Ça fait un an que nous pataugeons devant la cote 137 . On se plaint en haut-lieu
"du peu de mordant de notre régiment" . Cela , nous l'apprenons de notre capitaine
qui nous le rapporte en haussant les épaules .
- Martial , l'oeil noir : "Qui dit ça , mon capitaine ?"
- Le capitaine : "Je ne sais pas , Martial … quelqu'un … en haut-lieu"
- Martial : "En haut-lieu ?"
- Quinart , un jeune campagnard imberbe qui vient d'intégrer notre bataillon :
"Où est-ce , Martial ?"
- Martial . Vague geste du pouce par-dessus son épaule : "Là-bas … derrière"
- Quinart . Il regarde vers l'arrière : "C'est loin d'ici ?"
- Martial : "Ouais … suffisamment loin … là où il y a des parquets en chêne de Hongrie"
- Quinart : "Des parquets ?"
- Le capitaine : "Martial ! … pas de mauvais esprit !"
- Martial : "… des lustres , mon gars … et dans chaque lustre des tas de pampilles …
c'est magnifique … des plafonds en stuc …"
- Quinart : "………..?…………"
- Martial : "Les grandes baies sont ouvertes sur un parc …"
- Le capitaine : "Martial !"
- Martial : "Dans le parc , des arbres centenaires … des magnolias en fleurs … un lilas
blanc haut de sept mètres embaume la terrasse du château …"
- Quinart , le capitaine , la compagnie : "…………………"
- Martial : "Dans le Grand Salon , on a disposé des tables à tréteaux … des nappes brodées"
L'artillerie allemande bombarde ce qui reste de Montrepont . Que reste-t-il à Montrepont ?
Il pleut .
- Martial : "Des serveurs en grande tenue … des coupes en cristal … Krug millésimé …
du brut …"
- Le capitaine : "Martial ! … je vous ordonne de …"
- Martial : "Des colonels , des généraux … des épaulettes dorées … des jolies femmes …
à votre santé ma chère !"
- Nous : "………………."
- Martial : "Une douce brise gonfle les immenses rideaux … un colonel impeccable …
gants blancs … oui , mon général … le régiment de la cote 137 ? … il manque de mordant …"
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