dimanche 12 février 2017

CARTE DE VOEUX D'ALBERT À MARIE

    J'ai retrouvé une carte de voeux dans mes archives . Elle était prise en sandwich
entre deux feuilles de calculs . Je ne l'ai jamais envoyée . A l'époque , j'étais obsédé
par la déviation des positions apparentes des étoiles par le soleil et je noircissais des
pages et des pages d'équations .

    Le 31 décembre 1909 , j'étais vraiment très occupé : Marcel Grossmann m'initiait
à la géométrie différentielle dans le salon et , pendant les rares pauses , je discutais
des fonctions invariantes avec David Hilbert dans le fumoir . Déjà , je soupçonnais
que la gravitation atteste la déformation de l'espace-temps , c'est dire si je n'avais pas
la tête à souhaiter une bonne santé pour l'année 1910 , même à quelqu'un que j'aimais .

    Elle s'appelait Marie . C'était une consoeur , une fille pas bête ; une intelligence au-
dessus de la moyenne . Quand nous déjeunions au Reingold sur la Hauptstrasse de
Berlin , elle me parlait chimie . Et comme les quatre vingt dix neuf centièmes de mon
cerveau étaient absorbés par des rêves relativement restreints , le dernier centième
épongeait ses babillages à propos du radium .

    Le 31 décembre 1909 , mes cent milliards de neurones étaient en feu . J'étais sur
le point de tout expliquer ? Ç'aurait été un beau gâchis de perdre le fil pour gribouiller
une carte de voeux d'à peine 55 cm2 !


                                                                                                   A. E

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