir longtemps sa langue : "Tu veux que
je te dise ?"
- Moi . J'avais une boule dans la gorge : "Non"
- Martial : "Je vais pourtant te le dire …"
- Moi : "………….?……….."
- Martial : "Je me plais en enfer …"
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