A l'aube d'un jour de novembre , au moment où Bertin servait le café , un immense
troupeau d'oiseaux passa sur notre tranchée .
- Martial : "Sapristi ! … qu'est-ce que c'est ?"
- Bertin , se démettant de son laconisme naturel : "Des grues cendrées"
- Martial : "Des grues !? … d'où viennent-elles ?"
Tous - comme les fridolins de la cote 137 - nous avions la tête en l'air .
- Bertin : "Elles se rassemblent en Scandinavie , après la période de reproduction"
Le cou cassé et assurant de l'index de la main gauche le couvercle de la cafetière qu'il
tenait de la droite , il suivait des yeux le grandiose bataillon des grues en ordre de vol .
Mais nous et Martial , nous en étions détournés et fixions - bouche bée - cet autre stupé-
fiant spectacle : Bertin alignait plus de deux mots ! . Le capitaine lui-même avait lâché
ses jumelles et elles pendaient au bout de leur dragonne .
- Bertin , en extase : "Elles se donnent rendez-vous sur le lac d'Hornborga … ou celui
de Kvismaren … c'est en Suède , fin octobre … le froid les chasse … elles viennent
chez nous pour passer l'hiver"
- Martial : "Saperlipopette , Bertin !"
- Le capitaine : "Bertin … ça va ?"
- Nous : "Et-oh ! … Bertin !"
- Bertin , revenu sur terre , dans la boue de la tranchée où il allait mourir : "Ben quoi ?"
- Martial : "C'est une conférence que tu nous fais !?"
- Bertin haussa ses modestes épaules et fit faire à sa cafetière , comme pour s'excuser ,
un soubresaut embarrassé : "Bof"
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