Lorsque je passe sous les templions d'or du Casino Barrière et que je vois mon
reflet dans les immenses miroirs , moi , Augustin Verstraete , gros producteur
d'endives hors sol , je mesure le chemin parcouru .
Les tziganes font de la musique ; les Verstraete du chicon . Ils ne savent faire que ça .
Je me souviens de Willy , mon grand-père , aux semis de mai , comme aux temps
utérins ; et moi , petit gars de douze ans , au volant du Massey-Ferguson de la ferme ,
avec mon père Georges , à l'arrachage des chicorées … cette époque est accomplie .
Aujourd'hui , faut que ça gagne . D'où mon idée du forçage hydroponique . Les
racines de chicorées dans des bains nutritifs , c'est : pas de labours , pas de couches ,
pas de cassage (j'ai une machine automatique) et pas à se les geler dans des champs
pourris . J'affecte mon temps aux statistiques , à l'informatique , à la productique et à
tout ce qui se termine en "tique" .
Avec les restes de mon Babystar , mon père avait fabriqué une petite cariole . Je m'y
serrais avec les endives pendant qu'il démarrait la mobylette et nous allions le jeudi au
marché d'Hazebrouck .
Aujourd'hui j'ai un 4X4 BMW . J'ai divorcé . J'ai un triple pontage , une maîtresse
acariâtre et coûteuse . Mes enfants n'ont qu'une idée : survivre jusqu'à la fin de leurs
jours avec ma fortune et sans rien foutre .
J'ai parcouru un sacré chemin .
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